Denis-Didier Rousseau - CERES
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Denis-Didier Rousseau - CERES
LE FIGARO mardi 16 décembre 2014 37 Denis-Didier Rousseau, le chercheur qui a conquis l’Amérique Bio EXPRESS liérain pour rejoindre le laboratoire de météorologie dynamique (ENS/UPMC/École polytechnique), à Paris, et prend en 2010 la tête du Centre d’enseignement et de recherche sur l’environnement et la société (Ceres-Erti) à l’ENS qu’il vient de quitter dernièrement à la fin de son mandat. Il se voit confier en parallèle la charge des affaires polaires pour le compte du CNRS. « J’ai fait du chemin depuis mes escargots », reconnaît le chercheur avec un sourire en coin. L’homme est partout. Entre les nuits quasi blanches passées à organiser à distance la grand-messe de l’Union américaine de géophysique et à répondre aux mails jusqu’à plus de deux heures du matin en raison du décalage horaire, il poursuit l’édition de sa revue en accès libre Climate of the Past. « J’aime travailler, monter des projets, faire se rencontrer des univers différents. » Cela ne plaît pas forcément à tout le monde. « À force de bouger, on prend des coups. Je me suis fait des détracteurs, je le sais. » Ces quatre dernières années, il a monté un observatoire interdisciplinaire de l’Arctique et décroché deux financements Equipex (équipements d’excellence) de respectivement 4,5 et 13 millions d’euros, en 2012, puis, en 2014, pour développer les compétences françaises dans les prélèvements par carottage des sous-sols terrestres, marins et dans la glace. Ces réussites se sont forcément faites au détriment d’autres projets… Denis-Didier Rousseau laisse entendre à demimot que son projet au sein de l’Idex (initiative d’excellence) Paris Sciences et Lettres pour faire émerger un pôle pluridisciplinaire autour de l’environnement a été torpillé au sein même de l’ENS. Parce qu’il n’est pas du sérail. Il paraît désabusé. « Ce n’est pas grave, j’ai de quoi m’occuper. » C’est une évidence. ■ UN DERNIER MOT [email protected] Par Étienne de Montety Uber [u-ber’] Commando embarqué à l’assaut de Paris. présente L a société de voiturage Uber sème la panique à Paris. Entendant ce nom pour la première fois, les oreilles les plus jeunes songeront au vieux prénom français : Hubert, qui est à jamais le « cousin Hub » des Visiteurs. Rien de bien méchant. Son saint patron, Hubert, « patron des grandes chasses », est a priori moins dans l’air du temps. On notera cependant que les voitures d’Uber ont dans nos villes des allures de grands prédateurs. Aux oreilles les plus anciennes, le nom, notamment par son orthographe rappellera un mot allemand : über, au-dessus de. « Deutschland, Deutschland über alles in der Welt », chantait jadis la Wehrmacht dans les rues de la capitale. Peut-être conscient de cette homonymie, l’Américain Uber a tenté de se camoufler en s’appelant Uberpop : un mot des années 1940 associé à un mot plus guilleret des années 1960, c’était bien essayé. Personne ne fut dupe. Soixante-dix ans après, Uber signifie toujours « au-dessus ». Au-dessus du service des taxis en dessous de tout, assurent ses fans. Au-dessus des lois, répliquent les chauffeurs. Une chose est sûre. Uber est déjà en France comme en pays conquis. ■ FIGARO-CI ... FIGARO-LÀ Le Quai d’Orsay distingue une femme originaire de Pondichéry C’est une première dans le monde fermé du ministère des Affaires étrangères, qui d’ordinaire ne recrute et ne promeut ses ambassadeurs que dans le sérail. Véronique Roger-Lacan, actuelle ambassadrice chargée de lutter contre la piraterie maritime, vient d’être nommée ministre plénipotentiaire au Quai d’Orsay par Laurent Fabius. Originaire de Pondichéry, elle n’a pas emprunté la filière classique pour rejoindre le Quai, mais a grimpé les échelons du ministère de la Défense, puis de celui des Affaires étrangères grâce à son expérience de terrain, notamment au HCR et à l’Otan. La RDC prépare déjà la présidentielle de 2016 Noël des voisins dans le TGV ! Le président de l’Assemblée nationale de la République démocratique du Congo, Aubin Minaku, tente de faire passer une loi prévoyant l’obligation d’avoir deux parents congolais pour pouvoir se présenter à l’élection présidentielle. Et ce afin d’empêcher la candidature du très populaire gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi. La RDC, quatrième pays le plus peuplé d’Afrique, est actuellement présidée par Joseph Kabila, dont le mandat de cinq ans arrive à terme en 2016. Vendredi prochain, l’association Voisins solidaires, présidée par le conseiller de Paris Atanase Périfan et la SNCF organiseront une opération « Noël des voisins à bord de TGV », au départ de la gare Montparnasse. Des bénévoles de l’association