J`ai de la chance! - Ligue Rein et Santé

Transcription

J`ai de la chance! - Ligue Rein et Santé
Reinechos-n2v1
28/04/07
15:47
Page 27
//// PERSONNEL DE SANTÉ & SOINS
« J’ai de la chance ! »
par Ginette Rousseau
Cela se passe dans mon centre de dialyse et concerne mon voisin le plus proche.
« Vous avez pris quatre kilos ! C’est
beaucoup !
- Mais c’était le week-end, docteur !
- Je sais bien que c’est difficile, mais il
faut faire attention.
- Ecoutez docteur, voudriez-vous avoir
l’amabilité de m’expliquer les dangers
de cette prise de poids, parce que j’ai
commencé la dialyse sans trop de renseignements », énonce M.P. avec grande
courtoisie.
Le médecin gentiment s’assoit, et commence une explication très claire : risques cardiaques, hypertension, œdème
pulmonaire…
« Je renchéris en racontant qu’il m’est
arrivé une nuit de respirer avec peine, de
tousser à chaque inspiration et d’attendre avec angoisse que le matin arrive
pour aller dialyser ce qui m’a apporté du
soulagement. » Dis-je à mon tour, à M.P.
ou…. dit alors GR dialysée à ses côtés.
« Vous avez eu de la chance de ne pas
vous retrouver aux urgences. ! » reprend
la néphrologue
.M.P continue à poser des questions qui
paraissent élémentaires mais qui montrent combien l’information reste pour
lui, encore trop succincte. Le téléphone
sonne, le médecin s’éloigne …
Nous en profitons pour continuer à deviser agréablement avec mon cher voisin, et je l’interroge sur l’histoire de sa
maladie.
« J’ai quatre-vingt-trois ans, et ma maladie est liée à mon âge. Je consultais
régulièrement à Necker. À la fin d’une
consultation, le professeur G. me dit
qu’on allait me garder à l’hôpital, que
j’étais en train de faire un œdème pulmonaire. Surpris, je m’étonnais, en effet je me sentais bien un peu fatigué
dans le bus qui me menait à l’hôpital,
mais j’attribuais cela à l’âge…
Aussitôt branle-bas de combat me concernant : prise en charge, puis dialyse
rapide, heureusement la fistule avait
été préparée un an auparavant. On me
montra un film sur la dialyse, très bien
fait, et en route pour trois séances par
semaine !
Elle est charmante cette néphrologue,
mais je n’ai pas osé lui dire le fond de ma
pensée. J’ai quatre-vingt-trois ans, et j’ai
beaucoup de chance.J’ai de fait la chance
d’arriver si tardivement en dialyse,ce qui
m’a permis d’exercer mon activité professionnelle jusqu’à soixante-dix ans et
de continuer à voyager. J’ai également
la chance de dialyser à cinq minutes à
pied de chez moi, ce qui m’évite les contraintes de transport. J’ai la chance d’être entouré par ma famille sans les ennuyer avec mon problème de santé …Et
en plus j’ai la chance de vivre … »
Devant mon étonnement il précise :
« J’ai fait la guerre, j’ai été déporté, j’en
suis revenu, j’aurais dû mourir à vingttrois ans ; chaque année qui passe est
pour moi une bénédiction! Je suis dialysé,
je prends cela avec philosophie…
Alors vous comprenez que de prendre
quatre kilos dans un week-end !.. »
Bel exemple d’optimisme !
Vivre âgé en dialyse et bien que l’on
meure très rarement d’IRCT, mais plus
souvent des complications qui lui sont
liées, ne rassure pas toujours. Relativiser n’est pas donné à tout le monde…
Les plus optimistes sont parfois les
plus estropiés dans les centres lourds,
c’est dire l’importance d’un accompagnement psychologique et d’IDE à la hauteur du problème éthique concernant
l’accompagnement des dialysés âgés.
Cela fera donc l’objet d’articles dans
de futurs numéros de Rein-échos, en
effet, si nos lecteurs partagent les
mêmes problèmes (une maladie
chronique dont on ne guérit pas), nous
n’ignorons pas les problèmes qui
concernent les plus jeunes, comme
ceux qui concernent particulièrement
les plus âgés d’entre nous. ■
Nous avons reçu
également ce courrier :
« Je viens de lire avec intérêt Rein-échos
n° 1. Depuis mai 2005 je suis dialysé trois
fois quatre heures par semaine.
Seul dans la vie, 80 ans ?, épouse avec
Alzheimer décédée en janvier 1996, comment finirait ma vie si je cessais ce traitement et éviter ainsi la décrépitude et
les dégradations physiques (œdème –
étouffement – embonpoint énorme,
survie de deux semaines).
Je comprends parfaitement que cette
éventualité ne soit pas l’objet d’un article dans cette revue.
Avec mes remerciements.
Bien à vous, signé P.V. »
Reins-Échos n°2 /// 27