Le diagnostic du stress

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Le diagnostic du stress
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T R AVA I L E T S A N T É
SEPTEMBRE 2006
VOL.22 No 3
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SEPTEMBRE 2006
VOL.22 No 3
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STRESS
Jacques Lafleur
Le diagnostic du stress
PREMIÈRE ÉTAPE DU TRAITEMENT
Un stress excessif peut nous tuer. Il peut aussi nous rendre très
malade et briser des vies, d’où l’importance de s’appuyer sur
un bon diagnostic pour soigner sa vie.
Par Jacques Lafleur1
L
a démarche typique de traitement du
stress vécu au travail s’appuie sur un
bon diagnostic. Vient ensuite un plan
de soin pour l’individu touché, plan qui
inclut la détermination des causes individuelles et des causes organisationnelles qui,
elle, mènera à l’apport de solutions
durables. La prévention pourra se faire
selon le même devis : identification de la
gravité du problème, détermination de ses
causes, mesures correctives aux plans individuel et organisationnel. Nous verrons ici
comment faire un diagnostic individuel et
aborderons chacun des autres thèmes dans
les prochains textes.
Le stress peut nous tuer. Il peut aussi rendre très malade et briser des vies. Une étude
récente ( 1 ) montre par exemple que, en ce
qui concerne l’infarctus du myocarde, son
importance comme facteur de risque est
comparable à celui du tabagisme. Et comme
un stress élevé porte de plus à mal manger
et à être sédentaire, il a aussi un effet négatif
sur les autres facteurs de risque de l’infarctus, comme l’hypertension artérielle, le diabète ou encore le cholestérol. En pratique,
cela signifie qu’il est beaucoup plus risqué,
en ce qui concerne la santé cardiaque, de
vivre avec trop de stress que de fumer.
1. PSYCHOLOGUE.
Mais il n’y a pas que le cœur. Comme on
le sait, le stress excessif est aussi étroitement
associé aux problèmes de santé mentale. En
fait, en trouvant naissance dans les régions
les plus primitives du cerveau, les réactions
biologiques associées au stress atteignent tous
les organes du corps, dont le cerveau. Les
gens stressés ont donc la plupart du temps
une panoplie de symptômes physiques et
psychologiques plus ou moins grands, qui
vont de l’insomnie à l’infarctus, en passant
par les problèmes gastriques, les difficultés de
concentration ou même la perte de confiance
en soi. En clinique, on retrouvera le plus souvent entre 60 et 70 symptômes de stress chez
les gens épuisés ou au bord de l’épuisement.
Une réaction de stress peut être très vive
tout en étant brève et sans grande conséquence – quand on évite un danger de
justesse, par exemple. Si l’on est confronté à
des difficultés persistantes ou récurrentes,
elle pourra cependant durer beaucoup plus
longtemps et causer des dommages importants au sentiment de joie de vivre et à la
santé. Les restructurations fréquentes, le
dénigrement, les surplus de tâche
chroniques, le manque de reconnaissance, la
perte d’autonomie décisionnelle, la pression
continue, le rythme effréné, les conflits interpersonnels qui perdurent, l’impossibilité de
faire son travail de façon satisfaisante ou
encore les difficultés à concilier vies personnelle, familiale et professionnelle sont des
exemples de ces demandes d’adaptation –
stressantes - qui peuvent engendrer malaises
et maladies chez les gens touchés. Le stress
vécu au travail peut aussi, bien sûr, s’ajouter
à celui qui vient de la vie personnelle ou
familiale. Il n’est pas rare que les gens stressés
se sentent coincés de partout.
LE DIAGNOSTIC
L’effet du stress est comparable à celui
qu’aurait une augmentation du courant électrique dans nos maisons : tous les appareils
fonctionneraient encore pendant quelque
temps, mais chacun montrerait des signes de
cette surchauffe ( lumières plus brillantes,
four chauffant plus rapidement, moteur
d’aspirateur tournant plus rapidement, etc. ),
jusqu’à ce que certains finissent par « sauter ».
Le stress a un peu cet effet dans l’organisme :
tout fonctionne avec un peu plus d’intensité
ou de contraction, jusqu’à ce que la fatigue se
généralise et que certains organes montrent
des signes de défaillance. Le diagnostic s’appuiera donc sur la nature des symptômes,
leur quantité et leur intensité.
