les salles de cinema de france, en un blog

Transcription

les salles de cinema de france, en un blog
LES SALLES DE CINEMA DE FRANCE, EN UN BLOG
Par Isabelle Regnier sur http://cinema.blog.lemonde.fr
Le 14.06.2014
Qu'est ce qu'une salle de cinéma ?
Prenant acte de ces mutations, du fait
Que deviennent ces lieux en 2014, alors que
qu'elles
que le parc national a été entièrement
numérisé, que les équilibres entre salles et
documentées, peu étudiées, Agnès Salson et
Mikael Arnal, deux jeunes cinéphiles, se sont
distributeurs, entre groupes et indépendants,
lancés dans un tour des salles (indépendants)
ont été et continuent d'être largement
redéfinis en conséquences... Les multiplexes,
de France et de Navarre qu'ils documentent
sur un joli blog, en photos, et en identifiant,
de plus en plus, apparaissent comme des
sortes de hubs commerciaux où les films sont
dans la rubrique "Boite à idées", les
spécificités de chacune, les initiatives
réduits au statut de produits (d'appel?) parmi
une multitude d'autres qui se consomment
avant ou après les avoir vus (le MK2
Bibliothèque, à Paris, étant sans doute le
originales...
parangon du genre).
salles du territoire), mais il regroupe déjà un
certain nombre de salles et recense une belle
Pour attirer les masses, ils proposent
l'offre cinématographique la plus large
possible, la multiprogrammation (pratique
collection d'initiatives qui témoignent des
mille manières dont les exploitants
réinventent une convivialité propre à leur
qui consiste à diffuser plusieurs films dans
une même salle) les incitant à ne plus
s'interdire aucun segments du cinéma et à
préempter tout le segment des films d'art et
essai dits "porteurs". Pour les indépendants,
époque. De la diffusion de webdocumentaires en salles aux excursions
organisées pour les spectateurs dans certains
hauts lieux de la cinéphilie, en passant par les
programmation de cinéma expérimental, les
la
la
rencontres avec les réalisateurs par Skype et
numérisation n'a pas que des effets négatifs.
Les possibilité qu'elle offre, notamment en
termes de multiprogrammation, leur offre à
eux aussi, de fait, une marge de liberté : la
les achats de cafés solidaires, on se dit que la
salle a de beaux jours devant elle...
possibilité de proposer des films et des
événements inédits, d'imaginer d'autres
forum où exploitants et cinéphiles
échangeraient
leurs
idées
pourrait
manières de programmer, de lier projections
et live... et, partant, de réinventer l'identité de
avantageusement compléter l'initiative.
concurrence
est
violente,
mais
sont
peu
médiatisées,
peu
Le projet n'en est qu'à ses débuts (ils
vont consacrer tout leur été à sillonner les
Petite suggestion aux auteurs : un
leur salle.
2
LES SALLES ONT AUSSI LEUR TOUR DE FRANCE
Par Kevin Bertrand - Hebdomadaire
Le 18.07.2014 - n°3596
Alors que la 101e édition de la Grande
Boucle bat son plein, c'est un périple d'un
essentiellement basées dans les PyrénéesAtlantiques et en île-de-France, avant de se
autre genre auquel se sont attaqués Agnès
Salson et Mikael Arnal. Le 13 juillet, les deux
lancer dans cette expédition estivale, qui ne
passera pas par l'Est de la France, faute de
jeunes cinéphiles, respectivement étudiante
temps. Les deux compères ont tout de méme
en exploitation à La Fémis et réalisateur, ont
embarqué dans leur combi Volkswagen pour
prévu, après la rentrée, d'aller vadrouiller du
côté de Strasbourg.
se lancer dans un Tour de France des
cinémas, dont Le film français est partenaire.
Objectif : découvrir l'Hexagone "par le prisme
Retrouvez
chaque
présentation des salles visitées
jour
une
des salles" et "partager leurs idées" afin
qu'elles puissent "s'inspirer les unes des
autres", précise Agnès Salson.
Débutée avec le Ciné 32 d'Auch
(Gers), cette aventure de 45 jours se
terminera le 20 août avec la découverte du
Cinéma de Contis (Landes). Entre-temps,
Agnès et Mikael auront traversé Agen,
Bordeaux, Angoulême, Noirmoutier, Rennes,
Brest, Rouen, Bourges, Clermont-Ferrand,
Grenoble, Avignon ou encore Rodez. Au
total, pas loin d'une centaine de cinémas
indépendants sont au programme, dont
plusieurs salles art et essai emblématiques:
Les Studio de Tours, le Comoedia de Lyon, le
Sémaphore de Nîmes. Pour l'occasion, les
deux acolytes ont lancé une plateforme en
ligne, tourdescinemas.fr, où ils postent tous
les jours des portraits des salles visitées au
cours de leur voyage -consultables
gratuitement sur lefilmfrancais.com -,
répertorient leurs initiatives (séances
spéciales, expé riences participatives...) et
proposent "un best-of subjectif des
programmes papiers". Agnès et Mikael
avaient déjà visité une vingtaine de salles,
3
LES SALLE DE CINEMA NE VONT PAS MOURIR
Par Jean-Michel Frodon sur www.slate.fr
Le 19.07.2014
Les prophètes de malheur sont en
hollywoodien tout en faisant vivre une idée
pleine forme. A vrai dire, ils n’auront jamais
désarmé. Depuis que Louis Lumière a déclaré
que le cinématographe était une invention
ambitieuse des puissances du cinéma pour
raconter et comprendre le monde
contemporain. Dans le Wall Street Journal
sans avenir au moment même où avec son
frère Auguste ils le rendaient techniquement
daté du 7 juillet, il fait paraître une tribune
intitulée «Les films du futur continueront
possible, depuis que, le jour même de la
d’attirer les gens dans les cinémas». Dans le
première projection publique et payante du
28 décembre 1895, le père Lumière, Antoine,
seul langage que comprennent les lecteurs
de cette publication, celui de la rentabilité
décourageait un spectateur enthousiaste
nommé Georges Méliès qui voulait acheter
cet appareil extraordinaire en lui disant qu’il
ne pourrait que le ruiner, les annonces
funestes n’ont cessé d’accompagner un art
qui se porte pourtant très bien.
