Déclarations de Bismarck à propos de sa politique d`annexion

Transcription

Déclarations de Bismarck à propos de sa politique d`annexion
Quelques déclarations de Bismarck autour de sa politique d’annexion 1-­‐ Citations à tendance favorable à l’annexion de l’Alsace-­‐Lorraine Bismarck – par Lothar Gall -­‐ Sur le chemin de la politique -­‐ 1848 Bismarck écrit dans un journal : Page 385 Bien sûr, fort de sa victoire, il réduisait les concessions et eut de plus en plus tendance à octroyer le compromis par anticipation en quelque sorte. Il y eut cependant une exception, une seule et unique exception, fatale bien entendu : l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine ; à part cela il s’en tint au compromis sur lequel il avait tablé de prime abord. Page 460 De nos jours, il est hors de doute que, dès les premières victoires militaires, l’opinion publique allemand dans son ensemble réclama spontanément un butin territorial pour prix de la guerre ; elle exigea qu’on lui rendît « les anciens territoires allemands du Reich occidental ». Il est d’ailleurs indiscutable que Bismarck décida la cession par la France de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine et de n’accepter aucun compromis en toute indépendance, et, sans ne subir aucune pression extérieure.… Page 461 Par conséquent, la réponse aux mobiles qui l’ont poussé à annexer l’Alsace et la Lorraine ne peut que se déduire d’une interprétation globale de sa politique étrangère et de ses ultimes objectifs.… Page 462 La seule politique juste consiste à neutraliser quelque peu au moins l’ennemi dont on ne peut pas faire un ami véritable et à prendre plus de garanties contre lui ; pour cela, il nous suffit pas de démanteler celles de ses forteresses qui nous menacent, il nous faut tout simplement annexer quelques unes d’entre-­‐elles »… La situation en elle-­‐même donnait encore bien d’autres raisons de revendiquer l’annexion de l’Alsace-­‐Lorraine. Ainsi, comment ne pas voir que, en commençant par refuser de céder un pouce de son territoire, la France décidait de continuer la guerre ? Et dans la situation encore embrouillée de l’Allemagne, le chancelier ne pouvait qu’accueillir d’un bon œil la poursuite des hostilités après la défaite de Sedan.… Page 464 En effet, jamais Bismarck n’a soupesé d’un côté les avantages de l’annexion à l’intérieur, et de l’autre ses inconvénients éventuels à l’extérieur. Il a pris très tôt, dès le 15 août environ, la décision de l’exiger de la France. A partir de là, il sen est servi à l’intérieur aussi à maintes occasions, et surtout au profit de l’unification allemand. Mais au fond, depuis lors, il ne l’a plus vraiment remise en question.… Page 471 …Ils cherchaient au contraire à modifier de fond en comble la question de l’unification et de la confédération, y compris celles qui était relative au butin de guerre et qui restait encore à éclaircir, à savoir la manière dont les Etats de l’Allemagne du Sud pourraient avoir leur part du butin territorial, ou plus précisément pourraient être indemnisés en cas d’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine par la Prusse.… Friedrich von Holstein (Conseiller du Chancelier) – Die Zeit 7 Mai 2009 Im Oktober 1870, de Deutsch-­‐Französiche Krieg ist bereit entschiden und Napoléon III gefangen, veröffentilcht er, ganz im Sinne seines grossen Chefs, anonym, in der Londoner Times einen Artikel, im dem er ein Annexion Elsass-­‐Lothringens ist historischen Bergründungen rechtfertigt. Page 44 -­‐ 1833 … si je jetais un regard sur la carte de l’Europe, j’enrageais que la France eût gardé Strasbourg (1815. J’avais été à Heidelberg, j’avais visité Spire et le Palatinat et ces souvenirs attisaient en moi la haine de la France et me rendait belliqueux. Note de l’auteur Heidelberg et Spire et de nombreuses autres villes du Palatinat avaient été systématiquement dévastées par ordre de Louvois, ministre de la Guerre de Louis XIV, pendant la guerre dite de la coalition d’Augsbourg (1679-­‐1688). Ces exactions provoquèrent en Allemagne un torrent d’indignation patriotique sont on retrouve l’écho chez les chantres du soulèvement national des années 1811-­‐1815. Bismarck – Emil Ludwig Page 280 -­‐ 1866. Bismarck à Benedetti qui réclame le rétablissement des frontières de 1814. … Nous accepterions la Diète à nouveau et nous irons avec 800 000 hommes sur le Rhin et nous prendrons l’Alsace. Page 332 Sedan Cette politique (du vainqueur) le conduit à annexer (aussi) la Lorraine, et elle a des conséquences infinies. Récit d’Emil Ludwig intitulé « Bismarck -­‐ La France l’ennemie héréditaire», le Ministre Président de la Prusse Bismarck déclare au lendemain de Sedan : Mais pourquoi, demande l’Europe, ces deux territoires ne deviendraient-­‐ils pas être neutres, comme ils le demandent eux-­‐mêmes ? « C’eut été alors, répond Bismarck plus tard au Reichstag, créer toute une suite d'Etats neutres, depuis la Baltique jusqu'au Alpes, ce qui nous aurait évidemment été dans l'impossibilité d'attaquer la France par terre, parce que nous avons l'habitude de respecter traités et neutralités. (Très bien !)... La France aurait donné une ceinture protectrice de notre côté, tandis que nous-­‐mêmes, tant que notre flotte ne vaudra pas celle de la France, n'aurions eu aucune protection du cote de la mer ». C'était une raison, mais seulement en seconde ligne. La raison principale : la Belgique et la Suisse veulent demeurer des Etats Neutres indépendants, mais l’Alsace et la Lorraine ne le veulent pas, « ...au contraire il faut s'attendre à ce que les puissants éléments français, qui resteront encore longtemps dans le pays, qui sont attachés à la France avec leurs intérêts, leurs sympathies et leurs souvenirs, déterminent cet état neutre... à se rattacher à la France lors d'une nouvelle guerre franco-­‐
