Prospections radar (GPR) et électrostatique (MPU)

Transcription

Prospections radar (GPR) et électrostatique (MPU)
Prospections radar (GPR) et électrostatique (MPU) pour la
reconnaissance d’une pollution en métaux dissous sur une
friche industrielle à Leuze, Belgique
John DECEUSTER1 & *, Roger GUÉRIN2, Fayçal REJIBA2, Olivier KAUFMANN1
1
Service de Géologie Fondamentale et Appliquée, Faculté Polytechnique de Mons, 9 Rue de Houdain, 7000
Mons, Belgique
2
UMR 7619 Sisyphe, Université Pierre et Marie Curie (Paris 6), France
* email : [email protected], tél. : 32 (0)65 37 46 13
Abstract
Geophysical experiments were conducted inside the main hangar of an old dyeing plant at
Leuze-en-Hainaut in Belgium to locate suspected buried tinting tanks and to delineate a
dissolved metal contamination of soils. A GPR survey with two antennas and an electrostatic
(MPU) survey were carried out on parallel profiles to map soil properties at shallow depths
(from 0 to 1.5 m). The GPR sections showed a zone of higher attenuation which corresponds
to a zone of low apparent resistivities. This zone is located downstream a borehole where soil
samples analyses showed the presence of dissolved metals. GPR timeslices interpretation also
showed three rectangular structures correlated with the electrical resistivity map obtained with
the MPU survey. They are suspected to be the buried tinting tanks which are contamination
sources.
Introduction
En Région Wallonne de Belgique, le développement industriel a connu un essor important
depuis le début du 20ème siècle et jusqu’à la fin des années 1980. Actuellement, la gestion des
sites d’activité économique désaffectés (SAED) ou friches industrielles est l’un des problèmes
majeurs auxquels doivent faire face les pouvoirs publics. En effet, de nombreux sites ont été
laissés à l’abandon lors de l’arrêt de la production et les pollutions y sont souvent nombreuses
et variées.
Dans ce contexte, les méthodes géophysiques peuvent apporter des informations utiles à la
caractérisation du sous-sol des sites pollués et à la mise en évidence des chemins de migration
préférentiels (fondations, chenaux…). Elles peuvent aussi aider à repérer des objets enfouis
(cuves, réservoirs…) suspectés d’être les sources des pollutions des sols et des eaux
souterraines. Toutefois, les contraintes telles que les bruits, champs électriques, structures
métalliques, dalles de béton,… limitent les mesures géophysiques réalisables.
Deux campagnes de mesures expérimentales (radar géologique et prospection électrostatique)
ont été réalisées sur le site d’une ancienne usine de teinturerie et de bobinage située à Leuze
en Belgique. Ces essais ont été effectués afin d’évaluer le potentiel de ces méthodes pour
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reconnaître une zone polluée en métaux dissous et pour détecter la présence de cuves
enterrées, sources probables de la contamination. Ces cuves sont de nature inconnue et les
conditions d’occupation du terrain (structures métalliques du hangar et présence d’un béton
armé) limitent les investigations géophysiques envisageables sur ce site.
Description du site et du contexte géologique
L’usine de teinturerie et de bobinage a arrêté ses activités au début des années 90. Après la
fermeture, les bâtiments ont été occupés par une société de triage des déchets électroniques
jusqu’en 2003. Depuis lors, les bâtiments sont laissés à l’abandon. Le sol du hangar principal
de la teinturerie est recouvert en partie par du carrelage et en partie par une dalle de béton
(voir figure 1).
Figure 1 : Plan des bâtiments et localisation du forage contaminé. Implantation des profils géophysiques en bleu
(1 sur 4 de représentés) et localisation des zones couvertes par du béton (en gris) et par du carrelage (en jaune)
A la fin de l’année 2002, une étude de caractérisation a été réalisée par la SPAQuE s.a.