financière, il explique par le menu combien la
salle est une installation d’avenir, avec toutes
les raisons de continuer d’inventer des
réponses désirables pour un public payant.
Se moquant au passage de son
C’est ce qui fait le cœur du cinéma, la
salle, qui est aujourd’hui la principale cible de
collègue Tarantino qui n’a rien trouvé de
mieux que de déclarer que le cinéma
disparaitrait avec l’utilisation de la pellicule
nouvelles prédictions fatales. Après bien
d’autres raisons, ce serait l’arrivée de serveurs
de films en ligne, Netflix en tête, qui en
signerait la condamnation à mort. A ces
Cassandre incapables de penser les
(sic), Nolan pense, ou en tout cas s’exprime
selon les critères en vigueur dans son monde,
celui du grand spectacle et des blockbusters.
L’essentiel de son argumentaire est
parfaitement transposable à d’autres formes
transformations autrement qu’en termes de
substitution vient d’être adressé un
de cinéma. Mieux : il vaut pour le cinéma
dans
son
ensemble,
au-delà
des
vigoureux démenti. Leur auteur n’est pas
exactement un cinéphile rétrograde les yeux
gigantesques
différences,
voire
des
antagonismes violents qui séparent une idée
fixés sur un passé aussi glorieux
qu’inexorablement révolu. Et ce plaidoyer
du cinéma représentée par, disons,
Transformers VI et le prochain film d’Alain
n’est pas non plus paru dans l’avant dernier
numéro d’une revue des catacombes.
Cavalier
La
vie
Signataire notamment de la trilogie
C’est
ou
des
de
Naomi
Kawase.
films
comme
films
pourquoi
le
plaidoyer
de
The Dark Knight et de l’extraordinaire
Inception, Christopher Nolan est l’exemple
l’auteur de The Dark Knight est si significatif.
Il trouve écho dans un projet tellement sans
de ces grands créateurs de cinéma capables
de vivre au cœur du système industriel
commune mesure qu’il semble appartenir à
un autre monde, mais qui en fait est une
4
autre façon de travailler le même sujet. Une
cinéma – c’est tout simplement les faire
élève
du
département
distribution/exploitation de La fémis, Agnès
disparaître: prétendre qu’ils pourront vivre
dans un environnement 1000 fois plus
Salson, et son compagnon Mikael Arnal ont
entrepris un tour de France des salles
concurrentiel, et qui n’est pas leur milieu
naturel, Internet, est une pure tartufferie.
indépendantes. Après un échantillonnage un
peu partout dans le pays (Saint-Ouen, Dijon,
Bayonne, Paris 5e, Romainville, Orléans,
Alors qu’on attend toujours les suites
que les professionnels et l’administration
Saint-Etienne…), ils ont mis en place un
parcours organisé sur la route duquel ils se
donneront au rapport Bonnell sur le
réaménagement de la distribution et de
sont lancés le 12 juillet, et dont ils publient
l’exploitation,
chaque jour la récolte.
propositions de ce rapport contiennent la
menace d’une exclusion des salles de
Inscriptions
locales
singulières,
inventions de pratiques pour accompagner
véritables œuvres de cinéma pour motif de
rentabilité (tandis que des téléfilms déguisés
les films et s’adresser à certaines catégories
de spectateurs, histoires d’engagements
en films et grassement financés par les
chaines et le Compte de soutien continueront
cinéphiles qui sont aussi fréquemment
politiques, relations variées avec des tutelles
tout aussi variées, récits de difficultés,
d’occuper les grands écrans), la défense et
illustration de la salle n’a de sens qu’en lien
avec l’affirmation d’une idée ambitieuse et
d’alliances, de transformations: c’est une
cartographie d’une grande richesse qui se
met ainsi en place grâce à cette initiative
individuelle. Elle devrait intéresser non
seulement quiconque se soucie d’action
culturelle ou de diversité artistique, mais
aussi
d’aménagement
du
territoire,
d’alternatives économiques et de pratiques
ouverte du cinéma, telle que la font vivre les
films les plus inventifs.
alors
que
certaines
citoyennes.
