Germaine Pitroipa, une actrice des années Sankara - France

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Germaine Pitroipa, une actrice des années Sankara - France
Germaine Pitroipa, une actrice des années Sankara - France - RFI
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MFI
BURKINA FASO
Publié le 27-06-2014 • Modifié le 27-06-2014 à 15:50
Germaine Pitroipa, une actrice des années Sankara
par Anne Frintz (/auteur/anne-frintz/)
Germaine Pitroipa demande la vérité sur la mort de son supérieur et ami, Thomas Sankara.
Anne Frintz
Burkina Faso (/pays/burkina-faso/)
A 62 ans, Germaine Pitroipa est la représentante en France de l’Union pour la renaissance, le parti d’opposition
des sankaristes au Burkina Faso. Cette proche collaboratrice de feu Thomas Sankara n’a ni perdu son esprit de
rébellion contre les injustices ni oublié les paroles du Che africain.
Aujourd’hui infirmière en banlieue parisienne, elle est mère de quatre filles et grand-mère de cinq petitsenfants.
Germaine Pitroipa est aujourd’hui infirmière en banlieue parisienne, pas très loin de la retraite, mère de quatre filles, et grandmère de cinq petits-enfants. Mais c’est aussi la représentante en France de l’Union pour la renaissance, l'UNIR/PS, le parti
d’opposition sankariste au Burkina Faso. Conteuse hors pair, elle est invitée aux hommages à Thomas Sankara, elle qui l’a bien
connu, tout comme aux dernières réunions du Mouvement Balai, qui lutte contre la candidature de Blaise Compaoré à la
prochaine présidentielle et donc, contre la révision de la constitution.
Née en 1952 en Haute-Volta, de parents cultivateurs qui l'ont confiée tôt à un oncle instituteur vivant à la capitale, Germaine
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Pitroipa a eu plusieurs vies. Toutes marquées du sceau de la rébellion. De Ouagadougou à Dakar et Paris, elle fut, avant l'âge de
30 ans, étudiante en lettres et professeure, tout en étant membre active de différents syndicats. Elle participa en 1966 au premier
soulèvement populaire contre un régime indépendant en Afrique, qui renversa Maurice Yaméogo, accusé de gabegie et de
népotisme en Haute-Volta. Elle s’éleva en 1974 contre la visite du président Félix Houphouët-Boigny après que celui-ci eut
expulsé les étudiants voltaïques de Côte d'Ivoire, jugés trop remuants. Elle termina ses études et travailla en France de 1976 à
1979, avec son mari salarié d'Air France, faisant de nombreux allers-retours entre l’Afrique et l’Europe, et accouchant de l’une de
ses filles à la sortie d’une manifestation en faveur de l’indépendance de la Namibie. Fin 1979, elle rentra dans la fonction
publique, à Ouagadougou, pour enseigner. C’est là qu’elle rencontra Thomas Sankara.
« Vous pensez qu’on est là pour combien de temps ? »
« Je le rencontre chez Valère Somé, un de mes amis d’enfance », raconte Germaine Pitroipa. Valère Somé qui deviendra ministre du
Conseil national de la révolution (CNR), en charge de l'élaboration de son programme. « J’ai un ami militaire, je vais te le
présenter. Il n’est pas comme tous les militaires », m'a dit un jour Valère. Je suis restée et, avec Thomas, on a discuté de tout »,
ajoute-t-elle. A cette époque, les salaires des professeurs sont dérisoires et les syndicats se mobilisent. Germaine Pitroipa en
est. Et bientôt, avec eux, la majorité de la population aussi. En 1980, un coup d’Etat militaire renverse Lamizana et Saye Zerbo
prend le pouvoir. Mais les conditions de vie ne s’améliorent pas vraiment. Germaine Pitroipa se met en disponibilité et rejoint
son mari et ses enfants en France. Par ses activités de syndicaliste, elle voyage entre les deux continents jusqu’en 1983, année
durant laquelle Thomas Sankara est Premier ministre sous la présidence de Jean-Baptiste Ouédraogo.
Puis, le 4 août 1984, Thomas Sankara devient président par la force... d’un coup d’Etat. « Avec Thomas au pouvoir, je n’avais plus de
raison de ne pas accepter ma mission de service public. Je suis rentrée au Burkina Faso. J’ai été nommé Haut-commissaire de la province
de Kouritenga, au centre-est du Burkina Faso de 1984 à 1986. Préfet en quelque sorte, un relais du pouvoir dans les campagnes, où les
chefs coutumiers réagissaient mal à la perte de leurs prérogatives administratives, et où de nombreux potentats locaux devaient être
recadrés. On a vu des professeurs qui mangeaient sur le dos de tout un village, s’engraissaient... Ca ne pouvait pas continuer comme ça »,
s’insurge Germaine Pitroipa, nullement impressionnée par l’ampleur de la tâche à l’époque. « Dans ma région, c’était calme. J’ai eu
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le poste parce que je militais, bien sûr », assume-t-elle.
