150110 Expatriation français
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150110 Expatriation français
Brève Vigie, 15 janvier 2010 L’essor de l’expatriation française Environ 2,1 millions de Français sont expatriés, soit autant que la population des Bouchesdu-Rhône, ou que celle, additionnée, des quatre départements français d’outre-mer. Jamais le nombre des Français établis hors de France n’a été si élevé. Dans une étude publiée par la revue M@ppemonde1, Arnaud Brennetot et Céline Colange (université de Rouen) explorent les implications de ce phénomène pour les institutions et en termes de représentation politique. Souvent abordée sous un angle négatif, à travers les controverses sur « l’exil fiscal » ou « la fuite des cerveaux », l’expatriation française, loin de pouvoir être réduite à des manifestations marginales et anecdotiques, constitue depuis une quinzaine d’années un phénomène en plein essor. Il n’existe aucune définition institutionnelle, aucun statut officiel de « l’expatrié », et le ministère des Affaires étrangères s’en tient aux expressions « Français de l’étranger » ou « Français établis hors de France ». De façon usuelle, les acteurs institutionnels (Sénat, Maisons des Français de l’étranger…) ont adopté le terme d’« expatrié » pour désigner l’ensemble des titulaires de la nationalité française justifiant d’une adresse à l’étranger. L’expatriation se différencie de l’émigration dans la mesure où la plupart des personnes concernées ne partent que pour quelques années avant de revenir en France ou de changer à nouveau de pays. Si une partie des expatriés est envoyée de façon provisoire à l’étranger par une administration ou une entreprise, plus nombreux sont ceux qui partent de leur propre initiative. L’expatriation concerne également les étudiants poursuivant une partie de leurs études dans une université étrangère, hors des programmes spécifiques de l’Union européenne. Il n’existe aucun recensement exhaustif et la mesure de l’expatriation se heurte à de fortes incertitudes. Les seules sources statistiques disponibles proviennent du Registre mondial des Français établis hors de France, qui remplace l’immatriculation consulaire depuis 2004. Au 31 décembre 2008, 1,427 046 million de personnes y étaient inscrites, soit une augmentation de 58,8 % par rapport à 1995. L’inscription au Registre étant facultative, les estimations pour l’ensemble des « Français de l’étranger » oscillent entre 2 millions et 2,2 millions. En dépit de ses lacunes, le Registre permet de cerner une distribution spatiale de l’expatriation française qui présente d’importants contrastes géographiques. Près de la moitié des inscrits l’étaient sur le continent européen, en particulier dans les pays frontaliers : Suisse, RoyaumeUni, Allemagne, Belgique, Espagne et Italie. On observe également des concentrations importantes en Amérique du Nord (185 151 inscrits au Canada et aux États-Unis), dans les États du Maghreb (plus de 15 000 inscrits), ainsi qu’au Moyen-Orient (Israël, Consulat général de France à Jérusalem, Liban). 1 « L’expatriation française, un enjeu géopolitique émergent ». M@ppemonde, n° 95, mars 2009, site Internet http://mappemonde.mgm.fr/num23/articles/art09303.html © Futuribles, Système Vigie, 15 janvier 2010 1 Parmi les facteurs structurels qui interviennent sur les localisations observées, l’intensité des échanges économiques apparaît comme déterminante. Elle explique une expatriation française en plein essor en Chine et dans les pays émergents d’Asie du Sud-Est. Les attaches historiques continuent à jouer un rôle significatif, avec une forte densité d’expatriés dans les pays francophones et les anciennes colonies. Par ailleurs, 45 % des expatriés bénéficient de la double nationalité. Évolution du nombre d’inscrits sur le Registre des Français établis hors de France (1995-2008) Erreur ! Signet non défini.Source : BRENNETOT Arnaud, COLANGE Céline. Op. cit. L’expatriation s’inscrit dans les logiques structurelles propres à la mondialisation (intégration internationale des entreprises, redéploiement des investissements étrangers…), écrivent A. Brennetot et C. Colange. Celles-ci font émerger « une forme originale de citoyenneté, caractérisée par l’extra-territorialisation des statuts, des droits et des responsabilités ». L’essor de l’expatriation et sa distribution spatiale nécessitent un effort d’adaptation permanent, et souvent à coûts constants, du réseau consulaire pour répondre aux besoins d’une population qui, par-delà l’éloignement géographique, conserve son statut, ses droits, et son pouvoir politique. Les moyens en personnels sont redéployés au profit des régions où la population expatriée connaît une forte croissance, en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique. © Futuribles, Système Vigie, 15 janvier 2010 2 Selon les auteurs, « l’hypothèse que [les Français de l’étranger] rejoignent une élite mondialisée et post-nationale pourrait justifier une désolidarisation progressive des autorités à leur égard, mais une telle éventualité n’est pas avérée car celles-ci ont intérêt à conserver un lien privilégié avec cette population influente, capable de relayer les intérêts nationaux audelà des frontières ». Source : BRENNETOT Arnaud, COLANGE Céline. Op. cit. Avec la croissance des effectifs inscrits sur les listes consulaires2, la représentation politique des Français expatriés devient également un enjeu significatif. Ceux-ci possèdent leur propre organe représentatif, l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE)3. En outre, 2012 verra l’entrée en vigueur d’une réforme (loi n° 2008-492 du 23 juillet 2008) selon laquelle les Français de l’étranger seront désormais représentés à l’Assemblée nationale par 11 députés. La réforme intervient dans un contexte de fortes tensions partisanes liées à la recomposition de la carte des circonscriptions de l’Assemblée nationale. 2 L’inscription donne le droit de participer aux élections présidentielles et référendaires, ainsi qu’à l’élection des conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger. 3 Site Internet : www.assemblee-afe.fr/rubrique.php3?id_rubrique=6. © Futuribles, Système Vigie, 15 janvier 2010 3 Source : BRENNETOT A. et COLANGE C., Op. cit. Si elle ne représente aujourd’hui que 3,6 % de la population nationale, concluent les auteurs, la proportion des Français expatriés pourrait poursuivre sa croissance. « Les Français de l’étranger constituent désormais une force politique nouvelle, capable d’influer sur les choix nationaux mais aussi d’aiguiser les appétits partisans. » Yann Vinh © Futuribles, Système Vigie, 15 janvier 2010 4