CHAPITRE I. Le baron Alexandre de Geiger

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CHAPITRE I. Le baron Alexandre de Geiger
CHAPITRE I. Le baron Alexandre de Geiger (1808-1891)
1. Ses origines familiales
Le nom de famille peut avoir trois sens : le vautour, le géant, le violoniste.
Le baron Alexandre-Godefroy-Frédéric-Maximilien de Geiger naquit au Château de Schwarzenberg
commune de Scheinfeld (chef-lieu de Kreis, Bavière) au nord-ouest de Nuremberg. Son père, le baron
Charles-Léopold de Geiger, né le 3 juillet 1772 avait participé comme capitaine d’Etat-Major aux côtés du
général André Masséna à la bataille du Zurich les 25 et 26 septembre 1799 contre l’Autriche et la Russie et
aux côtés du général Jean-Victor Moreau à la bataille de Hohenlinden près d’Ebersberg le 3 décembre 1800
contre les Autrichiens. Ayant quitté le service des armées pour raison de blessures, il devint trésorier royal
à Bayreuth puis à Eichstätt, le régisseur des domaines du prince Eugène de Beauharnais, fils du général
Alexandre de Beauharnais et de Josephine Tascher de la Pagerie, devenu ensuite le beau-fils de Napoléon
Ier et duc de Leuchtenberg en 1806. Le baron Charles Léopold de Geiger décéda le 21 mai 1835 (1).
Sa mère était la baronnesse Caroline Louise-Augusta-Frédérica Kalb, de Saxe-Weimar, et nièce du général
Jean von Kalb, né le 29 juin 1772 à Hüttendorf près de Bayreuth et qui servit de 1743 à 1763 comme colonel
dans l’armée française, envoyée aux Etats-Unis et commandée par le général J.B. Donatien de Rochambeau,
puis à partir de 1784 comme général aux services des Etats-Unis et qui fut blessé mortellement près de
Cawden le 16 août 1780 et décéda le 18. Alexandre de Geiger faisait partie de deux familles libérales et
francophiles. Sa mère décéda le 7 avril 1862. Alexandre de Geiger avait quatre sœurs : Eléonora-Francisca,
née le 16 juillet 1803 et mariée avec un chef d’escadron des cuirassiers, Adelaïde-Sophie-Emilie, née le 11
avril 1805 et mariée en 1830, Juliane-Charlotte, née le 13 août 1816 et Agnès-Marie-Caroline, née le 13
septembre 1818. (2)
2. Sa vie jusqu’en 1836
Alexandre de Geiger commença ses études dans le pensionnat français de Munich, créé par le prince
Eugène et dirigé par l’Alsacien Hebenstreit (3) et au gymnase Saint-Anne d’Augsbourg avec 55 autres
condisciples, dont Charles-Louis Napoléon Bonaparte né à Paris, fils de Louis Bonaparte, roi de Hollande,
et d’Hortense de Beauharnais en 1808 et futur empereur des Français. Il fréquenta ensuite les universités
de Munich et Heidelberg pour obtenir le 16 août 1830 le titre de docteur en droit. Il accompagna d’abord à
Strasbourg et à Paris le prince Charles-Auguste de Beauharnais (1810-1835), fils aîné du prince Eugène de
Beauharnais (4).
Quittant le service du prince Ch. Auguste de Leuchtenberg, Alexandre de Geiger revint en 1833 en Bavière.
D’après une tradition familiale, rapportée par Jean Cazal, directeur de la faïencerie de 1940 à 1968, il serait
venu travailler à la saline de Saltzbronn à Sarralbe comme «ingénieur», parce qu’il était navré d’avoir tué
en duel un camarade (5). Il devint en 1833 sous-directeur de la saline de Saltzbronn. Déclarée en 1789 bien
national, elle fut rachetée en 1801 par le fils de l’ancien propriétaire, René Voyer, puis vendue en 1804 à
Jacques Seiler et Louis Lorin et cédée en 1807 à Jean-Guillaume de Thon, directeur des salines domaniales
de Wurtemberg (6). Le baron de Kalb avait eu de 1802 à 1804 et plus tard des grands intérêts dans cette
saline et connaissait sans doute Jean-Guillaume de Thon. De Geiger figure encore en 1836 sur le tableau
de recensement de la population de Sarralbe (7). Les de Thon étaient alliés à Saltzbronn en 1826 aux de
Dittmer, de Ratisbonne, deux familles de confession protestante. Les de Geiger étaient encore en 1914
actionnaires de la saline de Saltzbronn.
Toujours d’après la légende familiale, bien qu’il n’eût pas de fortune, le baron de Geiger menait un assez
grand train de vie et venait en voiture à cheval caracoler dans Sarreguemines où il fit la connaissance de
Pauline Utzschneider, fille de François-Paul Utzschneider, négociant et chevalier de la Légion d’honneur,
âgé de 64 ans et de Barbe Hager, âgée de 49 ans. Dans l’acte de mariage, rédigé le 2 avril 1835, il était
précisé que le père du marié était âgé de 56 ans et le nom de la mère n’y figure pas. Les témoins des mariés
furent Robert Louis Parlet, inspecteur des douanes, chevalier de la Légion d’honneur et chevalier du mérite
civil de la couronne de Bavière, domicilié à Sarreguemines, Jean-Paul-Joseph Dorr, ancien président du
tribunal de commerce de Metz, chevalier de la Légion d’honneur, Georges Balthazar Huber, négociant
à Sarreguemines et copropriétaire de la faïencerie et Nicolas Boinet, conservateur des hypothèques et
receveur des domaines à Sarreguemines (8). Née le 8 juin 1815, Pauline de Geiger-Utzschneider décéda le
2 novembre 1897 à Sarreguemines. C’était une femme très charitable, douce et aimable, elle avait su gagner
l’estime et le respect de tous par ses qualités de cœur, sa simplicité, sa beauté et sa tolérance.
3. Sa vie à Sarreguemines à partir de 1836
Le 1er juillet 1836 Paul Utzschneider, âgé de 65 ans, abandonna le directorat de la faïencerie de Sarreguemines
à son gendre Alexandre de Geiger âgé de 28 ans, et à Théodore Fabry. Après qu’en 1838 il se retira à
Neunkirch, son gendre s’installa le 7 novembre dans la maison, rue d’Or, n° 6 (actuellement le conservatoire
de musique et la bibliothèque municipale). Au dessus de la porte d’entrée de la façade arrière, il fit apposer
ses armoiries. C’était un écu carré en accolade, divisé en quatre quartiers. Le premier quartier supérieur à
destre (à droite) comporte un lion rampant. Le quartier inférieur à dextre est traversé par trois barres, de
même que le quartier supérieur à senestre (à gauche). Le quartier inférieur à senestre présente le même lion
que dans le quartier supérieur à destre. Le blason est surmonté d’une couronne de baron à sept perles sur
les pointes. Le blason familial représente également deux lions, mais celui du quartier supérieur à destre
tourne la tête vers senestre.
Les armoiries d’Alexandre de Geiger figurent également sur sa tombe au troisième cimetière de Sarreguemines
et sur de la vaisselle de sa famille (9).
4. La famille d’Alexandre de Geiger
Durant le mariage avec Pauline Utzschneider, le baron de Geiger eut trois enfants : (10) Paul de Geiger,
né le 15 juin 1837 à Sarreguemines et décédé le 31 octobre 1913, Berthe de Geiger, née le 24 mars 1839 et
décédée le 8 novembre 1905 et Elise-Adèle de Geiger, née le 12 mai 1846.