Elle retrouve régulièrement Thomas Sankara lors des réunions des Hauts-commissaires de tout le pays. En 1986, elle est
nommée par Sankara lui-même conseillère culturelle à l’ambassade du Burkina Faso en France. Elle y restera jusqu’à
l’assassinat de « son homme », comme disait ses collègues de l’époque.
Ardente défenseuse de celui qui « avait un idéal pour le Burkina Faso », Germaine Pitroipa se souvient de ses paroles et de sa
lucidité quant à la brièveté de son passage au pouvoir. « Thomas Sankara, c’était l’homme le plus sensible, le plus à fleur de peau que
je connaisse », se rappelle la militante sankariste et amie qui avait 31 ans à l’époque. « Il nous disait toujours de montrer l’exemple :
pas de privilèges, être au service des gens. Et puis, il savait que nous ne serions pas au pouvoir pour longtemps. Il considérait qu’il était
de passage. Il nous disait toujours : « Vous pensez qu’on est là pour combien de temps ? » quand nous devions faire passer une loi et
que nous estimions, nous, les Hauts-commissaires, les préfets, que rien ne pressait ».
« Vous ne pouvez rien faire si on décide de me tuer »
Selon la « camarade », Thomas Sankara était conscient qu’il serait vite évincé du pouvoir. Il savait qu’il était sur écoute
téléphonique et que son frère d’armes, qu’il avait lui-même formé, et avec qui il avait fait le coup d’Etat du 4 août 1984, Blaise
Compaoré, avait toujours voulu la présidence du Burkina Faso - présidence qu’il occupe depuis la mort de Thomas Sankara il y a
27 ans. « Thomas disait : « En tout cas, je n’aurai pas de sang sur les mains. Je veux qu’on combatte Blaise par les idées. Si je tue
Blaise, je devrais en tuer d’autres ! Et pourquoi pas Valère Somé, demain ? » C’est ce qu’il répondait quand on lui disait de se
débarrasser de Blaise Compaoré. Et il ajoutait : « Vous ne pouvez rien faire si on décide de me tuer » », rapporte Germaine Pitroipa.
En effet, le 15 octobre 1987, le jour où Germaine Pitroipa apprit qu'un coup d’Etat avait eu lieu au Burkina Faso, elle était en
voiture dans Paris et écoutait la radio. Ce jour-là, plusieurs amis de Thomas Sankara avaient conseillé au Che africain de ne pas
se rendre à la réunion du Conseil de l’Entente à Ouagadougou où il avait réuni son Secrétariat. C’est là-bas qu’il fut tué par un
commando, avec douze de ses proches.
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Le lendemain de la tuerie, à l’ambassade du Burkina Faso en France, Germaine Pitroipa qui n’avait pas encore eu la confirmation
de la mort de son président, reçut les condoléances de ses collègues. L’ambassadeur burkinabè avait appris de la bouche de
Jacques Foccart (le Monsieur Afrique de la France) la mort de Thomas Sankara, affirme-t-elle. Quelques jours plus tard, Germaine
Pitroipa, rappelée expressément au Burkina Faso, fut catégorique : « Je ne rentre pas », dit-elle à son ambassadeur. Dès lors, elle
fut considérée comme démissionnaire et ce fut la fin de ses fonctions publiques burkinabè. « Pendant neuf années, je ne suis pas
allée au Burkina Faso, confie-t-elle. « Tu ne bouges pas de Paris », m’ont ordonné mes amis du CNR, avant qu'ils ne soient emprisonnés
pendant plusieurs mois et torturés. Heureusement, ils ne sont pas morts », souligne-t-elle émue.
Depuis 1995, Germaine Pitroipa retourne chaque année au Burkina Faso. « Je n’ai jamais eu de difficultés, ni de problèmes. Mais, à
l’aéroport, je suis systématiquement contrôlée et je reste plus longtemps que les autres entre les mains de la police, nuance-t-elle. Ils
n’ont jamais rien à me reprocher ».
Même si elle n’est plus professeure depuis bien longtemps, Germaine Pitroipa continue à informer les jeunes générations sur
l’histoire récente de son pays à laquelle elle a pris part. « Il faut éduquer les gens, mais l’histoire n’est profitable que si l’on connaît la
vérité. Ca sera un cycle sans fin, sinon. Et les assassinats vont se répéter encore et encore. Il faut la vérité sur l’assassinat de Thomas
comme sur tous les meurtres qui ont suivi : ceux des capitaine Henri Zongo et du commandant Jean Baptiste Boukary Lingani, passés par
les armes en 1989, accusés d’avoir ourdi un complot pour éliminer le président Blaise Compaoré ; celui de Norbert Zongo, tué pour avoir
fait son travail de journaliste, celui du juge Nébié, cette année ! Il faut qu’on sache comment et pourquoi Thomas Sankara a été
assassiné. Et idem pour tous les autres. Il faut que l’histoire serve aux générations futures », insiste Germaine Pitroipa, qui lutte pour
qu’il n’y ait pas prescription en matière de crimes.
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