allemande... » Il ne restait par suite rien d'autre à faire qu'à mettre ces territoires et leurs forts entièrement sous la domination allemande, pour les défendre eux-­‐mêmes comme une propre forteresse de l'Allemagne contre la France, et pour reculer d'autant de jours de marche le point de départ de toute attaque française. » « A la réalisation de cette idée... s'opposait en premier lieu l'antipathie des habitants... Il y avait un million et demi d'Allemands, et même de mettre toutes les supériorités de I' Allemagne en valeur, chez un peuple ayant d'autres supériorités qui précisément ne sont pas les mêmes; ils avaient, grâce et leurs qualités, une situation privilégiée... II est tout à fait dans le caractère allemand de s'attribuer une sorte de supériorité sur son voisin le plus proche; derrière les Alsaciens et les Lorrains, tant qu'ils étaient français, il y avait Paris avec son éclat et la France avec a grandeur et son unité. Ils s'opposaient à leurs compatriotes allemands, en pensant : Paris est à nous .... C'est un fait, cette antipathie existait... et il est de notre devoir de la surmonter avec patience. Nous autres Allemands avons beaucoup de moyens. Nous avons en général l'habitude de gouverner, parfois d'une façon un peu plus maladroite, mais avec le temps tout de même plus bienveillante et plus humaine que les hommes d'Etat français (Gaieté) ...Mais nous ne devons pas nous flatter d'arriver très rapidement au but et de voir les choses être en Alsace, en ce qui concerne les sentiments allemands, comme en Thuringe ». Les Mémoires de Bismarck -­‐ Busch Tome I Page 74 Le 27 aout, j'envoyai un article relatif à la volonté arrêtée du chancelier d'obtenir une cession de territoire de la France. Cet article n'était autre que le développement du discours qu'il nous ayons tenu, le 22 aout à Pont-­‐à-­‐Mousson. En voici la conclusion, qui lui fut soumise et qu'il approuva : « Le moins que nous puissions demander et que l’Allemagne puisse obtenir est la cession des portes que la France a sur les routes d’Allemagne, particulièrement Strasbourg et Metz. Il serait aussi inexact d'attendre une paix permanente de la démolition de ces forteresses que de croire à la possibilité de gagner la France par des conditions indulgentes. Par-­‐dessus tout, il ne faut pas oublier que les territoires que nous demandons aujourd'hui étaient autrefois allemands, " Ils sont restes en grande partie allemands et que leurs habitants se souviendront avec le temps, qu'ils ne forment qu'une seule race avec nous. » « Nous pouvons regarder un changement de dynastie avec indifférence. Une indemnité pécuniaire n'affaiblira la France que temporairement. Ce que nous demandons, c'est une sécurité prolongée pour nos frontières. Nous ne l'obtiendrons qu'en changeant les deux forteresses qui nous menacent en remparts qui nous protègent. Strasbourg et Metz doivent cesser d’être des points d'attaque pour la France afin de devenir des places de défense pour l'Allemagne. » Les Mémoires de Bismarck -­‐ Busch Tome II Page 48 -­‐ 3 avril.1872 -­‐ Le chancelier vient de dicter l'article suivant pour le faire paraitre dans la Gazette de l’Allemagne du Nord: « II y a, naturellement un grand nombre de personnes en Alsace-­‐Lorraine qui désireront conserver la nationalité française et refuseront de devenir allemandes. Nous l'avions prévu, mais nous étions obliges de prendre cette bande de terre pour nous couvrir contre les incursions de quelques flibustiers que, depuis deux siècles, les Français avaient dirigés contre nous. Il va de soi que nous ne saurions autoriser ceux qui optent pour la nationalité à rester en Alsace-­‐Lorraine, parce qu'alors tout le monde opterait pour la France. Quant à la menace qu’on nous fait d'expulser tous les Allemands qui se trouvent encore en France, elle ne peut produire aucun effet; tous ceux de nos compatriotes que leur commerce ou leur industrie ne retient plus d'une façon absolue en France ont déjà quitté pays. La vie y est si désagréable que, à moins que l'on ne puisse faire autrement, on ne tien pas à y rester" Bismarck et son temps par Paul Matter – Paris Félix Alcan, Editeur 1908 Page 126 … Il croyait maintenant à la nécessité de continuer la guerre, et le plus vivement possible, car il ne savait avec qui traiter. A cet égard, son opinion était faite, il signerait avec quiconque lui assurerait l’Alsace et la Lorraine allemande et quelques milliards de francs. Bismarck et son temps par Paul Matter – Paris Félix Alcan, Editeur 1908 Page 128 Nos conditions de paix sont tout à fait indépendantes de cette question du gouvernement, elles sont dictées par la nature des choses et la loi de la nécessité contre un voisin violent et belliqueux. Tant que la France restera en possession de Strasbourg et de Metz, son organisation offensive sera plus forte que notre défensive sur tout le sud de l’Allemagne et sur la rive gauche du Rhin. Strasbourg est entre les mains de la France une porte de sortie toujours ouverte sur l’Allemagne. Dans les mains de l’Allemagne, au contraire, Strasbourg et Metz acquièrent un caractère défensif. A l’heure où le cabinet anglais s’entremettait en faveur de la paix, Bismarck posait ainsi, comme en public, les conditions de cette paix. Strasbourg et Metz seraient des remparts allemands, et nul ne devait l’ignorer. Bismarck et son temps par Paul Matter – Paris Félix Alcan, Editeur 1908 Page 132 Bismarck à Favre lors de leur première rencontre au Château de Haute-­‐Maison « Nous ne demandons que la paix, répondit le chancelier. Ce n’est pas l’Allemagne qui l’a troublée. Vous nous avez déclaré la guerre sans motifs, dans l’unique dessein de notre prendre une portion de notre territoire. En cela, vous avez été fidèles à votre passé. Depuis Louis XIV, vous n’avez cessé de vous agrandir à nos dépens. Vous ne renoncerez jamais à cette politique. L’Allemagne n’a pas cherché cette occasion, elle en profitera pour garantir sa sécurité par une cession de territoire. Strasbourg est une menace perpétuelle contre nous. C’est la clef de notre maison et nous la voulons. -­‐ Alors c’est l’Alsace et la Lorraine, s’écria Jules Favre ? -­‐ Je n’ai pas parlé de toute la Lorraine, répliqua Bismarck ; mais quant à l’Alsace, je suis très net. Nous la regardons comme absolument indispensable à notre défense. » (Il semble résulter, non du récit de Jules Favre, mais de la circulaire de Bismarck, que celui-­‐
