Gares TGV : les lanternes magiques
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Gares TGV : les lanternes magiques
lumières INTÉRIEURES Gares TGV : les lanternes magiques Photo Jean-Marc Charles Gare de Valence : la lecture de l’espace, le repérage des circulations doivent s’appréhender de façon évidente. 20 LUX n° 215 - Novembre/Décembre 2001 L’éclairage des gares TGV de la ligne Méditerranée est fondé sur des principes communs : lumière indirecte pour la mise en valeur du bâti, des matériaux et des espaces de qualité, des sources froides pour un bon rendu de couleurs. Voici l’exemple de trois gares : Valence, Avignon et Aix-en-Provence. de la Méditerranée L es trois gares TGV de Valence (Drôme), Avignon (Vaucluse) et Aix-en-Provence (Bouches-duRhône) ne sont pas seulement trois gares nouvelles, emblématiques d'une architecture propre à notre époque. C'est dans le cadre du développement des lignes du train à grande vitesse (TGV) qu’il faut les appréhender pour comprendre comment elles illustrent une approche nouvelle de l’aménagement du territoire et la notion de réseau dont elles constituent, sur la ligne TGV Méditerranée, trois des maillons. Il est alors permis de s’interroger sur l’identité d’une ligne “Méditerranée” qui se matérialise aussi bien à travers des constructions neuves que des restructurations comme la gare Saint-Charles à Marseille (objet d’un prochain article). La ligne TGV Atlantique, vers l’Ouest de la France, avait déjà donné l'occasion à l'Agence des gares (1) et à l'Arep (2) de mener une réflexion sur la définition d'un vocabulaire commun qui lui conférerait sa spécificité. L'imaginaire de l'océan avait alors fourni les solutions avec ses haubans et ses toiles tendues. Valence, Avignon et Aix-en-Provence, localisées “hors la ville”, ne sont pas des gares de centre-ville mais elles ne sont pas non plus des gares d’aéroports excentrées ou éloignées de toute urbanisation. Avignon, par exemple, est à la limite de la zone urbanisée, et l’on peut penser avec Etienne Tricaud, directeur général de l’Arep, que, par homothétie avec les gares du XIXe siècle, la gare deviendra le centre d'un nouveau quartier de l’agglomération dans une dizaine d’années… À Aix, la gare constitue l’un des maillons d’une mégapole multipolaire au tissu très distendu. Au-delà des problématiques d'extension de la ville induisant un travail sur les mutations à long terme des zones urbaines, la localisation “hors la ville” permet de saisir les logiques territoriales que sous-tend le choix des trois sites. Situés au croisement de réseaux et de flux, ces derniers constituent des enjeux majeurs en terme de bassin de population et par conséquent de zone d'attraction porteuse de développements (1) L’Agence des gares, département maîtrise d’œuvre des gares, fait partie de la Direction déléguée de l’aménagement et au patrimoine de la SNCF. (2) L’Arep est une filiale du groupe SNCF et le bureau d’études de l’Agence des gares. futurs. Ainsi, n’est-ce pas tant la notion de ville desservie dont il est question que de bassin géographique et, par extension, du statut d'un territoire où l’empreinte d'un paysage, en l’occurrence l'immersion dans le monde méditerranéen, conditionne l’image des nouvelles gares. « Qui dit territoire, dit relations entre horizons proche et lointain, dit Etienne Tricaud, entre structures passées, présentes et à venir. » Chacune des gares cherche des correspondances avec son environnement et associe nature, paysage, architecture et transports. Valence, porte symbolique du Midi, regarde le Vercors et les collines de l’Ardèche. Avignon, au bord de la Durance, se tourne vers la vieille ville et la forteresse de Villeneuve-lès-Avignon (Gard). Aix-en-Provence s’ouvre sur la garrigue et sur un horizon lointain somptueusement marqué par la montagne Sainte-Victoire. Le paysage, à une échelle proche, se renouvelle au