Qui croit qu’il n’y a rien de commun
entre l’article de Nolan et l’aventure de
l’étudiante n’a rien compris à ce qui est enjeu
tout au long de cette très longue chaine: la
vie des films comme films. Puisque, c’est une
évidence mais qu’il importe de répéter, la
question des salles n’importe qu’à cause des
films, et des spectateurs. C’est ce dont ferait
bien de se souvenir ceux qui, au nom d’une
rationalisation
économique,
veulent
aujourd’hui éliminer les films les moins
prometteurs financièrement des salles de
5
LE TOUR DE FRANCE PAR DEUX CINEPHILES
Par Joanna Luyssen - Quotidien / Tirage à 462 000 exemplaires
Le 14.08.2014
« Il y a un cinéma à Cucuron »,
annonce fièrement le site Internet du
Leur initiative est née de l'envie
Cigalon, ce petit cinéma indépendant niché
d'insuffler un peu d'optimisme dans un
au coeur de ce village vauclusien de 1800
âmes. Cela tombe bien, car le Cigalon, salle
milieu qu'on dit affaibli. « Toute l'année, on
répète que le piratage tue le cinéma, que les
de 93 places «très confortables », s'apprête à
exploitants
recevoir la visite d'Agnès Saison et Mikael
Arnal. Jusqu'au 28 août, ces deux cinéphiles elle, 21 ans, étudiante en exploitation à la
Fémis, l'école nationale supérieure des
difficultés à exister face aux multiplexes, que
l'accès aux copies, par exemple, leur est plus
difficile. Mais on voulait montrer aussi ce
qu'on constate tous les jours : les salles
métiers de l'image et du son ; lui, 29 ans,
réalisateur – ont entrepris de faire le tour de
France des cinémas indépendants, afin de
partir à la rencontre de leurs exploitants. Une
indépendantes peuvent et savent
réinventer », poursuit Agnès Saison.
connaissent
beaucoup
de
se
Voir un film depuis le jacuzzi
démarche autofinancée, précisons-le, même
si le duo accepte les dons. Il s'agit de raconter
comment ces salles parviennent à se
Prenons Le Méliès, à SaintEtienne
(Loire). Ce cinéma créé en 2006, comprenant
singulariser, à l'heure des bouleversements
en tous genres : piratage, concurrence des
4 salles, organise par exemple des soirées «
Skype Me If You Can ». Après la séance, le
multiplexes et numérisation.
public est invité à échanger avec des
réalisateurs internationaux par le biais du
logiciel de téléphonie Skype.
Ils ont donc pris la route, le 13 juillet,
sillonnant la France à bord d'un Combi
Volkswagen multifonction salle à manger,
Autre source de réflexion, la boîte à
bureau et chambre à coucher. Ils s'arrêtent au
gré des salles, ponctuent leurs escales de
visites, déjeuners, photos. Sans oublier des
idées du site d’'Agnès Salson et Mikael Arnal.
Elle liste les initiatives intéressantes de
certaines salles : au cinéma Véo, de Muret
comptes
rendus
sur
leur
site
(Tourdescinemas.fr), des billets sur Facebook,
(Haute-Garonne), on peut acheter une place
à 4 euros qui seront redistribués aux plus
des tweets et des photos sur Instagram. Il y a
bien eu, au bout de deux semaines, la panne
démunis, selon le système du « café en
attente », bien connu des Napolitains. En
définitive du fameux Combi Volkswagen qui
aurait pu les faire échouer aux portes de la
banlieue parisienne, à Pantin (Seine-SaintDenis), le Ciné 104 a créé un espace voué aux
Bretagne. Heureusement, « [s]a mère est
enfants, avec bibliothèque, salle de jeux et
venue à la rescousse, et [leur] a prêté une
tapis d'éveil. On y trouve aussi certaines
voiture; depuis [ils] dor[ment] au camping ou
chez des amis d'amis », sourit Agnès Saison.
initiatives qui dépassent les frontières de la
France. Comme ce concept très rafraîchissant
6
de « Hot Tub Cinema », très prisé à Londres
et à New York où l'on peut regarder un film
depuis un jacuzzi.
Agnès Saison et Mikael Arnal ont
commencé leur itinéraire dans leur ville
d'origine, à Auch (Gers) ; ils l'achèveront le 28
août à Contis-Plage, dans les Landes, où le
cinéma local organise des résidences pour
scénaristes et un festival dont la renommée a
largement
dépassé
les
limites
du
département.
7
COMMENT REINVENTER L’EXPLOITATION CINEMATOGRAPHIQUE
?
Par Cédric Mal sur https://cinemadocumentaire.wordpress.com/
Le 13.01.2015
Comme il faut bien reprendre la
France, non dictées par cette méticuleuse
route… Le Blog documentaire a choisi de
recension. Petit à petit, ils se sont rendu
repartir du bon pied en revenant sur une
compte
initiative innovante et audacieuse qui s’est
fleurissaient un peu partout sur le territoire,
jouée l’été dernier. Retour sur le Tour de
France des cinémas, réalisé par Agnès Salson
et ils ont alors lancé un premier site pour
partager les bonnes idées avec un maximum
et Mikael Arnal : Deux jeunes curieux partis à
l’assaut des salles de l’Hexagone pour une
de personnes. Le carnet de notes s’est
transformé en Tumblr, et le Tumblr trop
aventure inédite, et un état des lieux très
précieux
de
l’exploitation
cinématographique… Récit.
limité a naturellement mû en véritable site
Internet, accompagné de son inévitable page
Facebook.
