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FRAGIL AU FESTIVAL LES ORIENTALES 2009
« La tradition mandingue se tarit à la source »
Entretien avec Vincent Zanetti, spécialiste des musiques d’Afrique de l’Ouest
Pour défendre sa musique, Vincent Zanetti se bat sur tous les fronts. Multi-instrumentiste spécialiste des
musiques d’Afrique de l’Ouest, il est également journaliste musical pour la Radio Suisse Romande et fondateur
d’un centre culturel à Siby (Mali). Ce percussionniste et fervent voyageur explique ce projet et dresse un état
des lieux de la musique malienne.
Fragil : Vous avez créé en 2005 un centre culturel à Siby (Mali). Quel était le but de ce projet ?
Vincent Zanetti : C’est une longue histoire. Mon ami et percussionniste Soungalo Coulibaly
est mort en 2005. Je voulais alors tourner une page artistique : après avoir beaucoup joué pour
lui, en restant fidèle à la tradition musicale d’Afrique de l’Ouest, je désirais développer ma
créativité, laisser libre cours à mes envies musicales. J’ai donc créé Palabres Bleues, un
collectif de musiciens qui mélange musique malienne, jazz et electro. A cette occasion, je
voulais également voyager dans le Mandé, région du Mali et véritable creuset culturel de
l’humanité. Finalement, en préparant le budget pour la résidence, j’ai réalisé qu’il était tout
aussi intéressant de s’installer là-bas. Germain Angeli, l’ancien manager de Soungalo
Coulibaly, avait un terrain à Siby. Je me suis alors dit : « allez, j’emmène tout le monde au
Mali ! » Le centre culturel est une grande case de 14 mètres de diamètre et de 12 mètres de
haut, qui sert à la fois de salle de répétition et de studio d’enregistrement. Nous avons accueilli
notre première résidence en 2006. L’objectif de ce lieu est à la fois d’entretenir la culture
malienne, en incitant les habitants du Mandé à pratiquer leur art, et d’inviter des artistes
étrangers pour réaliser des créations.
Fragil : Quel est l’état de santé de la musique mandingue [1] ?
V.Z. : Cette musique est en train de disparaître. La vie culturelle mandingue est victime de l’émigration des artistes. Quand un musicien
est doué, il part tenter sa chance à Bamako. Toute la vie artistique se déroule à la capitale ou à l’étranger. Par conséquence, la tradition
se tarit à la source, dans l’arrière-pays. D’autant plus que les jeunes sont insensibles aux traditions. L’exode rural et l’émigration sont
des problèmes plus larges : j’ai vu des villages où il ne restait plus que les enfants, les femmes et les vieillards. Chaque jour, des
centaines de Maliens débarquent sur les côtes italiennes.
Fragil : Quelles sont les solutions pour endiguer cet appauvrissement culturel ?
V.Z. : Il faudrait que les gouvernements investissent dans la culture, mais aussi dans l’aide au développement en général. Au Mandé, on
peut encourager l’activité économique grâce à l’agriculture. Seulement il faut de l’argent. Dans le domaine de la culture, les
gouvernements locaux se désintéressent de la perte des traditions, quand ils en ont conscience. Ce sont majoritairement des initiatives
étrangères qui tentent d’enrayer ce processus. Soit par l’action de gouvernements européens, soit par des projets individuels, comme le
centre culturel de Siby.
Fragil : L’héritage mandingue se perd principalement pour des raisons
économiques. De tout temps, des traditions ont disparu au profit d’autres
cultures. Comment justifier sa préservation par un processus artificiel ?
V.Z. : Mon but n’est pas de maintenir une culture sous perfusion. Il faut bien
comprendre la complexité des arts dits traditionnels. La musique malienne du
siècle dernier n’a rien à voir avec celle d’aujourd’hui. Comme toute culture, elle
évolue naturellement. C’est une musique très contemporaine : depuis vingt ans,
le djembé a bénéficié d’un engouement tel qu’il est aujourd’hui la percussion la
plus jouée au monde. Or, c’est un instrument typiquement mandingue. Si j’agis,
c’est aussi parce que là-bas, les gens aiment cette musique passionnément.
Pour moi, il n’y a pas de raisons qu’elle disparaisse, tant qu’il y aura des hommes
pour l’apprécier.
Propos recueillis par Timothée Blit
Photos : Sun Mazzanisi ; Timothée Blit
A voir :L’écoute des mondes, l’émission de Vincent Zanetti sur Radio Suisse Romande.
Fragil au festival Les Orientales 2009 L’équipe de Fragil a suivi l’édition 2009 des Orientales. Retrouvez les portfolios, entretiens et
articles d’analyse sur ce festival des musiques traditionnelles de Saint-Florent-le-Vieil (49).
[1] La musique mandingue est jouée au Mali, en Guinée, au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Elle se caractérise par ses chants
déclamatoires et l’usage d’instruments comme la kora, le balafon, le n’goni et le djembé. Ses représentants les plus connus sont, entre
autres, Salif Keïta et Toumani Diabaté.
http://www.fragil.org/musique/

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