Civ. 3 e , 18 février 2016, n° 15-10.750

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Civ. 3 e , 18 février 2016, n° 15-10.750
CIV.3
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 février 2016
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt no 255 F-P+B
Pourvoi no V 15-10.750
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE,
a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Soprema
entreprises, société par actions simplifiée, dont le siège est 14 rue de
Saint-Nazaire, parc d'activités Mermoz, 67100 Strasbourg,
contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2014 par la cour d'appel de Bordeaux
(1re chambre civile, section B), dans le litige l'opposant :
1o/ à la société Bouygues immobilier, société anonyme, dont le
siège est 3 boulevard Galliéni, 92130 Issy-les-Moulineaux,
2o/ au syndicat des copropriétaires de la résidence Patio Verde,
dont le siège est 1-3 rue du Mascaret, 66-68 rue Jules Guesde, 17-19 rue
Streamers, 33270 Floirac, représenté par son syndic la société Nexity Lamy,
société par actions simplifiée, dont le siège est 10-12 rue Marc Bloch,
92110 Clichy, prise en son agence de Bordeaux, 6 cours de la Marne, 33082
Bordeaux cedex,
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3o/ à la société d'Architecture Brochet Lajus Pueyo, société à
responsabilité limitée, dont le siège est Bassin à Flot no1, Hangar G2, quai
Armand Lalande, 33300 Bordeaux,
4o/ à la société Harrybey constructions, société par actions
simplifiée, dont le siège est parc du Millénium, rue Henri le Chatelier,
33700 Mérignac,
5o/ à la société Aquifab, société à responsabilité limitée, dont
le siège est 20 avenue Gustave Eiffel, 33700 Mérignac,
6o/ à la société Labastère, société par actions simplifiée, dont
le siège est 2 rue Pierre Paul de Riquet, 33610 Canéjan,
7o/ à la société Isomar, société par actions simplifiée, dont le
siège est route de Bordeaux, RN 113, La Bergerie, bâtiment B,
47200 Marmande,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen
unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 19 janvier 2016, où
étaient présents : M. Chauvin, président, M. Bureau, conseiller rapporteur,
M. Mas, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bureau, conseiller, les observations de la
SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société Soprema entreprises,
de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de la société
Bouygues immobilier, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du syndicat des
copropriétaires de la résidence Patio Verde, l'avis de M. Kapella, avocat
général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la société Soprema entreprises (la société
Soprema) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la
société d'architecture Brochet-Lajus-Pueyo, la société Harrybey
constructions, la société Aquifab, la société Labastère et la société Isomar ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1792-3 du code civil ;
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Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 17 novembre 2014),
que le syndicat des copropriétaires de la résidence Patio Verde, se plaignant
d'une insuffisance de végétation sur les toitures terrasses végétalisées
réalisées par la société Soprema a, après expertise, assigné en
responsabilité la société Bouygues immobilier, promoteur-vendeur, et le
cabinet d'architectes Brochet-Lajus-Pueyo, maître d'oeuvre, qui ont sollicité
la garantie de la société Soprema ;
Attendu que, pour condamner la société Bouygues immobilier
sur le fondement de la garantie de bon fonctionnement et condamner la
société Soprema à relever indemne la société Bouygues immobilier de cette
condamnation prononcée contre elle au titre du désordre no 24, l'arrêt retient
que les végétaux constituent un élément d'équipement de l'ouvrage pouvant
en être dissociés et que si leur fonction est essentiellement décorative, ils
font partie du concept d'ensemble de la construction ;
Qu'en statuant ainsi, alors que des désordres qui affectent le
revêtement végétal d'une étanchéité, ne compromettant pas la solidité de
l'ouvrage ni ne le rendant impropre à sa destination et concernant un élément
dissociable de l'immeuble non destiné à fonctionner, ne relèvent pas de la
garantie de bon fonctionnement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la
société Bouygues immobilier à payer au syndicat des copropriétaires de la
résidence Patio Verde la somme de 74 497,50 euros au titre du désordre
no 24 et condamne la société Soprema entreprises à garantir la société
Bouygues immobilier de cette condamnation, l'arrêt rendu le
17 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où
elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant
la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence Patio
Verde aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les
demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de
cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la
suite de l'arrêt partiellement cassé ;
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Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre
civile, et prononcé par le président en son audience publique du
dix-huit février deux mille seize.