prendront place à bord des voitures, offrant du chocolat aux voyageurs, afin de rappeler que, même dans un train, le temps de Noël est aussi celui de la convivialité et de la solidarité. DR À 6 ans, un âge où les enfants s’imaginent pompier ou astronaute, Denis-Didier Rousseau n’a qu’un rêve : devenir chercheur. À Noël, il ne réclame pas de jouets mais des livres, toujours des livres. Quand il ne lit pas, il collectionne les cailloux et les fossiles. Au grand étonnement de ses parents. « Je viens d’une petite ville de Bourgogne, mon père était secrétaire général de mairie, ma mère travaillait dans une petite entreprise immobilière », raconte, cinquante ans plus tard, le paléontologiste spécialisé dans l’étude des climats anciens. Cette précoce et inextinguible soif de connaissances reste un mystère. Ce bourreau de travail reçoit dans les locaux gris et froid d’une École normale supérieure en pleins travaux. Cela fait des années qu’il vit dans un petit studio parisien et ne rentre chez lui, à Montpellier, qu’une fois par mois environ. Le reste du temps, du lundi au dimanche, il travaille. Comme les journées ne font que 24 heures, il en faut bien sept par semaine. Car derrière le pull polaire usé, les sandales de randonneur et la mine fatiguée se cache le nouveau responsable du programme scientifique du plus grand congrès mondial de sciences de la terre. C’est la première fois que l’Union américaine de géophysique (AGU) confie à un étranger le soin de gérer le contenu de son emblématique « conférence autom- Bourgogne porte, dans les années 1980, sur l’évolunale » (Fall Meeting) qui compte environ tion de vieux escargots. Mais il bifurque très vite vers 24 000 participants. l’étude des environnements anciens. « Les escargots Denis-Didier Rousseau est fier de cette nominasont de très bons indicateurs de l’endroit dans lequel ils tion. Il ne s’en cache pas. Mais il est lucide aussi. vivent, cela me paraissait naturel de m’orienter dans « J’étais le seul non-américain parmi les seize candicette direction. » Ce qui l’amène par ricochet à s’indats. Je pense que cela a joué en ma faveur : je reprétéresser aux sédiments déposés par les sente pour l’Union américaine de géovents dans lesquels sont prises les cophysique un symbole d’ouverture. » Ce quilles fossilisées. Ces travaux novan’est probablement pas la seule raison teurs lui valent la médaille de bronze pour laquelle il a été choisi : ce boulidu CNRS dès 1990. mique de travail s’est forgé au fil des années un CV roboratif. « Je me suis fait Quand il n’est pas en Chine ou en des détracteurs » Serbie à crapahuter au bout d’une 1985 corde sur une falaise pour glaner Avide de connaissances, il s’exile à Doctorat quelques échantillons de sédiments l’université de Columbia, à New York, de paléontologie déposés par les vents, il équipe un exà la rencontre des plus grands profes(université de Dijon). plorateur polaire, Jean-Louis Étienne, seurs de l’époque. Et découvre le ba1990 de grands capteurs de pollen pour son se-ball en chemin. Sa deuxième pasMédaille de bronze expédition au pôle Nord. Europe, sion après la recherche. Il deviendra du CNRS. Amérique du Nord, Asie, Pacifique, même président du club de Montpel2004 Groenland, Arctique, Antarctique, lier avant de prendre la tête de la fédéPrix Gay-Lussac l’homme a parcouru la terre entière. ration française à la fin des années Humboldt. « C’est un travailleur infatigable », 2000. 2007 témoigne Christine Hatté, chercheur Entre-temps, sa carrière de cherMédaille d’argent au Laboratoire des sciences du climat cheur a décollé. À son retour en Frandu CNRS. et de l’environnement (CEA/CNRS/ ce, on lui demande de monter à Mont2009-2010 UVSQ), qui le connaît depuis vingt pellier une équipe pluridisciplinaire Président de ans. « Sur le terrain, il faut se battre sur les paléoenvironnements. Il déla fédération française pour arriver à prendre une pause découvre les pollens. Imagine des méde base-ball et softball. jeuner. Si ça ne tenait qu’à lui, on trathodes pour les récolter et les échan2014 vaillerait sans interruption du lever au tillonner correctement. Responsable coucher du soleil. » Ses contributions scientifiques et du programme Sa plus grande qualité ? « La curiométhodologiques majeures lui valent scientifique du congrès sité », répond-il sans hésiter. Sa thèse la médaille d’argent du CNRS en de l’Union américaine de paléontologie à l’université de 2007. Il quitte son institut montpelde géophysique. A Tristan Vey [email protected] RESEARCHMEDIA LTD SUCCÈS Ce paléontologiste français, spécialisé dans l’étude des climats anciens, pilote le plus grand congrès mondial des sciences de la terre, qui commence aujourd’hui à San Francisco. Une première.