Le premier enfant, Paul de Geiger, fut le directeur technique de la faïencerie de Sarreguemines à partir
de 1866 et directeur-gérant de 1871 à 1913. Il était marié avec Thérèse Grandjean, née à Paris le 12 août
1849 de François Grandjean, chevalier de la Légion d’honneur et sous-chef de bureau au ministère de la
marine, et décédée à Strasbourg le 28 mars 1912. Le couple habitait rue Poincaré n° 19 (anciennement
«Grosshafenstrasse», la rue du Grand port) à côté des bureaux de la 3ème faïencerie aux numéros
15 et 17 et eut six enfants : a) Alexandre de Geiger, né le 4 mai 1868 à Sarreguemines, ingénieur à
Paris et marié le 25 mars 1921 avec Marguerite Zélie Ancelet, b) Maximilien de Geiger, né le 8 février
1870 à Sarreguemines et décédé le 11 février 1870, c) Louise-Pauline-Yvonne, née le 8 juin 1872 à
Sarreguemines, d) Eugénie-Elise-Berthe de Geiger, née le 15 juillet 1874 à Sarreguemines et décédée
à Paris le 10 juillet 1951, mariée en 1896 avec Georges Grandjean, officier de cavalerie et membre du
conseil d’administration des faïenceries de Sarreguemines, Digoin et Vitry-le-François en 1920, décédé
en mai 1950 à l’âge de 86 ans, e) Pauline-Yvonne-Elisabeth, née le 24 avril 1878 à Sarreguemines, mariée
le 11 novembre 1899 avec Marie-François-Pierre Malval, né le 7 septembre 1875 à Poitiers, Vienne,
étudiant en droit, demeurant à Châlons-sur-Marne, arrière petit-fils de Joseph Fabry (l’un des fondateurs
de la faïencerie de Sarreguemines) industriel, administrateur des établissements céramiques de Digoin,
Vitry et Paris de 1913 à 1919 et de la société des faïenceries de Sarreguemines, Digoin et Vitry de 1920
à 1922 (11), f) Guillaume de Geiger, né le 19 juillet 1879 et décédé le 6 août 1879.
Le deuxième enfant, Berthe de Geiger, se maria le 5 septembre 1860 avec l’ingénieur Edouard Jaunez.
Le couple s’installa également dans la maison de son beau-père, n°6, rue d’Or. De 1883 à 1890 le baron
de Geiger et son gendre firent réaménager les bâtiments d’habitation et les communs (conciergerie,
écuries, granges, serres ). L’architecte Charles Guerinot, de Paris, conserva aux bâtiments et habitation
leur aspect du XVIIIe siècle. Dans les bâtiments des communs la brique rouge alterne avec la pierre de
taille blanche. Les communs ressemblent à ceux du château de Rémelfing, édifié en 1892 par Edouard
Jaunez pour son fils Max de Jaunez sur les plans de l’architecte Gourion, de Paris, détruit partiellement
en 1911, et ressemblant quelque peu aux châteaux de la Loire, et à ceux du château de Neunkirch,
construit en 1906 par les architectes Beringer et Krafft, de Strasbourg pour Marie Utzschneider, née
Zorn von Plobsheim (12). En 1896 la veuve d’Alexandre de Geiger, rentière, vivait au n°6 avec son gendre
Edouard Jaunez. Jaunez possédait une importante collection de produits de la faïencerie qu’il exposa à
Metz en mai 1906 (13).
Né à Vaudrevange le 29 septembre 1835 d’Auguste Jaunez, directeur technique des faïenceries de
Vaudrevange, et d’Elisabeth Souty, de Sarrelouis, mais inscrit à l’état civil de Metz (14), Edouard de
Jaunez allait jouer de 1872 à 1911, comme Alexandre de Geiger de 1852 à 1870, un très grand rôle, à la
fois économique et politique. D’abord directeur de l’usine de porcelaine de Tournay, Belgique, il vint
en 1860 avec son père Auguste et ses frères Victor et Sylvestre-Léon, dit Jaunez-le-Sourd (Dabjaunez),
à la faïencerie de Sarreguemines.Victor, l’aîné, la quitta rapidement pour devenir directeur d’une usine
céramique à Maestricht, Pays-Bas, et Edouard fonda en 1864 route de Steinbach avec ses oncles par
alliance Max et Charles Utzschneider la fabrique des mosaïques, des frises et des dallages «Utzschneider
et Edouard Jaunez». D’autres fabriques suivirent : au Luxembourg Wasserbillig en 1868, en Allemagne
Zahna (Saxe) en 1882 et Birkenfeld-Neubrücke (Rhénanie) en 1908, en France Pont-Saint-Maxence
(Oise) en 1881, Paray-le-Monial (Saône-et-Loire) en 1891, en Belgique Jurbise en 1892 et en Alsace
Oberbetschdorf près de Wissembourg en 1903. Il obtint la concession pour le dallage en carreaux du
réseau des chemins de fer de l’Est et des casernes allemandes dans le Reich. Il était aussi propriétaire de
2 500 hectares de terres et de forêts et de 50 000 hectares de chasse en Lorraine et au Palatinat.
Au point de vue politique, on le surnommait «le grand duc sans couronne de Lorraine». En effet, il fut
maire de Sarreguemines de 1873 à 1877 et de 1881 à 1887, député protestataire modéré au Reichstag de
1878 à 1891, président du conseil général de la Lorraine de 1882 à 1912, conseiller général de la Lorraine
en 1873 pour le canton de Volmunster et de 1875 à 1912 pour le canton de Rohrbach, conseiller d’Etat en
1882, député à la Délégation d’Alsace-Lorraine à Strasbourg en 1879, vice-président de cette Assemblée
en 1891 et son président en 1904, président du conseil d’agriculture d’Alsace-Lorraine en 1895. Anobli en
1904 par l’empereur Guillaume II, qui lui rendit visite à Rémelfing le 11 mai 1905, il renonça à toutes ses
fonctions au courant de l’année 1911 par lassitude, déception et infirmité et décéda le 16 juin 1916 dans
sa demeure patricienne de la rue d’Or, en laissant à ses héritiers une fortune estimée à 5 000 000 M.
Son fils Max de Jaunez, né le 7 mars 1873, fut député au Reichstag pour Metz de 1903 à 1906 et conseiller
général de la Lorraine de 1900 à 1917 et fut déchu le 22 mars 1917 de la nationalité allemande avec perte
de son mandat de conseiller général pour être resté à l’étranger en 1914. Il décéda à Sarreguemines le 9
mai 1947. Il avait épousé en mai 1903 à Paris la fille de l’amiral français de Montagnac, dont il divorça
en 1912 et le 10 août 1927 Dollie King, née le 20 octobre 1890 à Leeds, Angleterre, et décédée le 12 mars
1963 à Strasbourg (15).
Le troisième enfant, Elise-Adèle de Geiger se maria avec le propriétaire de fabrique Hippolyte Boulanger
de Choisy-le-Roi près de Meaux et décéda fin mai 1926. L’une de ses filles était mariée avec le baron et
colonel Deville, maire de Plappeville, et l’autre avec le colonel Gérardin, mort pour la France avec deux
de ses fils pendant la Première Guerre Mondiale (16).
