Renouvellement poétique abrégé

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Renouvellement poétique abrégé
Objet d’étude :
Ecriture poétique et quête du
sens, du Moyen Âge à nos jours
la pléiade et le
renouvellement de la
poésie
PROBLEMATIQUE
En quoi la Pléiade est-elle à l’origine
d’un renouvellement poétique au XVI° siècle ?
La formation du groupe
Quelques étudiants aristocrates passionnés de grec et d’Antiquité suivent les cours de l’helléniste (spécialiste du grec)
Dorat au collège de Coqueret (dans le Quartier latin à Paris). Désireux de rénover les formes poétiques, sept
d’entre eux vont constituer la Brigade, qui deviendra la Pléiade en 1556, nom choisi à la fois :
- en mémoire de 7 poètes alexandrins (c’est-à-dire égyptiens) du III° siècle avant Jésus Christ (culte de
l’érudition, inspiration personnelle)
- et en référence à une constellation, la Pléiade, composée de 7 étoiles (c’est dire la haute idée qu’ils se
faisaient de leur activité) : autour de Ronsard, se réunissent ainsi Du Bellay (qui rédigera le manifeste),
Antoine du Baïf, Pelletier du Mans, Belleau, Pontus de Tyard et Jodelle.
I) Le renouvellement par l’imitation des sources antiques
- Référence aux héros et aux mythes de l’Antiquité : Voir Heureux qui, comme Ulysse
- Référence aux dieux de l’Antiquité : Voir Las, où est maintenant
- Référence à la Rome antique : Voir Comme on passe en été
- Référence au thème antique du “carpe diem” : Voir Quand vous serez bien vieille (ainsi que l’Ode à Cassandre)
- Référence à la conception antique d’une inspiration d’origine divine : Voir Las, où est maintenant ou Défense et Ill.
- Reprise des genres antiques, comme l’ODE, qui chantait le vainqueur d’une épreuve olympique, ou l’HYMNE, poème
chanté qui célébrait un dieu ou un héros.
Ode à Cassandre
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.
Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vrayment marastre Nature,
Puis qu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.
EXEMPLE de comparaison entre une ode de Ronsard et l’ode d’Horace dont il s’inspire :
- imitation des idées
- reprise de concepts antiques :
- la capacité du poète à offrir l’immortalité,
- la nature habitée par des divinités,
- les sacrifices que leur fait l’homme
- ou encore le thème du “carpe diem”
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Ô Bandusie, fontaine cristalline,
Digne de fleurs comme d'un vin nouveau
Demain je t'immolerai un chevreau
Dont la corne est précoce, et l'incline
Aux rudes chocs, aux combats amoureux.
Mais c’est en vain : d'un sang pur, en ta rive,
Ce jeune fils de la troupe craintive
Rougira ton cristal généreux.
L'âpre chaleur des jours caniculaires
Ne t'atteint point : sur l'errante brebis,
Et les taureaux lassés du joug subi,
Tu répands tes fraîcheurs salutaires.
Toi-même aussi ton renom sera grand,
Dès que mon luth aura chanté l'yeuse
Qui domine la vaste roche creuse
D'où tes flots jaillissent en murmurant.
Odes, Horace (-22)
Ô Fontaine Bellerie,
Belle fontaine chérie
De nos Nymphes, quand ton eau
Les cache au creux de ta source,
Fuyantes le Satyreau,
Qui les pourchasse à la course
Jusqu'au bord de ton ruisseau,
Tu es la Nymphe éternelle
De ma terre paternelle :
Pource en ce pré verdelet
Vois ton Poète qui t'orne
D'un petit chevreau de lait,
A qui l'une et l'autre corne
Sortent du front nouvelet.
L'Été je dors ou repose
Sur ton herbe, où je compose,
Caché sous tes saules verts,
Je ne sais quoi, qui ta gloire
Enverra par l'univers,
Commandant à la Mémoire
Que tu vives par mes vers.
L'ardeur de la Canicule
Ton vert rivage ne brûle,
Tellement qu'en toutes parts
Ton ombre est épaisse et drue
Aux pasteurs venant des parcs,
Aux boeufs las de la charrue,
Et au bestial épars.
Iô ! tu seras sans cesse
Des fontaines la princesse,
Moi célébrant le conduit
Du rocher percé, qui darde
Avec un enroué bruit
L'eau de ta source jasarde
Qui trépillante se suit.
Odes, II,19, RONSARD (1550-1552)
Mais Du Bellay et Ronsard, les deux plus grands poètes du groupe de la Pléiade, sauront se libérer des modèles et
trouver des accents plus personnels.
II) Le renouvellement par l’imitation des sources italiennes
Les poètes de la Pléiade s’appuient beaucoup sur l’exemple de l’Italien Pétrarque (1304-1374), à qui ils empruntent :
- le genre du canzoniere, qui est une sorte de “journal poétique” que tient Pétrarque sur son amour pour Laure
de 1342 à 1374, la jeune femme étant morte en 1348. Ce journal est composé de 366 poèmes, des SONNETS
pour la plupart : un pour chaque jour de l’année + une chanson dédiée à la Vierge
- l’idéalisation de la femme
- une rhétorique précieuse, utilisant les antithèses (cf Louise LABE) et les métaphores (cheveux d’or, sourcils
d’ébène, teint de lis et de rose, lèvres de rose, dents de perles...)
