Tumeurs neuroendocrines du grêle

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Tumeurs neuroendocrines du grêle
Tumeurs neuroendocrines du grêle
Ce référentiel, dont l'utilisation s'effectue sur le fondement des principes déontologiques d'exercice personnel de la
médecine, a été élaboré par un groupe de travail pluridisciplinaire de professionnels des réseaux régionaux de
cancérologie de Lorraine (ONCOLOR), d'Alsace (CAROL) et de Franche-Comté (ONCOLIE), en tenant compte des
recommandations nationales, et conformément aux données acquises de la science au 15 octobre 2015.
Généralités
Le terme de tumeurs neuroendocrines (TNE) remplace les autres dénominations de ces
tumeurs. Les termes de tumeurs carcinoïdes ou de tumeurs endocrines encore très utilisés
ne sont plus recommandés.
Dans son acceptation la plus restreinte, le terme de carcinoïde est réservé actuellement
aux tumeurs neuroendocrines digestives bien différenciées associées à un syndrome
carcinoïde clinique dû à l'hypersécrétion de sérotonine (tumeurs dites fonctionnelles).
Les tumeurs endocrines peuvent se situer dans tout l'appareil digestif, incluant le tube
digestif, le pancréas et le foie.
On distingue les tumeurs fonctionnelles (responsables de symptômes liés à une production
tumorale de peptides ou d'amines) des tumeurs non fonctionnelles (sans symptôme lié à
une production de peptides ou d’amines), les premières nécessitant un traitement
symptomatique spécifique.
L'analyse anatomo-pathologique de la tumeur doit être obtenue (biopsie, chirurgie) avant
tout traitement médical.
Les principaux facteurs de mauvais pronostic sont le caractère peu différencié de la
tumeur, le grade élevé (indice de prolifération, index mitotique) et le stade métastatique.
Tous les dossiers de malades atteints de tumeurs neuroendocrines doivent être discutés en
RCP régionale dans le cadre du réseau national spécifique aux tumeurs neuroendocrines,
RENATEN, agréé par l'INCa.
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Anatomo-pathologie
Classification OMS 2010
Référence
Capella C, Arnold R, Klimstra DS, Klöppel G, Komminoth P, Solcia E World Health Organization Classification of
Tumours.
Neuroendocrine neoplasms of the Small intestine 4th Edition. IARC, Lyon; 2010.
Scoazec JY, Couvelard A (Réseau Tenpath).
Gastroenteropancreatic neuroendocrine tumors: what must the pathologist know and do in 2014?.
Ann Pathol. 2014 ;34:40-50.
La classification OMS 2010 définit trois grades histologiques basés sur l'index de
prolifération. Cette classification des tumeurs neuroendocrines s'applique quelle que soit la
localisation tumorale, même si des spécificités existent en fonction des sites anatomiques
(duodénum et jéjunum proximal / jéjunum distal et iléon).

G1 : index mitotique inférieur à 2 mitoses pour 10 champs x400 et/ou index de
prolifération (Ki67) inférieur ou égal à 2 %.

G2 : index mitotique de 2 à 20 mitoses pour 10 champs x400 et/ou index de
prolifération (Ki67) de 3 % à 20 %.

G3 : index mitotique supérieur à 20 mitoses pour 10 champs x400 et/ou index de
prolifération (Ki67) supérieur à 20 %.
L'évaluation de l'index mitotique nécessite une lecture sur 50 champs x400 (1 champs x
400 = 0,2 mm²). L'index de prolifération se calcule sur 500 à 2000 cellules dans les zones
où le nombre de noyaux marqués est le plus élevé.
Il existe des carcinomes neuroendocrines de grade 3 bien différenciés dont le diagnostic est
difficile et doit faire envisager une relecture par le Réseau National de référence anatomopathologique de prise en charge des Tumeurs neuroEndocrines Malignes Rares Sporadiques
et Héréditaires : TENpath.
Classification TNM du grêle
T

TX : Tumeur non évaluable

T1 : Tumeur envahit la muqueuse ou la sous-muqueuse et T ≤ 1 cm

T2 : Tumeur envahit la musculeuse ou T >1 cm

T3 :

Tumeur envahit le pancréas ou le rétropéritoine (duodénum, ampoule,
jéjunum proximal)


Tumeur envahit la sous-séreuse (iléon, jéjunum distal)
T4 : Tumeur envahit le péritoine ou les organes adjacents
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N&M