5. La physionomie et le caractère d’Alexandre de Geiger
Deux bustes du maître faïencier furent exécutés : l’un en 1879 par le sculpteur Pierre François et l’autre en
1883 par le sculpteur Victor Kremer. Le premier se trouve au Musée municipal de Sarreguemines. François-
Xavier Winterhalter, né à Baden-Baden, Allemagne, en 1805, décédé en 1873 et qui exécuta en 1860 les
portraits de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie de Montijo (17) pour la mairie de Sarreguemines,
exécuta de même en 1868 le portrait du sénateur Alexandre de Geiger, portant ses trois décorations
françaises, prussiennes et bavaroises. Ces trois tableaux de peinture furent donnés en 1927 par les héritiers
Jaunez au musée municipal par les soins du maire Henri Nominé. Les archives municipales contiennent
aussi une photocopie du respectable vieillard dans sa retraite, ne portant qu’une décoration.
Sa grande stature et sa tête aux yeux pénétrants et à la barbe à la Badinguet (Napoléon III) dénotaient à la fois
une grande force physique jointe à une robuste santé et une intelligence fort élevée. Sa plaque de la Légion
d’honneur comporte en 1844 l’inscription suivante : «Un rare exemple de ce que peut donner une alliance
intelligente du sens commercial et du sens artistique» (18). Le médecin cantonal de Sarralbe Ph. Schmitt,
en désirant offrir des distractions aux curistes des eaux minérales de Saltzbronn, leur recommanda en 1868
de visiter la faïencerie de Sarreguemines en ces termes : «Une journée suffit pour aller à Sarreguemines
et en revenir après avoir visité ses nombreuses fabriques et surtout admirer les artistiques produits de
l’immense fabrique de faïence, qui sous l’habile et énergique direction de M. le baron de Geiger a conquis
une réputation européenne» (19). Charles Ducros, employé de la fabrique, écrivit en 1888 de lui les lignes
suivantes : «Doué d’une grande intelligence, servie par une énergie à toute épreuve et possédant à un haut
degré toutes les qualités administratives, il comprit vite ce qu’on pouvait tirer de cet établissement et
s’appliqua dès lors sans relâche à son développement»(20).
La valeur d’Alexandre de Geiger ne fut pas toujours reconnue. Il eut ses détracteurs, comme tout homme
politique ou d’affaires. Le plus virulent fut son collègue, le parlementaire Anatole Claveau, qui dans ses
«Souvenirs politiques et parlementaires» évoqua d’une manière féroce et injuste la figure du baron de
Geiger, abordant la tribune : «Il ressemblait à un vieux reître allemand et on l’accusait d’être Bavarois.
Il mâchonnait quelques phrases à la fin d’une séance... Du reste impérialiste intransigeant et cuirassé, il
s’apprétait à figurer avec Granier de Cassagnac le père parmi ces «sept sages de la Grèce», dont il n’avait
peut-être jamais soupçonné l’existence»(21). Le baron de Geiger eut aussi ses détracteurs à Sarreguemines,
comme on le verra plus loin. En 1932, en étudiant le Second Empire en Moselle, l’éminent historien Henri
Contamine fut d’avis que de Geiger était «Le type du Napoléonien satisfait par principe» et «un burgrave
inébranlablement fidèle à l’Empereur»(22). Ces jugements sont à nuancer. Peut-on reprocher à quelqu’un
son accent et sa fidélité ? Quoi qu’il en soit, on ne peut gommer les résultats de son travail et son attitude très
correcte après la chute de Napoléon III. Ce fut une personnalité au sens inné des affaires et de la diplomatie,
même s’il se considérait un patron de droit divin. Evidemment l’opinion publique lorraine et française,
encore assez xénophobe, lui reprochait parfois d’être un «Bavarois», mais il sut facilement s’acclimater,
s’imposer et même apporter des innovations industrielles et sociales à cause de sa haute intelligence et de
son travail incessant.
6. Les différents fonctions d’Alexandre de Geiger
Il fut directeur de la faïencerie de Sarreguemines de 1836 à 1871. Naturalisé français en 1843 (23), il fut élu
conseiller municipal en 1846 et nommé maire de Sarreguemines de 1855 à 1865 et de 1868 à 1871. En 1849 il
devint chef de bataillon de la garde nationale et en 1851 président du Comice agricole de l’arrondissement de
Sarreguemines. De 1852 à 1868 il fut député de l’arrondissement, puis jusqu’en 1870 sénateur, et conseiller
général du département de la Moselle de 1855 à 1870 (24).
Alexandre de Geiger remplit ces diverses fonctions avec ténacité et succès dans l’intérêt de sa manufacture,
mais aussi dans celui de Sarreguemines, de l’arrondissement de Sarreguemines, et de la Moselle, mais ces
succès furent obtenus avant tout par les rapports anciens avec la famille Beauharnais, alliée aux Bonaparte et
le jeune Louis Napoléon à Augsbourg et aux rapports renouvelés avec Louis Napoléon, devenu successivement
député, président de la Deuxième République et empereur de 1852 à 1870 et avec ses amis et ministres,
dont Alexandre Walewski, fils naturel de Napoléon Ier et de la comtesse polonaise Marie Walewska. Ces
relations avec la cour de Napoléon III valurent de nombreuses commandes à la faïencerie de Sarreguemines
et d’importantes faveurs à la Lorraine germanophone (25).
L’employé de la faïencerie Charles Ducros confirma en 1888 à juste titre, mais avec quelques naïveté,
l’importance des diverses fonctions du baron de Geiger et de ses relations avec Napoléon III : «M. le baron
de Geiger venait d’être élu député de l’arrondissement de Sarreguemines (en 1852). Ce n’était pas par ambition
personnelle qu’il avait brigué ce mandat, son but principal était l’intérêt du pays. Placé par cette haute
distinction, en relation avec les ministres, ayant accès auprès du souverain, son ami, Napoléon III, il pouvait
obtenir facilement la réalisation d’un projet qu’il poursuivait déjà depuis plusieurs années : la canalisation de
la Sarre et un chemin de fer, qui mit Sarreguemines en communication avec les grandes voies ferrées de la
France et de l’Allemagne» (26).
NOTES
1) Adolphe Robert et autres, Dictionnaire des parlementaires français (1789 - 1889), Paris, 1890, p.146, Joseph Rohr. L’arrondissement
de Sarreguemines édition Pierron, Sarreguemines, 1966, p.146; Nérée-Quépat, Dictionnaire biographique de l’ancien département
de la Moselle, Paris, 1887, p. 193 ; A. Cerfbeer de Medelsheim, Biographie alsacienne-lorraine, 1879, Paris, p. 164. Eugène Heiser,
Le baron Alexandre de Geiger (1808 - 1891), dans Est-Courrier de Sarreguemines du 11 janvier - 15 novembre 1987. Archives
municipales de Sarreguemines, 3° section K IV - 4. Ch.- L. Leclerc, Biographie des grands Lorrains. Metz 1957, p. 39, fait naître
Alexandre de Geiger à Sarreguemines ; H. Hiegel, Alexandre de Geiger, dans : Chez nous au Sacré-Cœur, Sarreguemines, de
novembre 1958 p. 4, René Blémus, Eugène de Beauharnais, France-Empire, Paris, 1993.
2) Heiser, dans : Est-Courrier du 25 janvier 1987
3) Nérée-Quépat, p.1993
4) Nérée-Quépat, p. 193, écrit à tort que Alexandre de Geiger vint à Sarralbe à la mort du Prince Charles-Auguste, duc de
Leuchtenberg en 1835.