La nature des symptômes
Les premiers symptômes à apparaître sont la
tension musculaire, la fatigue et l’insomnie.
Ils s’accompagnent rapidement de problèmes
physiques, soit digestifs, cardiovasculaires,
immunitaires ou musculo-squelettiques par
exemple. Des troubles psychologiques seront
également présents, tels l’irritabilité, l’anxiété, les difficultés de concentration, une
perte de la joie de vivre, de la motivation ou
de la confiance en soi. Ces symptômes sont
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très variables d’un individu à l’autre. Si le
stress est intense et qu’il est maintenu sur
une longue période, on verra immanquablement apparaître des troubles anxieux
comme la panique, les phobies ou l’obsession, de même qu’une gamme de sentiments dépressifs.
La quantité des symptômes
La majorité des personnes souffrant de
stress ressentiront au moins une quarantaine de symptômes à des degrés divers. Il
convient donc de repenser l’idée selon
laquelle tout symptôme pour lequel le
médecin ne trouve pas de cause serait lié au
stress, ainsi que celle qui veut que, si on
trouve une cause organique au symptôme,
le stress n’est pas impliqué. La vérité est que
si on dénote plus de quarante symptômes et
qu’on peut les relier à des situations stressantes qui perdurent, il y a lieu de croire que
chacun est en partie lié au stress, même si
on peut les traiter séparément de façon
médicale. Dans les cas où un symptôme est
apparu seul et que la personne a plein contrôle sur sa vie, le stress n’est fort probablement pas en cause. Les réactions
biologiques de stress ne mènent donc pas à
des symptômes imaginaires : elles conduisent à des maladies réelles, qui peuvent
aller jusqu’à provoquer la mort ! D’où l’importance de s’en occuper !
L’intensité des symptômes
Il est assez rare qu’on ne trouve chez un
individu qu’un seul symptôme de stress
intense. La plupart du temps, plusieurs
symptômes comme l’insomnie, l’irritabilité,
des maux de dos, des tensions dans la nuque
ou la fatigue augmenteront en intensité
pendant que d’autres, moins forts, continueront d’apparaître. Ces symptômes moins
agressifs seront par exemple la frustration, le
découragement, des problèmes digestifs
occasionnels, la perte de la confiance en soi
ou encore le désir de tout fuir. Le processus
d’augmentation de la quantité et de l’intensité des symptômes se fait le plus souvent en
dents de scie sur une période de plusieurs
mois, sauf dans les cas où la cause du stress
arrive subitement. La perte du conjoint
représente un bon exemple de stress dont
l’arrivée est subite.
Des outils pour le diagnostic
Le lecteur intéressé peut consulter le site
www.psychomedia.qc.ca/stress1.htm pour
obtenir une version du questionnaire
Observer ses symptômes de stress paru dans
notre premier ouvrage - écrit avec le Dr
Robert Béliveau ( 2 ). Dans notre prochain
article, nous en présenterons une version
simple à utiliser pour faire sa propre évaluation ou pour aider d’autres personnes à faire
la leur si on est un professionnel de la santé.
Nous verrons aussi comment il convient de
réagir à court terme si ce questionnaire
révèle un haut niveau de stress et, par la
suite, comment mieux prendre conscience
de ce qui se cache derrière ces symptômes.
Nous verrons alors mieux les actions à
entreprendre à moyen terme pour retrouver
un meilleur équilibre physique et psychologique et prendrons conscience de ce à
quoi notre employeur pourrait remédier si
nous concluons qu’il est en cause.
Références bibliographiques
1. Salim Yusuf, Steven Hawken, Stephanie Ôunpuu, Tony
Dans, Alvaro Avezum, Fernando Lanas, Matthew
McQueen, Andrzej Budaj, Prem Pais, John Varigos, Liu
Lisheng, "Effect of potentially Modifiable Risk Factors
associated with Myocardial Infarction in 52 Countries
( the INTERHEART study ): case-control study," The
Lancet, vol. 364, no 9438, 11 septembre 2004.
2. Lafleur, Jacques et Robert Béliveau, Les quatre clés de
l’équilibre personnel, Collection réalisation, Les Éditions Logiques, Montréal, 1994, 273 pages.
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