travers des compositions et des aménagements des abords confiés au paysagiste Michel Desvigne. Valence : un bâtiment en trois vaisseaux A Valence, quelque 8,3 hectares ont été plantés de tulipiers de Virginie, 15 hectares de fruitiers et de hautes tiges prolongent à Avignon les allées d'épineux, de cyprès et de feuillus typiques du pays. Aix-en-Provence, un exemple de mise en lumière Pour chacune des gares, l’éclairage indirect a fait l’objet d'une implantation précise et spécifique. Ainsi, à Aix-en-Provence, une batterie de projecteurs (en majorité des Lingotto) organise-t-elle la composition de l’éclairage général. Des projecteurs (lampe 400 W HIT.DE) à faisceau asymétrique, en applique sur bras déporté et accrochés sur les structures porteuses, assurent l’éclairage de la sous-face de la toiture. Ils sont relayés par des projecteurs à faisceau intensif, placés à la base des structures. Des encastrés de sol destinés à l’éclairage des parois, complètent l’éclairage sur la sous-face latérale. A Aix-en-Provence, la vaste nef de la gare est totalement ouverte sur le paysage et la montagne Sainte-Victoire. La lumière pénètre généreusement à l’intérieur de la halle protégée à l’ouest par une résille de pare-soleil en red cedar. LUX n° 215 - Novembre/Décembre 2001 21 lumières INTÉRIEURES cessifs dessinés par la toiture permettent d'infléchir la rigueur des rayons lumineux par une série de rebonds. Combinaison de lumière du nord et du sud Photo S. Lucas La salle des pas perdus de la gare de Valence fait fonction de boîte à lumière la nuit. À Aix-en-Provence, des plantations de micocouliers suivent au plus près la géométrie du train, prolongés au-delà par celles plus aléatoires de chênes verts. Si l’inscription de la gare dans le paysage et la perception de celui-ci à partir de la gare ont ainsi largement conditionné les projets d’architecture, ces derniers ont aussi recherché à donner une solution simple à la nécessité de gérer des fonctions complexes. Ne passant plus par le centreville, les arrêts allongent peu le temps du parcours. En revanche, il leur faut articuler le lien entre les autres modes de transport et croiser les flux TGV, TER (train express régional) et routiers (voitures, taxis, bus). A Avignon, les tables-bancs à piétement cuivre, au plateau en teck, qui ponctuent la mezzanine de la grande nef, sont dotées de leur propre éclairage : une lampe à abat-jour. 22 LUX n° 215 - Novembre/Décembre 2001 À la gestion de l’intermodalité, s’ajoute celle des données climatiques dont l’architecture des trois gares doit intégrer les contraintes : le vent (le mistral), la chaleur souvent écrasante et la lumière naturelle, éblouissante. À Valence, c'est le choix d'une intermodalité forte qui a conduit à poser littéralement la gare au centre du nœud de communications que constituent les réseaux routiers et ferrés. Les quatre voies TGV passent en décaissé (environ 7 m), et la gare s'installe comme un pont sur cette faille, relie les deux rives et les différentes zones de transport. Le bâtiment, divisé en trois vaisseaux couverts de grands toits horizontaux, dessert deux niveaux ferroviaires superposés. La salle des pas perdus a été conçue comme une galerie en pente douce montant à 3 % vers le nord. Elle regroupe ainsi l’ensemble des services et permet d'accéder à ses deux extrémités aux différents quais (TGV et TER). Grâce à une structure métallique toute hauteur, constituée de piliers peints en rouge, elle est entièrement vitrée et permet d'apprécier la qualité du site alentour, qui s’échelonne sans obstacle graduellement de l’horizon proche au plus lointain. Le confort acoustique a été réglé par la mise en œuvre du bois au plafond et au sol. Orientée nord-sud, la gare laisse généreusement passer à travers ses parois transparentes la lumière naturelle, au lever et au coucher du soleil, filtrée à l’aide de vitrage sérigraphié. À