L`ANNONCE FAITE À MARIE

Transcription

L`ANNONCE FAITE À MARIE
Eglise Réformée Evangélique du Valais - EREV
PAROISSE PROTESTANTE DE SION
pasteur François SCHLAEPPI
Dimanche 27 novembre 2016 – L’ANNONCE FAITE À MARIE
1ère lecture : Esaïe 7 : 10-14
Le SEIGNEUR a encore parlé au roi Akaz :
Demande au SEIGNEUR ton Dieu de te donner un signe au fond du monde des morts, ou bien là-haut dans le
ciel.
Mais Akaz a répondu :
Non, je ne demanderai rien, je ne veux pas provoquer le Seigneur.
Alors Ésaïe a dit :
Écoutez donc, vous qui êtes de la famille du roi David ! Vous fatiguez les gens, et on dirait que cela ne vous suffit
pas. Vous fatiguez aussi mon Dieu ! Eh bien, le Seigneur lui-même vous donnera un signe : la jeune femme sera
enceinte et elle mettra au monde un fils. Elle l’appellera Emmanuel, c’est-à-dire Dieu-avec-nous.
2ème lecture : Luc 1 : 26-38
Élisabeth est enceinte depuis six mois. Voici que Dieu envoie l’ange Gabriel dans une ville de Galilée appelée Nazareth.
Il l’envoie chez une jeune fille, promise en mariage à un homme appelé Joseph. Joseph a pour ancêtre le roi David, et le
nom de la jeune fille est Marie.
L’ange entre chez elle et lui dit :
Réjouis-toi ! Le Seigneur Dieu t’a montré son amour d’une manière particulière. Il est avec toi.
En entendant cela, Marie est très émue, elle se demande :
Que veut dire cette façon de saluer ?
L’ange lui dit :
N’aie pas peur, Marie ! Oui, Dieu t’a montré son amour d’une manière particulière. Tu vas attendre un enfant, tu
mettras au monde un fils, et tu l’appelleras Jésus. Personne ne sera aussi important que lui. On l’appellera Fils
du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le royaume de David, son ancêtre. Il sera le roi du peuple d’Israël
pour toujours, et son pouvoir ne finira jamais.
Marie dit à l’ange :
Comment cela va-t-il arriver ? En effet, je ne vis pas avec un homme.
L’ange lui répond :
L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira comme l’ombre. C’est pourquoi l’enfant qui
va naître sera saint, et on l’appellera Fils de Dieu. Écoute ! Élisabeth, qui est de ta famille, elle aussi est enceinte
et elle aura un fils. Pourtant elle est vieille. On disait qu’elle ne pouvait pas avoir d’enfant, et maintenant, elle est
enceinte depuis six mois ! Non, rien n’est impossible pour Dieu !
Marie répond :
Je suis la servante du Seigneur. Que Dieu fasse pour moi ce que tu as dit !
Alors l’ange la quitte.
PREDICATION
Ce qui est au cœur de ce récit de l’annonce faite à
Marie, c’est une nouvelle, et même une bonne
nouvelle. Bonne nouvelle, du moins de notre point
de vue. Certainement, dans un premier temps et
pour Marie elle-même, une nouvelle déroutante,
une nouvelle bouleversante, une nouvelle à peine
croyable : sa vie va en être profondément
transformée. J’ai dit déroutante, bouleversante, à
peine croyable… cette nouvelle va déclencher une
véritable crise dans le cœur et dans la vie de cette
toute jeune femme, une jeune femme sans grande
expérience, quasi une adolescente tout juste
fiancée à un homme qu’elle n’a encore jamais vu, l’affaire s’est réglée entre les pères.
J’ai aussi dit crise. Le mot vous paraît peut-être un peu trop fort, surtout mis en relation avec
l’annonce de ce qu’il est convenu d’appeler un heureux évènement. Un de nos professeurs, à la
faculté, faisait de tout imprévu, de tout changement, de toute modification du parcours de vie une
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crise ; pour lui, les fiançailles étaient une crise, le mariage était une crise, la naissance d’un enfant
était une crise ; à l’entendre, on hésitait entre le comique et le pathétique.
