L`analyse de cycle de vie des matériaux en rénovation

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L`analyse de cycle de vie des matériaux en rénovation
ÉNERGIE
TEXTE : Sylvie Reversez
PHOTOS : Homeco
L’analyse de cycle de vie
des matériaux en rénovation
L’analyse de cycle de vie – ou ACV –
complète les analyses de performance
énergétique qui touchent le monde de
la construction et de la rénovation depuis
quelques années. Homeco a réalisé
l’expérience dans le cadre du projet 55.
L’occasion pour Je vais Construire &
Rénover de se pencher sur cette question.
JevaisConstruire & Rénover • mars 2015
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ÉNERGIE
Fabrication
Extraction
matières
premières
Transport
Fin de vie
Mise en oeuvre
Qu’est-ce qu’une ACV?
L’ACV donne une vision globale de la durabilité d’une construction ou d’une rénovation et guide le choix des matériaux
pour alléger l’impact environnemental
des travaux. Ses résultats peuvent faire
ouvrir les yeux sur les avantages directs
d’un type d’isolant (ses performances) et
son bilan de fabrication énergivore ou
l’impossibilité de le recycler. Une ACV permet donc de peser le pour et le contre
dans les possibilités constructives, et de
choisir les matériaux et associations de
matériaux en connaissance de cause.
Selon la norme européenne, « l’analyse de
cycle de vie traite les aspects environnementaux et les impacts environnementaux potentiels tout au long du cycle de
vie d’un produit, de l’acquisition des matières premières à sa production, son utilisation, son traitement en fin de vie, son
recyclage et sa mise au rebut » (ISO
14040 : 2006). En d’autres mots, une ACV
définit l’impact sur l’environnement des
matériaux choisis, pour toutes les phases
du cycle de vie d’un bâtiment. Ses résultats aident à déterminer les matériaux
qui participent à une réduction de la
consommation d’énergie et de ressources, avec un faible impact sur l’environnement et la santé humaine.
Pourquoi faire une ACV?
Dans une logique de construire mieux et
plus durablement, les efforts mis en place
pour augmenter les performances énergétiques des bâtiments ne suffisent pas.
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Comment réaliser une ACV?
Comment quantifier et décrire l’impact
environnemental d’un matériau ? Face à
cette question ambitieuse, différents outils ont vu le jour. Ils sont plus ou moins
complets et fiables selon leur source et les
critères d’analyse utilisés. Au stade actuel
des choses, chaque pays a élaboré son
propre système, ce qui peut parfois donner lieu à des résultats différents pour un
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même matériau. Une uniformisation des
méthodes à l’échelle européenne est en
cours et devrait aboutir dans les prochaines années.
Les labels et les déclarations environnementales de produits
Les labels ou déclarations environnementales de type I
Les labels sont délivrés par les instances
publiques ou par des organismes indépendants. Cet outil convient pour des
produits finaux comme des peintures ou
des revêtements de sol. En fonction du
label, certains critères (impact sur la
santé...) sont valorisés par rapport à d’autres. Les labels ne permettent pas d’analyser des combinaisons de matériaux ; l’information reste donc partielle.
Pour plus d’informations sur les labels :
www.infolabel.be
Les déclarations environnementales
de type II
Elles sont créées directement par les fabricants des produits, sans vérification par
un organisme indépendant. Elles sont
également souvent établies sur un nombre restreint de critères d’évaluation, ce
qui rend leur résultat incomplet.
Les déclarations environnementales
de type III
Ce type de déclaration est plus complet,
donc plus fiable. Les déclarations environnementales de produit de type III se présentent sous la forme de fiches informatives EPD (Environnemental Product Declaration) et reprennent des informations détaillées, quantitatives et avérées sur les
aspects environnementaux et sanitaires
des produits. Ces informations sont fournies par le producteur ou le distributeur
du produit, sur base volontaire, et sont
contrôlées par un tiers indépendant.
Les outils de classification
Ces outils sont répandus et faciles à utiliser. Les critères d’analyse sont multiples et
aboutissent à un résultat unique, via un
système de pondération accordé aux critères. Les matériaux et compositions de ➤
Quelques exemples de labels concernant
les matériaux de construction.
Le cas du projet 55
Dans le cadre de leur projet de rénovation zéro
énergie, les ingénieurs architectes d’Homeco ont
réalisé une ACV des solutions envisagées. Exercice
fait, il s’avère que les réflexions ont dépassé le cadre
de l’analyse et que les choix retenus apportent de
plus un confort accru pour les utilisateurs du bâtiment. Elie Delvigne nous donne son retour sur cette
expérience.