Comment
réinventer
cinématographique ?
l’exploitation
Agnès Salson explique : Nous avons
assez vite ressenti un engouement,
accompagné de beaux encouragements, et
Ils ont préféré les salles obscures aux
plages ensoleillées. C’était l’été dernier.
Agnès Salson, 21 ans, et Mikael Arnal, 29 ans,
ont profité des beaux jours pour vagabonder
de cinéma en cinéma – une centaine au total
– pour un tour de France (de l’exploitation)
inédit à ce jour. Elle, étudiante à la Fémis
nous nous sommes pris au jeu. Guidés par la
curiosité, nous avions toujours envie d’en voir
plus, et de partager ce que nous découvrions.
Mais plutôt que de constituer un annuaire sur
Tumblr, nous avons décidé d’ouvrir un site
avec une boîte à idées dans laquelle tout le
monde pourrait puiser les initiatives
(cursus distribution/exploitation, bien sûr…) ;
lui, professionnel polyvalent de l’image, ils se
sont lancés dans cette salutaire entreprise
pertinentes que nous sommes allés dénicher.
presque par hasard.
explorateurs des formes d’exploitation
anciennes et nouvelles ont arpenté le
Tout est parti d’une pratique de
cinéphiles curieux d’en savoir un peu plus sur
l’envers de la toile. Dans l’optique, encore
lointaine, de reprendre une salle de cinéma,
territoire pour trouver les moyens d’imaginer
l’exploitation cinématographique de demain,
notamment éclairés par les potentialités du
web. De Lyon à Nantes en passant par Port-
ces deux passionnés notaient dans un carnet
les bonnes idées qu’ils rencontraient çà et là,
de-Bouc ou Orthez, Agnès et Mikael ont
passé en revue les différentes formes
au gré de virées dans certaines villes de
d’exploitation, y compris sur le plan juridique,
que
de
Originaires
formidables
du
Gers,
initiatives
ces
deux
8
sans s’apesantir sur les multiplexes dont ils
que quelque chose est possible. Des ciné-
considèrent que les initiatives sont déjà
largement relayées. Ils ont ainsi parcouru les
dîners ont été organisés une fois par
semaine, la formule a pris et l’activité a repris
routes de France pour finalement dessiner
une carte de l’exploitation que l’on peut
– en numérique cette fois. Créer l’événement
pour retrouver un public récurrent : la recette
retrouver, entre autres choses, sur leur site
est efficace et se décline aussi bien de façon
tourdescinemas.fr.
itinérante dans les territoires ruraux. Dans la
région Nord-Pas de Calais et en Belgique,
On y rencontre des exploitations
familiales qui se transmettent de génération
Ciné Soupe, un programme itinérant de films
courts accompagné d’une soupe aux
en génération, comme le Rex de Sarlat-la-
légumes de saison, remporte aussi un franc
Canéda où chaque nouvel exploitant (depuis
1957 !) a ajouté un écran à la structure initiale.
succès On se plaît aussi à constater que
certains exploitants préfèrent coopérer
On y découvre aussi de nombreuses
plutôt que de se livrer une bataille acharnée
qui tendrait vers la disparition de l’un des
salles qui restent gérées plus ou moins
directement par l’Eglise (A Pau, le Mélies est
deux cinémas. Distants de 15 kilomètres, les
structures de La Turbale et du Pouliguen (des
même installé dans les anciens bâtiment de
l’institution ecclésiastique). L’histoire est
vieille de plus d’un demi-siècle : des
salles associatives mono-écrans) ont ainsi fait
fi de la concurrence pour préférer se
rapprocher, et établir une programmation
associations religieuses continuent de
présider au devenir de certains cinémas, en
Bretagne notamment (une région également
marquée par « un tissu associatif très actif et
très structuré », notent Agnès et Mikael, où le
cinéma a longtemps constitué un « repère »
aussi important qu’un phare en ville).
transversale plutôt qu’une détestation
cordiale. Ciné-bébés, séances jeunes publics,
cycles communs de répertoire… L’opération
est un succès pour les deux villes, et les
publics circulent. Agnès et Mikael rappellent
qu’« en-deçà de 30.000 entrées par an, il
n’existe pas, pour un mono-écran, de modèle
économique sans subventions publiques ».
Citons également le Lux, à Caen, où la
première pierre du cinéma fut posée par
On y apprend enfin que les salles
l’Eglise et où un clapet a longtemps permis
non-commerciales, comme Le Grand Lux à
au projectionniste, l’abbé Villain, d’obstruer
certaines images qu’il fallait soustraire du
regard des fidèles, amateurs de cinéma. On
Saint-Etienne ou encore Le Nova à Bruxelles,
moins soumises à de contraignantes règles,
se réinventent plus facilement. Mais leur
trouve aussi sur tourdescinemas.fr de jeunes
situation atypique et privilégiée explique
passionnés qui jettent leur dévolu sur des
structures fermées, comme à Urrugne (Pays
Basque). C’était il y a deux ans, Frédérique
Royer reprenait la salle qui avait baissé le
qu’elles soient moins présentes dans «
l’étude » (le mot est lâché) d’Agnès et de
Mikael.
rideau avec le passage au numérique. Elle
Comment devenir jeune exploitant de
convainc l’association chrétienne « Les amis
de la jeunesse », qui a la gérance du cinéma,
salles de cinéma en France ?
