Réplique au courrier du lecteur de Peter Salfed

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Réplique au courrier du lecteur de Peter Salfed
Courrier des lecteurs
Vol. 26 No. 4 2015
Courrier du lecteur, Paediatrica 2015; 26 (1): 32–34
Take it with some salt – the second look.
Peter Salfeld, Münsterlingen
Traduction: Rudolf Schlaepfer, la Chaux-de-Fonds
d’un médicament qui ne devrait pas être utilisé pour la BVA. Il a trouvé sa place dans les
recommandations américaines pour le traitement de la BVA révisées, avec la mention
«peut être utilisé»8). La mise à jour des recommandations suisses devrait être discutée,
comme prévu, au sein de la société médicale.
Références
Jürg Barben et Claudia Kuehni commentent
dans leur article les données hétérogènes
concernant la solution saline hypertonique pour
le traitement de la bronchiolite virale aiguë
(BVA) et concluent que les recommandations
suisses ne nécessitent pas de mise à jour1).
Comme mentionné par J. Barben et C. Kuehni,
les données ne sont pas sans équivoque et
plusieurs aspects cliniques sont à considérer:
la réduction de la durée et du nombre d’hospitalisations, l’amélioration des symptômes, la
sécurité, le mécanisme d’action chez les patients souffrant d’une BVA. Les études sur le
traitement d’une BVA par solution saline hypertonique inclues dans l’actuelle revue Cochrane
montrent, pour un collectif bien défini mais
hétérogène de patients dans un Single Centre
Setting, une réduction significative de la durée
d’hospitalisation2). Les études multicentriques
européennes mentionnées ne confirment pas
la diminution du temps d’hospitalisation3), 4).
Les études inclues dans la revue Cochrane ne
documentent pas de fréquence uniformément
réduite des admissions à l’hôpital par l’utilisation de solution saline hypertonique avant
l’hospitalisation. Le nombre et les horaires
d’application de la solution saline hypertonique
diffèrent sensiblement. Une étude récente
avec inhalation précoce de solution saline hypertonique lors de l’admission au service
d’urgence documente une réduction significative des hospitalisations5). Dans une étude
publiée au même moment, Florin et coll. ne
constatent pas de diminution du taux d’hospitalisations d’enfants avec une BVA par l’inhala-
tion précoce de solution saline hypertonique,
inhalation effectuée toute fois une seule fois
avec NaCl 3 % 6). Les études sur l’inhalation de
solution saline hypertonique effectuées chez
les patients hospitalisés suite à une BVA
constatent une amélioration des symptômes2).
Les deux études récentes multicentriques européennes ne font pas la même constatation3),
ou alors seulement 28 jours après que l’enfant
ait quitté l’hôpital4). En pré-hospitalier, une
amélioration est constatée pour certains sousgroupes6) ou pas du tout5). Globalement le
moment de la saisie et l’évaluation des symptômes varient considérablement.
L’inhalation de solution saline hypertonique
est sûre. Aucune étude sur l’utilisation de
solution saline hypertonique pour le traitement de la BVA ne rapporte d’effets indésirables sérieux1)–7) .
Sur le plan physiopathologique, la solution
saline hypertonique représente, du moins en
théorie, un médicament efficace pour le traitement de la BVA. L’hyperosmolarité de la
solution inhalée n’a pas seulement un effet
«antagoniste» sur la viscosité excessive du
mucus et l’œdème inflammatoire de la paroi
bronchique, mais augmente aussi la fréquence des battements ciliaires2) .
En résumé, l’inhalation de solution saline hypertonique n’a pas pour effet un raccourcissement de la durée d’hospitalisation mais
peut, du moins pour un sous-groupe de patients, améliorer la symptomatologie. Les
données sont hétérogènes mais il semble
prématuré de généraliser et dire qu’il s’agit
1) Barben J, Kuehni CE. Therapie der akuten Bronchiolitis: Nützt hypertones Kochsalz? Paediatrica 26
(1) 2015: 32–33.
