istoire de l`huître et de l`enfant

co n te S et patrimoi n e
Histoire de l’huître et de l’enfant
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A marée basse, lorsque tous les rochers sont découverts et font naître un nouveau
paysage, l’enfant, tout à la joie d’explorer de nouveaux rivages, part à la rencontre
d’imaginaires trésors. Il fait de chaque coquillage un vrai personnage avec lequel il
partage son regard étonné sur les merveilles qui l’entourent.
Il entend monter du fond des océans le refrain du bonheur, la musique du va et vient de
la mer emplit son cœur. Il est alors au diapason pour écouter tous les secrets de la mer.
Et c’est une immense et belle huître, toute revêtue d’un grand drapé blanc et nacré, aux
mille couleurs de l’arc-en-ciel, qui scintille de reflets irisés, qui s’adresse, majestueusement à lui. « Vois comme la mer est belle, mon enfant, et généreuse de bienfaits ! ».
Et dans un éclat de rire pétillant comme des bulles de mousse au contact de l’air, elle
énonce les grandes vérités du monde : « De la pluie qui tombe du ciel, qui désaltère
la terre et grossit les rivières, je puise ma force de vie, ma nourriture ». L’Enfant, ravi,
lui demande : « Est-ce que tu te nourris seulement de l’eau de mer ? » et l’Huître lui
explique : « Oui, car elle comporte d’invisibles créatures - le plancton - que je filtre
grâce à mes branchies et qui m’apportent la vie, comme aux coquilles Saint-Jacques, aux moules, aux palourdes
et à tous les autres coquillages qu’apprécient tant les Hommes ». L’Huître poursuit son récit : « Les saumons se
nourrissent de krill et de calamars et nagent vers les mers du Nord, guidés par l’Etoile polaire, puis reviennent se
reproduire dans la rivière, dans les méandres chevelus, protégés à l’ombre des grandes frondaisons de la forêt de
hêtres. As-tu remarqué que la couleur de leur peau ressemblait à celle de l’écorce de ces arbres ? » et elle raconte
encore : « Je vois chaque année passer devant moi un cortège de fines larves d’anguilles, transparentes et fragiles,
comme des flocons de neige, infatigables voyageuses portées par les courants, les vents et les tempêtes, qui se
transforment en grands serpents aux dents acérés, dorés puis argentés, comme l’écume de la mer. Elles se faufilent
dans les bras des rivières pour y prendre des forces pour accomplir leur long périple vers les mers du Sud. Elles
sont aujourd’hui en voie de disparition, en raison de la pollution des cours d’eau par les activités humaines, de
la disparition des prés gorgés d’eau, et du changement du temps et des courants. Ce sont de vraies sentinelles des
océans et, pour toi aussi, mon Enfant ». Dans une respiration d’onde, l’Huître achève son histoire : « La mer désire
la forêt et la forêt aime la mer : entre terre et mer, eau et rivières, voilà la source de toute vie. Le spectacle des
beautés de la nature nous renvoie à l’image de notre insondable mystère : as-tu remarqué comme les couleurs des
plantes et des animaux correspondent les unes avec les autres, hymne à la vie, poème de la lumière ! ». L’Enfant
écoute avec son cœur et se sent heureux...
Véronique Michel Gicquel
En hommage à M. Hatakeyama Shigeatsu, auteur du livre pour enfants, « Papy Huître et Shigébo », pour sa
contribution aux échanges entre ostréiculteurs japonais et cancalais, dans le cadre de l’opération de solidarité
entre la Région Bretagne et la Région de Sendai, suite au tsunami de 2011.
M. Hatakeyama Shigeatsu est ostréiculteur dans la baie de Kesennuma au Nord du Japon et a entrepris en 1989
le reboisement des montagnes avec pour devise : « La forêt est fiancée à la mer ». Il est également professeur
au Centre de Pédagogie et de Recherche en Sciences du Terrain à l’Université de Kyôto et lauréat de l’ONU avec
le titre de Héros de la forêt 2012. Ayant perdu l’intégralité de ses installations dans le grand tremblement de
terre du Kantô et du Tôhoku, il a entrepris la reconstruction de son élevage en étant soutenu par de nombreux
pêcheurs, mytiliculteurs et ostréiculteurs bretons. M. Hatakeyama Shigeatsu a également présenté son expérience
à l’INRA, lors d’un colloque sur les milieux aquatiques le 2 octobre dernier à Rennes.
Eau & Rivières Janvier 2013 n° 162 - 9