Réponses aux 11 questions sur l`Esprit (Cours : La

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Réponses aux 11 questions sur l`Esprit (Cours : La
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Réponses aux 11 questions sur l’Esprit (Cours : La Matière et l’ Esprit)
(1) Le champ sémantique du mot « esprit » et de ses dérivés (spirituel, spiritueux...) recouvre sept acceptions fondamentales que nous
avons vues en cours (Esprit §1.1(1)...(7)). Dénombres-en au moins quatre.
(1) Le mot « esprit » signifie tout d’abord une substance immatérielle (l’esprit de Dieu qui s’ « incarne », les fantômes qui traversent les
murs...)
(2) L’ « esprit » a toujours à faire avec la conscience : par exemple, « reprendre ses esprits » signifie reprendre conscience
(3) Le mot « esprit » peut signifier la vérité d’une certaine situation humaine : une totalité de lois, mœurs, croyances et/ou
comportements (« esprit d’équipe », l’ « esprit du temps »...)
(4) Le mot « Spirituel » dans le sens religieux de l’expression signifie le caractère d’une personne intensément engagée dans la
dimension transcendante de la vie
(5) Le mot « spirituel » peut signifier aussi le caractère d’une personne douée de sens de l’humour (d’où le « mot d’esprit »)
(6) Le mot « spiritueux » est attribué à une boisson issue d’un procédé de distillation, car on pensait que grâce à cette opération on
arrivait à extraire l’essence, l’âme même du produit de départ.
(7) Dans toutes les littératures, philosophies et religions du monde l’ « esprit » est toujours liée au souffle (pneuma [grec] rouha
[hebreux]) Il souffle, et il est souffle : feu, air subtil...l’essence même de toute insaisissabilité
(2) En quel sens l’ « esprit » a très essentiellement à faire avec la vérité ? Montre-le avec des exemples concrets [§1.1(3) et §1.2(4) et
Synopsis]
L’ « Esprit » est essentiellement lié à la vérité des choses qui en ont un. Nous pouvons dire l’ « esprit de... » en entendant par là l’intention
fondamentale, la vérité/identité de fond qui « anime » – en en étant pour ainsi dire l’ « âme » – une certaine totalité de lois/mœurs/croyances...
historiquement données, comme lorsqu’il s’agit de devoir comprendre l’ « esprit du jeu », ou de partager un « esprit d’équipe ». C’est dans ce
sens que Montesquieu, a parlé de l’Esprit des Lois et Hegel de l’Esprit du Christianisme et de l’ « esprit du temps ».
(3) Quel est le rapport entre le vin et l’esprit ? [§1.1(6)]
En ce qu’il est une boisson alcoolisée, le vin est une substance «spiritueuse », c'est-à-dire porteuse – comme nous l’avons dit – de sa propre
vérité essentielle à l’état le plus pur et, justement, « distillé ».
L’autre pôle de cette même virtus, est en ce qu’elle révèle non seulement la vérité de la boisson, mais aussi celle du buveur : d’où le dicton
in vino veritas. C’est pour cette raison que Jean le Baptiste, l’homme destiné à permettre au Saint Esprit en personne de descendre du ciel sous
forme de colombe pour spiritualiser la matière de ce bas monde avait eu l’interdit de s’enivrer de tout « esprit » déjà « matérialisé ». Une
opposition qui réapparaît au moment de la deuxième descente du Saint Esprit, l’ainsi dite «Pentecôte », lorsque une partie de ceux qui assistent
au phénomène en conclut que les apôtres ne ne sont pas « inspirés », mais tout simplement ivres.
Dans ce même sens Hegel – le théoricien absolu de l’Esprit comme Moteur de l’Histoire – conclut sa Phénoménologie de l’Esprit en citant
un poème de Schiller où il est question d’un calice de champagne débordant d’écume : « Du calice de ce royaume des esprits écume jusqu'à lui
sa propre infinité ».
(4) Pourquoi les religions plus évoluées ont-elles supprimé le culte dionysiaque du vin ? [§1.1(6)]
L’ « Esprit » du Vin (le dieu Dyonisius, ou Bacchus) était un objet de culte très répandu dans le paganisme ancien, car la boisson
« spiritueuse » nous fait accéder à un autre « état de conscience » pendant les fêtes « bachiques » ou « bacchanales ». Les religions plus évoluées
ont donc voulu s’approprier/supprimer cette pratique pour que la conscience du pratiquant puisse accéder grâce aux seules forces de son
« esprit » à cette état « extatique » (=de sortie-de-soi/accès-au-Soi) où elle, justement, se fait « esprit », comme le disent Saint Bonaventure et
beaucoup d’autres.
