Gares TGV : les lanternes magiques

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Gares TGV : les lanternes magiques
lumières INTÉRIEURES
Gares TGV :
les lanternes magiques
Photo Jean-Marc Charles
Gare
de Valence :
la lecture
de l’espace,
le repérage
des circulations
doivent
s’appréhender
de façon
évidente.
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L’éclairage des gares TGV de la ligne Méditerranée est fondé sur des principes
communs : lumière indirecte pour la mise en valeur du bâti, des matériaux
et des espaces de qualité, des sources froides pour un bon rendu de couleurs.
Voici l’exemple de trois gares : Valence, Avignon et Aix-en-Provence.
de la Méditerranée
L
es trois gares TGV de Valence
(Drôme), Avignon (Vaucluse) et
Aix-en-Provence
(Bouches-duRhône) ne sont pas seulement trois gares
nouvelles, emblématiques d'une architecture propre à notre époque. C'est dans le
cadre du développement des lignes du
train à grande vitesse (TGV) qu’il faut les
appréhender pour comprendre comment
elles illustrent une approche nouvelle de
l’aménagement du territoire et la notion de
réseau dont elles constituent, sur la ligne
TGV Méditerranée, trois des maillons.
Il est alors permis de s’interroger sur
l’identité d’une ligne “Méditerranée” qui
se matérialise aussi bien à travers des
constructions neuves que des restructurations comme la gare Saint-Charles à
Marseille (objet d’un prochain article).
La ligne TGV Atlantique, vers l’Ouest
de la France, avait déjà donné l'occasion
à l'Agence des gares (1) et à l'Arep (2) de
mener une réflexion sur la définition
d'un vocabulaire commun qui lui conférerait sa spécificité. L'imaginaire de
l'océan avait alors fourni les solutions
avec ses haubans et ses toiles tendues.
Valence, Avignon et Aix-en-Provence,
localisées “hors la ville”, ne sont pas des
gares de centre-ville mais elles ne sont pas
non plus des gares d’aéroports excentrées
ou éloignées de toute urbanisation.
Avignon, par exemple, est à la limite de la
zone urbanisée, et l’on peut penser avec
Etienne Tricaud, directeur général de
l’Arep, que, par homothétie avec les gares
du XIXe siècle, la gare deviendra le centre
d'un nouveau quartier de l’agglomération
dans une dizaine d’années… À Aix, la gare
constitue l’un des maillons d’une mégapole multipolaire au tissu très distendu.
Au-delà des problématiques d'extension
de la ville induisant un travail sur les mutations à long terme des zones urbaines, la
localisation “hors la ville” permet de saisir
les logiques territoriales que sous-tend le
choix des trois sites. Situés au croisement
de réseaux et de flux, ces derniers constituent des enjeux majeurs en terme de bassin de population et par conséquent de zone
d'attraction porteuse de développements
(1) L’Agence des gares, département maîtrise d’œuvre
des gares, fait partie de la Direction déléguée
de l’aménagement et au patrimoine de la SNCF.
(2) L’Arep est une filiale du groupe SNCF et
le bureau d’études de l’Agence des gares.
futurs. Ainsi, n’est-ce pas tant la notion de
ville desservie dont il est question que de
bassin géographique et, par extension, du
statut d'un territoire où l’empreinte d'un
paysage, en l’occurrence l'immersion dans
le monde méditerranéen, conditionne
l’image des nouvelles gares.
« Qui dit territoire, dit relations entre
horizons proche et lointain, dit Etienne
Tricaud, entre structures passées, présentes
et à venir. » Chacune des gares cherche des
correspondances avec son environnement
et associe nature, paysage, architecture et
transports. Valence, porte symbolique du
Midi, regarde le Vercors et les collines de
l’Ardèche. Avignon, au bord de la Durance,
se tourne vers la vieille ville et la forteresse
de Villeneuve-lès-Avignon (Gard).
Aix-en-Provence s’ouvre sur la garrigue
et sur un horizon lointain somptueusement
marqué par la montagne Sainte-Victoire.
Le paysage, à une échelle proche, se
renouvelle au travers des compositions et
des aménagements des abords confiés au
paysagiste Michel Desvigne.
