Les enfants et les super-héros

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Les enfants et les super-héros
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Parents n enfants
MERCREDI 16 JUIN 2010
13
SOMMAIRE f DOSSIER : Les enfants et les super-héros P. 13 à 15
f MÉTÉO JEUNES : Les jardins pédagogiques P. 15
Pourquoi les enfants ont-ils
besoin de super-héros ?
Spider Man, Harry Potter, Naruto…
Les héros font rêver les enfants,
leur servent de modèles et,
finalement, les aident à grandir
ls ont 3 ans et rêvent
déjà de « super-héros ». À peine
entrés à la maternelle, ils se passionnent pour des personnages à
l’allure étrange et aux capacités
hors normes. Des figures plutôt
destinées aux grands et dont bien
souvent ils ignorent tout ou presque. La fascination pour ces héros
dotés de pouvoirs ou d’aptitudes
extraordinaires commence ainsi
dès le plus jeune âge et se prolonge
au moins jusqu’à l’adolescence,
sous l’œil parfois médusé des
parents. « Mon fils a commencé à
parler de Spider Man en petite
section, témoigne Dominique.
Du jour au lendemain, il s’est mis
à réclamer des jouets, des vêtements
à l’effigie de l’homme araignée, alors
qu’il n’avait jamais vu les dessins
animés et encore moins les films.
Cela nous a tellement déconcertés,
mon mari et moi, que nous avons
fini par lui montrer des images sur
Internet ! »
Cet engouement, aussi spontané qu’inattendu, a en effet de
quoi laisser les adultes perplexes.
Mais, à 3 ou 4 ans, les bambins
n’ont pas besoin d’en savoir
beaucoup pour être captivés.
Une image peut suffire à éveiller
en eux curiosité et intérêt. « L’apparence du super-héros est déjà en
soi intrigante, confirme Geneviève
Djénati, psychologue clinicienne et
psychothérapeute (1). Spider Man,
en l’occurrence, porte un costume
étrange, on devine ses muscles, on
le voit accroché à une toile d’araignée ou en train de sauter. L’enfant
sent une puissance qui l’attire. » Il
est d’autant plus sensible à ces
représentations qu’il éprouve, à
cet âge, un sentiment de faiblesse
et d’impuissance face aux grands.
« Comme il voit qu’il n’a pas les mêmes capacités que les adultes, il rêve
de devenir un super-héros pour être
aussi fort qu’eux et, surtout, aussi
fort que papa et maman, ses premiers modèles, ajoute la psychologue. La figure héroïque incarne
ainsi une sorte d’idéal qui l’aide
à supporter les frustrations et lui
donne envie de grandir. »
À la maternelle, il suffit en somme
que le personnage soit impressionnant pour plaire. Le choix du héros dépend ensuite beaucoup du
marketing qui désormais impose
les modèles. Abreuvés de jouets et
d’images, les enfants finissent par
FLORENCE LE VILL AIN/SIGNATURES
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Tee-shirt au logo de Superman. Super-pouvoirs, courage, double identité, lutte entre le bien et le mal… Les super-héros fascinent les enfants.
s’intéresser à ceux qu’ils découvrent dans la publicité, les rayons
des magasins ou la cour de récré,
sans toujours connaître leurs aventures. Iron Man, Ben 10, Naruto, les
Winx… Impossible d’échapper aux
succès du moment ou aux grands
classiques – Spider Man, Hulk,
Batman –, tous d’ailleurs plutôt
destinés aux garçons. « L’univers
des super-héros reste en effet très
« La figure héroïque
incarne une sorte d’idéal
qui aide l’enfant à
supporter les frustrations
et lui donne envie
de grandir. »
masculin, mais cela ne semble pas
dissuader les filles, note Geneviève
Djénati. En réalité, le sexe du personnage n’est pas déterminant pour
les petits, attirés d’abord par ses caractéristiques exceptionnelles. »
Ces héros sont dotés d’une force
phénoménale, ils peuvent voler,
grimper aux murs… Les plus jeunes n’ont qu’une envie : les imiter…
en imagination. En grande section
de maternelle, un accessoire suffit
encore : un masque ou une cape et
les voilà transformés ! Ensuite, le
processus psychologique devient
plus complexe. « Vers 6 ou 7 ans,
l’enfant passe du mimétisme à
l’identification, explique Geneviève Djénati. L’enfant sait qu’il n’est
pas le personnage, mais pense qu’il
pourra le devenir un jour. À travers
cette projection il signifie surtout
qu’il rêve d’être adulte, avec la puissance qu’il imagine et qu’il attribue
généralement au père. »
Fort, courageux, mais aussi intelligent et bon (il met ses pouvoirs au
service du bien), ce type de héros
représente un modèle stimulant
pour l’enfant, d’autant plus qu’il
s’agit souvent d’orphelins obligés
de s’en sortir seuls dans la vie.