(Société Publique d’Aide à la Qualité de l’Environnement) en charge de la gestion des sites
pollués en Région Wallonne de Belgique. Treize forages courts et dix piézomètres ont été
réalisés sur le site. Ces essais ont montré l’existence de remblais en surface dont l’épaisseur
varie de 30 cm à 1,7 m. Ceux-ci surmontent des limons moyennement sableux. Le niveau de
la nappe est situé à environ 2,4 m sous la surface du sol.
Lors de cette étude, des échantillons de sol et d’eau ont été analysés. Ils ont révélés la
présence d’une pollution sévère en métaux dissous (Al : 39000 µg/l, Ca : 470000 µg/l, Fe :
52000 µg/l et Mg : 54000 µg/l) et en métaux lourds (Pb : 58 µg/l, Ni : 97 µg/l, Cr : 92 µg/l,
Ti : 480 µg/l, Va : 120 µg/l et Mn : 1500 µg/l) au niveau des sols et de l’eau souterraine au
droit d’un forage dans le hangar principal (voir figure 1).
En outre, l’étude historique indique la présence potentielle de trois cuves enfouies à même le
sol et de dimensions approximatives 2 m x 2 m x 2 m. Cependant, actuellement, aucun indice
de la présence de ces cuves n’est visible sur le site.
Acquisition des données radar et électrostatique
Afin de détecter la présence de ces cuves et de délimiter la zone polluée en métaux dissous et
lourds, deux prospections géophysiques ont été testées sur toute la surface intérieure du
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hangar principal. Etant données les conditions d’occupation du site, les méthodes retenues
sont les prospections radar et électrostatique.
Les mesures ont été réalisées avec ces deux méthodes le long de 52 profils parallèles espacés
de 50 cm. Quatre zones ont été définies sur base du type de finition des sols (dalle de béton ou
carrelage) comme indiqué sur la figure 1. Dans ce papier, nous détaillerons les résultats
obtenus dans la zone A, située près du mur Est du hangar (encadrée en vert sur la figure 1).
La méthode radar est basée sur la propagation des ondes électromagnétiques dans le sol. Les
données radar ont été acquises avec deux antennes blindées de fréquence centrale
respectivement 250 et 500 MHz. La distance entre les antennes est constante (constant offset)
le long de chaque profil. La distance entre chaque trace le long d’un profil est de 2 cm. Le
système d’acquisition utilisé est le RAMAC X3M (Malå Geoscience). Les différents
traitements du signal 2D et 3D ont été réalisés dans ReflexW (Sandmeier).
Les mesures électrostatiques ont été réalisées avec le système MPU ou MultiPole Urbain
(Camerlynck et al., 2004) développé à l’UMR 7619 Sisyphe (Université Pierre et Marie
Curie, Paris 6). Le long de chaque profil, une mesure de la résistivité apparente a été réalisée
tous les 20 cm. Les électrodes capacitives sont placées selon une disposition appelée en "Vol
de canard". Cette configuration permet d’investiguer le sous-sol dans les tranches allant de 0 à
50 cm et de 0 à 1 m. La méthode électrostatique est l’équivalent de la méthode électrique à la
différence que le contact n’est pas galvanique mais capacitif. Ainsi, des traitements identiques
peuvent être réalisés sur les mesures de la résistivité électrique apparente (Tabbagh et al.,
2002).
Résultats et interprétations
La figure 2 montre les sections radar réalisées le long du profil n°3 (voir figure 1) avec les
antennes 250 et 500 MHz respectivement. La section à 250 MHz présente plusieurs
hyperboles de diffraction relativement bien marquées. Celles-ci se retrouvent également sur
des profils successifs. Elles permettent de mettre en évidence la présence d’objets linéaires.