9
La question de la transmission est
page Facebook ne suffisent pas pour créer
aujourd’hui au cœur du renouveau de la
diffusion des films en salles. Si la formation
une dynamique.
En matière web, Agnès et Mikael
dispensée par la Fémis constitue une voie
privilégiée
vers
l’exploitation
constatent que nous sommes aujourd’hui « à
la croisée des chemins ». Les Anciens et les
cinématographique, force est de constater
Modernes, en somme. Les logiques du passé
que de jeunes entrepreneurs se lancent aussi
dans l’aventure en reprenant des structures
contraignent d’ailleurs encore les promesses
du futur. (Les copies numériques des films
existantes, le plus souvent grâce à des
montages financiers complexes – si ce n’est
circulent aujourd’hui avec presque autant de
pesanteur qu’à l’époque de la pellicule, dans
aventureux – qui mêlent emprunts, mécénat
la même logique des plans de sortie qui
et partenariats privés. Agnès Salson cite en
exemple la structure qui l’a accueillie en stage
déterminent le nombre de copies distribuées,
et l’arrivée des VPF – frais de copies virtuelles
pendant une semaine l’an passé : Le Mélies
Jean Jaurès de Saint-Etienne, repris en 2006
– un mécanisme financier de contribution à
l’équipement numérique qui induit un
par l’ancien projectionniste de ce cinéma
comptant 4 salles de 115 à 191 fauteuils. Un
nouveau coût d’entrée dans la salle jusqu’en
cinquième semaine). Mais cela n’empêche
lieu qui expérimente par ailleurs en ce
moment une audacieuse formule : celle du «
satisfait ou remboursé ».
pas les francs-tireurs d’innover dans leur
manière de valoriser les films qu’ils ont choisi
de programmer.
Mais l’énergie de l’entrepreneur ne
saurait suffire. Pour faire vivre ces hauts lieux
du 7ème Art, il faut aussi – et peut-être
surtout – faire preuve d’inventivité éditoriale
et programmatique pour séduire des publics
jamais aussi volatils et dispersés que depuis
l’avènement des multiples écrans qui
s’imposent dans leur quotidien (sans parler
Citons encore en exemple le Mélies
de Saint-Etienne, qui s’est lancé dans des
séances « Skype me if you can », qui ont eu
un succès fou. Le principe : convier les
réalisateurs à discuter avec le public depuis
leur salon ou leur cuisine. Pourquoi ? Parce
que leur tournée de promotion s’arrêtait à
de Netflix…). Le salut passe donc aussi peutêtre par les nouvelles technologies.
Lyon ! Jeff Nichols ou William Friedkin ont
ainsi été les premier à se plier au jeu. Effet et
convivialité garantis. Ces soirées ont été
Comment se
numérique ?
réinventer
à
l’ère
du
reprises depuis par une multitude de salles
comme Le Lux, à Cadillac, qui a proposé une
variante du débat cinéaste/public lors de la
Si la numérisation des salles est
sortie du documentaire La Cour de Babel de
aujourd’hui derrière nous, la manière de
s’appuyer sur Internet pour (re)conquérir les
publics est encore source de (multiples)
expérimentations. La question se pose aussi
Julie Bertuccelli, en mettant en place un
Skype entre deux classes d’élèves.
pour les médiathèques, les bibliothèques ou
L’Ecran de Saint-Denis ou l’Eldorado à Dijon
les centres culturels, et force est de constater
qu’un site en forme de vitrine ou une simple
proposent les rencontres qu’ils organisent en
replay sur les sites Intenet de leurs cinémas
Sensiblement dans la même idée,
10
respectifs. Simple, mais efficace. Soient les
Seine-saint-Denis dans le cadre de l’Aide aux
prémices d’une forme de réinvention… De
nombreuses salles se sont aussi dotées d’une
projets numériques et innovants). A SaintEtienne, le public a pu apprécier en salles la
mash up table, une table intuitive qui permet
de monter des sons, des images, de rajouter
saison 1 des Revenants. Le Star de Strasbourg
a aussi jeté son dévolu sur Top of the lake. Au
sa voix, et qui permet d’initier les spectateurs
Mélies de Pau, ce sont les deux premiers
à l’art du montage en se ré-appropriant les
images du quotidien, mais aussi de
épisodes de la saison 2 d’Ainsi soient-ils qui
ont été proposés en avant-première. Ce
sensibiliser au pouvoir de la propagande.
cinéma en aimerait une par trimestre, mais
les diffuseurs et les producteurs en auront-ils
Autre manière de se réinventer : la
l’audace ? Rien n’est moins sûr, pour l’instant
programmation ! Nombreux sont, selon
Agnès et Mikael, les exploitants curieux des
– économie oblige.