ci indiqua dès lors, comme passible d’annexion, les arrondissements de Sarrebourg, Château-­‐Salins, Sarreguemines, Metz et Thionville. Bismarck et son temps par Paul Matter – Paris Félix Alcan, Editeur 1908 Entrevue entre Bismarck et Thiers le 1er Novembre 1870 Versailles Page 169 Le Duc Ernest de Cobourg, heureux de la réalisation de ses lointaines espérances, reprenait ses projets de 1849, parlait d’élection par les princes réunis en collège impérial, et remettait à Bismarck un mémoire où il proposait la formation d’une grande Allemagne, comprenant les Etats du Sud, l’Alsace, la Lorraine, le Luxembourg ; l’Empire allemand renaîtrait et ainsi « serait reconstruite la grande demeure ». Bismarck et son temps par Paul Matter – Paris Félix Alcan, Editeur 1908 Page 249 Le grand patriote (Monsieur Thiers au roi Guillaume à la préfecture de Versailles) admettait la nécessité d’une rançon, mais la perte de l’Alsace était déjà dure, aucun Français n’admettrait l’annexion de la Lorraine, six milliards étaient impossibles. »… … tandis que Molkte et Roon tenaient pour indispensable la possession de Metz, plusieurs redoutaient l’acquisition d’une terre toute française. Et pensaient à la remplacer par le Luxembourg. Longtemps, Bismarck avait hésité ; le 21 février, il parait encore d’abandonner Metz et de construire sur la frontière une forteresse colossale ; mais il prévoyait qu’il se laisserait faire une douce violence par les militaires. Il résista donc énergiquement à l’effort de Monsieur Thiers, qui ignorait ces divergences, et comme le Français affirmait « que nous ne renoncerions à aucune partie de la Lorraine », l’Allemand répliqua : « Il faut rompre sur le champ. Le lendemain Bismarck annonçait : « Nous gardons Metz » Bismarck et son temps par Paul Matter – Paris Félix Alcan, Editeur 1908 Page 252 -­‐ Bismarck à Thiers et Favre – février 1871 Que préférez-­‐vous ; Belfort ou la renonciation de notre entrée dans Paris ? Les deux Français se consultèrent du regard ; leur accord fut prompt ; l’entrée des Allemands à Paris était une humiliation, la perte de Belfort un désastre. « Belfort, Belfort ! », s’écria Monsieur Thiers. La vieille citadelle était sauvée. Abeken était retourné chez le roi : Guillaume accepta de rendre Belfort si Molke y consentait et si la France abandonnait quatre petits villages près de Metz, où se trouvaient enterrés huit ou dix mille prussiens. Au soir, quand Messieurs Thiers et Jules Favre rentrèrent à Paris, la paix était virtuellement faite. Bismarck et son temps par Paul Matter – Paris Félix Alcan, Editeur 1908 Page 175 -­‐ Entrevue entre Bismarck et Thiers le 1er Novembre 1870 Versailles La principale feuille du Wurtemberg, le Schwabische Merkur, demandait l’annexion de l’Alsace à la Prusse qui deviendrait le centre de la Confédération Germanique.… La Bavière était plus farouche. Les journaux de Munich constatait la part décisive prise par les soldats bavarois dans plusieurs combats, vantaient la grandeur de la Bavière et concluaient à la nécessité de son indépendance ; s’ils admettaient la possibilité d’une union germanique, ils étaient très réservés sur sa forme, et semblaient y mettre pour condition l’annexion de l’Alsace au Grand-­‐Duché de Bade qui céderait son Palatinat à la Bavière. Page 194 -­‐ Le roi louis désirait s’annexer le Palatinat badois, quitte au grand-­‐duché à se dédommager en Alsace, et, sans donner à son espérance une forme catégorique, il l’insufflait au maître des destins allemands. Mais Bismarck avait d’autres visées sur l’Alsace-­‐Lorraine et fermait l’oreille à ces insinuations. 2-­‐ Citations à tendance défavorable à l’annexion de l’Alsace-­‐Lorraine Bismarck – par Lothar Gall -­‐ Sur le chemin de la politique -­‐ 1848 Bismarck écrit dans un journal : Page 94 « Réclamer à la France L’Alsace et planter le drapeau allemand sur la flèche de la Cathédrale de Strasbourg, voilà qui eût assouvi le premier élan de la force et de l’unité allemande » Il s’oppose à ce genre de revendication. En écrivant cela, il ne voyait pas une revendication culturelle et linguistique, mais à l’ancien territoire de l’Empire allemand. Ce serait la destruction de nations formées par l’histoire et la destruction de tout ordre (sous l’angle de la Prusse) Page 459-­‐La Révolution venue d’en haut Quant aux Allemands, la plupart d’entre eux commencèrent par affirmer que l’on avait profité d’une occasion favorable pour réparer une injustice passée. Pendant de nombreux siècles, les territoires en question avaient appartenu au Reich et ils étaient profondément liés à la culture germanique. Il était donc normal qu’ils reviennent à l’Allemagne. Cela n’avait rien à voir avec une politique de conquête, et il était ridicule de parler de prélude à une politique d’hégémonie en Europe.… Néanmoins, la suite des évènements montra avec une évidence croissante l’hypothèse que représentait l’annexion de l’Alsace Lorraine et la méfiance qu’elle avait suscitée à l’égard du Reich et de sa politique, méfiance qui était lourd de conséquence.… Page 463 Mais en 1870, il en était encore très loin. Au contraire, en décidant d’annexer les deux départements français, il laissa apparaître un élément fortement statique dans sa pensée et son univers spéculatif politiques, en dépit de toute sa dynamique habituelle qui se manifestait précisément dans le secteur de la politique étrangère. Cet élément statique entraîna l’une des grandes hypothèques et de la politique future du Reich et limita sa marge d’action à l’extérieur dans un environnement politique en rapide situation, ce qui était extrêmement hasardeux.… Pensées et Souvenirs – Bismarck -­‐ Lothar Gall, intitulé Bismarck, Editions Calmann-­‐
Levy : Préface de Josef Rovan Page 29 En 1871, après la victoire sur la France, le rapport des forces, cette fois-­‐ci n’aurait pas été favorable à un Bismarck désireux de pratiquer une politique de modération, qui aurait voulu opter pour une « paix sans annexions ». Les militaires avaient pris leurs précautions en écartant le ministre-­‐président /chancelier de la conduite de la guerre, et l’opinion publique dans les Etats allemands s’enflammait pour le «retour » de l’Alsace et de la Lorraine arrachées au Reich aux 17ième et 18ième siècle. Si Bismarck avait voulu s’opposer à ce mouvement des esprits, il aurait probablement suscité une véhémente désapprobation. Page 30 Autant qu’on puisse le savoir, Bismarck n’avait pas abordé la guerre avec la volonté ferme d’annexer l’Alsace-­‐Lorraine, mais il s’y est très vite résolu. S’étant convaincu que la France ne pourrait jamais accepter l’unité allemande et l’existence au cœur de l’Europe d’une puissance militaire supérieure à la sienne, convaincu donc que la nouvelle Allemagne ne pourrait jamais se concilier la France, il a tenu à affaiblir autant que possible l’ennemi irréductible afin de lui rendre plus difficile une guerre de revanche. L’exaltation nationaliste qui s’était emparée de l’Allemagne l’énervait et l’inquiétait. Pour lui, l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine créait un glacis militaire qui reculait de quelques dizaines de kilomètres la frontière à partir de laquelle la France pouvait menacer -­‐ ou tenter de séduire ? -­‐ les territoires du Sud de l’Allemagne. Tout en sachant qu’il créait ainsi au nouveau Reich un ennemi mortel, Bismarck optait pour l’avantage immédiat, parce que l’option contraire, celle qu’il avait choisie face à l’Autriche en 1866, ne présentait pas assez de chances de succès. S’il n’a cessé de redouter la volonté de revanche de la France, il n’a jamais manifesté de regret au sujet de l’annexion. L’avenir qu’elle oblitérait appartenait au long terme à Dieu et à ses propres successeurs. De son vivant, tant qu’il fut au pouvoir, Bismarck a su contenir la France, en la menaçant, en l’encourageant à détourner ses ambitions aves les colonies, en l’isolant. De même qu’il avait rompu, par la guerre contre l’Autriche et l’annexion du royaume de Hanovre, de l’Electorat de Hesse, du duché de Nassau, la solidarité des dynasties légitimes, il va s’engager à favoriser en France la montée des républicains : une France républicaine trouvera plus difficilement des alliés dans une Europe où seules la Suisse et Saint-­‐Marin ne sont pas alors des monarchies. Joseph Adolphe Rovan (né Joseph Adolph Rosenthal, 25 juillet 1918, Munich -­‐ 27 juillet 2004, Saint-­‐Christophe-­‐les-­‐Gorges, Cantal) est un historien français d'origine allemande. Il a été, entre autres, conseiller de Helmut Kohl et de Jacques Chirac. Bismarck – Emil Ludwig Page 320 -­‐ 1869 – Seule l’unité allemande compte … comme l’Alsace lui est aujourd’hui aussi indifférente que la Silésie Autrichienne en 1866 et comme il n’aurait ni maintenant, ni jamais l’intention de conquérir des territoires allemands ou étrangers pour la Prusse…. Il n’avait plus en Allemagne de question en Alsace qu’une France, elles ont été imaginées par quelques fiers à bras de deux côtés, uniquement pour exciter des peuples paisibles. La Presse ouvrière allemande Une paix équitable avec la France ! Pas d’annexion ! La punition de Bonaparte et de ses complices ! Et en même temps un manifeste de Carl Marx était publié par toute l’Allemagne, il disait prophétiquement au sujet de l’annexion de l’Alsace, « que ce serait transformer les deux pays en deux ennemis mortels, faire un armistice au lieu d’une paix. Page 334 -­‐ L’Alsace-­‐Lorraine, le gage de l’Unité Allemande « Deux classes, semblent possédées du désir à l’égard de l’Alsace-­‐Lorraine, écrirait Marx dès le milieu du mois d’Août, la Camarilla prussienne et les patriotes de la Bière du Sud » Ce serait le grand malheur qui puissent frapper l’Europe et tout spécialement l’Allemagne. Bismarck – Emil Ludwig Page 338 Deux années plus tard il assura à des représentants de nouvelles provinces qu’il l’a fait contre sa volonté et uniquement pour obéir aux militaires… Et avec cela il se moquait des propos pangermaniste à l’aide desquels l’intérieur du pays s’échauffait : Ce qu’il nous faut, ce sont les forteresses ; l’Alsace (qui fut allemande) et une idée de professeurs » Il savait que la perte de l’Alsace résultait essentiellement de l’attitude du grand prince électeur à l’égard de Louis XIV et que par conséquent les Hohenzollern avaient précisément le moins de revendications possibles à formuler. Il reconnut même immédiatement le danger de l’annexion de la Lorraine, car dès le 6 Septembre il disait : « Je ne tiens pas à acquérir la Lorraine, mais les généraux prétendent que Metz est indispensable et représente la valeur de 120 000 hommes », et aussitôt après il confiait à un diplomate anglais : « Nous n’émettons aucune prétention à l’égard de l’Alsace et de la Lorraine, la France peut garder ces provinces, à condition qu’elles ne puissent plus servir de points d’appui en cas de guerre ; ce qu’il nous faut c’est Strasbourg et Metz » Mais la raison majeure, celle pour laquelle Bismarck réalisa cette annexion d’apparence dangereuse, c’était la pensée du Reich qui devait précisément naître. Ce n’était que dans une « commune colère », lui semblait-­‐il, que les esprits engourdis s’amolliraient et deviendraient maniable ; et puis il y avait là aussi un gage, cette province possédée en commun par les alliés, et il conclut que ce rejeton à élever ensemble pourrait être le motif le plus obligeant de nécessité le mariage. Les Mémoires de Bismarck -­‐ Busch Tome I Page 302 Si seulement, vient-­‐il de nous dire, la France voulait nous donner un milliard de plus, nous pourrions peut-­‐être lui laisser Metz et construire une place forte quelques kilomètres plus loin, du côté de Falkenberg ou de Sarrebruck, nous pourrions aussi lui laisser Belfort, qui n’a jamais été allemand. Je ne tiens pas tant que çà à avoir une quantité de Français chez nous. Mais les militaires ne voudrons jamais entendre parler de l’abandon de Metz, et peut-­‐être auront-­‐ils raison ! Note de l’auteur : Belfort peut être rapproché linguistiquement parlant de Wissembourg-­‐Weissenburg. Ces deux villes signifient toute deux « Belleville » la première en Welsch et la seconde en Germanique. Bismarck et son temps par Paul Matter – Paris Félix Alcan, Editeur 1908 Entrevue entre Bismarck et Thiers le 1er Novembre 1870 Versailles Page 157 Le lendemain… le chancelier laissa entrevoir la possibilité de maintenir Metz à la France, -­‐ce n’était là qu’une vaine parole, qu’il aurait retirée en s’excusant sur les exigences de l’état major. Bismarck et son temps par Paul Matter – Paris Félix Alcan, Editeur 1908 Page 230 Mais qu’est la Lorraine Allemande ? En entrant dans les départements de la Meurthe et de la Moselle, les généraux allemands ont été frappés du caractère français des villages et des populations (certes, mais cette partie de la Moselle a toujours été romanophone); en pénétrant dans Metz, il l‘ont trouvée « plus française qu’il ne l’avait vue ; il n’y avait rien d’allemand (Stosch). Denkwürdigkeiten page 205). Faut-­‐il annexer à l’Allemagne cette terre de France, affronter cette « longue résistance » ? Le chancelier hésite, car il perçoit les dangers de cette incorporation étrangère. (Kaiser Friedrichs Tagesbuch, 25 février 1870 ; en février encore pendant les négociations de la paix, il réfléchit, il parle d’exiger le Luxembourg, un milliard supplémentaire pour élever une forteresse allemande sur la frontière. Mais les militaires interviennent ; la possession de Metz équivaut à la levée de deux corps d’armée ; c’est une porte ouverte sur la France. Bismarck ne leur oppose point de résistance : il sacrifie volontiers le bien d’autrui. Bismarck et son temps par Paul Matter – Paris Félix