(…) Il avait fait très chaud ce jour-là, à Sfax. Salvatore avait travaillé

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(…) Il avait fait très chaud ce jour-là, à Sfax. Salvatore avait travaillé
(…) Il avait fait très chaud ce jour-là, à Sfax. Salvatore
avait travaillé à la savonnerie toute la journée, comme
d’accoutumée. Le soir tombé, il décida d’aller voir sa
fiancée. Il n’avait pas envie de croiser ses futurs beauxparents, non. Il souhaitait seulement passer un doux
moment romantique avec sa promise. Plusieurs fois déjà,
déjouant la surveillance de sa future belle-mère, il avait
réussi à voler quelques instants d’intimité avec Maria, qui
l’attendait près de la fenêtre de sa chambre à la nuit
tombée. Lorsque ces soirs-là il arrivait, elle lui tendait
chastement sa main. Lui la prenait comme une offrande en
lui chuchotant des mots d’amour. Ce moment ne durait que
quelques instants à peine, mais il n’appartenait qu’à eux…
Salvatore fit sa toilette, revêtit un beau costume noir, puis il
s’engouffra dans l’obscurité du soir pour rejoindre sa
promise. Arrivé dans la rue où se trouvait la maison des
parents de Maria, il ralentit soudain le pas. Il fallait être
prudent, ne pas se faire surprendre… La nuit était lourde et
moite, sans étoiles. Tel un chat, il s’avança vers la fenêtre
grande ouverte de sa belle. Impatiemment, il chercha dans
le noir cette main dont il aimait plus que tout la douceur et
la finesse. Il la trouva enfin, la saisit et la couvrit de tendres
baisers. Puis il se mit à la caresser lentement et doucement,
du bout des doigts. D’abord, le dessus, puis la paume…
Mais, ce soir-là, la main de Maria n’était pas aussi
voluptueuse qu’à l’accoutumée… Moins généreuse, elle ne
voulait se laisser prendre tout à fait… Quelque chose
semblait l’en empêcher… Surpris, il observa un bref
mouvement de recul. Peut-être Maria était-elle malade, ou
bien contrariée ?
Il n’eut pas le temps de s’interroger plus longtemps. Tout à
coup la main se raidit, puis s’échappa brusquement de la
sienne. Une lumière s’éclaira et telle une furie, sa bellemère apparut alors par la fenêtre, à l’endroit même où
Maria se tenait d’accoutumée. Rugissante de colère, elle ne
cessait de hurler et de gesticuler.
Salvatore, sous le choc, ne réalisa pas immédiatement ce
qui venait de se passer. Vertement prié de rentrer chez lui
sur le champ, il ne demanda pas son reste. Ce fut sur le
chemin du retour, une fois ses esprits retrouvés, qu’il
comprit. Madame Cannamela avait vraisemblablement
découvert ses petits rendez-vous secrets avec sa fille et le
rituel qui les caractérisait. Mais à qui cette imprudente sans
vertu pouvait-elle tendre sa main ? A Salvatore ? A un
vaurien des rues ? D’autorité, elle avait décidé de prendre
sa place ce soir-là, près de la fenêtre, pour en avoir le cœur
net ! Et ce fut bien la main de sa belle-mère que Salvatore,
à son insu, caressa langoureusement ce soir-là …
Dieu merci, ce n’était pas à un moins que rien que Maria
offrait sa main chaque soir. Madame Cannamela, malgré sa
colère d’un soir contre un futur gendre qui avait osé braver
son autorité, fut finalement bien rassurée. Il ne fut
nullement question de remettre en cause le mariage et cet
épisode, que chaque membre de la famille se plaît
aujourd’hui à relater en riant, n’entrava en rien le sentiment
d’estime et de respect qu’elle lui voua toute sa vie (…).