Le jubilé, une tradition née en 1300 de la volonté

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Le jubilé, une tradition née en 1300 de la volonté
Le jubilé, une tradition née en 1300 de la volonté
populaire
Si elle trouve son origine dans la Bible, la tradition de l’année jubilaire n’a été validée qu’en 1300 par le pape Boniface VII, sous la
pression populaire.
D’où vient la tradition des jubilés?
Quelques mois avant l’an 1300, une rumeur parcourt la chrétienté: « Tout chrétien qui visiterait le corps des apôtres Pierre
et Paul pendant cette année centenaire sera délivré tant de ses fautes que de sa peine. » Au grand étonnement du pape
Boniface VIII qui n’a rien annoncé!
On lui amène même des témoins qui racontent que leur père ou leur grand-père était venu lors d’un jubilé en 1200 dont
les archives du Vatican ne retrouvent aucune trace. Mais devant l’affluence des pèlerins – on parle de 200 000
personnes, ce qui serait considérable pour l’époque – et conscient du poids politique d’une telle démarche au moment où
les monarques occidentaux cherchent à s’émanciper de la papauté, il se soumet à la volonté populaire. Dans une bulle
solennellement déposée sur l’autel de Saint-Pierre de Rome, il accorde « l’indulgence » – c’est-à-dire la rémission des
peines temporelles dues au péché – à tous les fidèles venus prier dans les basiliques Saint-Pierre et
Saint-Paul-hors-les-Murs.
Dès 1342, à cause de la faible espérance de vie, les catholiques estiment insuffisante la périodicité d’un jubilé par siècle
pour le pardon des péchés. Une délégation est envoyée à Avignon auprès du pape Clément VI qui décide que les jubilés
auront lieu tous les cinquante ans. Mais en plus des basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul, les pèlerins devront aussi se
recueillir (et déposer leur aumône!) à Saint-Jean-de-Latran.
En 1389, face à la pression populaire, Urbain VI raccourcit une nouvelle fois la périodicité des jubilés: trente-trois ans, en
référence à la vie terrestre du Christ et impose également la visite d’une quatrième basilique romaine,
Sainte-Marie-Majeure. Avec le Grand Schisme d’Occident, les papes, pour se rallier les bonnes grâces du peuple romain
vont multiplier les années saintes.
Quelle est la source biblique des jubilés?
Le jubilé trouve sa source dans un passage de l’Ancien Testament qui prescrit de sanctifier chaque cinquantième année
(Lévitique 25, 10-13). Comme pour le sabbat, cette année sainte était annoncée par la sonnerie d’une corne de bélier (en
hébreu « yobel », d’où est issu le mot « jubilé »). Selon la Bible, l'« année jubilaire » comportait, entre autres prescriptions,
la rémission de dettes, la libération des esclaves et le repos total de la terre.
Dans l’Évangile de Luc, Jésus se présente lui-même comme celui qui vient « proclamer une année de grâce de la part du
Seigneur ». Si bien que les chrétiens ont longtemps estimé que l’histoire tout entière était devenue « jubilaire », du fait
même de la venue du Christ. D’ailleurs, aucun jubilé n’a été célébré jusqu’en 1300.
Quels sont les rituels des années jubilaires?
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Le rituel des jubilés se fixe à partir du XVe siècle, après le retour à Rome de la papauté. En 1423, Martin V ouvre
solennellement la porte sainte de la basilique Saint-Jean. Rome s’embellit: en 1450, Nicolas V décide de faire construire
l’actuelle basilique Saint-Pierre. Elle sera financée principalement par les aumônes des pèlerins.
En 1470, Paul II fixe définitivement la périodicité des jubilés à vingt-cinq ans, mais c’est son successeur Sixte IV qui
ouvrira celui de 1475. C’est lui également qui fera élever la fameuse chapelle Sixtine. Tout cela coûte cher mais les
indulgences rapportent beaucoup d’argent…
À partir de 1525, en réponse à Luther qui, sept ans plus tôt, avait dénoncé ce commerce des indulgences, Clément VII
exempte les pèlerins d’avoir à donner l’aumône. Il fixe aussi le rituel de clôture, lorsque les portes saintes des quatre
basiliques sont solennellement murées.
Quelles années saintes ont été célébrées?
À partir de 1575, la pratique des jubilés ayant diminué, on tente de revenir à la tradition biblique et, sous l’influence de
saint Philippe Néri, de rendre plus présente la pratique de la charité. Les fidèles reviennent en masse à Rome: 400 000 en
1575, plus d’un million en 1600, un million et demi en 1675.
Le XVIIe siècle verra l’apogée des années saintes. Mais du fait du repli des États monarchiques et de la fermeture des
hôpitaux sur les chemins menant à Rome, le XVIIIe siècle voit se tarir le flot des pèlerins, de plus en plus assimilés aux
mendiants et aux vagabonds.
Entre 1775 et 1900, un seul jubilé aura lieu, en 1825. Et les pèlerins ne viendront quasiment que d’Italie! En 1800, les
célébrations ne peuvent se tenir du fait de l’occupation napoléonienne; en 1850, c’est à cause de la révolution romaine, et
en 1875 à cause de l’occupation de Rome par les troupes italiennes.
Ce n’est donc qu’au XXe siècle que les années saintes connaissent un regain d’intérêt. Aux jubilés ordinaires (1925,
1950, 1975, 2000), s’ajoutent les jubilés extraordinaires en 1933 et 1983 (pour les 1900e et 1950e anniversaires de la
Rédemption). En 1975, pour la première fois, les cérémonies sont retransmises à la télévision et sont suivies par plus d’un
milliard de téléspectateurs.
Depuis, dans la lignée de Vatican II, les papes insistent particulièrement sur les dimensions personnelle et collective de
réconciliation et de pardon de l’année du jubilé.
Document: Cette démarche de repentance jubilaire fait suite aux efforts de renouveau conciliaire
Document: Le message de la miséricorde du Coeur de Jésus: un don de Dieu à l’Église et toute l’humanité
(Jean-Paul II)
En 2000, le grand jubilé du bimillénaire de la Rédemption sera précédé de trois années de préparation puis longuement
célébré à Rome mais aussi dans chaque cathédrale du monde.
Nicolas Senèze
http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Le-jubile-une-tradition-nee-en-1300-de-la-volonte-populaire-2015-03-16-1291664
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