Encouragé par ces expériences, le
jeune « apprenti » peut lui aussi se
lancer dans des aventures imaginaires où il accomplit des exploits
inaccessibles au commun des mortels. Si, à partir d’un certain âge,
il ne s’attend plus à bénéficier des
mêmes capacités que son idole,
il ne renonce pas pour autant à
tous ses rêves de puissance. Les
garçons, en particulier, fantasment
longtemps sur la force physique,
captivés par les incontournables
joutes entre les « gentils » et les
« méchants » de l’histoire.
Des duels qu’ils retrouvent
désormais aussi dans les combats de catch, où les lutteurs se
déguisent en super-héros (2).
« C’est le nouveau phénomène
à la mode dans les cours de récréation, remarque le psychiatre
Stéphane Clerget (3). Les élèves de
primaire et de collège, en particulier, adorent, parce qu’il s’agit f
(Lire la suite page 14.)
REPÈRES
Le succès des héros
d Harry Potter : 400 millions d’exemplaires vendus dans
le monde, dont 25,5 millions en France, depuis 1997
(Éd. Gallimard Jeunesse).
500 millions de personnes ont vu un des six films tirés
des romans (46 millions d’entrées en France).
Les ventes de produits dérivés s’élèvent à plus de 7 milliards
de dollars (source Warner).
d Twilight : 85 millions d’exemplaires vendus dans le monde, dont
4,6 millions en France depuis 2005 (Éd. Hachette Jeunesse).
Twilight, chapitre 2 : Tentation (novembre 2009) : plus de 4 200 000
entrées en France, au 30 mars 2010. Le 5e roman, un dérivé de la
série, est sorti le 5 juin et le 3e film sortira le 7 juillet.
Produits dérivés : 1re licence dans la catégorie jeux vidéo, livres,
musique, vidéo, en 2008 et 2009 (étude GFK).
d Naruto : n° 1 des ventes manga et BD en France depuis 2006
(Éd. Kana).
Jeux vidéo : 1,1 million de jeux vidéo vendus en France.
Produits dérivés : 2e licence, dans la catégorie jeux vidéo, livres,
musique, vidéo, en 2008 et 2009 (étude GFK).
d Spider Man 3 (mai 2005) : 6 331 084 entrées en France,
en 14 semaines. Record du meilleur démarrage.
Produits dérivés : parmi les 10 meilleures ventes
chez les garçons entre 5 et 10 ans (source Grande Récré).
d Batman : The Dark Knight, Le Chevalier noir (juillet 2008) :
3 360 568 entrées en France, en 11 semaines.
d Iron Man 2 (avril 2010) : 2 498 560 en France, en six semaines.
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f de bagarre autorisée, “pour de
faux”, pour s’amuser. Le spectacle les
fascine d’autant plus qu’ils ne peuvent plus se défouler dans des jeux
un peu physiques à l’école, devenue
très stricte sur les questions d’agressivité. » Heureusement, ce goût pour
la bagarre ne les empêche pas d’être
sensibles aux valeurs morales de
leurs super-héros.
En grandissant, ils s’intéressent
aussi à leur psychologie, préférant
plutôt des figures complexes, fragiles ou marginales, plus proches
d’eux en somme. Si à l’adolescence,
ils apprécient toujours les superhéros américains – Spider Man,
Batman, Iron Man, The X-Men,
Daredevil, Hellboy –, leurs faveurs
vont également à des personnages
différents comme Harry Potter,
les protagonistes de Heroes ou les
vampires de Twilight. Ces figures
souvent ambivalentes séduisent à
un âge où il est « rassurant de penser
qu’il n’y a pas d’un côté le bien et le
beau et, de l’autre, le mal et le laid,
mais que nous portons les deux en
nous », observe le sociologue Michel
Fize (4).