5) Heiser, dans : Est-Courrier du 1er février 1987, qui mentionne ce duel d’après Jean Cazal, directeur de la Faïencerie. Mention
de ce duel est aussi faite dans un rapport du commissaire de police de Sarreguemines en date du 11 mars 1882 (A. D. Moselle 2
A.126).
6) Henri Hiegel, Aperçu sur l’histoire de la ville de Sarralbe, dans : Centenaire de la Compagnie des Sapeurs-Pompiers de
Sarralbe, 1939, p. 58. Ph. Schmitt. Eau minérale de la Lorraine de Saltzbronn, Strasbourg, 1868, p. 4 ; François Roth, La Lorraine
annexée 1871 - 1914, Nancy, 1976 p.303.
7) Heiser, dans : Est-Courrier du 1er février 1987 d’après des renseignements de Louis Serpe, président des Amis du pays d’Albe
; Nérée-Quépat, p. 121 ; J. Touba, Saaralben, 1918, p.97.
8) Heiser, dans : Est-Courrier du 1er février 1987.
9) Heiser, dans : Est-Courrier du 22 février 1987.
10) Alexandre Pax, Fondation-Charles-Utzschneider, dans : Est-Courrier du 27 janvier au 3 février 1985.
11) Ce Pierre Malval n’est pas à confondre avec Joseph Malval, né à Boersch près de Molsheim le 8 septembre 1866 (son père ayant
été tué pour la France en 1870), étudiant en droit à Paris (licencié en droit) et à l’école navale (officier de la marine jusqu’en 1891),
industriel, conseiller municipal de Nancy en 1919, premier adjoint en 1925 et maire en 1929, chevalier de la Légion d’honneur en
1930, décédé le 13 mai 1933 (le Messin du 14 mai 1933). Mais il était actionnaire de la faïencerie en 1914-1918.
12) Charles Hiegel, dans : Jacques Choux, Dictionnaire des châteaux de France, Lorraine, Berger-Levraut, Paris, 1978, p. 184
(Rémelfing) et 208 (Neunkirch) ; Jean Kremer, Joseph Schuler et autres, Rémelfing, 1988.
13) George Spitzer, Adressbuch der Stadt Saargemünd, 1896, p.35 ; Guide à travers l’exposition des arts céramiques à Metz, mai
1906, p.59.
14) J. J. Barbé, Metz, Documents généalogiques (1792 - 1870), Metz 1934, p.175.
15) François Roth, Les Lorrains entre la France et l’Allemagne, Metz, 1981, p.75 -111 : Heiser, dans : Est-Courrier du 11 janvier
1987.
16) Le Lorrain du 1er juin 1926. En 1991, une Sarrebruckoise donna aux archives municipales de Sarreguemines les photographies
d’Alexandre de Geiger et d’une femme, qui se disait avoir été gouvernante dans la famille de Geiger, afin de prouver que le
manufacturier eut de cette employée en 1866 et 1868 deux enfants, auxquels il aurait assuré fidèlement l’existence et l’éducation
et même monta une usine à Riga à l’un d’entre-eux. Aucune mention n’en est faite dans les disputes entre Alexandre de Geiger et
ses ennemis après 1865.
17) A.M. de Sarreguemines, 3° section, DI - 8f° 95 V.
18) Anne de Gail, Faïences de Sarreguemines, dans : Terre Lorraine, 1971, p.36.
19) Ph. Schmitt, Eau minérale de la saline de Salzbronn, Strasbourg, 1868, p. 8.
20) A. Claveau, Souvenirs politiques et parlementaires, Paris, 1865 - 1870, p. 96 (cité par Henri Contamine, Metz et le département
de la Moselle de 1814 à 1870, Nancy, 1932, T. I. p. 464). Bernard-Adolphe Granier de Cassagnac (1806 - 1888), né à AvéronBergelle (Gers), publiciste et homme politique, fut le défenseur des idées absolutistes. Son fils Paul (1843 - 1904), devint un des
chefs du parti impérialiste.
21) Charles Ducros et Georges Martin, Historique de la faïencerie de Sarreguemines, dans : L’Exposition d’arts et métiers
industriels et agricoles, Sarreguemines, mai 1921, p. 31.
22) Contamine, t.I, p. 464 et 486.
23) Archives nationales BB 11 ; Archives départementales de la Moselle 212 M-8 et 265 M-1.
24) Nérée-Quépat, p. 193.
25) J. A. Schmoll genannt Eisenwerth und Helga-Hoffmann, Nancy 1900 Jugendstil in Lothringen, Mayence, 1980, p. 151.
26) Ducros, p. 33.
CHAPITRE II. Le rôle politique d’Alexandre de Geiger
1. Le rôle politique de son ami d’enfance Louis-Napoléon jusqu’à 1842
Ami d’enfance de Louis-Napoléon Bonaparte, il resta sans doute en rapport avec lui au moins par correspondance
et suivit certainement sa carrière politique. Recrutant des partisans dans l’armée, Louis-Napoléon Bonaparte
provoqua en octobre 1836 à Strasbourg une sédition militaire, vite réprimée. Fait prisonnier, il fut gracié par
le roi des Français, Louis-Philippe, sur la demande de sa mère Hortense de Beauharnais, soutenue par la
reine Marie-Amélie, à condition qu’il s’exilât aux Etats-Unis. Ne tenant pas ses engagements, il rassembla en
Angleterre quelques amis en août 1840 en vue de soulever la garnison de Boulogne. Cette tentative de renverser
Louis-Philippe lui valut d’être interné dans la forteresse de Ham près de Péronne, d’où il s’échappa en mai
1846 pour se réfugier à nouveau en Angleterre. Ces deux échecs politiques de Louis-Napoléon n’empêchèrent
par son ami Alexandre de Geiger, devenu directeur de la faïencerie de Sarreguemines, de fabriquer de 1840
à 1849, comme d’ailleurs d’autres manufactures, plusieurs séries d’assiettes, dont l’impression était consacrée
entièrement à la vie et aux hauts faits du général Bonaparte depuis la campagne d’Italie de 1796 jusqu’à l’exil
de Napoléon Ier à Sainte Hélène (1).
2. Le baron Alexandre de Geiger, propagandiste napoléonien (1848-1852)
La Révolution de 1848 permit au prince Louis-Napoléon de revenir en France. Bénéficiant de la popularité
et du prestige qui s’attachaient alors au nom de Napoléon Ier, il fut élu député une première fois en juin à
la Constituante, mais donna sa démission devant l’hostilité de Lamartine en déclarant avec hauteur d’être
à la disposition du pays et non de l’assemblée. Il fut à nouveau candidat dans une élection partielle le 17
septembre dans quatre départements, dont celui de la Moselle. Cette candidature fut soutenue par un comité
messin, formé par un brasseur de Metz et un Sarregueminois, Charles-Edouard Temblaire, qui «vivait dans
l’entourage du prince Napoléon» (2), et sans doute soutenu par le baron Alexandre de Geiger. Le prince fut
élu par 17 000 voix sur 32 000, car suivant le sous-préfet de Sarreguemines, les paysans n’avaient connu que
le «fils de l’Empereur» mais il opta pour le département de la Seine.