Alcan, Editeur 1908 Page 247 Brusquement, Monsieur Thiers reprit : « Arrivons maintenant au grand sujet. – Je m’en suis déjà expliqué avec vous, répondit Bismarck. Je ne veux pas maquignonner, car ce serait peu digne…. Je vous rendrai Nancy, quoique le ministre de la Guerre veuille la garder ; mais nous conserverons Metz pour notre sureté. » Bismarck 1815-­‐1898 – Henri Welschinger – Librairie Félix Alcan Page 207 – à propos du vote du budget militaire au Reichstag en 1887 …Agitant le spectre de la revanche, il rappela que la France songeait toujours aux provinces perdues. Il disait avoir tout fait pour mener les Français à oublier le passé, « mais nous ne pouvons, ajoutait-­‐il, céder ni l’Alsace ni ce qui est au-­‐dessus de cette province ». Il se défendait de songer à d’autres annexions. « Déjà en 1871, disait-­‐il, je n’ai pas été partisan d’annexer Metz. J’étais alors pour la frontière de langue. A ce moment, ajoutait-­‐il, j’avais une grande inquiétude de l’immixtion des puissances neutres. Je conférai avec Molke qui me dit : Metz vaut bien cent mille hommes. Là-­‐dessus je répondis : Prenons Metz ! » Le Reichstag applaudit. Mais qu’aurait-­‐il pensé si Bismarck lui eut déclaré ce qu’il dit une fois à M. de Chaudordy est une autre fois, en des termes à peu près semblables, à M. de Gabriac : « On détruit une nation si votre force ou si votre intérêt l’ordonne. On ne mutile pas impunément, et l’histoire, ce grand maître des hommes d’Etat, nous apprend qu’on a toujours à s’en repentir. En mutilant et en humiliant la Prusse, Napoléon 1er a fait naître les Stein et le Scharnhorst. En vous enlevant à vous Metz et une partie de la Lorraine, l’Empereur, mon maître et les militaires qui ont imposé cette résolution, ont commis la plus grande des fautes politiques… 3 -­‐ Déclarations de Bismarck à propos de la France et des Français Bismarck de Jean Paul Bled – Perrin – 2011 Page 144 « Les Français ne sont pas si exemplaire qu’on a coutume de la dire. Comme nation, ils ressemblent à certaines gens de nos classes inférieures. Ils sont étroits d’esprit et brutaux, forts physiquement, fanfarons, imprudents et, par leur comportement arrogant et violent, ils s’attirent l’admiration de ceux qui leur ressemblent. » -­‐ « La France est une nation de pantins » -­‐ « Ils ressemblent à trente millions de nègres serviles » (Moritz Busch, Tagebücher, 3 vol., Liepzig 1899, t. 1, 24 Juillet 1870, page 50-­‐51) Page 195 « Que toute l’Europe, s’exclame-­‐t-­‐il, comprenne enfin que ces Peaux-­‐Rouges en bottes vernies sont d’incorrigibles trouble-­‐fête et on bien des chances de le rester » -­‐ (cité dans Walter Frank, Nationalismus und Demokratie im Frankreich der dritten Republik, 1922, page 26) Mémoires de Bismarck de Busch Page 21 Le 12 avril, M. de Bismarck voulait un article pour la Gazette de Cologne et m'en dicta une partie. Voici ce que disait cet article: « Le Constitutionnel parle de la France dont les bonnes manières françaises sont corrompues par des éléments étrangers, et, à ce propos, il cite les noms de la princesse de Metternich et de Madame Rimsky-­‐Korsakow. Il faudrait plus de place que nous n'en pouvons donner à ce sujet pour montrer sous son vrai jour l'ignorance de l'auteur de cet article, qui n'a probablement jamais quitté Paris. La princesse de Metternich n'agirait certainement pas à Vienne comme Le Constitutionnel prétend qu'elle a agi à Paris, et Mme. Rimsky-­‐Korsakow n'est pas à la tête de la société de Saint-­‐Pétersbourg. Cela doit être le contraire de ce que dit ce journal, c'est à dire que Paris doit être responsable de la conduite de ces deux dames et de l'influence qu'elles exercent autour d'elles. En effet, l'idée que Paris est le séjour et l'école des bonnes manières ne peut régner que dans de lointains pays, dans de vieux romans, parmi les gens âgés ou dans les parties les plus reculées des provinces. On a remarque depuis longtemps, et non pas seulement dans les cours d'Europe, que les Français manquent de tenue. On a aussi observe qu'il est difficile de comparer favorablement un jeune Français avec un jeune homme d'un autre pays, ou avec ceux de ses compatriotes qui, loin de Paris, ont conservé les traditions de la bonne société française. Les voyageurs qui ont visité ce pays à de longs intervalles sont d'accord pour déclarer que les formules de politesse et même les expressions de convention, qui firent pendant si longtemps de la langue française un modèle pour toutes les autres langues, ne sont plus guère employées. On comprend que l'impératrice Eugénie, cette sensible Espagnole, ait été péniblement frappée du ton et du genre de la société parisienne ; mais ce serait un manque de jugement de sa part si, comme le dit le Constitutionnel, elle cherchait la cause de ce mal à l'étranger. D'ailleurs, nous croyons être autorisés à contredire cette déclaration, car nous savons que l'impératrice a souvent proposé les jeunes Allemands comme modèles à la jeunesse de France. Les Français montrent, par leurs manières surtout, qu'ils sont en décadence; il leur faudra des générations pour regagner le temps perdu; Malheureusement, en ce qui concerne les manières, toute l'Europe a rétrogradé. » Page 30 Un soir -­‐ le 24 juillet 1870 -­‐ il me dit qu'il désirerait me voir faire un article sur la France et la politique française sous Napoléon III. II m'en indiqua les points essentiels, puis, s'animant peu à peu, il me tint le langage suivant, que je transcris littéralement : « Politiquement parlant, les Français sont, dans la plus complète acception du mot, une nation à l'esprit étroit. Ils n'ont pas la plus petite idée de la façon dont les choses marchent en dehors de France, et on ne leur en dit rien dans leurs écoles. Les maisons d'éducation, en France, laissent leurs élèves dans l'ignorance la plus crasse de tout ce qui se passe au de là des frontières, de sorte qu'ils n'ont pas la moindre connaissance leurs voisins. C'est le cas de l'empereur Napoléon III ou peu s'en faut. Quant à Gramont, je le laisse de côté c'est un âne... (rindvieh). Oui, Napoléon III est ignorant de toutes choses, et il a pourtant été élevé dans des écoles allemandes. Mais il a tout oublié. Sa politique a toujours été stupide... La guerre de Crimée était diamétralement opposée aux intérêts de la France, qui réclamait une alliance ou, tout au plus une bonne entente avec la Russie. Il en est de même de la guerre pour l'Italie. Il s'est créé là un rival dans la Méditerranée, au