III) L’adoption d’une forme nouvelle : le sonnet
Inventé en Sicile au XIII° siècle, le sonnet arrive en France par l'intermédiaire de Pétrarque, qui en fixe les règles en
1470, dans son recueil de poèmes Canzoniere, qui connaîtra un grand succès en France au XVI° siècle.
La structure
Le sonnet est composé de 14 vers, répartis en 2 quatrains et 2 tercets.
Deux structures majeures :
- Opposition Quatrains / Tercets (par exemple Description + Action, ou Idée + sa Conséquence, ou Idée + son Contraire,
ou Comparant + Comparé, etc.)
- Opposition entre le poème entier et le vers final, dit vers de chute (l’opposition peut être remplacée par une formule
frappante, qui condense l’idée principale du poème)
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Les rimes
Les quatrains sont organisés sur 2 rimes, les tercets, eux, sur 3 rimes.
En théorie, l’on a :
- Sonnet italien : ABBA X2 + CCD et EED (rimes embrassées)
- Sonnet français : ABBA X2 + CCD et EDE (rimes croisées)
Les rimes montrent que les tercets sont en fait organisés en un distique suivi d’un quatrain.
Noter que les poètes de la Pléiade ont instauré comme règle de faire alterner les rimes féminines ( en -e muet) et les
rimes masculines.
Le mètre
Au XVI° siècle, on a souvent utilisé le décasyllabe puis, sous l’impulsion de Ronsard, on a préféré l’alexandrin, aux
coupes plus variées.
Les thèmes
La thématique d’origine est la souffrance amoureuse :
amour soudain, imprévisible et foudroyant (le regard
de la femme est souvent comparé à une flèche)
passion idéalisée
dame cruelle et inaccessible
douleur de l’amant
Comme une belle fleur assise entre les fleurs,
Mainte herbe vous cueillez en la saison plus tendre
Pour me les envoyer, et pour soigneuse apprendre
Leurs noms et qualités, espèces et valeurs.
Était-ce point afin de guérir mes douleurs,
Ou de faire ma plaie amoureuse reprendre ?
Ou bien, s’il vous plaisait par charmes entreprendre
D’ensorceler mon mal, mes flammes et mes pleurs ?
Certes je crois que non : nulle herbe n’est maîtresse
Contre le coup d’Amour envieilli par le temps.
C’était pour m’enseigner qu’il faut dès la jeunesse,
Comme d’un usufruit, prendre son passe-temps :
Que pas à pas nous suit l’importune vieillesse,
Et qu’Amour et les fleurs ne durent qu’un Printemps.
Sonnets pour Hélène, RONSARD
La célébration de la nature
Ciel, air et vents, plains et monts découverts,
Tertres vineux et forêts verdoyantes,
Rivages torts et sources ondoyantes,
Taillis rasés et vous, bocages verts,
Antres moussus à demi-front ouverts,
Prés, boutons, fleurs et herbes roussoyantes,
Vallons bossus et plages blondoyantes,
Et vous rochers, les hôtes de mes vers,
Puisqu'au partir, rongé de soin et d'ire,
A ce bel oeil Adieu je n'ai su dire,
Qui près et loin me détient en émoi,
Je vous supply, Ciel, air, vents, monts et plaines,
Taillis, forêts, rivages et fontaines,
Antres, prés, fleurs, dites-le-lui pour moi.
Second livre des Amours, RONSARD
IV) Le renouvellement par la volonté de faire table rase de toute la littérature médiévale
On peut parler d’une école dans la mesure où les poètes répondent à un projet et à un idéal commun, qui s’exprime
dans ce qu’on peut considérer comme leur manifeste : Défense et Illustration de la langue française rédigé par Du Bellay
en 1549. Rarement dans l’histoire de la poésie on a eu à ce point l’impression d’avoir une mission à accomplir, et un tel
enthousiasme à servir un idéal commun.
Voici les idées principales des poètes de la Pléiade et de la façon dont ils entendent renouveler la poésie :
- La préférence pour la langue française : Voir le cours sur le manifeste de la Pléiade
- L'inspiration d’origine divine (les Muses, la fureur divine) : Voir Las, où est maintenant
- “L'innutrition” : il s’agit de “se nourrir” des écrits antérieurs pour ensuite créer quelque chose de neuf, qui
sera à la fois personnel et inspiré de ses lectures, de même que les Latins se sont nourris des modèles grecs
pour élaborer leur propre littérature. Pour reprendre l’image de Montaigne, le poète “fait son miel” de toutes
les fleurs qu’il a butinées. Le miel est sa création, mais les nectars qu’il a recueillis appartiennent à d’autres.
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