mercredi 21 février 2007 L`apprentissage à 14 ans : "Non Madame

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mercredi 21 février 2007 L`apprentissage à 14 ans : "Non Madame
mercredi 21 février 2007
L'apprentissage à 14 ans : "Non Madame !"
"Avez-vous dans votre famille - moi c'est mon cas - un enfant de 14 ans ? Est-ce qu'un enfant
de 14 ans, on va le mettre en apprentissage ? Non, Madame !"
En se prononçant contre l'apprentissage dès 14 ans, Ségolène Royal hypothèque clairement
l'avenir d'une des mesures phares de la loi pour l'égalité des chances du 31 mars 2006. "Je ne
pense pas que ce soit une bonne mesure", a déclaré Mme Royal. "La scolarité obligatoire est
un progrès de la République, il faut absolument tenir bon sur les progrès fondamentaux et ne
jamais en rabattre sur des progrès sociaux qui ont demandé beaucoup d'énergie, beaucoup de
courage, beaucoup de service public. "
Annoncée, le 7 novembre 2005, par le premier ministre Dominique de Villepin, pendant la
crise des banlieues, la proposition de ramener de 16 à 14 ans l'âge minimum pour
l'apprentissage avait déclenché une levée de boucliers des parents d'élèves et des enseignants
qui y voyaient un enterrement de première classe du collège unique et la fin de la scolarité
obligatoire jusqu'à 16 ans. En France, l'école jusqu'à 16 ans date d'une ordonnance du 6
janvier 1959 prolongeant de deux ans l'âge butoir instauré dans les années 1920. Auparavant
encore, depuis la loi Jules Ferry de 1882, l'école était obligatoire de 6 ans à 13 ans. Les
entreprises, inquiètes que cette mesure ne dévalorise davantage la voie de l'apprentissage,
n'avaient pas non plus manifesté un grand enthousiasme.
MISE EN PLACE POUSSIVE
Face au tollé, le gouvernement avait fait le choix d'un parcours en alternance baptisé
"apprentissage junior". Ouvert aux jeunes dès 14 ans, ce dispositif permet aux jeunes , après
une année "d'initiation aux métiers" où ils restent sous statut scolaire, de signer un véritable
contrat d'apprentissage à 15 ans.
Un an après sa mise en place, le gouvernement a été obligé d'admettre que la mise en place de
la mesure a été poussive. Loin de l'objectif de 20 000, l'apprentissage junior a attiré à la
rentrée 2006, seulement 12 000 élèves dont 10 000 proviennent en réalité de la transformation
de dispositifs existants de préapprentissage. Les créations ex-nihilo ne dépassent pas les 2 000
places.
Confronté au refus des régions, en majorité socialistes , et qui sont partie prenantes dans le
financement de l'apprentissage, le gouvernement s'est aussi heurté à des difficultés techniques.
La sortie tardive des décrets, n'a pas permis de caler toutes les dispositions prévues par la loi.
Le développement du dispositif a aussi été entravé par l'incapacité des centres de formation
d'apprentis et des lycées professionnels d'accueillir un surplus d'élèves. En lycée notamment,
l'ouverture aux apprentis ne pouvait se faire qu'au détriment d'autres formations, de type CAP
ou BEP. Une contradiction qui a limité mécaniquement le développement des apprentis junior
et qui a achevé de fragiliser une mesure dont l'objectif principal était de donner une formation
à des jeunes en rupture scolaire.
Catherine Rollot
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