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MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils,
pour la société Soprema entreprises.
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société
Bouygues Immobilier à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence
Patio Verde la somme de 74.497,50 euros HT au titre du désordre no 24,
outre la TVA au taux de 7% et d’AVOIR, en conséquence, condamné la
société Soprema à relever indemne la société Bouygues Immobilier de cette
condamnation prononcée contre elle au titre du désordre no 24 (dégradation
ou absence de végétaux en toiture terrasse) ;
AUX MOTIFS QUE l’expert considère que ce désordre provient d’un défaut
de mise en oeuvre, et que la responsabilité de la société Soprema est à
rechercher en sa qualité de titulaire du lot étanchéité ; que le désordre
consiste dans le fait que la végétation mise en oeuvre sur les toitures
terrasses n’a pas réellement pris, de sorte qu’elle a l’apparence de touffes
qui ne recouvrent pas l’intégralité des surfaces, alors qu’il était précisé dans
les pièces du marché de la société Soprema que le procédé utilisé,
Sopranature, devait permettre la mise en oeuvre d’une végétation extensive
sur les toitures revêtues d’un complexe d’étanchéité antiracine Bicouche
Jardin Soprema ; qu’il résulte de la mise en demeure adressée par la SA
Bouygues Immobilier à la société Soprema le 8 juin 2009, des constatations
de l’expert et de celles figurant dans le constat d’huissier du 18 octobre 2012
que le résultat n’a pas été atteint et qu’il a perduré, l’huissier ayant
notamment constaté, plus de trois ans et demi après la livraison de l’ouvrage,
l’absence de végétation sur la quasi-totalité de la surface des différentes
terrasses végétalisées ; que même si la végétation contribue, par l’action de
drainage qu’elle exerce, à la bonne étanchéité de la terrasse, elle n’est pas
destinée à assurer cette fonction qui relève du complexe d’étanchéité mis en
place, lequel ne saurait se confondre avec les plantations ; que du reste, le
marché de travaux, dont l’objet est de confier à l’entreprise "les travaux
d’étanchéité et toitures végétalisées", opère une distinction entre les deux
prestations ; qu’il s’ensuit que la végétalisation des toitures-terrasses n’est
pas un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil, et que même si tel
était le cas, la responsabilité des constructeurs ne pourrait être recherchée
sur ce fondement en l’absence de désordres actuels ou qui surviendraient
à coup sûr dans les dix ans, de nature à compromettre la solidité de
l’ouvrage ou de le rendre impropre à sa destination ; que les végétaux
constituent cependant un élément d’équipement de l’ouvrage, auquel ils ont
été intégrés dès l’origine, tout en pouvant en être dissociés, car même si leur
fonction est essentiellement décorative, ils font partie du concept d’ensemble
de la construction ; qu’en conséquence, la SA Bouygues Immobilier est
tenue de la garantie biennale de bon fonctionnement, en application des
articles 1646-1 et 1792-3 du Code civil ;
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1o) ALORS QUE la garantie de bon fonctionnement ne s’applique pas à des
végétaux qui ne sont pas destinés à fonctionner; qu’en condamnant la
société Bouygues Immobilier à indemniser le syndicat des copropriétaires du
désordre résultant du développement insuffisant de la végétation sur les
toitures terrasses sur le fondement de la garantie de bon fonctionnement, la
Cour d’appel a violé l’article 1792-3 du Code civil ;
2o) ALORS QUE la garantie de bon fonctionnement ne s’applique pas à des
éléments décoratifs qui ne sont pas destinés à fonctionner; qu’en
condamnant la société Bouygues Immobilier à indemniser le syndicat des
copropriétaires du désordre résultant du développement insuffisant de la
végétation sur les toitures terrasses sur le fondement de la garantie de bon
fonctionnement tout en constatant que la végétation avait un rôle
exclusivement décoratif (arrêt, p. 18, § 4-5), la Cour d’appel n’a pas tiré les
conséquences légales de ses constatations, en violation de l’article 1792-3
du Code civil.

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