(5) Qu’est-ce que l’ « extase » ? [§1.1(6)]
L’ « extase » est, comme nous venons de le dire, à la fois le déroulement en acte et le résultat final d’un processus de « sortie-de-soi/accèsau-Soi » vécu par l’âme humaine dans le théâtre de sa conscience. Grâce à ce processus, notre conscience se « dépasse » (elle dépasse ses limites
ordinaires, ou les limites ordinaires de notre « moi ») et se fonde en même temps, car elle accède de la sorte à une condition « spirituelle »
supérieure et plus profonde, où elle renoue à ses racines ultimes (son Moi profond, où son « Soi »). Lors de ce processus, notre âme se
« spiritualise » donc intégralement – « se fait Esprit » – comme si c’était elle-même, enfin, la boisson « spiritueuse » à « distiller », le fruit final
d’un procédé purement mental de purification et dématérialisation.
(6) Quelle est la thèse de Freud autour du « mot d’esprit » ? Qu’est-ce qu’il a écrit à ce propos ? [§1.1(5)
En 1905 Sigmund Freud a écrit Le Mot d'esprit et ses rapports avec l'inconscient en faisant du phénomène de l’éclat de rire provoqué par le
comique (blagues, drôlerie etc.) l’une des portes d’entrée dans les coulisses cachées derrière l’écran de la Conscience. Or l’éclat de rire à la
suite d’un mot d’esprit est pour Freud la réaction qui justement évite (repousse, « refoule »...) la « prise de conscience », l’appropriation
consciente de cette dimension souterraine de notre existence (qu’il appel Inconscient) où se trouve pourtant sa vérité la plus intéressante...
(7) Le concept d’esprit se compose de quatre traits fondamentaux. Lesquels ? [§1.2(1)...(4)]
(A) Substance immatérielle – Lorsqu’il s’oppose à la Matière, en désignant une substance bien déterminée, l’Esprit se présente comme une
« nature » tout à fait hétérogène par rapport à celle de cette même matière. Nous disons dès lors : cette entité à une nature purement spirituelle.
Un « esprit » est donc une substance douée d’une nature immatérielle : par ex. il peut s’interpénétrer avec d’autres « esprits », et soit
« traverser » la matière (les fantômes qui traversent les murs), soit la pénétrer en l’imprégnant de sa propre substance/nature : comme dans l’
« incarnation » ou la « réincarnation ». Il peut donc se « revêtir » d’un corps en en restant pourtant tout à fait distinct.
(B) Force de vie et de conscience – Cette immatérialité de l’Esprit est toujours lié à la force de la Vie et de la Conscience : «reprendre ses
esprits » signifie reprendre à la fois vitalité et conscience. Les médecines orientales aujourd’hui en grande expansion se basent justement sur
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l’idée qu’un « esprit vital » (le prana, le Chi, le Ki) circule dans les canaux subtils de notre corps «grossier » (visible et tangible). L’expression la
plus éminente du « Ki » est toutefois la conscience de la personne humaine en état d’éveil. C’est pourquoi ces pratiques de méditation et d’
« éveil de la Conscience » se basent sur une préalable « discipline du souffle », censée conduire le support matériel de notre pensée – notre
cerveau – à un tel degré et de stabilité et de pureté que la Conscience peut enfin s’en servir pour réaliser ce double mouvement à la fois d’autodépassement et d’auto-fondation qui est le but de toute spiritualité.
(C) Force/dimension qui dépasse la conscience, et qui la pousse à se transcender – Si l’Esprit est très essentiellement lié à la
« conscience » comme à ce qui identifie la personne humaine, il indique infailliblement une dimension qui la dépasse et la transcende.
D’une part, l’Esprit « dépasse » la Conscience ainsi que le corps comme substance « dépasse » sa propre température ou la posture de ses
membres, qui n’en sont que des attributs. En ce même sens, la « conscience » peut bien être un « état » de notre esprit (qui peut la perdre et
ensuite la regagner)... mais pas le contraire. Il se propose donc comme la vraie substance sousjaçant à la conscience, en compétition en cela avec
le cerveau. – De l’autre, nous venons de voir que la « spiritualité » évoque toujours un état de conscience « supérieure » qui transcende notre
conscience ordinaire, et que Sigmund Freud– un juif qui s’y connaissait en spiritualité religieuse – a vu pour cette même raison dans le « mot
d’esprit » la révélation d’un arrière-fond de notre conscience qui a la prérogative de nous échapper totalement, de nous jouer des mauvais tours
comme les « esprit farceurs » de la mythologie populaire.
(D) « Esprit de vérité » – Enfin, nous avons vu en (2) que l’Esprit est essentiellement lié à la vérité des choses qui en ont un, et dans ce cas
aussi il représente l’élément de cette même vérité à la fois le plus central – son cœur, son « âme » – et le plus immaîtrisable et indéfinissable : si
d’un côté ne pas comprendre l’ « esprit » d’une situation donnée (un jeu de société, une époque entière...) signifie que nous passons à côté, que
nous n’avons rien vraiment saisi de ce que nous sommes évidemment en train de vivre, cela n’empêche que seulement une intuition subtile et une
sagesse tout à fait impondérables nous permettent de réussir une telle performance.
