l`économie du couple

Transcription

l`économie du couple
L’ÉCONOMIE DU COUPLE
L’Économie du couple, de Joachim Lafosse :
drame du budget conjugal
Bientôt divorcés, Marie et Boris cohabitent dans
une haine grandissante, entourés de leur deux
filles : à qui appartient le domicile familial ? Avec
ce huis-clos projeté à la Quinzaine des
réalisateurs, Joachim Lafosse renaît de ses
cendres.
Superbe. On avait quitté Joachim Lafosse sur un
film étrange, ambitieux, pas totalement abouti,
où il tentait de saisir le vide qui engloutissait, peu
à peu, les faux héros d'une prétendue mission
humanitaire (Les Chevaliers blancs). On le
retrouve aussi intense et ambigu qu'à ses
débuts : Nue propriété, avec Isabelle Huppert, en
2006, était déjà une sorte de cul-de-sac familial,
avec maison à vendre et père interdit de séjour.
Plus pervers (et réussi) encore : Élève libre (2008)
où un trio d'adultes entreprenait l'éducation
philosophique et sexuelle d'un ado plus ou moins
délaissé par ses parents.
Attaques, esquives et coups bas
Huis-clos, à nouveau (enfin presque) et
affrontements à répétition dans L’Économie du
couple où le cinéaste oscille, avec brio, entre
Maurice Pialat et Qui a peur de Virginia Woolf ?…
Marie (Bérénice Béjo) vient d'une famille aisée.
Avec l'aide de sa mère (Marthe Keller), elle a
investi dans une villa que Boris (Cédric Kahn) a
décorée avec un tel soin qu'il lui semble en être
devenu le copropriétaire. Est-ce cette maison
qui, insensiblement, les a séparés ? Toujours estil qu'en dépit de leur amour pour leurs deux
petites filles, Marie et Boris ont décidé de
divorcer. Mais pas question de quitter un lieu où
ils se sentent, l'un et l'autre, chez eux. Ils y
cohabitent, donc, avec une haine grandissante :
Marie ne supporte plus tout ce qu'elle aimait
autrefois : la voix de Boris, sa démarche, son
infantilisme, aussi… Lui se sent humilié, rabaissé
comme un valet qu'on aurait toléré, un temps, à
la table des maîtres…
Le fric est là, invisible et omniprésent (l'une en a
et l'autre, pas) qui exacerbe leur méfiance, leur
entêtement, leur orgueil. Joachim Lafosse filme
un match de boxe, avec attaques, esquives et
coups bas, en plans séquence fiévreux et
habiles. Par moments, on a l'impression de
contempler un scénario de comédie américaine
à la Howard Hawks que l'égoïsme et
l'aveuglement des personnages auraient
transformé en tragédie. Réussite totale…
Pierre Murat

Documents pareils