en savoir plus - L`écran de Saint Denis
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Lettres d’amour après la fin du monde Himizu, titre de l’avant-dernier film de Sion Sono, signifie en Japonais “la taupe”. Comme cet animal obstiné et souvent mal aimé, Sono passa une partie de sa carrière dans les zones underground du cinéma japonais, creusant patiemment son chemin, avant de connaître le succès dans son pays et les honneurs des festivals internationaux. Dans les années 90, perpétuant la tradition d’artistes multimédias comme Shuji Terayama, il se fit agitateur punk, investissant les rues de Tokyo pour des performances absurdes. Outre des sagas mystiques et érotiques de quatre heures (Love Exposure, 2008), ce génie tous azimuts tourna des films d’auteur minimalistes (The Room, 1992), des séries B à la violence délirante (Suicide Club, 2002) ou encore des fictions d’avantgarde (Into a Dream, 2005)… Avec Guilty of Romance (2011), Himizu (2011) et The Land of Hope (2012), sans rien renier de sa sauvagerie et de son romantisme flamboyant, Sono passa du culte à la reconnaissance internationale. Aussi diverses que soient les catégories qu’il aborde, son cinéma entretient un lien puissant avec l’identité du Japon, qu’il s’agisse de l’urbanisme, de la nature, ou bien de forces occultes telles que le fanatisme religieux ou les suicides de masse. Si Guilty of Romance, mélodrame cruel, influencé par Sade et Bataille, représente la dimension ésotérique de son cinéma, Himizu et The Land of Hope ont quant à eux une origine très concrète et documentaire : le 11 mars 2011. Lorsque le tsunami ravagea le nord du Japon, l’écriture d’Himizu était achevée. Le film ne pouvait pas rester comme un territoire clos et préservé, et Sono décida d’y intégrer la catastrophe. La petite communauté qui tente de survivre aux abords d’un fleuve fut d’abord victime d’un désastre antérieur: la crise économique précipitant un monde de boue, de bidonvilles où les rapports humains se résument à la violence. Le tremblement de terre devient alors l’ultime manifestation de cette folie suicidaire. La civilisation est mise à terre et il n’en reste plus rien sinon des ruines que Sono parcourt en de longs travellings funèbres. Quels choix s’offrent à l’humanité : se supprimer ? Devenir un fantôme hurlant dans les décombres? Retourner à l’état sauvage? Ou, pour les jeunes amoureux, croire encore en la possibilité d’une société? Second volet de ce que Sono nomme la « Trilogie du chaos », The Land of Hope apporte quelques éléments de réponse. S’il se situe après un séisme et une catastrophe nucléaire, il ne s’agit pas du 11 mars mais d’un événement postérieur. Fukushima n’aura donc pas servi de leçon: les informations sont tout autant mensongères et la zone interdite délimitée de façon également arbitraire. La catastrophe a empoisonné l’air et modifié, de façon invisible, la réalité. La jeune femme refusant de quitter sa combinaison antiradiation à l’intérieur d’une ville non contaminée semble davantage censée que paranoïaque. Sion Sono s’inscrit ici dans un des courants fondateurs du cinéma japonais: le film de famille. Rien de conservateur pourtant: la famille devient une force primitive et magique, opposée aux éléments déréglés et aux gouvernements corrompus. Les plus jeunes traversent les ruines et rencontrent les fantômes d’enfants perdus. Le fils et sa femme enceinte ont beau fuir la région, la peur (c’està-dire la connaissance de la vérité) ne les lâche pas. Mais les vrais héros de The Land of Hope sont les parents, ces vieux fous que l’on a déjà croisés chez Ozu, qui refusent d’abandonner leur maison. Au cœur de la zone interdite, ils dessinent leur propre territoire d’amour et de magie. Leur pays, qui n’appartient plus à aucun gouvernement, est bien celui de l’espoir. /// écran 1 Séance en partenariat avec Vertigo présentée par Stéphane du Mesnildot, critique aux Cahiers du cinéma et à Vertigo HIMIZU DE SION SONO JAPON/2011/COULEUR/2H09/VOSTF/DCP/INÉDIT D’APRÈS LE MANGA ÉPONYME DE MINORU FURUYA AVEC SHÔTA SOMETANI, FUMI NIKAIDÔ, TETSU WATANABE, MITSURU FUKIKOSHI Un jeune garçon vit aux abords d’un fleuve, parmi une petite communauté de SDF. Dans un monde ravagé par le tsunami du 11 mars, il devra affronter un père violent mais aussi accepter l’amour que lui porte une lycéenne romantique.