À 14 ou 15 ans, l’identification au
personnage fonctionne d’autant
mieux que ce dernier partage les
préoccupations des adolescents :
amour impossible, vie nocturne
dans Twilight, vie au collège dans
Harry Potter... Ainsi le succès phénoménal des aventures du pension-
À 14 ou 15 ans,
l’identification
au personnage fonctionne
d’autant mieux que
ce dernier partage
les préoccupations
des adolescents.
naire de Poudlard repose en partie
sur le « balancement constant entre le
dépaysement et le quotidien », relève
Isabelle Smadja, agrégée de philosophie et docteur en esthétique (5). Un
dépaysement qui ouvre à un ailleurs
propice à la rêverie, par le biais de
sorciers capables de se transformer
ou de voler, et un quotidien qui permet de contempler, comme dans un
miroir, une image sublimée de soi
dans celle du jeune héros. »
Cet équilibre entre éloignement
et proximité, propre à la littérature
fantastique, très plébiscitée par les
jeunes, permet à la fois de « donner
un sens aux mystères du monde » et
de « projeter certaines peurs autour
de la mort et de la sexualité », analyse Stéphane Clerget. « Le goût
des adolescents pour les créatures
étranges – vampires, loups-garous,
sorciers… – n’est pas sans rapport
avec leurs propres transformations
corporelles et psychiques, souvent
vécues comme angoissantes. »
Objet de tous les fantasmes, le héros, avec ou sans « super-pouvoirs »,
rassure, donne confiance et aide finalement à grandir. Il accompagne
vers l’autonomie, puis la vie adulte,
jusqu’au jour où les fans deviennent
à leur tour des héros… aux yeux de
leurs enfants.
PAULA PINTO GOMES
(1) Psychanalyse des dessins animés,
Pocket, 6,50 €.
(2) Lire La Croix du 21/10/09.
(3) Ça sert à quoi les parents ?,
Éd. Bayard Jeunesse, 9,90 €.
(4) Les Nouvelles Adolescentes,
Éd. Armand Colin, 12,90 €.
(5) Harry Potter, les raisons d’un succès,
PUF, 16 €.
BRUNOR
f Pourquoi les enfants ont-ils besoin de super-héros ?
TÉMOIGNAGES
Chacun, à un moment de sa vie, a été fasciné ou s’est senti proche d’un héros
de fiction auquel il s’est identifié
Des aventures qui les ont fait rêver
« Ce qui me fascinait,
c’était l’action, la bagarre »
Emmanuel, 43 ans
« Adolescent, j’aimais les aventures vécues
par les super-héros, plus que les personnages
eux-mêmes. Je préférais Batman, Iron Man ou
Serval des X-Men à Superman, qui me laissait
assez froid. Mais j’appréciais surtout leur univers. J’étais un gros lecteur de BD, de romans,
fan de science-fiction, de littérature fantastique et de tout ce qui touchait à l’imaginaire.
Dans les histoires de super-héros, j’adorais
le côté gros muscles d’un Hulk ou des X-Men
qui allaient combattre les méchants venus des
enfers ou du fin fond de l’espace ! Mais ce n’est
pas forcément la lutte entre le bien et le mal
qui me fascinait. Plutôt l’action et la bagarre !
Je ne suis pas sûr que les valeurs morales
soient aussi figées dans ce genre de fiction. Il
est vrai que le héros se place du côté du bien,
mais Hellboy, par exemple, est le fils du diable
et il combat les démons. Certains membres
des Watchmen, en revanche, ont commis des
atrocités au Vietnam au nom du bien et des
États-Unis. Tout dépend donc où on situe la
moralité. C’est plutôt le comportement du
personnage qui va emporter l’adhésion.