Le 10 décembre 1848 il fut élu président de la deuxième République par 5 434 000 voix dont 75 000 sur
96 000 votants en Moselle. La Lorraine germanophone vota en masse pour lui et le canton de Rohrbach
lui donna presque l’unanimité. Les agents de Louis-Napoléon avaient été à nouveau le brasseur de Metz
Reinert, Temblaire, quelques anciens officiers, des émissaires demeurés anonymes et payés trois francs par
jours. On peut facilement supposer que le baron Alexandre faisait partie du comité bonapartiste (3). Aux
élections de l’Assemblée législative de mai 1849, Temblaire se présenta en Moselle comme napoléonien
démocrate. Un fonctionnaire de la mairie du 3° arrondissement de Paris le recommanda le 3 avril au maire
de Sarreguemines comme protégé de Louis-Napoléon en ces termes : «Il peut jouer un grand rôle dans
l’intérêt de la ville, étant journellement sous les yeux de Napoléon qui lui porte un grand intérêt». Mais il
ne fut pas élu député (4).
Quand le 29 septembre 1850, la faïencerie organisa une fête en l’honneur de Jean-Frédéric Gerstenmeyer,
ouvrier- ébaucheur pour les 50 ans passés dans l’usine, deux orateurs en profitèrent pour faire de la
propagande pour le président de la République, Louis-Napoléon. Le premier fut le sous-préfet Nicolas
Duviviers : «A une époque, s’écria-t-il, où tous les principes ont été méconnus, où l’on a prêché la négation
de toutes croyances, où l’appel à la violence était proclamé, la loi suprême du pays, la France a été sauvée de
l’anarchie par le courage et la discipline de l’armée et par le dévouement des classes laborieuses, qui, sauf de
douloureuses exceptions, ont protesté par leur amour de l’ordre et de la discipline contre les tentatives et les
excès de quelques insensés. Les plus cruels ennemis du peuple n’ont-ils pas transformé en cris de menace
et de vengeance les mots de liberté, égalité, fraternité, la base de tout ordre social».
La liberté, peut-elle subsister là où l’accomplissement des devoirs ne marche pas parallèlement avec l’exercice
du droit ? L’égalité, qui n’est que le droit pour chacun de se développer suivant les lois hiérarchiques, sans
privilège ni distinction, ne serait d’après eux qu’un sauvage niveau, planant sur les intelligences comme sur
les fortunes ! La fraternité, qui n’est que le dévouement, dont la religion nous fait déjà un devoir, transformé
en principe politique, deviendront pour eux un prétexte à la paresse et à l’inconduite. Le gouvernement
heureux de pouvoir récompenser un de ces modestes soldats de l’armée industrielle, qui, comme notre
concitoyen, sont la preuve évidente que par le travail, l’ordre, l’accomplissement de ses devoirs de famille,
un simple ouvrier peut arriver à l’aisance en même temps qu’il conquiert l’estime de ses concitoyens, et dont
la réussite est la plus éclatante condamnation des principes mensongers que l’on fait briller aux yeux des
travailleurs comme un phare qui les conduirait infailliblement au bonheur, quand ils ne leur procureraient
que les plus effroyables déceptions».
Quant au deuxième orateur, le baron Alexandre de Geiger, voici les termes de sa très longue intervention :
«Quelle force, quelle puissance n’auront-ils pas, ces exemples des ouvriers, qui ont travaillé 50 ans à
la faïencerie, si vous les comparez à ces misérables déclamations, à ces théories absurdes des hommes
insensés, qui, foulant aux pieds les bases fondamentales de l’ordre social, veulent exploiter au profit
de leur cupidité et de leur ambition de notre société, qu’ils ont exposées il n’y a pas deux ans au plus
triste naufrage ! Que disent-ils donc dans leurs prédications incendiaires ces hommes, ennemis de leur
propre pays, de la vraie civilisation et étrangers aux premières notions, aux principes élémentaires qui
régissent les associations industrielles ? Que la société ne fonctionne qu’au profit des certaines classes
privilégiées, que le riche opprime le pauvre, le maître, l’ouvrier , et que le prince éminent préposé par
votre choix à la direction des affaires publiques, n’accorde aux intérêts du peuple aucune sollicitude non,
mes amis, vous savez bien qu’ils en imposent audacieusement, nos intérêts sont les mêmes, ils sont liés
ensemble comme les anneaux d’une même chaîne. Vos souffrances sont les nôtres et nous ne pouvons
prospérer sans que vous prospériez à votre tour».
«Toute la vie du fabricant est consacrée comme la vôtre au travail. Seulement ce travail diffère du vôtre :
à lui la création, la composition, le perfectionnement pour mieux produire, à vous l’exécution : pour
assurer le succès commun, le fabricant se livre incessamment aux fatigues intellectuelles de tout genre,
qui usent sa vie plus vite que vos travaux, la vôtre, et si la réussite couronne ses efforts, il donne à son
industrie un esprit de suite qu’il transmet avec son nom à ses enfants et protège aussi non seulement votre
existence actuelle, mais aussi l’avenir de vos familles».
«Vous voyez que l’industrie marche et se développe par le travail simultané du maître et des ouvriers,
qui s’agitent seulement dans un cercle d’activité différent. Remercions la donc de l’aisance qu’elle nous
procure à tous. C’est elle qui occupe les bras que les travaux des champs ne peuvent utiliser. Les salaires,
que vous touchez, se répandent aux seins de tous les états et leur impriment la vie. L’état de gêne du
consommateur, du riche, du «monsieur», comme on vous le dit souvent, pour exciter les sentiments de
basse jalousie, produit la détresse du producteur, qu’il soit paysan ou fabricant, cordonnier ou tailleur,
boulanger ou petit négociant. Dès que le consommateur ne peut plus consommer, la production s’arrête
et la misère entraîne fortement celle de l’autre».
«Nous ne formons donc qu’une seule famille, dont les membres se doivent réciproquement assistance.
De l’ordre dans vos ménages, du travail, le sentiment constant du devoir et de la ponctualité dans
l’accomplissement de votre besogne, une éducation religieuse et morale, et surtout de bons exemples
à vos enfants, voilà les conseils de votre meilleur ami, qui est toujours venu à votre secours et qui ne
vous abandonnera jamais et transmettra ses sentiments à son fils assis au milieu de vous. La ligne de
conduite, dont vous ne vous êtes points départis depuis que je vous connais, m’est un sûr garant de
notre avenir industriel. Dans les temps calamiteux, suite des événements politiques qui ont affligé le
pays et égaré bien des populations ouvrières, vous êtes restés constamment dans la bonne foie, sourds
à toutes suggestions dangereuses, pénétrés des idées d’ordre et animés d’un dévouement respectueux
pour votre directeur et pour les excellents employés, mes amis, qui participent avec moi la mission de
faire prospérer notre manufacture. Persévérez dans cette voie et soyez assurés qu’indépendamment de la
satisfaction qui procure toujours le sentiment d’un devoir honnêtement accompli, vous aurez le bonheur
d’arriver un jour au point où est parvenu l’ouvrier estimable auquel nous donnons cette fête».
«Le président de la République, juste appréciateur du vrai mérite, s’est empressé d’accueillir ma demande
d’accorder la médaille d’honneur à Gerstenmeyer. Rendons-en grâce à l’élu de la France, au vôtre, qui
après avoir fait disparaître les dernières traces de la confusion, assise dans les conseils du pays, a raffermi
l’ordre et rétabli la confiance, et qui, méprisant les intrigues, les injustices et les calomnies des partis,
sait d’une main ferme diriger le char de l’Etat, assurer le travail et la prospérité générale, fruit de son
élection. Ne l’oublions jamais et buvons à la santé de Louis Napoléon».