2) Zhang L, Mendoza-Sassi RA, Wainwright C, Klassen
TP. Nebulised hypertonic saline solution for acute
bronchiolitis in infants. Cochrane Database Syst
Rev. 2013 Jul 31; 7.
3) Teunissen J, Hochs AH, Vaessen-Verberne A, Boehmer AL, Smeets CC, Brackel H et al. The effect of
3 % and 6 % hypertonic saline in viral bronchiolitis:
a randomised controlled trial. Eur Respir J. 2014
Oct; 44 (4): 913–21.
4) Everard ML, Hind D, Ugonna K, Freeman J, Bradburn
M, Cooper CL, Cross E, et al. SABRE: a multicentre
randomised control trial of nebulised hypertonic
saline in infants hospitalised with acute bronchiolitis. Thorax. 2014 Dec; 69 (12): 1105–12.
5) Wu S, Baker C, Lang ME, Schrager SM, Liley FF, Papa
C, Mira V, Balkian A, Mason WH. Nebulized hypertonic saline for bronchiolitis: a randomized clinical
trial. JAMA Pediatr. 2014 Jul; 168 (7): 657–63.
6) Florin TA, Shaw KN, Kittick M, Yakscoe S, Zorc JJ.
Nebulized hypertonic saline for bronchiolitis in the
emergency department: a randomized clinical trial.
JAMA Pediatr. 2014 Jul; 168 (7): 664–70.
7) Mandelberg A, Amirav I. Hypertonic saline or high
volume normal saline for viral bronchiolitis: mechanisms and rationale. Pediatr Pulmonol. 2010 Jan;
45 (1): 36–40.
8) Ralston S, Hill V, Martinez M. Nebulized hypertonic
saline without adjunctive bronchodilators for children with bronchiolitis. Pediatrics. 2010 Sep; 126
(3): e520–5.
9) Ralston SL, Lieberthal AS, Meissner HC, Alverson BK,
Baley JE, Gadomski AM et al. Clinical practice guideline:
the diagnosis, management, and prevention of bronchiolitis. Pediatrics. 2014 Nov; 134 (5): e1474–502.
Correspondance
Dr. med. Peter Salfeld, Leitender Arzt Pädiatrie
FMH Kinder- und Jugendmedizin
Kinderpneumologe
Klinik für Kinder und Jugendliche
Kantonsspital Münsterlingen
8596 Münsterlingen
[email protected]
Réplique au courrier du lecteur
de Peter Salfeld
Au nom de la Commission médicale de la Société Suisse de Pneumologie Pédiatrique (SGPP):
Jürg Barbena) , St Gall, Claudia Kuehnib) , Berne, Carmen Casaultac) , Berne, Jürg Hammerd) , Bâle
Traduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux-de-Fonds
Comme présenté in extenso dans notre article dans Paediatrica, malgré des recherches
intenses rien n’a sensiblement changé ces
dernières décennies à la déclaration cinquantenaire de Reynold et Cook «Oxygen is vitally
important in bronchiolitis and there is little
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convincing evidence that any other therapy is
consistently or even occasionally useful.»1), 2) .
Les données scientifiques actuelles ne justi-
Courrier des lecteurs
fient pas l’utilisation de solution saline hypertonique pour le traitement par inhalation de la
bronchiolite virale aiguë (BVA). Deux éditoriaux dans les revues internationales European Respiratory Journal et Thorax3), 4) ainsi
qu’un article de revue dans Archives of Diseases in Childhood5) l’expriment clairement.