Aujourd’hui, je lis moins ce genre de fictions,
et avec un certain recul. Je préfère les voir parodiées. Ou engagées dans des histoires très réalistes, façon roman noir, comme les Watchmen.
Devenu journaliste et auteur jeunesse, je suis
beaucoup plus sensible à la puissance graphique et narrative de certains mangas qu’à
celle des comics ou de la BD européenne.
Une passion que j’ai transmise à mon fils. »
« Il veut progresser,
c’est un bel exemple »
Timothée, 12 ans (fils d’Emmanuel)
« C’est mon père qui m’a apporté les premiers épisodes de Naruto. J’ai tout de suite
accroché. Mais je n’aime que le manga, le
dessin animé, dérivé de la BD, ne permet pas
de suivre l’histoire. Ce que je préfère, c’est
l’évolution du personnage. Au départ, c’est
un garçon qui veut devenir “hokage”, le plus
haut niveau chez les ninjas, mais il a enfermé
en lui un démon qui cherche à prendre le contrôle de son corps. Il doit donc apprendre à
se maîtriser. Son caractère aussi me plaît : il
a l’air un peu ahuri. Il a beaucoup d’humour,
même s’il n’est pas toujours très fin. Ce que
j’aime encore, c’est sa relation avec Sasuke.
Au début, ils étaient amis, mais Sasuke a été
corrompu par le mal et ils finissent par se
détacher. À la fin, ils vont même se combattre
jusqu’à la mort. Naruto est très fort, mais il
n’a pas vraiment de super-pouvoirs. Il connaît
seulement des techniques ninja. Par contre, il
veut tout le temps progresser, aller plus haut.
C’est un bon exemple. On a envie d’en faire
autant. C’est peut-être un peu pour ça que je
fais de la natation en compétition. »
« En grandissant, on finit
par s’en détacher »
Guillaume, 16 ans
« Plus jeune, j’étais fan de Spider Man,
Superman, Green-Lantern et des X-Men. Mais
mon préféré, c’était quand même l’homme
araignée parce que, dans la vie civile, il est
plutôt timide, il a du mal à payer son loyer,
à suivre tous ses cours à l’université. Il est
sans cesse en train de courir à droite à gauche pour résoudre ses problèmes, dans sa vie
personnelle comme dans sa vie de héros. Je
me sentais sans doute un peu plus proche de
lui que des autres. Ses super-pouvoirs m’impressionnaient, bien sûr. Mais c’était celui de
Green-Lantern qui me fascinait le plus : un
anneau avec lequel il peut faire apparaître
tout ce qu’il veut. C’est le genre de pouvoir
qui fait vraiment envie, car il semble presque accessible : il suffit de trouver un objet
magique !
Quand on est jeune, toutes ces aventures
font rêver, et puis en grandissant on finit
par s’en détacher ; je ne sais d’ailleurs pas
vraiment pourquoi… sans doute parce
qu’avec l’âge, tout cela ne paraît plus trop
crédible. »
« Je le trouvais très
courageux, j’essayais alors
de m’identifier à lui »
Clara, 14 ans
« Je lisais beaucoup Naruto lorsque j’avais
13 ans, le même âge que le héros. J’aimais
bien son caractère : il se fiche de ce que les
autres pensent et continue d’avancer dans la
vie. Je le trouvais très courageux, moi qui, à
ce moment-là, accordais beaucoup d’importance à l’opinion des gens. J’essayais alors de
m’identifier un peu à lui pour ne pas être trop
touchée. Je me serais sans doute plus facilement reconnue dans un personnage de fille
mais, avec Naruto, cela fonctionnait aussi.
À cette époque, j’étais vraiment très fan : j’en
parlais et je le dessinais tout le temps… J’étais
très impressionnée par sa force physique et
mentale. C’est un personnage qui s’est fixé
un but dans la vie, devenir un ninja réputé,
et il fait tout pour l’atteindre. Il était, là aussi,
une sorte de modèle pour moi qui veux réussir
dans la musique. Le côté bagarre et combats,
très présent, ne me dérangeait pas. J’étais
justement dans une période de colère où j’en
voulais à mes parents d’avoir déménagé. C’était
peut-être une manière de me défouler !