Le narrateur du «Petit Glaneur» ajouta que ce discours, avait été fréquemment interrompu par les
acclamations de l’assemblée et fut suivi des cris répétés de «vive Napoléon». De plus sur la porte d’entrée à
la place de la fête était inscrit : «Vive Louis Napoléon. Il maintient l’ordre. Il protège le travail (5).
Le coup de l’Etat du 2 décembre 1851, commis par le Prince - Président pour proroger son pouvoir, fut
approuvé par le plébiscité du 20 décembre dans l’arrondissement de Sarreguemines par 26 077 sur 36 564
votants. On avait voté massivement, comme le voulait de Geiger, pour l’ordre (6).
3. Alexandre de Geiger, député en 1852
Le baron de Geiger se présente comme candidat officiel aux élections du corps législatif, qui eurent lien les
29 février et 1er mars 1852 dans l’arrondissement de Sarreguemines, auquel le préfet avait ajouté le canton
de Faulquemont , de l’arrondissement de Metz. Sa situation fut quelque peu difficile. De naissance il était
Bavarois et n’avait été naturalisé qu’en 1843, or l’arrondissement de Sarreguemines était très attaché au
recrutement local de ses députés. Ensuite il était de religion protestante, or les électeurs de l’arrondissement
étaient en majorité des catholiques ; aussi dans son programme électoral, publié le 19 février à Sarreguemines,
affirma-t-il fermement qu’il était convaincu de l’utilité de la religion, qu’elle fût catholique ou protestante
: «Ils (mes adversaires), déclara-t-il, vous disent que je suis un ennemi de la religion qui mettrait obstacle
aux processions, au libre exercice de culte. Tout cela n’est qu’une méprisable imposture. Ici-bas la religion
fait notre consolation à tous et c’est encore la religion qui nous fait espérer un avenir meilleur dans l’autre
monde. Vos écoles où vous recevez les premiers principes de morale religieuse doivent être bien tenues et
suivies avec assiduité, vos églises, bien entretenues et bien fréquentées, vos ministres (curés et pasteurs)
qui y viennent expliquer la parole de l’Evangile, être respectés et honorés de tous, telle est mon intime
conviction» (7).
Dés le 15 février le sous-préfet A de Cheveigné en annonçant sa candidature, avait demandé aux électeurs
de voter pour lui en ces termes : «Sa vie honorable et la haute position qu’il doit à son travail et à son mérite,
feront de lui un digne représentant de notre belle Lorraine. La seule objection est qu’il est protestant, mais
il est tolérant, car il a fait élevé ses enfants dans la religion catholique».
Cependant Alexandre de Geiger eut aussi des atouts. Il était le riche directeur d’un grand établissement
industriel. Il était à même de parler à ses électeurs qui formaient la majorité de l’arrondissement, même
s’il parlait l’allemand avec un accent alémanique. Surtout il était autorisé à se dire l’ancien condisciple du
Prince Louis-Napoléon et d’être un napoléonien dévoué et candidat officiel du gouvernement.
Son adversaire le plus redoutable fut Mansuy-Dominique Roget de Belloquet, né à Neufgrange en 1809,
juge au tribunal de Sarreguemines, grand propriétaire foncier, membre du conseil général de la Moselle de
1844 à 1847 pour le canton de Sarralbe (8). Celui-ci affirma son attachement au gouvernement. Ses amis et
une partie du clergé le soutinrent , alors le sous-préfet de Cheveigné envoya une circulaire aux maires, aux
curés et aux fonctionnaires pour les inviter à user de leur influence en faveur du candidat du gouvernement.
A son tour le préfet de la Moselle, Auguste Mahler, s’adressa aux maires. Apprenant qu’un courtier de
Roget parcourait la campagne en affirmant aux paysans que l’administration les trompait et que l’élection
du juge sarregueminois serait bien vue à Paris, le sous-préfet le fit arrêter et révoqua son fils, employé dans
ses bureaux. Il dénonça en termes véhéments «l’infâme opposition» du curé archiprêtre de Sarreguemines,
Jean-Chrysostome Muller, demanda la révocation de tous les Roget de Belloquet, qui servaient l’Etat, fit
poursuivre un desservant, un maire, un contrôleur de la régie. Comme le candidat indépendant suppliait le
sous-préfet de relâcher son courtier, le sous-préfet lui demanda vainement son désistement.
Dans une lettre du 1er novembre, à l’évêque de Metz, Mgr. Paul Dupont des Loges, l’abbé Jean-Baptiste
Verschneider, curé de Gros-Réderching de 1838 à 1855, exposa les dissensions, produites dans sa paroisse
par les démêlés entre les partisans de Roget de Belloquet et ceux de Geiger. Quand de Geiger, accompagné
du sous-préfet, se présenta à lui, il lui assura qu’il ne se servirait jamais de son mandat de député pour nuire
à la religion catholique, qui était la religion prédominante de l’arrondissement, au profit du protestantisme
(9), «ce serait, dit de Geiger, de la folie» et le sous-préfet garantit l’impossibilité d’un tel projet. Le curé
craignait d’être mal vu des autorités civiles pour avoir osé poser cette question, mais il n’avait agi que dans
l’intérêt du catholicisme (10).
Dans cette troisième circonscription électorale de la Moselle étaient inscrits 35 050 électeurs, 26 26 240
participèrent au vote. De Geiger l’emporta avec 17 411 voix, Roget de Belloquet obtint 8 335 voix. A
Sarreguemines même une centaine de bulletins de candidature de Geiger avait été envoyée aux fonctionnaires.
Les élections eurent lieu sous la protection d’un détachement du 8° dragons. De Geiger eut 607 voix sur
814, Roget de Belloquet, 176, le général Louis-Eugène Cavaignac, ancien chef du pouvoir exécutif en 1848,
une voix. Dix bulletins furent des bulletins blancs et dix autres des bulletins nuls. Le maire de Forbach,
François Odinet, attaché à la République et en parenté avec Roget de Belloquet, fit enlever l’affiche en
faveur de Geiger, posée sur la porte de la salle de vote, mais transmit loyalement ces affiches au curé, à
l’instituteur et aux fonctionnaires (11).
4. Proposition du député de Geiger pour le rétablissement de l’Empire en 1852
Sur sa proposition le conseil municipal de Sarreguemines envoya le 24 octobre 1852 par l’intermédiaire
du préfet de la Moselle l’adresse suivante au Prince-Président : «A son Altesse Impériale le Prince LouisNapoléon, les membres du conseil municipal de la ville de Sarreguemines, réunis pour la première fois,
déposent à vos pieds l’assurance de leur dévouement le plus sincère. La Lorraine allemande, sentinelle
avancée de l’Est de la France, conserve religieusement le souvenir de l’Empereur (Napoléon Ier). Trois
fois, elle a salué en vous l’héritier du grand nommé. Inspiré par Dieu, ne prenant conseil que de votre
patriotisme, vous avez sauvé la France des horreurs de l’anarchie et de la guerre civile. Vous avez rendu à
l’industrie et à l’agriculture la confiance, aux ouvriers leurs moyens d’existence. Consolidez votre œuvre,
Prince, acceptez l’héritage de l’Empereur et tous les cœurs vous devront une éternelle reconnaissance».
Cette adresse fut votée par acclamation aux cris de «vive Napoléon III, vive l’Empereur» et signée par 20
membres sur 23 du conseil municipal, dont entre autres par le maire Pierre-Guillaume Pigeard, le baron
de Geiger, Théodore Fabry (12). En même temps 617 Sarregueminois dont de Geiger, le maire Pigeard, le
juge d’instruction Thilloy, l’archiprêtre Muller, le sous préfet de Cheveigné, trois professeurs de collège, le
portier du collège, des fonctionnaires en exercice ou en retraite, beaucoup de commerçants et surtout des
faïenciers signèrent une pétition pour provoquer un sénatus-consulte, ayant pour but de proclamer LouisNapoléon Empereur des Français (13).