« En construction et en rénovation, réduire sa
consommation d’énergie est un sujet d’actualité de
premier plan. La hausse du prix des énergies fossiles
engendre une prise de “ conscience économique ”
de la part du public. La “conscience environnementale”, qui a pour but de réduire les émissions de gaz
à effet de serre (GES), vient très généralement en second lieu», commente l’ingénieur architecte. «Notre
objectif de produire une rénovation exemplaire
nous obligeait à aller plus loin que les seuls aspects
économiques et énergétiques. En effet, un bâtiment
passif entièrement à base d’isolants d’origine pétrochimique est-il vraiment exemplaire ? » Et de continuer : « L’analyse ACV nous a permis d’intégrer cette
dimension environnementale dans nos réflexions.
Ce fut très intéressant et instructif de pouvoir comparer des isolants (polyuréthane, cellulose, fibre de
bois...), des finitions (OSB, plaques de plâtre...), des
enduits (minéraux, à la chaux, à l’argile...), etc. Ces
études sont utiles dans le cas présent mais serviront
également de base de travail pour nos futurs projets.
En effet, l’objectif est de pouvoir faire bénéficier nos
clients de ce savoir-faire acquis. » Pour Homeco, le
bénéfice de l’ACV ne s’arrête pas là : « Nos recherches sur les caractéristiques de certains matériaux
nous ont permis d’identifier d’autres avantages que
le seul fait d’être un faible émetteur de GES. Les matériaux naturels présentent une très bonne résistance
à la surchauffe en été, régulent mieux le taux d’humidité dans les pièces, n’émettent aucun rejet à l’intérieur du bâtiment lors de son occupation, etc. Ils
agissent donc également sur le confort et l’aspect
sanitaire. » Elie Delvigne conclut : « L’AVC est un outil
supplémentaire pour atteindre la durabilité dans la
construction. Même si les résultats sont parfois relatifs
ou incomplets – surtout dans le cadre d’une rénovation –, ils constituent de bons indicateurs pour avoir
un regard réaliste sur notre façon de construire.
Nous pensons que l’argument environnemental ne
doit pas être le seul critère de choix d’un matériau
mais qu’il doit en faire partie. Il ne faut donc pas être
“ extrémiste ” dans les décisions. Par exemple, dans
notre projet, l’isolant de la dalle de sol est une
chape en polyuréthane. Pour les autres parois, les
isolants choisis sont la cellulose et la fibre de bois.»
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parois peuvent ainsi être comparés entre
eux. En Belgique, l’outil NIBE, développé
aux Pays-Bas, est assez répandu. D’autres
pays, comme la Suisse, le Royaume-Uni
ou l’Autriche, ont eux aussi créé un outil
de classification national. Le système a
pour désavantage d’être peu transparent
par rapport aux critères employés. Le résultat unique est difficilement appréhendable.
Organiser un chantier vert et gérer les déchets
Si l’on pousse plus loin le raisonnement de la durabilité d’un bâtiment,
tout au long de sa vie, la période de chantier et la gestion des déchets de construction doivent aussi être prises en considération. Nuisances sonores, transports, impact sur la qualité du sol, émissions de
gaz, consommations d’énergie et d’eau, production de déchets, tous
ces facteurs peuvent être analysés pour en réduire ou en supprimer
les effets négatifs. Pratiquement, le bureau Homeco a prévu différentes actions visant un chantier vert pour
le projet 55. Parmi celles-ci, retenons :
le choix de la préfabrication de certains éléments (réduction des nuisances et de la durée du chantier), la simplification des volumes et des détails
de construction, et la valorisation des
déchets de construction par le réemploi, le recyclage ou la valorisation
énergétique quand le recyclage n’est
pas possible. Autant de réflexes à acquérir lors de vos projets de construction ou de rénovation!
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Les outils d’évaluation
Ces outils, souvent présents sous forme
de logiciels, sont considérés comme les
plus intéressants et les plus complets par
le magazine be.passive, spécialisé dans le
standard passif en Belgique. Selon ce magazine, les résultats offrent une vision globale de la qualité environnementale, et
ce, à l’échelle du bâtiment. Les critères
d’évaluation sont cohérents et très nombreux, et prennent appui sur différentes
bases de données. En Belgique, la plateforme Maison Passive a mis sur pied le logiciel en ligne Be.Global, à destination des
professionnels de la construction.
Que retenir ?
Les ACV sont complexes et en constante
évolution. Une harmonisation européenne, la prise en compte de critères détaillés
et cohérents, l’indépendance des résultats vis-à-vis des fabricants donneront des
résultats de plus en plus pertinents. Ce
travail en cours, même imparfait, doit intégrer les autres composantes liées au bâtiment durable, telles que l’isolation, les
performances énergétiques, le coût, etc.
L’objectif est de donner une image globale et réaliste, à l’échelle du bâtiment, de la
durabilité des travaux entrepris. ■

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