La formation tout au long de la vie
Transcription
La formation tout au long de la vie
Éducation, formation, orientation Les fiches Repères La formation tout au long de la vie Si le nouveau concept de « l’éducation et la formation tout au long de la vie » (EFTLV) fait son apparition à la fin des années quatre-vingt-dix, l’histoire de l’éducation est en fait rythmée par la recherche d’un terme globalisant susceptible de définir l’ensemble des besoins des individus dans le domaine éducatif. Principes et filiation de la notion de « formation tout au long de la vie » Sous la Troisième République, ce fut « l’enseignement postscolaire ». À la Libération, « l’éducation populaire » (projet Langevin-Wallon), « la promotion sociale » dans la loi Debré de 1959 puis, dans les années soixante, « l’éducation permanente ». La formation tout au long de la vie (FTLV) – traduction littérale du lifelonglearning anglo-saxon – apparaît en France pour la première fois lors de la publication par la Commission de la Communauté européenne en 1995 du livre blanc sur l’éducation et la formation, Enseigner et apprendre. Vers la société cognitive, vingtcinq ans après la loi de 1971 sur la formation continue dans le cadre de l’éducation permanente. Pour les concepteurs de l’Europe de la connaissance, cette notion de formation tout au long de la vie n’est pas le résultat de l’addition de deux périodes dans l’existence des individus, celle de la formation initiale de l’enfance et de l’adolescence, puis celle de la formation continue à l’âge adulte, mais semble, au contraire, associée à une idée de continuité dans la mise à jour des connaissances, induisant par ailleurs le développement de la personne et renonçant, par conséquent, à encadré 1 EFTLV : une définition élargie L’éducation et la formation tout au long de la vie ne se limite pas à une vision purement économique ou à l’éducation et à la formation pour les adultes. L’EFTLV met à la fois l’accent sur l’apprentissage qui va de l’enseignement préscolaire jusqu’à l’aprèsretraite, et couvre toute forme d’éducation, qu’elle soit formelle, non formelle ou informelle. Les objectifs liés à l’éducation et à la formation tout au long de la vie comprennent la citoyenneté active, l’épanouissement personnel et l’inclusion sociale, ainsi que les aspects liés à l’emploi. Les principes sur lesquels se fonde l’EFLTLV et dont dépend sa mise en œuvre effective concernent le rôle central de l’apprenant, l’importance de l’égalité des chances et la qualité et la pertinence des possibilités d’éducation et de formation. Source : Commission européenne, communication du 21 novembre 2001 (http://eur-lex. europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:52001DC0678:FR:NOT). toute vision utilitariste de l’appropriation des savoirs. Élément clé du processus de Lisbonne, l’objectif de « l’économie de la connaissance » est aussi un projet © Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, mai 2012 1 Éducation, formation, orientation Les fiches Repères d’émancipation, non seulement en raison de l’obsolescence rapide des connaissances acquises, mais également parce qu’au-delà des apprentissages scolaires, universitaires et expérientiels, l’individu, en sa qualité de « sujet social apprenant » (selon Joffre Dumazedier), a vocation à maîtriser son environnement personnel et professionnel, en quête de sa propre autonomie. Pour autant, « la relative unanimité qui entoure la notion de formation tout au long de la vie ne pourrait-elle apparaître comme l’arbre qui cache la forêt » (Merle, 2006) ? dépendance » (art. L.6311-1 de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle et au dialogue social). En 2009, les objectifs précédents ont été complétés par « la sécurisation des parcours et de l’emploi ». Enfin, le compte national de la formation professionnelle continue et de l’apprentissage donne une acception assez large de la FTLV en y intégrant les « actions et dispositifs d’accompagnement, d’information, d’orientation et d’insertion ». La définition de la FTLV en droit français Dans l’Union européenne, en application du principe de subsidiarité, l’éducation et la formation relèvent