(8) Qu’entend-t-on avec l’expression « substance immatérielle » ? [Esprit §1.1(1) ; §1.2(1)]
Nous savons qu’une « substance » est le sujet d’une action et/ou d’un cadre de propriétés. Dans le cas de l’esprit comme «substance
immatérielle nous parlons donc d’un certain sujet actif et agissant qu’a une nature purement « spirituelle » : un ange, un démon, Dieu en
personne ou l’une des Personnes de Dieu.... Un tel « esprit » peut faire des choses qui sont considérées comme impossibles dans le cas des êtres
« matériels » : il peut s’interpénétrer avec d’autres esprits tout en en restant parfaitement distinct, ou pénétrer la matière pour la « vivifier »,
l’imprégner de conscience, voire tout simplement la traverser (fantômes).
Toutes les grandes religions, ainsi que les grandes philosophies de l’Esprit parlent donc de leur respectives « églises » comme d’une seule et
unique substance purement spirituelle constituée par la « communauté (=parfaite compénétration) des “esprits” » qui la composent.
(9) Quelles sont les deux définitions qu’Aristote donne de l’Ame ? [Ame. §2.1]
(A) L’âme est la forme du corps naturel ayant la vie en puissance
(B) L’âme est du corps tout en n’étant pas un corps.
(10) Qu’est-ce cela signifie que tout développement vital est un incessant passage de la « puissance » à l’ « acte » ? Qu’est-ce que
l’akmé ? Explique-le avec notre exemple du développement d’un homme.
Un homme – cet homme-là, en son irréductible individualité – est la « forme substantielle » sousjaçant à la totalité entière des différentes
formes (aspects) qu’il prend tout au long de son développement vital. Depuis l’ovule, le fœtus, le nourrisson... jusqu’au vieillard (et même le
corps enterré) nous disons : « ce même homme ». Nous dirons dès lors, lorsque nous indiquons cet homme en état d’ovule, que cet ovule est un
homme « en puissance », tandis que l’adulte qui est devant nous, nous le disons un homme « en acte ».
Cette distinction entre « puissance » et « acte » ne concerne pas, toutefois que les « extrêmes » de ce développement. Bien au contraire, la
dyade puissance/acte représente la dynamique interne qui régit la totalité de ce même enchaînement par échelons successifs, ainsi qu’il se passe
avec « inférieur/supérieur » (< >) dans la suite des nombres 1<2<3... , où chaque élément est à la fois inférieur au nombre qui suit et supérieur à
celui qui le précède. De cette même manière, chaque échelon du cycle de vie d’un être animé est à la fois la « puissance » de l’échelon suivant,
et l’ « acte » de l’échelon qui précède : le fœtus est l’acte de l’ovule (l’ovule en acte) et la puissance du bébé (un bébé en puissance).
Or cette même manière de rendre compte de l’unité/continuité du développement d’un être vivant nous conduit à reconnaître à son intérieur
l’existence d’un échelon « privilégié ». Lorsque nous disons que la suite ovule → tombeau représente un seul et même homme – cet homme –
nous concentrons très naturellement notre attention (nous l’indiquons du doigt) non pas sur les premiers chromosomes, ni sur le fœtus ou le
cadavre, mais bien sur cet homme en son âge adulte, qui est dès lors dit son « akmé » (=sommet) comme les grecs l’appelait (pour les hommes
c’était la période des 30 aux 50 ans). – Nous dirons dès lors que l’akmé est cette phase du développement global d’un être vivant, où sa
« forme » (pour un homme, sa forme humaine) se manifeste de façon éminente.
(11) En reprenant Matière §1.3 (la Substance/Sujet comme forme) explique qu’est-ce que cela veut dire que l’Ame comme définie dans
la Première définition d’Aristote est la « force [trans-]formatrice du corps ».
Nous contemplons entière cette suite de transformations que nous appelons un homme : depuis son apparition comme ovule fécondé dans le
ventre de sa mère, jusqu’à sa mort, et dans ce cas c’est bien la « forme » qui demeure la même.
Or, ce corps vivant capable de passer de l’état d’ovule à celui d’être humain adulte toute en restant « le même corps » ne peut le faire qu’en
ce qu’il est capable de se nourrir, c'est-à-dire d’assimiler la matière inanimée du monde externe en l’ « animant », car il la transforme en... luimême, c'est-à-dire en chacune de ses propres « formes » (ses membres, et ses différents aspects qui se succèdent dans temps). Un corps vivant
est donc doué de ce qu’aujourd’hui on appelle « morphogenèse autonome » [morphé=forme, genèse=naissance, engendrement] : une force de
transformation assimilatrice grâce à la quelle il conserve sa propre « forme » (forme humaine) en la transformant sans cesse grâce à la
transformation à la quelle il soumet entretemps les matières du monde qui l’entoure pour s’en nourrir.
Si donc l’âme est bien la « forme du corps naturel » elle est plus précisément la force à la fois formatrice et transformatrice qui l’anime, le
préserve et le pousse à s’auto-développer dès sa première conception jusqu’à sa mort.

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