La vieille jeune fille
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La vieille jeune fille
Semaine 75 La vieille jeune fille J’ai cueilli ma jeunesse comme l’exhorte le poète Dans sa rengaine cruelle qui fait sourire les jeunes et le désespoir des vieux. Mais moi, personne ne m’a cueillie. La vieille jeune fille sur son banc Sent sa peau s’assécher, se craqueler Comme les pétales d’une orchidée oubliée De l’arroseur. Desséchée Végétale sur son banc Se confondant avec le bois vieilli Prenant racine à regarder les autres vivre Dodelinant parfois de la tête Une femme brindille Mon âme reste fraîche. Mon âme est vive. Mais qui pour s’en apercevoir ? Personne ne m’a jamais regardée. Personne ne m’a jamais vue. De son banc, elle voit passer les trains au loin Le mouvement c’est la vie dit-on Le mouvement c’est la vie, se répète-t-elle. Plus d’oscillations dans son cœur Qui s’embaume comme une momie Sous le sel de la monotonie Mon âme reste vive, oui Mais à quel prix ? Tout est sec à l’intérieur Poussiéreux inutilisé Pour ne pas se dévitaliser complètement La vieille jeune fille garde des joies d’enfant Un rire cristallin qui commence à faire peur Et le diamant insolent de ses yeux J ai coloré mes lèvres, J’ai brossé mes cheveux. Et j’ai décidé de briller. Semaine 75 Le diamant insolent de mes yeux Deux billes interrogatives portées sur toutes choses: Se lever du banc Aller vers les jeunes hommes charmants Lancer des regards comme d’autres des regrets Les goûter, les effleurer, les égrener comme un chapelet Se repaître de leur peau, de leur goût, de leur force Leur sève le soleil leur vie renaître Delphine Gendre