Une zone de plus forte atténuation des ondes radar apparaît en profondeur sur la section à
500 MHz (zone Z1 en vert sur la figure 2) et se répète sur les profils successifs de la zone A.
Elle est située à l’aval hydrogéologique du forage pollué en métaux dissous et lourds. Cette
atténuation peut être liée soit à des variations de la lithologie (teneur en eau, composante
argileuse…), soit à une augmentation de la conductivité liée à la présence des polluants.
Figure 2 : Sections radar réalisées avec les antennes blindées 250 et 500 MHz respectivement
En outre, cette section met en évidence la présence de résonances (encadrée en rouge sur la
figure 2). Celles-ci sont liées à la présence de vides sous la dalle de béton ou de décollement
de celle-ci par rapport au sol.
L’analyse 3D des sections réalisées sur la zone A avec l’antenne blindée 250 MHz permet
d’identifier trois structures rectangulaires (encadrées en pointillés verts sur la figure 3). Ces
structures sont de dimensions ~3 m x ~5 m. Elles correspondent probablement à la signature
radar des cuves de teinturerie enfouies qui sont suspectées d’être les sources de la pollution.
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Figure 3 : Timeslice de la zone A à 23 ns (profondeur ~ 87 cm, v = 0,075 m/ns) avec l’antenne 250 MHz
La figure 4 montre une carte des résistivités électriques apparentes mesurées avec le MPU sur
la zone A. Celle-ci correspond à la tranche de sol située entre 0 et 50 cm. Des faibles
résistivités <75 Ω.m (en bleu) sont présentes dans la zone où la prospection radar indique la
présence des cuves de teinturerie. En outre, cette zone de faible résistivité (encadrée en
pointillés noirs sur la figure 4) coïncide avec la zone de plus forte atténuation du signal radar.
Ceci conforte l’interprétation et semble confirmer la présence d’une pollution en métaux
dissous et lourds dans cette zone.
Figure 4 : Carte des résistivités électriques apparentes correspondante à la tranche de sol située entre 0 et 50 cm
Conclusions et perspectives
Les données radar montrent l’existence de structures rectangulaires interprétées comme les
cuves de teinturerie. De plus, elles mettent en évidence une zone de plus forte atténuation des
ondes électromagnétiques. Cette zone correspond à de faibles résistivités électriques
apparentes, mesurées avec le MPU, probablement liée à la présence des métaux dissous et
lourds dans les sols. Ainsi, les données radar et électrostatique semblent bien corrélées. Des
investigations directes (forages peu profonds, analyses d’échantillons et/ou décapage) seront
réalisés afin de confronter les interprétations et d’identifier des signatures caractéristiques.
Remerciements
Ces travaux ont été financés par la Faculté Polytechnique de Mons et par la SPAQuE s.a.
(Société Publique d’aide à la Qualité de l’Environnement) responsable de la gestion des sites
pollués en Région Wallonne de Belgique. Ces derniers ont fourni l’accès au site et l’ensemble
des informations relatives aux données historiques et géotechniques. Nous remercions M. C.
Barcella de l’a.s.b.l. GREN et MM. S. Flageul et J.P. Pencolé de l’UMR 7619 Sisyphe pour
leur aide lors de l’acquisition des mesures sur le terrain, ainsi que Mme J. Tabbagh pour les
codes d’acquisition et de traitement des données électrostatiques.
Bibliographie
Camerlynck C., Cosenza P., Flageul S., Guérin R., Rejiba F. & Tabbagh A., 2004. Résistivité et eau en
milieu urbain: utilisation de la méthode électrostatique. Journées AGAP 2004, Lyon.
Deceuster J. & Kaufmann O., 2005. GPR mapping of a dissolved metals plume inside an old dyeing
plant at Leuze, Belgium. Near Surface 2005, Palerme (Italie).
Tabbagh A., Panissod C., Benech C., Dabas M., Jolivet A. & Guérin R., 2002. Un outil de
reconnaissance géophysique en milieu urbain : la prospection électrostatique. Revue Française
de Géotechnique, 101, 3-10.
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