nord de l'Afrique, la Tunisie, etc., qui, un jour, sera peut-­‐être dangereux. La guerre du Mexique et l'attitude qu'à prise la France en 1866 sont encore des fautes, et nul doute que, dans la tempête qui éclate aujourd'hui, les Français ne sentent eux mêmes qu'ils sont en train de commettre une dernière faute !... » Page 121 Le prince de Hohenlohe a diné à notre table et la conversation a roulé sur Paris et la France. Le chancelier nous a dit que les Alsaciens avaient toujours eu le talent de se faire moquer d'eux par les Parisiens et qu'on faisait, sur eux, à Paris, des caricatures et des bons mots comme on en fait à Londres sur les Irlandais. « D'ailleurs, a ajouté le chancelier, il en est de même de toutes les provinces de France: elles subissent toutes le même sort. La France, jusqu'à un certain point, est divisée en deux nations : Paris et la province; la seconde est l'ilote volontaire de la première. Ce qu'il faudrait, c'est affranchir la France de la tyrannie de Paris. Lorsqu'un provincial se croit quelque avenir, il s'en va à Paris; il ne tarde pas à y être adopté et à faire partie de la coterie dirigeante. Tenez, nous devrions examiner si, comme punition, nous ne devrions pas contraindre Paris à garder l'empereur... La France est une nation de zéros, une collection de troupeaux. Les Français n'ont pas d'individualité; ils forment une masse, quelque chose comme, trente millions de Cafres qui obéiraient à des ordres venus d'en haut. La belle malice de prendre dans cette masse invertébrée une phalange capable d'opprimer le reste du pays!... » Page 134 « Nous traitons de mensonges faits effrontément et sciemment les assertions relatives aux mauvais traitements infligés aux prisonniers de Sedan. Une grande partie des Français, peut-­‐être un quart d'entre-­‐deux, étaient en état d'ivresse, car au dernier moment, avant la capitulation, ils avaient pille toutes les provisions de vin et d'eau-­‐de-­‐
vie de la ville. II est clair qu'il est plus difficile de manier des gens quand ils sont ivres, mais jamais, ni a Sedan ni ailleurs, grâce à la discipline prussienne, les mauvais traitements dont parle l'article ne se sont produits. II est notoire que cette discipline a fait l'admiration des officiers français eux-­‐mêmes. Malheureusement, nous ne pouvons pas accorder ce témoignage aux troupes ennemies, comme nous leur reconnaissons un égal courage. Il a été souvent impossible aux officiers français d'empêcher leurs subordonnes de frapper ceux qui étaient a terre, mortellement blesses. Et il faut ajouter que cela n'arriva pas seulement aux troupes d'Afrique, mais aussi aux autres, alors même que des officiers supérieurs cherchaient à défendre, au péril de leur propre vie, les blesses contre les menaces de leurs hommes. Les prisonniers allemands amenés à Metz ont été, comme on sait, conduits a travers les rues, au milieu d'une populace qui leur crachait au visage, leur jetait des pierres et les battait et, lors de la mise en liberté de ceux-­‐ci, des soldats d'Afrique ont forme une haie, a travers laquelle ils les ont forces de passer a coups de bâton et de fouet, comme autrefois on faisait passer à travers les baguettes. Nous sommes amenés de prouver ces faits par des documents officiels, qui sont d'une autre valeur que les lettres anonymes de M. L... » Page 161 Boyer a fait sensation dans la ville, où l’uniforme de général français n’avait pas été vu depuis longtemps. Un rassemblement s’est formé dans la rue, et il a été salué des cris de « Vive la France ! » Il a alors déclaré que l’armée de Metz restait fidèle à l’empereur et ne voulait rien avoir à faire avec la République des avocassiers parisiens ? Le chef (Bismarck) nous raconta qu'à chaque instant Favre s'écriait que la France était le pays de la liberté, tandis que l'Allemagne était régit par le despotisme. « Chaque fois qu'il me disait cela, déclara le chancelier, je me contentais de lui répondre que nous avions besoin d'argent et qu'il faudrait que Paris nous en donne. II me conseilla de contracter un emprunt; je lui répondis que nous ne pouvions contracter d'emprunt sans y être autorises par la Diète. Il fut stupéfait. « Comment! Vous ne pouvez pas avoir 500 millions sans les demander à la Chambre? » « Non, lui dis-­‐je, « pas cent sous! » Il ne pouvait pas arriver à le croire. « Ah! », répétait-­‐il, « en France, on ne se gênerait pas! » Et il se remit encore à vanter l'immense liberté dont on jouit en France. Et, voyez-­‐vous, il n'y avait rien de plus amusant que de l’entendre parler, lui surtout qui avait été membre de l'opposition. Mais ces Français, ils sont tous comme ça... Vous pouvez leur donner vingt-­‐cinq coups de bâton; si vous leur faites en même temps un beau discours sur la liberté et la dignité humaines, ils ne font pas attention aux coups et écoutent le discours. » Page 302 M. de Bismarck nous a ensuite raconté la promenade qu'il avait faite, dans la journée à Saint-­‐Cloud. Partout, il n'avait vu que des gens en train de déménager leur mobilier et leurs lits. C'étaient des habitants de la banlieue qui n'avaient pu rentrer à Paris. « Les femmes, nous dit le chancelier, avaient 'air aimable, mais les hommes, des qu'ils voyaient nos uniformes, prenaient un air sombre. Cela me rappelle la vieille armée napolitaine. On y avait des commandements baroques. La où nous autres nous commandons : « Chargez! » ils commandaient: « Faccia feroce! » (Ayez l'air féroce Il faut toujours que ces Français aient une attitude théâtrale. Ils tiennent avant tout a l'expression, et, pourvu qu'ils gardent la forme, le fond leur importe peu... n y avait autrefois a Potsdam un citoyen qui vint un jour me trouver et qui me déclara qu'il avait été profondément impressionne par un discours de Radowitz. Je lui demandai de me citer le passage; il ne put jamais se le l'appeler. Je pris alors le discours lui-­‐même et le lus d'un bout a l'autre pour en découvrir les beautés; il se trouva qu'il n'y avait dedans rien de pathétique ni de sublime. C'était l'attitude de Radowitz, sa figure émue, son œil brillant, sa voix sonore, qui avaient donne l'impression qu'il prononçait un discours profond et saisissant... Eh bien, les Français sont. Comme les discours de Radowitz ! Et il serait curieux de voir combien, dans l'histoire parlementaire, l'éloquence a gâté de choses. Il serait curieux de compter les heures qui ont été perdues avec des gens qui tenaient absolument à parler, alors même qu'ils n'avaient rien