de la compétence des États. Depuis le début des années 2000, la dépense publique consacrée à la formation initiale, dans l’Union européenne, représente entre 3 et 7 % du produit intérieur brut (PIB) selon les pays (Le Douaron, 2002). Le Code du travail (art. L.6111-1 de la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie) précise que « la formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale » et la définit de la manière suivante : « Elle comporte une formation initiale, comprenant notamment l’apprentissage, et des formations ultérieures, qui constituent la formation professionnelle continue, destinées aux adultes et aux jeunes déjà engagés dans la vie active ou qui s’y engagent. « Elle vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, d’acquérir et d’actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle, ainsi que de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle. « En outre, toute personne engagée dans la vie active est en droit de faire valider les acquis de son expérience, notamment professionnelle ou liée à l’exercice de responsabilités syndicales. » Par ailleurs, la formation professionnelle tout au long de la vie doit favoriser « l’insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs, permettre leur maintien dans l’emploi, favoriser le développement de leurs compétences et l’accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle, contribuer au développement économique et culturel et à leur promotion sociale, permettre le retour à l’emploi des personnes qui ont interrompu leur activité professionnelle pour s’occuper de leurs enfants ou de leur conjoint ou ascendants en situation de Données socio-économiques en France et en Europe En France En 2010, la dépense intérieure d’éducation (DIE) a atteint 134,8 milliards d’euros, soit 7 % de la richesse nationale (PIB). Cette contribution financière se situe à hauteur de 2 080 euros par habitant, soit 8 150 euros par élève ou étudiant. Dans le même temps, la dépense nationale pour la formation professionnelle et l’apprentissage s’est élevée à 31,3 milliards d’euros, soit 1,6 % du PIB, en diminution par rapport à l’année 2000 (Gauron, 2000). Selon l’enquête Emploi de 2010 (INSEE, 2011), 21 % des adultes de 25 à 64 ans ont suivi au minimum une formation l’année précédente. Mais l’âge est déterminant. Dès 45 ans, cette probabilité décroît et devient très faible à partir de 55 ans. Parmi les actifs, les chômeurs se forment moins fréquemment, mais plus longtemps en moyenne que les autres actifs. La propension à se former croît avec l’effectif de l’entreprise : 34 % des salariés des entreprises de plus de 500 personnes entrent en formation, alors que 16 % seulement se forment dans les entreprises de moins de 20 salariés. Les secteurs d’activités qui privilégient la formation sont l’enseignement, la santé, l’administration publique. À l’inverse, l’agriculture, la construction, l’hôtellerie et la restauration sont peu demandeurs. © Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, mai 2012 2 Éducation, formation, orientation Les fiches Repères La discrimination la plus forte s’opère au plan de la catégorie socioprofessionnelle. Au cours de l’année 2009, lorsqu’un cadre ou technicien sur trois entrait en formation, un ouvrier sur six seulement – la moitié –prenait la même initiative. Enfin, comme nous le remarquerons au plan de l’Union européenne, l’accès à la formation s’amplifie avec le niveau d’études et le diplôme. Un diplômé sur trois déclare avoir suivi une formation contre un non diplômé sur dix. Pour finir, le contexte de crise et de récession tend à comprimer les dépenses de formation et partant, à en réduire l’accès. En Europe La formation continue renvoie à une multitude de pratiques formatrices, généralement de courte durée et détachées d’un objectif de certification équivalent à ce qui caractérise les cursus de formation initiale (Aventur, Möbus, 1999). Quatre groupes de pays sont identifiés (Delort, 2012 ; Lambert, Marion-Vernous, Sigot, 2009). – Le premier comprend la Suède, la République tchèque, le Luxembourg et la France et se détache du reste de l’Europe. Les pratiques de formation y sont