formes de création sur Internet. Webdoc, jeux
vidéo, expériences fictionnelles interactives…
Plusieurs modèles de financement
sont imaginables sur cette épineuse question
Nos deux explorateurs citent en exemple
Digital Stories, à Lille, qui développe
: une projection après la diffusion TV pour
une séance gratuite – peu rentable, si ce n’est
désormais des productions ad hoc pour
appliquer la technologie de « laser
participatif » qu’ils ont mis au point. Et les
en termes d’affichage – ou la « location »
d’épisodes par les chaînes… Agnès et Mikael
sont en tout cas persuadés du bien-fondé du
deux comparses de justement préciser : « Il y
a des écrans (dans votre salon, sur votre
téléphone, dans vos salles de cinéma, etc.), et
des contenus. Point. Toutes les formes
audiovisuelles peuvent être valorisées dans
les salles de cinéma. Jusque dans les halls ou
les espaces de rencontres, avec des
installations ou des bornes interactives par
concept : « Les séries TV, c’est aussi du
cinéma. Peu importe l’étiquette, il faut
simplement trouver la forme d’exposition
adéquate. Et en ce qui concerne les séries,
nous imaginons qu’un réseau informel
d’exploitants pourrait se regrouper à terme
pour monter des avant-premières ou des
saisons du prochain Breaking Bad ou The
exemple. Nous devons pouvoir proposer –
sans hiérarchiser – jeux vidéo, webdoc,
Wire. Les producteurs comprendront, plus ou
moins vite, que le cinéma est un support de
cinéma… En bref, toutes les multiples formes
visibilité qui servirait les diffusions TV ».
d’expression en arts visuels ».
Problèmes d’étiquette
Toutes
les
formes
?
Oui.
(En
privilégiant tout de même le jeu vidéo
«
Il
faut
sortir
des
carcans,
indépendant à Call of Duty…). Et même les
séries ! L’expérimentation a été lancée avec la
diffusion simultanée de Top of the Lake au
Trianon de Romainville, à l’Ecran de Saint-
décloisonner les genres, poursuivent Agnès
Salson et Mikael Arnal. L’ »art et essai »
souffre d’une image « élitiste » auprès des
publics. Il faut valoriser les films
Denis et au cinéma Jacques Tati de Tremblay-
différemment et ne pas jouer avec les vieilles
en-France,
avec
des
subventions
départementales (le Département de la
étiquettes. Dire simplement : « c’est un bon
film ». Ce label qui a fait du bien finit par nous
11
faire du mal. Nous nous acheminons
« L’enjeu primordial concerne les
d’ailleurs sans doute doucement vers la salle
de l’entre deux, faite pour les publics qui
15/25 ans », remarquent justement Agnès et
Mikael. Un public volatil, souvent considéré
aiment le cinéma, entre les propositions des
multiplexes les plus mainstream et celles des
de manière condescendante par certains
exploitants, quand il n’est pas franchement
salles d’Art et Essai les plus pointues ». Un
déconsidéré. « Ils ne viennent dans les salles
problème d’étiquette qui nuit également
parfois à la valorisation des documentaires
que s’ils sont impliqués dans le jeu. Il faut leur
laisser les clefs. Le « nous allons faire les
en salles. Mettre en avant ce « genre » est une
opération à double tranchant qui peut avoir
choses pour vous » ne fonctionne pas »,
constatent les deux explorateurs de salles
un effet à la fois attractif et répulsif, en
qui, au Méliès de Saint-Etienne, soulignent
fonction des spectateurs. Là encore, Agnès et
Mikael chassent les catégories toutes faites et
que le programme des « Jeunes
ambassadeurs » a séduit les lycéens. Dans
constatent dans le même mouvement que les
débats « citoyens » qui accompagnent
chaque lycée de la ville sont élus sur concours
deux ambassadeurs du cinéma qui
parfois certaines projections peuvent aussi
s’avérer trop rébarbatifs. En se focalisant
bénéficient d’un an d’entrées illimitées et qui
découvrent alors l’envers du décor (séances
davantage sur le fond que sur la forme des
documentaires, en abordant aussi des
problématiques rebattues (environnement,
privées, coulisses du cinéma, création de la
gazette, etc.). Ils participent d’ailleurs à
l’écriture et à la diffusion de la
droits de l’Homme, questions sociales, etc.),
de telles rencontres minorent parfois le
travail des cinéastes dont l’oeuvre se retrouve
réduite à un discours. Que faire alors, selon
eux, pour renforcer encore l’attractivité du
documentaire en salles ? S’écarter des
étiquettes et des idéologies pour repenser de
manière ludique la sortie de ces oeuvres et
communication. Chaque mois, ils élisent
aussi un film « coup de cœur » qu’ils mettent
en avant sur des flyers édités à l’occasion que
les lycéens peuvent ensuite distribuer. Ces
jeunes spectateurs deviennent des «
prescripteurs » du cinéma et des films
diffusés au sein de leur lycée. Et la logique
horizontale de cette démarche est la clé de
susciter le désir au-delà des initiés. On peut
citer en exemple la mise en place d’ateliers de
l’opération : des lycéens
directement à des lycéens.