à dire... » 4 -­‐ Propos de Bismarck à l’égard de l’Alsace Bismarck – Emil Ludwig Page 471 « Les Alsaciens, dit-­‐il à une délégation, je les ai de tout temps considérés comme l’Elite du peuple français, ce sont les meilleurs soldats et ils ont à mes yeux l’avantage de posséder un peu du bon de deux nations. Si je pouvais marier les Françaises à nos meilleurs Allemands, j’obtiendrai une race d’homme magnifique » Les Mémoires de Bismarck -­‐ Busch Tome I -­‐ Page 121 Le prince de Hohenlohe a diné à notre table et la conversation a roulé sur Paris et la France. Le chancelier nous a dit que les Alsaciens avaient toujours eu le talent de se faire moquer d'eux par les Parisiens et qu'on faisait, sur eux, à Paris, des caricatures et des bons mots comme on en fait à Londres sur les Irlandais. …D'ailleurs, a ajouté le chancelier, il en est de même de toutes les provinces de France: elles subissent toutes le même sort. La France, jusqu'à un certain point, est divisée en deux nations : Paris et la province; la seconde est l'ilote volontaire de la première. Ce qu'il faudrait, c'est affranchir la France de la tyrannie de Paris. Lorsqu'un provincial se croit quelque avenir, il s'en va à Paris; il ne tarde pas à y être adopté et à faire partie de la coterie dirigeante. Tenez, nous devrions examiner si, comme punition, nous ne devrions pas contraindre Paris à garder l'empereur... La France est une nation de zéros, une collection de troupeaux. Les Français n'ont pas d'individualité; ils forment une masse, quelque chose comme, trente millions de Cafres qui obéiraient à des ordres venus d'en haut. La belle malice de prendre dans cette masse invertébrée une phalange capable d'opprimer le reste du pays!... Tome I -­‐ Page 301 Des instructions ont également été envoyées en Alsace pour que les élections générales qui vont avoir lieu et qui doivent décider de la paix ou de la guerre ne soient point troublées. Dans les provinces que nous occupons ce sont d’ailleurs les maires et non les préfets qui seront chargés de surveiller les élections. Bismarck et son temps par Paul Matter – Paris Félix Alcan, Editeur 1908 Page154 Bismarck prétendait exclure des élections l’Alsace et la Lorraine allemande. « Ah ! Quant à cela, non, non, répondit M. Thiers. L’armistice n’est pas le traité de paix ; jamais nous ne laisseront, dans un armistice, préjuger une question de territoire. » Le chancelier, frappé de la vivacité de la réponse, proposa un moyen terme, de choisir dans les deux provinces des notables sans recourir à la formalité de la convocation, pour y prévenir toute agitation électorale. M. Thiers y consentit et la conversation dévia sur les conditions de la paix. M. de Bismarck exposa tout net que l’Alsace et Metz étaient indispensables à l’Allemagne, et il voulut traiter la question par l’argument historique ; mais il avait un rude adversaire, qui riposta par l’histoire de la formation prussienne, et le chancelier se rabattit sur les raisons de nécessité. Page 269 Les gouvernements confédérés ont acquis en commun l’Alsace et la Lorraine, la possession commune, l’administration commune de ces pays est un fait donné qui résulte de nos besoins et de ceux des intéressés dans les deux provinces ; mais je vous prie instamment de vous abstenir d’un jugement sur la forme que peuvent recevoir définitivement, un jour, ces acquisitions allemandes ». Pour surmonter « l’éloignement que nous trouvons chez cette population », il faut de la « bienveillance et de la patience. Nous sommes en état, ajouta-­‐t-­‐il, d’accorder aux habitants d’Alsace et de Lorraine une grande somme de liberté communale et individuelle ». Et c’est par un appel à la bienveillance qu’il termina son discours. Page 270 Les dernières paroles étaient sages et dignes d’un chef d’état ; le Bismarck vieilli et autoritaire des dernières années les oublia souvent ; dès 1871 au Reichstag, elles trouvaient des incrédules qui entendaient traiter l’Alsace et la Lorraine en pays inférieurs, et Bismarck dut s’élever à deux reprises contre « cette prétention de se faire les tuteurs de l’Alsace pour ses intérêts locaux. A ce compte là, il me semble bien, les Alsaciens pourraient bien ne pas trouver le leur ». Ici la sagesse se doublait de prophétie ; au compte de l’annexion ; les Alsaciens n’y ont pas trouvé le leur. Page 343 On l’a dit, la loi du 9 juin 1871 avait imposé à l’Alsace-­‐Lorraine un régime provisoire, la dictature, qui devait prendre fin le 1er janvier 1873 par la mise en vigueur de la constitution allemande dans les pays annexés. Deux années paraissaient suffisantes pour rallier les populations d’Outre-­‐Rhin à la nouvelle patrie : il n’en fut rien, le cœur a ses raisons sur lesquelles la loi ne peut rien. Une loi du 20 juin 1872 prolongea d’une année la durée de la dictature ; quelques députés s’en émurent, et au mois de mai 1873, Monsieur Windhorst protestait à la tribune du Reichstag contre la dureté du régime en Alsace-­‐Lorraine. Bismarck lui répondit par un proverbe français : « pour faire une omelette, il faut casser des œufs. » -­‐ « Nous avons nécessairement, ajouta-­‐t-­‐il, à combattre en Alsace maintes sympathies pour un passé deux fois séculaire qui a donné aux habitants maintes gloires, maints avantages ; nous avons à surmonter péniblement les sympathies vraiment françaises du pays, et avant tout de faire en sorte qu’elles ne compromettent pas la sûreté matérielle de l’Allemagne. » Il promit enfin le dépôt d’une loi qui règlerait la situation de l’Alsace-­‐Lorraine. Sa promesse fut vite tenue : la loi du 15 juin 1873 donna au pays d’Empire le droit d’envoyer quinze députés au Reichstag. Les élections furent franchement antiallemandes : presque tous les députés étaient protestataires. Bismarck n’en fut point étonné ; il était assez patriote pour comprendre la fidélité des Alsaciens à leur vieille patrie, assez clairvoyant pour percevoir la plaie encore saignante au cœur des annexés. Dès leur entrée au Reichstag, les députés d’Alsace-­‐Lorraine demandèrent la suppression d’une des lois de dictature : on rit de leur accent étranger, de leur « gesticulation française » ; on prononça la clôture pour arrêter leur protestation. Bismarck, -­‐ on lui a dès lors rendu cette justice, -­‐ ne se joignit ni à ces rires indécents, ni à cette clôture hâtive. Ses paroles furent fortes et dures. « Nous n’avons pas fait l’annexion pour rendre heureux les Alsaciens-­‐Lorrains, dit-­‐il ; nous avons construit un rempart contre les irruptions que depuis deux cents ans a faites chez nous un peuple passionné et guerrier… ; nous avons dû briser la pointe de Wissembourg qui pénétrait profondément dans notre chaire, et précisément en cette pointe alsacienne habite une population qui ne le cède rien aux Gaulois comme passion guerrière et qui nous honore d’une haine vraiment cordiale. Ces messieurs, ici présents, sont-­‐ils tout à fait innocents du passé ? » L’annexion de l’Alsace-­‐Lorraine contraignait l’Allemagne à maintenir forte son armée, Bismarck l’avait prédit en février 1871. L’état major voulait maintenir l’effectif et le budget militaires en dehors des luttes parlementaires… Bismarck 1815-­‐1898 – Henri Welschinger – Librairie Félix Alcan Page 211 – La façon dont le chancelier traitait les nouvelles provinces. Il savait bien qu’il blesserait la France en accentuant les mesures de rigueur en Alsace-­‐