Le fait que certaines études documentent une
amélioration chez des sous-groupes n’y
change rien. Une étude publiée récemment
montre que l’évaluation des symptômes respiratoires chez les petits enfants, dans les
services d’urgence, dépend de l’examinateur
et n’est donc pas un «critère fort» permettant
d'évaluer l’efficacité d’un médicament6) . En
raison du grand nombre d’études, des nombreuses issues et des différents sous-groupes
analysés, il faut s’attendre à ce que certaines
valeurs p soient «significatives» (c.à.d. p <
0.05), bien que l’intervention examinée n’ait
en réalité aucun effet. Ainsi, en retenant 10
études qui analysent 5 issues dans 4 sousgroupes, on calcule 200 valeurs p (10 X 5 x 4
= 200). Environ 10 de ces valeurs p seront par
hasard en dessous de 0.05. L’efficacité d’une
intervention n’est jamais confirmée par une
seule valeur p, mais uniquement par l’analyse
la plus systématique possible de l’ensemble
des données et résultats cohérents disponibles dans les différentes études, notamment les grandes études randomisées et
contrôlées. Par ailleurs P. Salfeld ne mentionne malheureusement pas quels sousgroupes tireraient effectivement profit de ce
traitement.
Par analogie à la question qui nous occupe, il a
été maintenu pendant des années que certains
sous-groupes d’enfants avec une BVA profiteraient d’inhalations par salbutamol (Ventolin®).
De manière hésitante s’est imposée la conclusion que la symptomatologie et la physiopathologie de la bronchiolite aiguë se différencient
de celles de la bronchite obstructive et ce n’est
que récemment que les collègues américains
se sont décidés à ne plus recommander les
β2-mimétiques pour la bronchiolite aiguë.
L’American Academy of Pediatrics a par conséquent (enfin) retenu, dans ses dernières recommandations concernant le diagnostic et le
traitement de la bronchiolite aiguë, que les
β2-mimétiques n’étaient pas indiqués pour le
traitement de la bronchiolite aiguë («Clinicians
should not administer albuterol (or salbutamol)
to infants and children with a diagnosis of bronchiolitis» (Evidence Quality: B; Recommendation
Strength: Strong Recommendation.) 7).
Un scénario comparable aura probablement
lieu pour la solution saline hypertonique.
Vol. 26 No. 4 2015
Ainsi les récentes recommandations américaines ne la recommandent pas pour les
traitements ambulatoires mais laissent l’option ouverte, malgré la faible évidence, dans
le domaine hospitalier: «Key action statement
4b: clinicians may administer nebulized hypertonic saline to infants hospitalized for bronchiolitis (Evidence Quality: B; Recommendation Strength: Weak recommendation [based
on randomized controlled trials with inconsistent findings]).»7)
Ces recommandations américaines ne tien­
nent pas encore compte des deux grandes
études multicentriques européennes dont la
conclusion est négative8), 9) et qui mettent
totalement en question l’évidence déjà faible.
Les guidelines NICE anglaises du 31 mai
201510) ne recommandent donc pas la solution
saline hypertonique et le récent article de
revue dans Archives of Diseases in Childhood
retient sans équivoque: «The surge of recent
evidence consistently demonstrates that hypertonic saline has no benefit on short-term
and long-term outcome measures.»5)
La bronchiolite aiguë est (toujours et encore)
une maladie virale à l’évolution spontanément
favorable qui guérit, chez le nourrisson par
ailleurs en bonne santé, sans intervention
extérieure. Nous sommes conscients qu’il
n’est pas facile, pour les collègues plus
jeunes, de résister à la pression des parents
exigeant un traitement médicamenteux. Cela
demande souvent un long entretien pour expliquer aux parents pourquoi on ne prescrit
pas de médicament, et il serait parfois plus
simple de prescrire une mesure (p. ex. inhalations) dont on ne craint pas d’effets indésirables majeurs. Malgré cela nous sommes de
l’avis que cela ne justifie pas la prescription
de traitements qui, d’après les connaissances
actuelles, ne raccourcissent ni n’améliorent
le décours de la maladie. La prise en charge
de la bronchiolite consiste donc, en 2015
aussi, à éviter les manipulations inutiles et à
garantir un apport suffisant de liquides et
d'oxygène, une bonne toilette nasale et un
soutien respiratoire dans les cas sévères11) .
Pour ces raisons les recommandations
suisses ne nécessitent actuellement pas de
révision. C’est l’avis aussi de tous les
membres de la commission médicale de la
SSPP, qui surveille par ailleurs régulièrement
les données.