midi, les trois plans suc- La conception de la gare d’Avignon a été déterminée par la nécessité de gérer un différentiel de trafic entre le Nord et le Sud. Elle est constituée de deux ensembles d’inégale importance de part et d’autre des voies implantées ouest-est en talus. Le bâtiment principal côté sud, baptisé le Pavillon des départs, accueille 80 % des voyageurs en partance pour les gares situées au nord. Il dessine un hall d'embarquement en forme de lentille effilée et courbe, étirée sur toute la longueur du quai. Le Pavillon des arrivées (20 % du trafic), édifice d’acier et de verre plus modeste, se prolonge par un abri de quai. Ce caractère bipolaire gère également les contraintes climatiques du site que constituent le mistral et la chaleur. Le contrôle thermique d’une halle ouverte à ses deux extrémités étant impossible, l'option arrêtée a été par conséquent de laisser les quais à l’air libre et de les flanquer, sur toute leur longueur, du Pavillon des départs, là où les voyageurs attendent leurs trains. Côté nord, le pavillon affiche de grandes verrières. Côté sud, il se présente sous forme d'une large coque de béton recouverte d’écailles en composite ciment verre (CCV), couleur pierre, percée d’ouvertures, tantôt fenêtres, tantôt portes d’entrée. Côté intérieur, la coque doublée de laine de verre et dotée d’un système de chauffage et de rafraîchissement d’air, est recouverte de lattes d’épicéa lasurées, couleur chaux. Le résultat est impressionnant. La nef réserve un espace unique dont l’échelle monumentale est adoucie par les jeux subtilement modulés et les interférences entre deux lumières différentes du climat méditerranéen : lumière du nord pénétrant à travers les verrières, lumière du sud s’infiltrant à l’intérieur en stries verticales et insufflant à l'architecture son rythme immatériel. La réponse architecturale de la gare d'Aix-en-Provence est un hommage au site : son immense toiture en forme de vague allongée est constituée d’une onde de métal, orientée est-ouest, portée par deux rangées de piliers dont la taille croît et décroît avec le rayon de courbure de la couverture. Le double alignement des fûts en lamellé collé et aux bras en acier, dont l'ouverture s’amplifie vers les deux extrémités de la gare, a permis de laisser libres les façades de verre. Les voies du TGV passent au niveau du terrain naturel, l’accès est de plain-pied. lumières INTÉRIEURES Lumière : un principe sur toute la ligne Boîtes à lumière de jour, ces trois gares de la ligne Méditerranée ont été conçues comme des lanternes magiques la nuit. L’éclairage, à l’instar des matériaux et du mobilier, fait partie du vocabulaire commun décliné dans chacune des gares et contribuant à l’identité de la ligne. Le même principe s’applique aux gares TGV de Valence, Avignon et Aix-enProvence. Des éclairages indirects utilisant le plafond comme réflecteur soulignent l’organisation spatiale, la qualité des espaces, comme celle des matériaux mis en œuvre tandis que l’utilisation de sources froides assure un bon rendu des couleurs. La lecture de l’espace, le repérage des services comme des circulations et des accès doivent s’appréhender de façon évidente. Des éclairages ponctuels accompagnent les parcours et rythment le cheminement, tantôt intégrés dans l’architecture, tantôt faisant partie des éléments mobiliers comme ces tables-bancs à piétement de cuivre, au plateau en teck, dotées de leur propre éclairage : lampe et abat-jour. Mâts d’éclairage en bois lamellé collé L’éclairage extérieur a généré la création de mâts supports autorisant aussi bien un éclairage en nappe grâce à des lanternes suspendues à une résille que la construction de candélabres le long des circulations routières. L’alliance du bois et de l’aluminium (embases filées et rehausses moulées) assure à la fois la modernité de l’intervention et la pérennité dans le temps. Le