Lors du plébiscite du 21 novembre en Moselle 26 009 sur 26 379 ou 86,42 % des électeurs inscrits approuvèent
le rétablissement, soit 85,21 % contre 255 opposants, soit 0,83 %. A Sarreguemines le plébiscite fut annoncé
à son de caisse et par l’hebdomadaire «Le Petit Glaneur». Sur les 945 électeurs il y eut 782 votants soit
693 oui et 79 non. Dix bulletins avaient été annulés. 163 citoyens s’étaient abstenus (14). A Neunkirch il y
eut un opposant, à Welferding deux, à Rouhling 13, à Wiesviller un, à Woustviller, Zetting, Sarreinsming
aucun (15). Le décret de la proclamation de l’Empire du 2 décembre fut lu le 5 à Sarreguemines sur l’une
des places publiques par le sous-préfet, en présence du maire, des adjoints et des conseillers municipaux et
du régiment des dragons (16). C’était le commencement de l’Empire autoritaire.
Le 11 janvier 1853, le maire de Sarreguemines chargea le député de Geiger d’adresser au nom de la ville
les félicitations à Napoléon III à l’occasion de son mariage et le 11 février il en rendit compte au conseil
municipal en ces termes : «M. de Geiger, député du Corps législatif et membre du conseil municipal de la
ville de Sarreguemines, a bien voulu se charger de remettre l’adresse du conseil à l’occasion de l’heureux
événement du mariage de sa Majesté Napoléon III, empereur des Français. Je dois y ajouter que cet
événement qui donne un nouveau gage de la stabilité de la France, a été accueilli avec joie par les habitants
de Sarreguemines. Ce jour même de la célébration (le 20 janvier) de l’union de S. M. Impériale avec
l’impératrice Eugénie (de Montijo), les édifices ont été illuminés et sur l’invitation que je leur ai adressée,
beaucoup d’habitants ont également pris part à cette manifestation» (17). Cette adresse du 10 février avait
la teneur suivante : «Le conseil municipal de la ville de Sarreguemines, capitale de la Lorraine allemande,
à l’honneur de présenter à votre majesté Impératrice ses sincères et respectueuses félicitations à l’occasion
de votre mariage. L’union que vous venez de contracter donne un nouveau gage de stabilité à la France. Les
vertus et les qualités de l’Impératrice Eugénie font revivre dans la mémoire du peuple des souvenirs qui lui
sont chers. Que Dieu veuille assurer votre bonheur et celui de votre noble compagne»(18).
Sur la proposition du député de Geiger, devenu également maire de Sarreguemines le 14 juin 1855, le conseil
municipal adressa les félicitations à l’Empereur le 20 mars 1856 pour la naissance du prince impérial Louis,
survenu le 16 mars à 3 heures un quart en ces termes : «Sire, la providence a comblé vos vœux et ceux de la
France, telle que vous l’avez fait, grande et respectée en dehors, calme et laborieuse à l’intérieur, marchant,
son drapeau ployé, à la tête des nations civilisées. Le prince, que l’Impératrice vous a donné pour perpétuer
votre dynastie, héritera du génie son père, des douces vertus de sa mère et continuera l’œuvre de votre
Majesté, si glorieusement annoncée. Nulle part la joie de cet événement n’a été plus grande ni surtout plus
sincère que dans nos contrées extrêmes, boulevard de l’Est, où le patriotisme et l’attachement à la famille
des Napoléons sont héréditaires. Que Dieu protège la famille impériale» (19).
5. La réélection du député de Geiger en 1857 comme candidat officiel.
Encore en juin 1856 le baron de Geiger se plaignit à l’Empereur lui-même de ce que trop de curés de la
Lorraine allemande se mêlaient des affaires communales par suite du manque d’instruction des maires et
de la soumission préférentielle des instituteurs aux curés. Informé de suite de cette plainte, le ministre de
l’Instruction Publique, Hippolyte Fortoul, demanda des renseignement au préfet de la Moselle, qui ne put
que lui confirmer le fait (20). Mais de Geiger consolida tout de même sensiblement sa position aux nouvelles
élections de 1857. Par l’intermédiaire du «Moniteur de la Moselle» du 19 juin 1857 le comte Mahler, préfet
de la Moselle, demanda dès le 5 juin aux électeurs mosellans de ne pas s’abstenir des élections législatives du
22 juin et recommanda d’élire comme député le baron de Geiger dans la circonscription de Sarreguemines.
De plus le 9 juin le préfet avertit les maires de la circonscription que de Geiger était de nouveau le candidat
officiel : «Le gouvernement de l’Empereur ne pouvait oublier les services rendus pendant six années par les
députés actuels et son appui leur était assuré. M. le baron de Geiger, votre ancien député, vient de nouveau
réclamer votre suffrage. En lui continuant son mandat, les électeurs feront preuves du bon esprit qui les
anime et donneront un nouveau témoignage de leurs sympathies pour le gouvernement de l’Empereur»
(21). Dès 35 334 électeurs 25 302 prirent par aux élections. Sans concurrent, de Geiger obtint 24 897 voix.
A Sarreguemines 634 électeurs sur 707 lui donnèrent leur voix. Le 29 juin le sous-préfet Armand Pihoret
remercia les maires d’avoir fait de ces élections «une manifestation nationale» : «Près de 26 000 électeurs,
écrivit-il, c’est-à-dire plus de trois quarts et, si l’on tient compte des militaires absents près de cinq sixièmes
des inscrits ont pris part au scrutin. Presque tous les électeurs ont donc voulu remplir leur devoir de citoyens,
donner une preuve nouvelle d’une confiance bien méritée à leur ancien député et enfin témoigner une fois de
plus de leur sympathie et de leur reconnaissance à l’Empereur». Effectivement la circonscription électorale
de Sarreguemines, presque entièrement de langue allemande, avait voté avec empressement pour de Geiger
et le gouvernement, même dans les localités industrielles (22).
Voulant punir Napoléon d’avoir abandonné la cause italienne, l’Italien Félix Orsini lança le 14 janvier
1858 plusieurs bombes sur son carrosse, rue Le Peletier, en faisant de nombreuses victimes, à l’exception
de l’empereur et de l’impératrice. Le lendemain à midi et demi arriva à Sarreguemines une dépêche
télégraphique annonçant que les souverains avaient échappé à cet attentat. De suite le maire la fit connaître
à son de caisse et rédigea l’adresse suivante : «Sire, la population de la Lorraine allemande, qui naguère
ont accueilli votre Majesté avec l’enthousiasme le plus sincère (en 1857), n’ont pas besoin de dire à leur
empereur l’indignation profonde que l’attentat sur leurs majestés à suscité dans leurs cœurs. Si le sentiment
de la grandeur de la France, de sa prospérité, de sa position suprême dans le monde ne peut vaincre la haine
des partis, la providence veillera sur vos têtes et nous sommes prêts à les défendre tant que nous vivrons».
L’adresse fut votée par acclamation par tout le conseil municipal en une heure et demi après l’arrivée de la
dépêche et signée de suite, pendant la nuit et le matin du 16, par plus de 800 personnes, «on peut dire par
la population entière, car l’ignoble attentat a produit une profonde impression et le cri de «vive l’Empereur
était répété avec enthousiasme»(23).