Valence : un bâtiment
en trois vaisseaux
A Valence, quelque 8,3 hectares ont été
plantés de tulipiers de Virginie, 15 hectares de fruitiers et de hautes tiges prolongent à Avignon les allées d'épineux,
de cyprès et de feuillus typiques du pays.
Aix-en-Provence,
un exemple
de mise en lumière
Pour chacune des gares,
l’éclairage indirect a fait l’objet
d'une implantation précise
et spécifique.
Ainsi, à Aix-en-Provence, une
batterie de projecteurs (en majorité
des Lingotto) organise-t-elle la
composition de l’éclairage général.
Des projecteurs (lampe 400 W
HIT.DE) à faisceau asymétrique,
en applique sur bras déporté
et accrochés sur les structures
porteuses, assurent l’éclairage
de la sous-face de la toiture.
Ils sont relayés par des
projecteurs à faisceau intensif,
placés à la base des structures.
Des encastrés de sol destinés
à l’éclairage des parois,
complètent l’éclairage
sur la sous-face latérale.
A Aix-en-Provence, la vaste nef de la gare
est totalement ouverte sur le paysage
et la montagne Sainte-Victoire. La lumière
pénètre généreusement à l’intérieur de
la halle protégée à l’ouest par une résille
de pare-soleil en red cedar.
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lumières INTÉRIEURES
cessifs dessinés par la toiture permettent
d'infléchir la rigueur des rayons lumineux
par une série de rebonds.
Combinaison de lumière
du nord et du sud
Photo S. Lucas
La salle des
pas perdus
de la gare
de Valence
fait fonction
de boîte
à lumière
la nuit.
À Aix-en-Provence, des plantations de
micocouliers suivent au plus près la géométrie du train, prolongés au-delà par
celles plus aléatoires de chênes verts.
Si l’inscription de la gare dans le paysage
et la perception de celui-ci à partir de la
gare ont ainsi largement conditionné les
projets d’architecture, ces derniers ont
aussi recherché à donner une solution
simple à la nécessité de gérer des fonctions
complexes. Ne passant plus par le centreville, les arrêts allongent peu le temps du
parcours. En revanche, il leur faut articuler
le lien entre les autres modes de transport
et croiser les flux TGV, TER (train express
régional) et routiers (voitures, taxis, bus).
A Avignon, les tables-bancs à
piétement cuivre, au plateau en
teck, qui ponctuent la mezzanine
de la grande nef, sont dotées
de leur propre éclairage :
une lampe à abat-jour.
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À la gestion de l’intermodalité, s’ajoute celle des données climatiques dont
l’architecture des trois gares doit intégrer les contraintes : le vent (le mistral),
la chaleur souvent écrasante et la lumière naturelle, éblouissante.
À Valence, c'est le choix d'une intermodalité forte qui a conduit à poser littéralement la gare au centre du nœud de
communications que constituent les
réseaux routiers et ferrés. Les quatre
voies TGV passent en décaissé (environ
7 m), et la gare s'installe comme un pont
sur cette faille, relie les deux rives et les
différentes zones de transport.
Le bâtiment, divisé en trois vaisseaux
couverts de grands toits horizontaux,
dessert deux niveaux ferroviaires superposés. La salle des pas perdus a été
conçue comme une galerie en pente
douce montant à 3 % vers le nord. Elle
regroupe ainsi l’ensemble des services et
permet d'accéder à ses deux extrémités
aux différents quais (TGV et TER).
Grâce à une structure métallique toute
hauteur, constituée de piliers peints en
rouge, elle est entièrement vitrée et permet
d'apprécier la qualité du site alentour, qui
s’échelonne sans obstacle graduellement
de l’horizon proche au plus lointain. Le
confort acoustique a été réglé par la mise
en œuvre du bois au plafond et au sol.