bois lamellé collé s'insère, même au stade actuel du “verdissement”, harmonieusement dans le traitement végétal des sites. > Maîtrise d’ouvrage : RFF, SNCF, les intervenants La passerelle jetée au-dessus des voies, tient aussi lieu de belvédère privilégié d’où la lecture de l’espace et du site est particulièrement impressionnante. L’hiver, un chauffage au sol et des radiateurs en façade assurent le confort thermique. L’été, la façade vitrée la plus exposée, à l’ouest, est protégée par un dispositif de panneaux en bois mobiles, qui s'ouvrent ou se ferment à la demande suivant l’ensoleillement. La sous-face de la toiture en bacs d’acier perforé gris blanc fait office de filtre et permet de regarder audehors sans éblouissement. Département de la Drôme pour l’accès à la gare de Valence TGV > Maîtrise d’ouvrage déléguée : Ligne nouvelle n° 5 (SNCF) > Maîtrise d’œuvre et direction de travaux : Agence des gares, Arep > Valence TGV Architectes : Jean-Marie Duthilleul, Etienne Tricaud, Marcel Bajard, Pierre Saboya, Jean-Pierre Lequeux (direction de travaux). > Avignon TGV Architectes : Jean-Marie Duthilleul, Etienne Tricaud, Marcel Bajard, François Bonnefille, Pierre Alliot (direction de travaux). > Aix-en-Provence TGV Architectes : Jean-Marie Duthilleul, Etienne Tricaud, Marcel Bajard, Eric Dussiot, Gérard Planchenault (direction de travaux). Paysagiste : Desvigne et Dalnoky. FLORENCE MICHEL A Cattenom (Moselle), dans un contexte de village Maison de l’enfance en mutation économique et sociale, la Maison de l’enfance s’est implantée en centre-bourg. Il s’agit d’un bâtiment de Cattenom : associant dans un même équipement deux structures indépendantes : un multi-accueil crèche halte-garderie pour enfants douceur de 0 à 3 ans et un accueil péri-scolaire/CLSH pour enfants de 3 à 16 ans. Le choix du site répond à une volonté forte d’implantation en centre-bourg et chaleur à proximité directe des équipements scolaires. Photo Olivier Thomas L quement les cassures des toitures, des suspensions halogènes type armature industrielle diffusent des “douches de lumière”, des projecteurs iodures métalliques semi-extensifs éclairent la charpente, des appliques et luminaires sur potelet rythment les entrées et le jardin. Enfin, des petites boîtes à lumière équipées de lampes fluocompactes à hauteur des enfants créent des recoins intimes. Toutes les pièces sont de plain-pied et s’ouvrent directement sur le jardin. La conception a été confiée à l’atelier d’architecture Méandre, créé en 1998, et dont la Maison de l’enfance est le premier projet achevé. Ch.S. les intervenants a conception architecturale de la Maison de l’enfance de Cattenom (Moselle) propose une organisation symétrique des deux structures, de part et d’autre d’un module central regroupant les services (sanitaires, bureaux, cuisine, locaux techniques). Ce bâtiment, à toiture en ardoise naturelle, et dont le matériau dominant est le bois, a été développé dans une démarche environnementale, avec le souci d’une relation harmonieuse au contexte et la création d’espaces intérieurs adaptés aux enfants. Pour certains enfants, accueillis avant et après l’école, les journées sont longues : la Maison de l’enfance se devait d’être douce et chaleureuse, en associant notamment bois et lumière. L’éclairage a été conçu pour pouvoir faire varier les ambiances au rythme des activités des enfants. Dans les nefs, plusieurs dispositifs ont été mis en place : des réglettes fluorescentes en tête de mur accentuent graphi- > Maître d’ouvrage : Commune de Cattenom. > Maître d’ouvrage délégué : Sodevam Nord Lorraine. > Architectes : atelier d’architecture Méandre (Christian Hackel, Emmanuelle Patte-Colardelle, avec les conseils de l’éclairagiste Agathe Argod). > Bureau d’études : Acte, Anglade structures bois. > Matériel d’éclairage : iGuzzini, Meyer, Thorn-Europhane. LUX n° 215 - Novembre/Décembre 2001 23