N : Ganglions lymphatiques régionaux

NX : Statut non évaluable


N0 absence de métastase ganglionnaire

N1 présence de métastases ganglionnaires
M : Métastases à distance

MX statut non évaluable

M0 absence de métastase à distance

M1 présence de métastases à distance.
Stade
Stade 0
Tis
N0 M0
Stade I
T1
N0 M0
Stade IIA
T2
N0 M0
Stade IIB
T3
N0 M0
Stade IIIA
T4
N0 M0
Stade IIIB
Tout T
N1 M0
Stade IV
Tout T
Tout N M1
Généralités sur les TNE du grêle
Le grêle est la localisation la plus fréquente des tumeurs neuroendocrines digestives avec
l'appendice et elles représentent environ 30 % des tumeurs neuroendocrines digestives.
Elles sont souvent multiples, localement avancées au moment du diagnostic, pouvant être
responsables de symptômes obstructifs. Elles sont parfois associées à un syndrome carcinoïde,
habituellement corrélé à la présence de métastases hépatiques.
Informations minimales pour présenter un
dossier de cancer de TNE du grêle en RCP
Données socio-démographiques.
État général.
Symptômes cliniques ou non (liés à la sécrétion).
Résultats du bilan d'extension tel qu'il est prévu par le référentiel, les explorations biologiques
étant orientées par les données cliniques.
Comorbidités.
Résultat des biopsies (le cas échéant : degré de différenciation et grade histologique).
Comptes-rendus opératoire et anatomo-pathologique avec TNM et grade (si malade déjà opéré).
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TNE du grêle : bilan initial
Stade OMS, signes cliniques (diarrhées, flush), examen clinique (cardiaque)
Ionogramme sanguin, fonction rénale
Chromogranine A (après arrêt des IPP pendant 15 jours)
5 HIAA urinaires sur 24 heures (après régime approprié en fonction du contexte, des prises
médicamenteuses...)
Ne plus réaliser de dosage de la sérotonine (trop de faux positifs)
Échographie cardiaque
Coloscopie (biopsies de la lésion primitive du grêle, recherche de tumeur exocrine associée)
Entéroscanner ± entéroscopie ± biopsies ± vidéocapsule après exclusion d'une sténose (risque
d'incarcération de la capsule)
Scanner thoraco-abdomino-pelvien
IRM hépatique ou scanner hépatique 3D (si métastases résécables)
Imagerie fonctionnelle : scintigraphie à l'octréotide et TEP-18FDOPA pour les tumeurs bien
différenciées, TEP-FDG pour les tumeurs peu différenciées
Biopsie des métastases hépatiques (en l'absence d'histologie de la tumeur primitive, si doute sur
l'origine endocrine des métastases hépatiques)
Scintigraphie osseuse si suspicion de métastase(s) osseuse(s).
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Traitement des TNE du grêle
Stratégie pour les TNE localisées du grêle
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Stratégie pour les TNE métastatiques du grêle
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Traitement systémique
5-Fluorouracile-streptozocine
interféron : 3 M UI / 3 fois par semaine.
L'interféron pégylé pourrait être plus efficace et mieux toléré que l'interféron.
dacarbazine ± 5-FU (LV5FU2-dacarbazine)
ou son analogue, le témozolomide ± 5-FU oral
ou oxaliplatine + 5-FU (FOLFOX)
évérolimus
bévacizumab + capécitabine
5-FU continu ou fluoropyrimidine orale
FOLFOX
XELOX
Transplantation hépatique (indications restreintes).
Suite
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Thésaurus de chimiothérapie
Préambule : le thésaurus de chimiothérapie ci-dessous décrit les protocoles utilisés en cas de
maladie métastatique ou de maladie localement avancée.
TNE bien différenciées du grêle
Référence
Chimioembolisation
En cas de syndrome carcinoïde, prévenir la crise carcinoïdienne par octréotide avant le
geste et 48 h au delà.
Sous anesthésie générale si utilisation de Streptozotocine.
Contre-indications : thrombose portale, insuffisance hépatocellulaire sévère, ictère
rétentionnel, anastomose bilio-digestive ou prothèse biliaire.
Toutes les 8 à 12 semaines jusqu'à stabilisation (minimum 2 cures) ; risque d'insuffisance
hépatique : n'emboliser qu'un lobe à la fois (si envahissement hépatique >60 %).
Choix du produit de chimiothérapie :