Sur la base des données scientifiques actuelles, la commission médicale de la SSPP
veut éviter, par cette prise de position très
directive, que des inhalations avec la solution
saline hypertonique soient effectuées à titre
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probatoire, pour ensuite les poursuivre ou les
interrompre en fonction de critères ou impressions subjectifs. Cela n’engendre pas
seulement de l’insécurité auprès des parents,
des soignants et des médecins, mais occasionne aussi des coûts inutiles.
a) PD Dr. med., Leitender Arzt Pädiatrische Pneumologie/Allergologie, Ostschweizer Kinderspital St. Gallen
b) Prof. Dr. med., Pädiatrische Epidemiologie und
Pneumologie, Institut für Sozial- and Präventivmedizin (ISPM), Universität Bern
c) Dr. med., Leitende Ärztin Pädiatrische Pneumologie
Universitätskinderklinik, Inselspital Bern
d) Prof. Dr. med., Leitender Arzt Pneumologie/Intensivstation, Universitätskinderklinik beider Basel (UKBB)
Références
1) Barben J, Kuehni CE. Therapie der akuten Bronchiolitis: Nützt hypertones Kochsalz? PAEDIATRICA
2015; 26: 28–30.
2) Reynolds EOR, Cook CD. The treatment of bronchiolitis. J Pediatr 1963; 63: 1205–07.
3) Barben J, Kuehni CE. Hypertonic saline for acute
viral bronchiolitis - take the evidence with a grain
of salt. Eur Respir J 2014; 44: 827–30.
4) Cunningham S, Unger SA. Nebulised hypertonic
saline in bronchiolitis: take it with a pinch of salt.
Thorax 2014; 69 (12): 1065–66.
5) Legg JP, Cunningham S. Hypertonic saline for bronchiolitis: a case of less is more. Arch Dis Child 2015;
July 27, doi: 10.1136/archdischild-2014-308039
[Epub ahead of print].
6) Bekhof J, Reimink R, Bartels IM, Eggink H, Brand
PL. Large observer variation of clinical assessment
of dyspnoeic wheezing children. Arch Dis Child
2015; 100: 649–53.
7) Ralston SL, Lieberthal AS, Meissner HC, Alverson
BK, Baley JE, Gadomski AM et al. Clinical practice
guideline: the diagnosis, management, and prevention of bronchiolitis. Pediatrics 2014; 134 (5):
e1474–e1502.
8) Teunissen J, Hochs AH, Vaessen-Verberne A, Boehmer AL, Smeets CC, Brackel H et al. The effect of
3 % and 6 % hypertonic saline in viral bronchiolitis:
a randomised controlled trial. Eur Respir J 2014; 44
(4): 913–21.
9) Everard ML, Hind D, Ugonna K, Freeman J, Bradburn
M, Cooper CL et al. SABRE: a multicentre randomised control trial of nebulised hypertonic saline
in infants hospitalised with acute bronchiolitis.
Thorax 2014; 69 (12): 1105–12.
10)National Institue of Clinical Excellence (NICE).
Bronchiolitis in children. NICE Guidelines 9. 2015,
May 31. http://www.nice.org.uk/guidance/ng9.
11) Wainwright C. Acute viral bronchiolitis in children
– a very common condition with few therapeutic
options. Paediatr Respir Rev 2010; 11 (1): 39–45.
12)Barben J, Hammer J. Behandlung der Bronchiolitis
im Säuglingsalter - Empfehlungen der SAPP. PAEDIATRICA 2003; 14: 18–21.
13) Barben J, Hammer J. Behandlung der akuten Bronchiolits im Säuglingsalter. Schweiz Med Forum
2004; 4: 251–3.
Correspondance
PD Dr. med. Jürg Barben
Leitender Arzt Pneumologie/Allergologie
Ostschweizer Kinderspital
Claudiusstr. 6
CH-9006 St. Gallen
[email protected]