Aujourd’hui, je ne lis plus Naruto, l’histoire
s’éternise un peu et ce n’est plus très drôle.
Je continue les mangas (One Piece), mais je
m’intéresse aussi aux romans. J’ai, par exemple, lu les trois premiers tomes de Twilight et
j’ai vu les films aussi. Au début, j’ai bien aimé.
L’idée est originale (un amour impossible entre
une jeune fille et un vampire) mais, à la longue, j’ai fini par me lasser. Ce que je préfère
encore dans la série, c’est l’héroïne, Bella, qui
elle aussi vient de déménager. Elle est toujours
très calme et elle a beaucoup de style. »
RECUEILLI PAR
PAULA PINTO GOMES
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V
ENTRETIEN f Gianni Haver, sociologue des médias à Lausanne (1)
« Le super-héros console
de ne pas être un surhomme »
C
omment peut-on définir un
super-héros ?
GIANNI HAVER : Un superhéros est un personnage doté de
« super-pouvoirs », d’un costume
spécifique et d’une double identité. Le concept est né aux ÉtatsUnis avec Superman, en 1938. Le
personnage était tellement hors
norme (extraterrestre, capable de
voler, de résister aux balles…), que
les créateurs ont ajouté l’adjectif
« super » pour marquer une rupture.
Depuis, on qualifie de super-héros
toute figure possédant ces attributs, même si les trois ne sont pas
toujours réunis. Le costume reste
l’élément central du personnage.
Il marque visuellement la frontière
entre Clark Kent (NDLR : l’identité
secrète de Superman), timide et
maladroit, à qui nous pourrions
ressembler, et l’extraordinaire
Superman, à qui nous aimerions
ressembler. Cette double identité
renforce le plaisir engendré par
les exploits du super-héros. Ce n’est
d’ailleurs pas un hasard si elle est
devenue une constante du genre.
Quelle est sa mission et quelles
valeurs défend-il ?
Un super-héros est un personnage
qui met ses pouvoirs au service de
la justice pour combattre les menaces qui pèsent sur la société. Il
incarne les valeurs de son époque :
les premiers, nés dans les années
1930, exacerbaient le patriotisme
et les valeurs individuelles ; ceux
apparus dans les années 1960, 70
étaient plus introspectifs, plus en
phase avec l’esprit contestataire du
moment. Ensuite, il n’y a pas eu de
nouvelles créations et les scénaris-
tes se sont contentés de faire évoluer la biographie des personnages.
Dans la première adaptation d’Iron
Man au cinéma (2008), par exemple,
le héros n’est plus fait prisonnier au
Vietnam mais en Afghanistan, un
conflit plus actuel, et dans Iron
Man 2, sorti en avril dernier, son
activité de marchand d’armes,
sans doute plus très valorisante,
est à peine évoquée. Si quelques
ajustements sont nécessaires, les
personnages ne doivent plus multiplier les références à l’actualité
pour paraître crédibles. L’univers
des super-héros est en effet devenu
un mythe qui se nourrit de luimême, sans avoir besoin de recourir à des justifications extérieures.
« Les éditeurs
ont compris l’intérêt
d’ancrer les aventures
de leurs héros dans
l’actualité de l’époque. »
Le super-héros a-t-il une fonction
sociale, politique ?
Le super-héros rassure, permet de
positiver les craintes et, comme dit
Umberto Eco, console de ne pas être
un surhomme. Ce n’est sans doute
pas un hasard s’ils sont apparus à
la fin des années 1930 et qu’ils se
portent plutôt bien en temps de
crise. Superman était d’abord une
historiette pour adolescents. Mais le
personnage a vite été utilisé dans un
but « politique », comme d’autres par
la suite (Captain America, Hulk…).
Les éditeurs ont en effet compris
l’intérêt d’ancrer les aventures
de leurs héros dans l’actualité de
l’époque (le conflit mondial, puis la
guerre froide) et ont transformé ces
bandes dessinées bas de gamme en
instruments de ralliement patrioti-
Eco-jardiniers en herbe
que, avec parfois la bénédiction du
FBI. Aujourd’hui, le contexte est tout
autre. Les comics sont passés du statut de revue très bon marché à celui
d’objets de collection. Leur univers
s’est complexifié et les personnages
sont devenus emblématiques. À tel
point que le cinéma s’est emparé du
genre avec des films à gros budget.