Lorraine, pour punir les deux provinces de rester inébranlablement attachées à leurs souvenirs et à leurs traditions. Il avait excité le statthalter Hohenlohe à rétablir l’obligation des passeports pour mieux affirmer la séparation d’avec la France, pour en faire deux pays étrangers, l’un à l’autre. Il aurait voulu mater le clergé qui travaillait contre le Septennat militaire et il s’était demandé, après les dernières élections hostiles à la germanisation, s’il ne fallait pas suspendre la Délégation ou enlever aux Alsaciens-­‐
Lorrains le droit d’élection au Reichstag. En attenant de pire mesures, il fit dissoudre les associations d’un caractère français, rétablir les permis de séjour, expulser les agitateurs, créer une plus forte police politique, choisir les maires en dehors des conseils municipaux, interdire les journaux dangereux, retirer le droit de chasse aux étrangers, opérer des perquisitions, ordonner enfin de telles vexations que Hohenlohe écrivit dans son journal : « On dirait que Berlin exige toutes ces mesures pour pousser les Alsaciens-­‐
Lorrains à désespérer et à se révolter, sauf à répondre ensuite que le régime civil ne vaut rien et que l’état de siège s’impose. » Il s’en plaignit lui-­‐même à Bismarck, qui se mit à rire et rappela les procédés efficaces du duc d’Albe aux Pays-­‐Bas. Mais ni les menaces ni les violences ne firent avancer d’un pas l’œuvre de germanisation en Alsace-­‐Lorraine. Nos têtes carrées n’en détestèrent que plus leurs nouveaux maîtres. 5 -­‐ La Russie et les pays neutres Les Mémoires de Bismarck -­‐ Busch Tome I Page 292 Après dîner, lu un grand nombre de rapports et de documents, parmi lesquels une très intéressante lettre de Gortschakoff, dans laquelle le chancelier russe nous conseille de laisser Metz et la Lorraine allemande à la France et de prendre un autre morceau de territoire, par exemple le Luxembourg. La position géographique de ce grand-­‐duché, affirme le prince Gortschakoff, est tout indiquée pour qu'il fasse partie de l’Allemagne. M. de Bismarck a répondu comme il suit à la proposition du ministre russe : « Nous ne nous reconnaissons pas le droit de prendre le bien de gens qui ne nous ont rien fait. Nous devons donc nous en tenir strictement au programme que, il y a cinq mois nous avons communiqué à St Pétersbourg. La réalisation de ce programme est indispensable à notre sécurité, et l'Allemagne ne tolérerait pas une minute qu'on en changeât une virgule. Il nous faut Metz et la Lorraine » Bismarck et son temps par Paul Matter – Paris Félix Alcan, Editeur 1908 Page 246 De Russie de Prince Gortschakoff écrivait pour engager le gouvernement prussien à délaisser Metz et la Lorraine Allemande et à prendre le Luxembourg… La Lorraine Annexée -­‐ 1871-­‐1918 – François Roth – Editions Serpenoise – 2007 Page 31 – à propos de la compensation luxembourgeoise En décembre 1870 – janvier 1871, l'éventualité de la compensation luxembourgeoise fut de nouveau débattue par les chancelleries. Bismarck tenait toujours au moins deux fers au feu, déclarant d'une part qu'il n'attachait « aucun prix à une annexion du Grand Duché » pour empêcher une intervention des neutres et se livrant d'autre part sur le gouvernement grand-­‐ducal à des mesures d'intimidation qui pouvaient être le prélude d'actions plus énergiques. Le chancelier russe Gortchakov proposa officiellement à la Prusse d'étudier cette compensation (14 janvier 1871). Bismarck qui, entre temps, avait obtenu du gouvernement grand-­‐ducal de substantielles concessions (Mission Ernsthausen), répondit par une fin de non-­‐recevoir et maintint le programme de septembre, « une frontière stratégique défensive avec l'annexion de Metz » (26 janvier 1871). La politique russe de Bismarck et l’unification allemande Stéphanie Burgeaud – thèse de doctorat – Université de Strasbourg Page 138 Gortchakov commence par y expliquer sa politique française en la présentant sous le meilleur jour possible. Il avoue que son système a été ébranlé par le comportement actuel de la Seine, qui donne une actualité saisissante aux mots de son prédécesseur Nesselrode : se méfier d’une « nation trop instable, trop mobile, trop fatalement vouée aux excentricités révolutionnaires. Page 395 Une indemnité de guerre même considérable est admissible, ainsi que le désarmement des forteresses françaises situées spécialement sur la frontière, mais les prétentions d’une cession de l’Alsace et de la Lorraine ainsi que d’autres demandes exorbitantes (par exemple pour la flotte) ne pourraient pas être prises en considération. Détacher l’Alsace et en former avec le Luxembourg un pays indépendant neutre sous la garantie des Puissances serait possible, peut-­‐être utile comme un « tampon » mais à concéder à la Prusse que dans le cas le plus extrême de sa victoire absolue et donc dans la suppression de grandes difficultés de traiter avec elle. Page 396 Que leur suprématie militaire bouleverse la donne diplomatique, notamment sur la Neva, les dirigeants prussiens ne l’ignorent pas. La menace d’un congrès inquiète leur ambassadeur d’autant qu’elle enfle avec la polémique dans la presse autour de l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine (Note 32 cette revendication croît dans l’opinion allemande, après les premières victoires et à mesure que s’éloigne le spectre d’une invasion française). On l’y revendique à haute voix sans qu’un démenti officiel de Berlin ne vienne Le cri de Gortchakov : « nous ne souffrirons pas cela ! » impression cependant moins que le rapprochement entre Vienne et Londres. 

Documents pareils