Orientée nord-sud, la gare laisse généreusement passer à travers ses parois transparentes la lumière naturelle, au lever et au
coucher du soleil, filtrée à l’aide de vitrage sérigraphié. À midi, les trois plans suc-
La conception de la gare d’Avignon a
été déterminée par la nécessité de gérer
un différentiel de trafic entre le Nord et le
Sud. Elle est constituée de deux
ensembles d’inégale importance de part
et d’autre des voies implantées ouest-est
en talus. Le bâtiment principal côté sud,
baptisé le Pavillon des départs, accueille
80 % des voyageurs en partance pour les
gares situées au nord. Il dessine un hall
d'embarquement en forme de lentille effilée et courbe, étirée sur toute la longueur
du quai. Le Pavillon des arrivées (20 %
du trafic), édifice d’acier et de verre plus
modeste, se prolonge par un abri de quai.
Ce caractère bipolaire gère également les
contraintes climatiques du site que
constituent le mistral et la chaleur. Le
contrôle thermique d’une halle ouverte à
ses deux extrémités étant impossible,
l'option arrêtée a été par conséquent de
laisser les quais à l’air libre et de les flanquer, sur toute leur longueur, du Pavillon
des départs, là où les voyageurs attendent
leurs trains.
Côté nord, le pavillon affiche de grandes
verrières. Côté sud, il se présente sous
forme d'une large coque de béton recouverte d’écailles en composite ciment
verre (CCV), couleur pierre, percée d’ouvertures, tantôt fenêtres, tantôt portes
d’entrée. Côté intérieur, la coque doublée
de laine de verre et dotée d’un système de
chauffage et de rafraîchissement d’air, est
recouverte de lattes d’épicéa lasurées,
couleur chaux. Le résultat est impressionnant. La nef réserve un espace unique
dont l’échelle monumentale est adoucie
par les jeux subtilement modulés et les
interférences entre deux lumières différentes du climat méditerranéen : lumière
du nord pénétrant à travers les verrières,
lumière du sud s’infiltrant à l’intérieur en
stries verticales et insufflant à l'architecture son rythme immatériel.
La réponse architecturale de la gare
d'Aix-en-Provence est un hommage au
site : son immense toiture en forme de
vague allongée est constituée d’une onde
de métal, orientée est-ouest, portée par
deux rangées de piliers dont la taille
croît et décroît avec le rayon de courbure de la couverture. Le double alignement des fûts en lamellé collé et aux bras
en acier, dont l'ouverture s’amplifie vers
les deux extrémités de la gare, a permis
de laisser libres les façades de verre.
Les voies du TGV passent au niveau du
terrain naturel, l’accès est de plain-pied.
lumières INTÉRIEURES
Lumière :
un principe sur toute la ligne
Boîtes à lumière de jour, ces trois gares
de la ligne Méditerranée ont été conçues
comme des lanternes magiques la nuit.
L’éclairage, à l’instar des matériaux et
du mobilier, fait partie du vocabulaire
commun décliné dans chacune des gares
et contribuant à l’identité de la ligne.
Le même principe s’applique aux gares
TGV de Valence, Avignon et Aix-enProvence. Des éclairages indirects utilisant le plafond comme réflecteur soulignent l’organisation spatiale, la qualité
des espaces, comme celle des matériaux
mis en œuvre tandis que l’utilisation de
sources froides assure un bon rendu des
couleurs. La lecture de l’espace, le repérage des services comme des circulations et des accès doivent s’appréhender
de façon évidente.
Des éclairages ponctuels accompagnent
les parcours et rythment le cheminement,
tantôt intégrés dans l’architecture, tantôt
faisant partie des éléments mobiliers
comme ces tables-bancs à piétement de
cuivre, au plateau en teck, dotées de leur
propre éclairage : lampe et abat-jour.
Mâts d’éclairage
en bois lamellé collé
L’éclairage extérieur a généré la création de mâts supports autorisant aussi
bien un éclairage en nappe grâce à des
lanternes suspendues à une résille que la
construction de candélabres le long des
circulations routières. L’alliance du bois
et de l’aluminium (embases filées et
rehausses moulées) assure à la fois la
modernité de l’intervention et la pérennité dans le temps. Le bois lamellé collé
s'insère, même au stade actuel du “verdissement”, harmonieusement dans le
traitement végétal des sites.