Les références au patriotisme ou
même à l’idée de « guerre propre »,
chère aux Américains – lorsque
le personnage s’interroge sur les
éventuels dégâts collatéraux au
moment de sauver des individus –,
sont parfois présentes, mais le
super-héros est moins utilisé dans
un but explicitement politique. Si
propagande il y a, c’est d’abord celle,
habituelle, de Hollywood.
Aujourd’hui, les nouvelles figures
dotées de pouvoirs extraordinaires
sont-elles des super-héros ?
Dans les séries 4400 ou Heroes, les
scénaristes jouent avec les limites
du concept : les personnages n’assument pas toujours leurs dons,
qui se révèlent parfois même des
cadeaux empoisonnés. Ces séries
démocratisent en quelque sorte
les « super-pouvoirs » puisque
n’importe qui peut en posséder.
L’idée s’inspire sans doute de
l’univers fantasmé de la génétique
qui permettrait de bricoler l’ADN
pour accélérer l’évolution humaine.
Autre différence encore avec les fictions classiques : la nationalité des
personnages. Ceux de « Heroes » ne
sont pas tous américains, contrairement aux super-héros des comics.
Les héros de manga japonais, seuls
personnages équivalents, ne correspondent pas à la même typologie.
RECUEILLI PAR PAULA PINTO GOMES
(1) Il enseigne la sociologie de l’image et
l’histoire sociale des médias à l’université
de Lausanne, et dirige la filière média à
l’École polytechnique fédérale.
ZOOM
Etat civil de quelques super-héros
Batman
d Créé par Bob Kane et Bill Finger pour DC
Comics, en 1939. Deuxième super-héros
de l’histoire des comics américains, après
Superman. Adapté en série animée et au cinéma.
d Enfant, le milliardaire Bruce Wayne a assisté
impuissant au meurtre de ses parents. Il en
gardera un inextinguible désir de vengeance et
utilisera sa fortune pour combattre le crime.
Ambivalent et obscur, Batman n’a pas de superpouvoirs, mais il est très entraîné physiquement
et possède des objets de haute technologie.
Spider-Man
d Créé en 1962 par Stan Lee et Steve Ditko pour
Marvel Comics. Premier héros adolescent et l’un
des plus populaires. Adapté en série animée et
au cinéma.
d Peter Parker, jeune orphelin élevé par sa
tante, se retrouve investi de pouvoirs surnaturels
après avoir été piqué par une araignée
radioactive (force hors du commun, capacité
d’adhérer aux parois, sixième sens…). Héros
malgré lui, il hésitera un temps à mettre ses
capacités au service de la justice.
The X-Men
d Personnages créés en 1963 par Stan Lee et
Jack Kirby pour Marvel Comics. Adapté en série
animée et au cinéma.
d Groupe de super-héros mutants, qui
apprennent à maîtriser leurs pouvoirs dans une
école spécialisée, dirigée par le professeur Xavier.
Iron Man
d Créé en 1963 par Stan Lee pour Marvel Comics.
Adapté en série animée et au cinéma.
d Blessé au cœur par une mine, le riche industriel
Anthony Stark conçoit une armure qui lui permet de
survivre et lui confère des pouvoirs. Prisonnier de
ce corps de fer, il finira par sombrer dans l’alcool.
Naruto
d Personnage de manga crée en 1999 par
Masashi Kishimoto. Adapté en série animée.
d Naruto est un adolescent rebelle et farceur.
Orphelin rejeté parce qu’il a un démon en lui, il rêve
de devenir « Hokage », le plus puissant des ninja,
pour être respecté par les habitants de son village.
Dragon Ball (et Dragon Ball Z)
d Manga créé en 1984 par Akira Toriyama.
Adapté en série animée et au cinéma.
d Goku, jeune garçon orphelin doté d’une force
phénoménale et capable de changer de taille,
part avec Bulma à la recherche des sept boules
de cristal qui permettent d’exaucer un souhait.