Adriamycine (50 mg/m²)

Adriamycine (50 mg) + cisplatine (150 mg)

Streptozotocine (1500 mg/m²)

Particules chargées (doxorubicine)

Hyperhydratation jusqu'au lendemain si cisplatine

ECG si adriamycine.
Références
Ruszniewski P, Rougier P, Roche A, Legmann P et al.
Hepatic arterial chemoembolization in patients with liver metastases of endocrine tumors. A prospective
phase II study in 24 patients.
Cancer 1993; 71: 2624-30.
de Baere T, Deschamps F, Teriitheau C et al.
Transarterial chemoembolization of liver metastases from well differentiated gastroenteropancreatic endocrine
tumors with doxorubicin-eluting beads: preliminary results.
J Vasc Interv Radiol. 2008; 19(6):855-61.
Oberg K, Kvols L, Caplin M et al.
Consensus report on the use of somatostatin analogs for the management of neuroendocrine tumors of the
gastroenteropatic system
Ann Oncol 2004; 15: 966-973.
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Interféron alpha-2b - Interféron alpha-2b pegylé
Interféron alpha 3 à 5 millions d'unités en SC trois fois par semaine.
Références
Faiss S, Pape UF, Bohmig M, Dorffel Y et al.
Prospective, randomized, multicenter trial on the antiproliferative effect of lanreotide, interferon alfa, and
their combination for therapy of metastatic neuroendocrine gastroenteropancreatic tumors -- the
International Lanreotide and Interferon Alfa Study Group.
J Clin Oncol 2003; 21: 2689-96.
Seitz JF, Dahan L, Rougier P, Raoul JL et al.
Preliminary results of a randomized phase III trial comparing streptozotocin plus fluorouracil versus interferon
for metastatic carcinoid tumors (FNCLCC - FFCD 9710).
J Clin Oncol 2006; 24 (18S): 4090.
5FU-streptozotocine
5-Fluorouracile 400 mg/m²/jour en perfusion de 2h de J1 à J5
Streptozocine 500 mg/m²/jour IV de J1 à J5
Reprise du cycle à J36
Recherche de protéinurie des 24h avant chaque cycle de streptozocine
Référence
Moertel CG, Hanley JA.
Combination chemotherapy trials in metastatic carcinoid tumor and the malignant carcinoid syndrome.
Cancer Clin Trials 1979;85:593-6.
Dacarbazine
LV5FU2-dacarbazine
Témozolomide ± 5-FU oral
FOLFOX
Analogue de la somatostatine
Options
Evérolimus (10 mg/j)
5-FU continu ou fluoropyrimidine orale
Chimioembolisation même en cas de métastases extra-hépatiques
GEMOX
FOLFOX
XELOX
Transplantation hépatique
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TNE peu différenciés (grade 3) du grêle ou du pancréas
Référence
Cisplatine-étoposide
Etoposide 100 mg/m²/jour en perfusion de 2h de J1 à J3
Cisplatine 100 mg/m² en perfusion de 2h à J1 (précédée et suivie d'une hyperhydratation)
Reprise du cycle à J22
Références
Sorbye H, Strosberg J, Baudin E, Klimstra DS et al.
Gastroenteropancreatic high-grade neuroendocrine carcinoma.
Cancer. 2014 ;120:2814-23.
Mitry E, Baudin E, Ducreux M, Sabourin JC, Rufié P, Aparicio T et al.
Treatment of poorly differentiated neuroendocrine tumours with etoposide and cisplatin.
Br J Cancer. 1999;81: 1351-5.
Options
Carboplatine-étoposide (CI cisplatine)
Irinotécan-CDDP
FOLFIRI en 2ème ligne ou CI à CDDP-étoposide
XELOX
TNE métastatiques du pancréas
Sunitumib 37,5 mg/jour en continu
Référence
Raymond E, Dahan L, Raoul JL, Bang YJ, et al.
Sunitinib malate for the treatment of pancreatic neuroendocrine tumors.
N Engl J Med. 2011; 364(6):501-13.
Everolimus 10 mg/jour per os
Référence
Yao JC, Shah MH, Ito T et al.
Everolimus versus placebo in patients with advanced pancreatic neurendocrine tumors (pNET) (Radiant-3).
N Engl J Med 2011; 364:514-523.
Oncologik - © Oncolor
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