> Maîtrise d’ouvrage : RFF, SNCF,
les intervenants
La passerelle jetée au-dessus des voies,
tient aussi lieu de belvédère privilégié d’où
la lecture de l’espace et du site est particulièrement impressionnante. L’hiver, un
chauffage au sol et des radiateurs en
façade assurent le confort thermique.
L’été, la façade vitrée la plus exposée, à
l’ouest, est protégée par un dispositif de
panneaux en bois mobiles, qui s'ouvrent
ou se ferment à la demande suivant l’ensoleillement. La sous-face de la toiture
en bacs d’acier perforé gris blanc fait
office de filtre et permet de regarder audehors sans éblouissement.
Département de la Drôme pour l’accès
à la gare de Valence TGV
> Maîtrise d’ouvrage déléguée :
Ligne nouvelle n° 5 (SNCF)
> Maîtrise d’œuvre et direction de
travaux : Agence des gares, Arep
> Valence TGV
Architectes : Jean-Marie Duthilleul, Etienne
Tricaud, Marcel Bajard, Pierre Saboya,
Jean-Pierre Lequeux (direction de travaux).
> Avignon TGV
Architectes : Jean-Marie Duthilleul, Etienne
Tricaud, Marcel Bajard, François Bonnefille,
Pierre Alliot (direction de travaux).
> Aix-en-Provence TGV
Architectes : Jean-Marie Duthilleul,
Etienne Tricaud, Marcel Bajard, Eric Dussiot,
Gérard Planchenault (direction de travaux).
Paysagiste : Desvigne et Dalnoky.
FLORENCE MICHEL
A Cattenom (Moselle), dans un contexte de village
Maison de l’enfance
en mutation économique et sociale, la Maison de l’enfance
s’est implantée en centre-bourg. Il s’agit d’un bâtiment
de Cattenom :
associant dans un même équipement deux structures
indépendantes : un multi-accueil crèche halte-garderie pour enfants
douceur
de 0 à 3 ans et un accueil péri-scolaire/CLSH pour enfants de 3 à 16 ans.
Le choix du site répond à une volonté forte d’implantation en centre-bourg
et chaleur
à proximité directe des équipements scolaires.
Photo Olivier Thomas
L
quement les cassures des toitures, des
suspensions halogènes type armature
industrielle diffusent des “douches de
lumière”, des projecteurs iodures métalliques semi-extensifs éclairent la charpente, des appliques et luminaires sur
potelet rythment les entrées et le jardin.
Enfin, des petites boîtes à lumière équipées de lampes fluocompactes à hauteur
des enfants créent des recoins intimes.
Toutes les pièces sont de plain-pied et
s’ouvrent directement sur le jardin.
La conception a été confiée à l’atelier
d’architecture Méandre, créé en 1998, et
dont la Maison de l’enfance est le premier projet achevé.
Ch.S.
les intervenants
a conception architecturale de la
Maison de l’enfance de Cattenom
(Moselle) propose une organisation
symétrique des deux structures, de part et
d’autre d’un module central regroupant
les services (sanitaires, bureaux, cuisine,
locaux techniques). Ce bâtiment, à toiture
en ardoise naturelle, et dont le matériau
dominant est le bois, a été développé dans
une démarche environnementale, avec le
souci d’une relation harmonieuse au
contexte et la création d’espaces intérieurs adaptés aux enfants.
Pour certains enfants, accueillis avant et
après l’école, les journées sont longues : la
Maison de l’enfance se devait d’être douce et chaleureuse, en associant notamment
bois et lumière. L’éclairage a été conçu
pour pouvoir faire varier les ambiances au
rythme des activités des enfants.
Dans les nefs, plusieurs dispositifs ont
été mis en place : des réglettes fluorescentes en tête de mur accentuent graphi-
> Maître d’ouvrage : Commune de Cattenom.
> Maître d’ouvrage délégué : Sodevam Nord Lorraine.
> Architectes : atelier d’architecture Méandre (Christian Hackel, Emmanuelle Patte-Colardelle,
avec les conseils de l’éclairagiste Agathe Argod).
> Bureau d’études : Acte, Anglade structures bois.
> Matériel d’éclairage : iGuzzini, Meyer, Thorn-Europhane.
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