P. P. G.
EN SAVOIR PLUS : Super héros, de Martin Winckler, Éd. EPA.
D. R.
D’origine américaine,
les super-héros ont
longtemps eu une fonction
sociale et politique
MÉTÉO-JEUNES
Séance de jardinage sous la surveillance de l’épouvantail.
De plus en plus d’écoles
mènent des expériences
de jardins pédagogiques.
Une façon de
sensibiliser les enfants
à de nombreuses valeurs
«
I
ci, on a semé du lin à côté
des pommes de terre pour
éloigner les…. je ne sais
plus comment ça s’appelle ! » dit
Mathieu, 6 ans, en CP à l’école
de Beauval à Senlis. « Des doryphores ! », lui souffle Antoine,
un « grand » de CM2. Dans cette
école située en périphérie de
la ville royale au cœur du Parc
naturel régional Oise-Pays de
France, les enfants jardinent,
ou plutôt « éco-jardinent », précisent les enseignants et les animateurs du parc, avec qui s’est
monté cette année ce projet de
jardin pédagogique. À l’arrière
de l’école, dans des carrés proprets, délimités par des rondins
de bois, poussent des fraises,
de la rhubarbe, des groseilles,
des framboises, mais aussi des
radis, des oignons, de la salade,
sous la surveillance d’un magnifique épouvantail confectionné par les enfants. « Tous les
vendredis après-midi, les enseignantes, en collaboration avec
les animateurs du parc, organisent différents ateliers réunissant
les élèves, du CP au CM2, autour
du thème du jardin », explique la
directrice de l’école Marie-Alice
Masclet. Au programme : arts
plastiques, sciences, étude de
textes… « Le jardin est un thème
très fédérateur », note Michèle
Clad, conseillère pédagogique
à l’éducation nationale, qui
suit avec un grand intérêt ces
projets dans plusieurs écoles : sous l’impulsion des programmes pédagogiques du
parc, 26 classes ont découvert
les joies du jardinage. L’occasion d’étudier le cycle de l’eau
et de la matière, le développement des plantes, le fonctionnement de l’écosystème avec
ses chaînes alimentaires… Le
Journal des petits éco-citoyens,
rédigé par les élèves, relate ce
qu’ils ont appris sur le jardinage
écologique durant l’année.
Mission réussie : ils sont nombreux à être incollables sur les
vertus du paillage ou sur la
réalisation d’un bon compost.
Ils se montrent aussi de redoutables prescripteurs auprès de
leurs parents sur les bons gestes
à effectuer au jardin sans avoir
recours aux engrais chimiques (1). Ils savent qu’il existe
des plantes « amies », connaissent l’intérêt de la rotation des
cultures et peuvent aménager
un tas de pierres pour accueillir
les hérissons, prédateurs des
limaces. Seul bémol pour Antoine, Tanguy et les autres qui
entreront au collège l’an prochain : ils ne verront pas grossir les potirons qu’ils ont semés
au printemps. « Mais on reviendra arroser », assure Tanguy.
À NOTRE AVIS
Les expériences de jardin pédagogique se multiplient en France.
Jardiner à l’école, mais aussi en
famille sur un lopin ou un coin
de balcon est, souligne Michèle
Clad, une façon d’apprendre la
patience et la persévérance. « C’est
important à l’époque du “tout,
tout de suite”… Après avoir semé
une petite graine à l’automne,
lorsqu’ils voient une tige verte
sortir de terre au printemps,
cela provoque une grande joie »,
observe-t-elle. En découvrant
le cycle de la vie, ils prennent
conscience du temps qui passe.
Ils réalisent aussi que l’homme
n’est pas tout-puissant : pour
faire pousser des plantes, il faut
prendre en compte la météo, les
facteurs temps et environnementaux, et tout un écosystème qu’il
est important de protéger. Enfin,
même les enfants qui rechignent
devant leur assiette de légumes
sont pressés de déguster le fruit
de leur travail. Même si Mathieu
et ses copains montrent plus de
hâte à voir rougir les fraises qu’à
récolter les pousses d’épinards…
MARIE AUFFRET-PERICONE
(1) Naturen de Fertiligène, une
marque de produits « bio », est
associée au projet.

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