s’adressent
cadavres exquis avec les adolescents autour
de la sortie de Conversation animée avec
Noam Chomski de Michel Gondry, ou encore
l’organisation quotidienne de rencontres et
Autre exemple au Méliès de Grenoble,
avec la soirée « Ciné & Co ». Là, le ciné-club
des ados, Cinécrew, est invité à répondre à un
de projections autour de la sortie de Mille
long-métrage de répertoire choisi par le
Soleils de Mati Diop au Cinéma du Panthéon,
à Paris (film surprise en supplément,
performances, présentation des séances par
des cinéastes, court-métrages, etc).
programmateur de la salle par une autre
proposition cinématographique. Subtile
manière d’instaurer un dialogue entre les
œuvres, mais aussi avec un public né bien
après la date de réalisation des films qui sont
Reste LE défi : attirer les plus jeunes
générations
soumis à son appréciation. Et parmi les
spectateurs aussi, le dialogue s’instaure entre
12
Anciens
et
Modernes
–
récurrente
Reste à savoir où et comment bâtir ou
problématique…
A
ces
ateliers
de
programmation d’un nouveau genre, le Lux
reprendre cette salle idéale… Eh bien peutêtre pas en France, finalement… Agnès Salson
de Caen ou le Méliès de Port-de-Bouc
répondent par des propositions nocturnes au
et Mikael Arnal se projettent déjà au-delà des
frontières hexagonales. Notre pays constitue
long cours : un marathon Tarantino ou une «
évidemment un terreau intéressant et fertile,
nuit de l’horreur » par exemple, avec à
chaque fois, un film très attendu, un film un
mais largement soutenu par les subventions.
Comment travailler dans un univers
peu moins convoité et une œuvre du
répertoire. Avec un succès similaire.
concurrentiel différent ? Comment font-ils à
Berlin ou à Varsovie ? Comment se
débrouillent-ils à Bristol ou à Galway ? Ces
Vers de nouveaux horizons
questions ne resteront pas sans réponse :
Agnès et Mikael projettent déjà un tour
Alors, où pensent se situer Agnès et
Mikaël parmi les 2.000 établissements et les
d’Europe des cinémas, avec 150 destinations
réparties dans une trentaine de pays, de
quelques 5.500 écrans actifs qui existent en
France ? Quelle serait leur salle idéale ? Et leur
juillet à décembre prochain. Rendez-vous est
pris, donc…
territoire de prédilection ? Les deux
amoureux du 7ème Art se prennent à rêver :
« Un espace rural avec un bassin de
Plus loin…
population de 15.000 ou 20.000 habitants,
une structure multiculturelle de 3 ou 4 écrans,
avec un espace modulable qui permette
d’organiser quantité d’opérations singulières
(bibliothèques
éphémères,
poste
de
consultation de webdocs, fablab, espace jeux
vidéos, etc.) ».
Agnès Salson et Mikael Arnal ont
clôturé leur Tour de France le 21 novembre
dernier, à l’occasion de l’inauguration du
cinéma Méliès Saint-François, à Saint Etienne.
Ils en ont profité pour interroger plusieurs
exploitants sur leur vision de la salle
indépendante de demain. De Genève au
Pouliguen en passant par Pessac ou
Agnès et Mikaël poursuivent en
expliquant que, dans leur idéal : « Un cinéma
Aubenas… De belles idées à découvrir en
podcast… Et toutes les bonnes contributions
doit porter une programmation alternative,
sont les bienvenues.
et tendre vers un lieu de création (pour les
publics) ou de résidence artistique (pour les
auteurs). Nous ne sommes pas simplement
un réceptacle, ou le dernier maillon de la
chaîne. Un cinéma est un lieu qui doit donner
envie de voir des films, et d’y rester un peu
plus que le temps de la projection
proprement dite. Notre activité ne doit pas
non plus être systématiquement dictée par
les sorties du mercredi, ni obligatoirement
soumise à la chronologie des médias ».
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RÊVER LES CINEMAS, DEMAIN
Par Jean-Michel Frodon sur www.slate.fr/
Le 18.04.2015
C’est une nouvelle étape d’une longue et belle
aventure, loin d’être achevée. En 2014, deux
jeunes gens passionnés de cinéma se lançaient,
d’abord un peu le nez au vent, à la découverte des
salles de cinéma qui assurent, en France, la
qualité et la diversité de l’offre de films, à un
degré sans égal nulle part au monde. Bientôt
l’initiative d’Agnès Salson et Mikhaël Arnal attirait
l’attention des professionnels et des pouvoirs
publics, qui l’ont relayée sans en abimer le côté
artisanal, backpackers de la cinéphilie.