Mais fondamentalement, ce prof n’avait pas tort. Parce que la notion de crise fait forcément référence
à quelque chose de soudain et de profond, bien souvent de durable ; la crise est liée à un
changement, à une modification et donc à une nécessaire adaptation ; la crise s’accompagne de
nouveauté et d’inconnu, donc d’une perte de repères, d’un inconfort et même d’un risque. C’est bien
entendu valable de la crise économique, de la crise de couple et même de la crise de foie - et si vous
écrivez foi sans le e final, la crise est tout aussi déstabilisante. Si donc on associe spontanément
l’idée de crise à une situation négative, on peut aussi la rattacher à des situations plus
communément considérées comme positives : des fiançailles, une mise en ménage, un mariage, une
naissance. Parce qu’une naissance, pour ne prendre que ce dernier exemple, ça vous change la vie,
ça vous change votre identité, votre statut, ça vous change votre rapport au temps et au monde… Un
sentiment de vertige est parfaitement légitime au moment de l’annonce d’un futur enfantement.
Dans le tableau de Fra Angelico qui nous est proposé en support à notre méditation d’aujourd’hui, la
crise apparaît bien peu. L’ambiance est plutôt « cosy », sereine. Une sorte de véranda donnant sur
un jardin fleuri, un fauteuil confortable, Marie interrompue dans sa lecture, voire dans sa méditation,
peut-être même dans sa sieste ou du moins dans un léger assoupissement ; tout cela respire le
calme et une certaine opulence.
Et l’ange semble intervenir en toute délicatesse, il avance comme sur la pointe des pieds, ou plutôt, il
est juste suspendu dans son mouvement, ne voulant pas troubler plus que nécessaire ce qui
apparaît comme un moment de grâce. D’ailleurs, la scène donne l’impression d’être muette,
silencieuse ; et même, l’ange met son doigt devant sa bouche, comme pour faire comprendre que les
mots - non seulement les mots, mais les cris, mais les exclamations - ne sont pas utiles ici. Et si on
regarde attentivement, on constate que les lèvres, tant celles de l’ange que celles de Marie, sont
fermées : leur bouches ne parlent pas. Par contre les yeux sont particulièrement expressifs.
Bien sûr, ce silence est étonnant, il est même contradictoire. Le texte biblique est parfaitement clair
en nous rapportant un dialogue entre l’ange et Marie, un dialogue fait de questions et de réponses,
questions légitimes de de la jeune femme, réponses empreintes de mystère de la part de l’ange.
Malgré cela, Fra Angelico décide de peindre le silence, et il le fait, je pense, à juste titre. Le dialogue
entre Marie et l’ange, entre l’ange et Marie, ce dialogue ne fait pas de bruit, ce n’est pas un dialogue
de la bouche, c’est un dialogue des yeux, c’est un dialogue du cœur. C’est comme si tout cela
passait par l’intérieur, dans une sorte d’immédiateté entre la femme et l’envoyé de Dieu, même plus,
une immédiateté entre la femme et Dieu lui-même.
Oui, le peintre fait juste, il dit juste. Parce que cette annonce faite à Marie, c’est justement une affaire
d’immédiateté, c’est l’affaire d’une proximité, d’une intimité inégalée entre Dieu et cette femme, une
intimité qui sera porteuse de vie, qui sera génératrice de vie.
Ce silence n’exclut toutefois pas l’échange et le dialogue. Le peintre a recours à l’astuce du
phylactère, ce ruban de mots sortant de la bouche des protagonistes, des bouches, je le répète, qui
restent malgré cela fermées pour nous faire comprendre que tout cela se passe à l’intérieur. Mais,
comme je l’ai mentionné tout à l’heure, ces mots sont illisibles pour celui qui contemple le tableau à
une certaine distance ; ces mots, en fait, ne sont pas donnés à lire à nous qui regardons cette
scène ; ces mots ne sont que l’attestation de l’échange intérieur entre l’ange et Marie.