les plus importantes. Pour prendre l’exemple de la France, près de 75 % des entreprises ont formé au moins un salarié ; leur taux de recours au stage réalisé par un organisme externe est de 71 %. Près d’un salarié sur deux a suivi au moins une formation dont la durée moyenne est de 28 heures. – Dans le deuxième groupe, constitué de l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, l’Estonie, la Norvège, les PaysBas et le Royaume-Uni, les pratiques des entreprises sont comparables à celles du premier groupe de pays, mais les taux d’accès à la formation y sont moins importants : en moyenne, seulement 30 % environ des salariés ont suivi un cours ou un stage. – La Slovaquie, le Portugal, Malte, l’Espagne et la Belgique composent le troisième groupe, proche dans certains domaines du groupe précédent, notamment en ce qui concerne le taux d’accès aux cours et aux stages, mais le nombre d’entreprises ayant formé un salarié est presque deux fois inférieur au premier groupe : 40 %. – Dans les pays du quatrième groupe, qui comprend la Bulgarie, la Grèce, la Hongrie, la Lituanie, la Pologne et la Roumanie, on observe un faible nombre d’entreprises formatrices cumulé à un faible taux d’accès des salariés à la formation – en moyenne 16 % – et une durée moyenne de formation par salarié inférieure à 5 heures. Pour compléter cette cartographie synthétique, les comparaisons internationales font ressortir certains invariants européens. D’abord, comme on pouvait en avoir l’intuition, l’effort de formation continue augmente avec la qualification des salariés et les disparités dans l’accès à la formation continue se réduisent avec l’élévation du niveau de formation initiale. Ensuite, tous les pays observent un effort de formation beaucoup moins soutenu dans les petites entreprises que dans les grandes. En France, le ratio est proche de quatre. Enfin les distorsions d’accès à la formation continue sont plus faibles selon le genre que selon l’âge (voir tableau 1). Dominique Diamant-Martin tableau 1 Taux d’accès annuel à la formation des 25-64 ans Caractéristiques de la personne Taux d’accès à la formation (en %) Âge 25-34 ans 28 35-44 ans 26 45-54 ans 21 55-64 ans 9 Sexe Hommes20 Femmes22 Diplôme Aucun diplôme 10 Brevet, CEP 13 CAP-BEP18 Bac24 Supérieur court 32 Supérieur long 34 Activité Actif occupé 25 Chômeur BIT 21 Inactif8 Source : INSEE, enquête Emploi 2010. © Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, mai 2012 3 Éducation, formation, orientation Les fiches Repères Bibliographie Bibliographie • Checcaglini A., Marion-Vernous I., 2008, « La formation continue dans les entreprises européennes. Premiers pas vers une homogénéisation », Bref du CÉREQ, n° 251. • Le Douaron P., 2002, « La formation tout au long de la vie », Revue française d’administration publique, n° 104, pp. 573-580. • Commission européenne, 1995, Enseigner et apprendre. Vers la société cognitive, Bruxelles, CECA-CE-CEEA (http:// ec.europa.eu/languages/documents/doc409_fr.pdf). • INSEE, 2011, « Fiches thématiques sur la formation tout au long de la vie – Formations et emploi », coll. « INSEE références web » (www.insee.fr/fr/themes/document. asp?reg_id=0&ref_id=FORMEMP11_e_FTLo3for). • Delort A., 2012, La dépense nationale pour la formation professionnelle continue et l’apprentissage. Guide méthodologique. Validité 2009, Paris, DARES, coll. « Document d’études », n° 168. • Gauron A., 2000, Formation tout au long de la vie, rapport du Conseil d’analyse économique, Paris, La Documentation française. • Merle V., 2006, « La FTLV, un projet pour les sociétés démocratiques », in Morvan Y. (dir.), La formation tout au long de la vie. Nouvelles questions, nouvelles perspectives. Colloque Rennes Métropole, 6 et 7 mars 2006, Rennes, Presses universitaires de Rennes. • Aventur F., Möbus M., 1999, Formation professionnelle initiale et continue en Europe. Une étude CÉREQ-Elf Aquitaine, Paris, Magnard-Vuibert. • Lambert M., Marion-Vernoux I., Sigot J.-C., 2009, Quand la formation continue. Repères sur les pratiques de formation des employeurs et des salariés, Marseille, CÉREQ. © Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, mai 2012 4