Régulièrement retranscrit en ligne, le relevé au
jour le jour de leurs rencontres un peu partout en
France donnait lieu à une description significative
au niveau culturel et de politique d’équipement
local et régional, mais aussi comme succession de
situations vécues, et incarnées. Cette expérience
donne lieu aujourd’hui à la publication du petit
livre Rêver les cinémas, demain édité par les
Atelier Henry Dougier: à la fois description des
situations multiples découvertes au cours de
leurs périples, études des conditions d’existence
et des difficultés de salles spécifiques, affirmation
vigoureuse et répétée de la confiance dans
l’avenir du cinéma comme lieu autant que
comme art et comme industrie, et catalogue
d’hypothèses pour des possibles innovations
selon les conditions particulières. Soit, de
manière synthétique et très accessible, un
excellent survol des ressources et des enjeux liés
à cet endroit aux vertus décisives, en pleine
mutation comme à peu près tout le reste sous les
effets du numérique, et appelé à continuer à se
réinventer sans se trahir, comme le cinéma luimême. De leur côté, les vaillants visiteurs de
salles obscures poursuivent leur odyssée, à
travers l’Europe désormais. On peut lire leur livre,
et les billets sur leur site, on peut aussi les aider.
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TOURISME EN SALLES OBSCURES
Par Johanna Luyssen sur http://next.liberation.fr/
Le 13.05.2015
Agnès Salson et Mikael Arnal sont en
partance pour un Tour d’Europe des salles de
cinéma. Le principe : recenser les initiatives
inspirantes des salles indépendantes, entre crise
financière et innovations technologiques.
«Aujourd’hui, puisqu’on peut voir des
films partout, pourquoi aller au cinéma?». C’est
pour tenter de répondre à cette abyssale
question qu’Agnès Salson et Mikael Arnal se
lancent dans un tour d’Europe des cinémas, dont
le principe est de recenser - et diffuser - les
initiatives inspirantes des cinémas indépendants.
On rencontre Agnès Salson, 22 ans, à
Cannes, de passage et seule (sa moitié étant
restée à Paris pour finir un film). Elle y séjourne le
temps d’y rencontrer des exploitants européens.
Elle, 22 ans, est étudiante à la Fémis - l’École
nationale supérieure des métiers de l’image et du
son -, option exploitation, et vient d’Auch dans le
Gers, localité dont elle a gardé une pointe
d’accent. Lui, 30 ans, est réalisateur, et vient du
même département, à la fois rural et «très
cinéphile», précise-t-elle, avant de vanter les
mérites du réseau «Ciné32».
L’été dernier, le couple était déjà à
l’origine d’un Tour de France des cinémas. Ils
avaient alors sillonné les routes de France à la
rencontre d’exploitants, du Vaucluse au
Morbihan en passant par la Loire. Ils ont recensé
le tout sur leur site, créé une boîte à idées avec
les initiatives les plus marquantes, raconté
comment des cinémas, non seulement
permettent d’avoir accès «à une offre
éditorialisée», mais sont aussi «des lieux de vie».
Par exemple, ce cinéma d’Urrugne (PyrénéesAtlantiques) sur le modèle des cafés suspendus
italiens (on paye d’avance un café à celui qui n’a
pas les moyens de se l’offrir), a mis en place un
système de «places de cinéma en attente». Après
de nombreuses visites, ils ont fini par mettre en
scène leur périple dans un carnet de bord en ligne
- panne de voiture au fin fond de la Bretagne
incluse.
QUATRE MOIS EN TRAIN, FERRY OU VOITURE
Un an plus tard, et notamment après une
deuxième année à la Fémis pour elle, les voici
donc en partance pour un tour d’Europe, qui
débutera à la fin du mois d’août. Ce sera long :
quatre mois, soit 120 jours de voyage, qu’ils
passeront en train, en voiture ou en ferry. Ils ont
choisi leurs destinations, dans 20 pays, et ont
choisi de visiter plus de 100 salles, de Nuremberg
à Bristol, de Majorque à Londres, d’Athènes à
Bruxelles. Ce cinéma allemand en déshérence,
par exemple, que les habitants du quartier ont
repris façon Scop, les intéresse particulièrement,
comme cette plateforme de VOD créée par cette
salle à Edimbourg, ou enfin ces cinémas anglais
mi-restaurants mi-cinés, où l’on peut siroter un
verre de vin en regardant un film. «On veut à la
fois constater comment des cinémas se
réinventent dans des pays en crise, notamment
quand ils n’ont que très peu d’aides; mais on
cherche aussi à comprendre comment
fonctionnent, de manière générale, ces salles
alternatives, et comment elles ont pris acte des
changements liés à notre époque : le numérique,
Internet, par exemple. Par exemple, comment
relier la salle au web et le web à la salle est une
question qu’on se pose».
De telles ambitions coûtant cher, ils ont
opté pour le financement participatif. Ils sont
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d’ores et déjà satisfaits du résultat, et ont
déjà recueilli «64% des 6000 euros nécessaires
pour le transport», précise Agnès Salson.
De retour de ce tour d’Europe, ils
comptent bien ouvrir leur propre salle. Ce sera
sans doute «en région», comme elle dit. Il y aura
sans doute aussi, dans cette salle rêvée qui
n’existe pas encore, des connexions entre les
créateurs et les diffuseurs, autrement dit : les
artistes et les exploitants. Très influencés par le
réseau de cinémas Utopia (Agnès Salson a fait un
stage dans celui de Bordeaux), ils songent
également, comme ces derniers, à créer un
média, en ligne ou non ; il s'agit, en somme, de
créer des ponts.
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