Et puis, le peintre à recours à une deuxième astuce : il inverse doublement l’écriture pour transcrire
les paroles de Marie. Non seulement il écrit les mots de Marie de droite à gauche et c’est assez
logique puisque Marie est à droite sur le tableau et que ses mots s’adressent à l’ange qui est à
gauche. Mais en plus, il renverse complètement l’écriture, non seulement de droite à gauche, mais la
tête en bas. Si bien que pour pouvoir lire la réponse de la femme, nous devrions nous mettre tout à
l’envers.
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L’idée du peintre n’est pas de nous faire faire de la gymnastique ni de nous faire jouer au singe. En
fait, les mots de Marie ne s’adressent pas à nous, ces mots ne s’adressent même pas à l’ange, mais
bien évidemment à Celui qui a envoyé l’ange auprès de la femme. Ces mots s’adressent au premier
chef à Dieu lui-même. Dieu qui est en haut, Dieu qui regarde d’en haut, Dieu qui peut lire la réponse
de la femme depuis en haut !
Dans la vision qu’il nous en offre, Fra Angelico situe la rencontre entre l’ange et Marie dans une
ambiance tout empreinte de calme, de silence, d’intériorité, de méditation. Que peut-il en être de la
crise dans tout cela ?
Je crois que Marie n’échappe pas à la crise, parce que cette annonce est profondément
bouleversante pour elle, et à plus d’un titre. D’abord parce qu’elle et femme et que cette grossesse et
la naissance qui s’en suivra vont faire d’elle une mère, une mère qui sera mère jusqu’au bout d’ellemême, mère jusqu’au pied de la croix - et ça elle ne le sait évidemment pas encore -, mère jusqu’à
son dernier souffle. Mais une mère pas ordinaire d’un homme pas ordinaire. La fertilité extraordinaire
dont elle est le terreau aurait de quoi écraser Marie, aurait de quoi lui faire dire : Non, pas moi ! Va
chez une autre !
La crise, chez Marie, est génératrice de confiance : Je suis la servante du Seigneur. Que Dieu fasse
pour moi ce que tu as dit ! Il n’y a rien de résigné ni rien de fataliste dans la réponse de Marie, mais
une disponibilité totale au plan de Dieu, une disponibilité si entière que sa réponse ne s’adresse pas
d’abord à l’ange, que sa réponse n’est pas non plus pour nous, mais qu’elle est tout entière tournée
vers Dieu. Dieu seul est à la fois la source et le destinataire de la confiance de Marie.
Le peintre a encore eu recours à une astuce supplémentaire. Un bout de la réponse de Marie à Dieu
est masqué par la colonne centrale du tableau, colonne qui représente le Christ : qu’il me soit fait
selon… C’est bel et bien le Christ, dans son incarnation, qui va représenter l’accomplissement de
cette confiance ; le Christ, c’est l’intervention salutaire de Dieu au cœur même de l’humanité.
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Puisque nous sommes dans l’année de célébration du 500 ème anniversaire de la Réforme et que
nous parlons de Marie, encore ceci en guise de conclusion.
Ulrich Zwingli, en bon réformateur, refuse à Marie toute fonction de médiatrice ; il abolit donc les
dévotions à Marie et, évidemment, toutes les fêtes mariales. Par contre, il reconnaît à Marie un rôle
d’exemple. Donc, on ne prie plus Marie, mais il est juste de s’en inspirer.
A partir de là, je nous laisse à chacun et à chacune cette question : m’est-il déjà arrivé de recevoir
une bonne nouvelle de la part de Dieu et de quelle manière cette nouvelle a-t-elle contribué à faire
grandir la vie en moi ?
Amen.
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