Reconnaissant les insuffisances de l’armée française, sensible aux pertes en vie humaine, sentant se préciser
en France l’opposition des catholiques et craignant l’hostilité de la Prusse et de la Confédération allemande
et les répercussions des mouvements révolutionnaires d’Italie en France, Napoléon arrêta le 12 juillet 1859
la guerre, commencée en avril avec le roi de Sardaigne-Piémont contre l’empereur d’Autriche. A son tour le
maire de Sarreguemines envoya au nom du conseil municipal l’adresse suivante : «Votre Majesté a terminé
victorieusement la campagne d’Italie qu’elle avait entreprise pour délivrer un pays allié d’une invasion
et pour sauvegarder les grands principes sur lesquels reposent les sociétés modernes. Le monde a vu ce
que valent les soldats de la France, commandés par un Napoléon. La paix est faite. Nous la devons à la
modération de l’Empereur et les habitants de l’extrême frontière, sentinelles avancées en face de la Prusse et
de la Bavière, n’auront pas à souffrir des menaces insensées qu’une presse insolente déversait journellement
sur les populations les plus dévouées à la dynastie napoléonienne. Les voisins, qui avaient acclamé naguère
votre Majesté avec enthousiasme, reviendront à de meilleurs sentiments. Le calme renaîtra, l’agriculture, le
commerce et l’industrie reprendront leur essor. Bientôt par vos ordres une nouvelle voie de communication
(le canal des Houillères) reliera plus intensément les populations françaises et prussiennes, répandra les
bienfaits de la paix sur toutes nos contrées et fera disparaître entre nous et les voisins les derniers vestiges
d’animosité en opposition avec les véritables progrès de la civilisation. Grâces vous soient rendues, Sire.
Vive l’Empereur, vive l’Impératrice, vive le Prince impérial» (24).
A partir de 1859, Napoléon III commença à faire des réformes politiques. C’est ce qu’on appelle l’Empire
libéral. Quelle était l’attitude de Geiger envers ce nouveau régime napoléonien ? On peut sans doute
le deviner, en lisant une lettre que de Geiger adressa le 1er août au comte Mahler, préfet de la Moselle
depuis 1852, de tendance autoritaire, qui venait d’être remplacé depuis quelques jours par le baron LouisCharles Jeanin, de tendance libérale (25), «Le conseil municipal de la ville de Sarreguemines a bien le
droit de déplorer au nom de la Lorraine allemande le brusque départ d’un préfet qui a rendu les plus grands
services à l’Empereur et à son gouvernement en administrant admirablement les «pays» du département.
L’arrondissement de Sarreguemines surtout lui sera à jamais reconnaissant et dévoué. Vous étiez le premier
préfet qui l’ayiez apprécié à sa juste valeur, qui ayiez compris qu’il fallait l’aider de préférence pour lui faire
oublier qu’il n’a été négligé que trop souvent et oublié trop souvent». Avant de quitter Metz le 9 août, le
préfet remercia le 3 août personnellement le baron de Geiger en affirmant qu’il n’avait fait que son devoir
envers une population qu’il affectionnait particulièrement et qui se montrait reconnaissante (26).
Le baron de Geiger avait dû aussi être irrité par la signature du traite de commerce avec l’Angleterre en
janvier 1860, instituant le libre-échange, afin d’abaisser le coût de la vie en faveur des travailleurs et de
stimuler la concurrence, obligeant les industriels à faire des recherches d’innovations. Le libre-échange
se traduisit finalement par une terrible crise industrielle, amenant la bourgeoisie d’affaires à l’opposition,
faisant baisser les salaires et provoquant le chômage. Mais tout en critiquant ce traité, le baron de Geiger
resta un napoléonien inébranlable.
Le 24 septembre 1860 le conseil municipal remercia le ministre d’Etat et la Maison de l’Empereur d’avoir
offert les portraits de leurs Majestés pour l’hôtel de ville en ajoutant que «ces portraits d’une exécution
heureuse rappelait les traits des souverains bien aimés à toute la population reconnaissante et sincèrement
dévouée à la dynastie napoléonienne». Les remerciements s’adressèrent aussi au baron de Geiger d’avoir
pris à sa charge les frais d’encadrement, d’emballage et de port des portraits «contribuant ainsi à rehausser
l’éclat de l’hôtel de ville auquel son nom se trouve déjà attaché à plus d’un titre justement apprécié par
ses administrés» (27). Au mois de juillet 1862 le baron de Geiger devint à titre de maire le fondateur du
comité local de la société du Prince impérial, accordant des prêts à l’enfance au travail, de ce comité firent
partie l’archiprêtre Chrysostome Muller, le pasteur Charles Kromayer, le rabbin Samuel Bernheim, René
Wilmoth, employé de la faïencerie, des membres du conseil municipal et des manufacturiers (28).
6. La réélection du député de Geiger en 1863 comme candidat officiel
Le 15 janvier 1862 le baron de Geiger se plaignit au préfet de ce que le président du tribunal Georges-Benoît
Adam lui reprochait de n’organiser le bal annuel, dont les recettes étaient destinées au bureau de bienfaisance,
que dans un but électoral. (30) Aux élections législatives du 31 mai 1863 de Geiger fut à nouveau candidat
officiel sans concurrent. A ses électeurs, il envoya la circulaire suivante : «Comme vous tous, attaché de
tout cœur à l’empereur et à sa dynastie, j’appuierai la politique franche et si grande à l’étranger, si généreuse
et si dévouée aux intérêts de tous à l’intérieur. En Orient nous avons protégé nos frères chrétiens contre
la fanatisme cruel des Turcs. Nous avons victorieusement défendu l’Italie contre l’Autriche, qui menaçait
jusqu’à nos frontières, sans pactiser pour cela avec la révolution, sans abandonner le Saint-Père que notre
honneur et nos engagements passés nous obligeaient à soutenir. Après la guerre, deux provinces ajoutées à
l’Empire complètent à jamais nos lignes de défense du côté des Alpes. A l’intérieur une amnistie complète
devrait avoir effacé le souvenir de nos discordes civiles, qui ont produit tant de malheurs et arrêté si souvent
la prospérité générale du pays. Le département de la Moselle a trouvé une large part dans ces bienfaits. Il
s’agit de montrer à la France et à l’étranger que l’Empire a réalisé ce que vous avez espéré et que la dynastie
impériale, que Dieu et votre volonté ont appelé sur le trône, a conservé toutes vos sympathies, parce qu’elle
mérite tout votre confiance» Cette circulaire fut aussi publiée le 24 mai dans le «Moniteur de la Moselle»,
de Metz (31).
Dans une autre proclamation de Geiger mêla les affaires de Chine, de Syrie et du Mexique et vanta les
grands travaux projetés dans la région de Sarreguemines et l’évolution libérale du régime. D’après ces
programmes le baron de Geiger peut représenter le type du napoléonien plus ou moins par principe (32),
mais ce jugement de l’historien messin Henri Contamine n’est-il pas quelque peu forcé et même injuste en
regard des résultats politiques et économiques du député de Sarreguemines. A son tour le sous-préfet Victor
de Montifault demanda aux maires d’afficher sa lettre de recommandation, et la lettre du candidat, grand
format, de remettre les affiches du candidat, petit format aux conseillers municipaux et aux notables, de
faire battre le jour de l’élection la caisse et de rappeler l’ouverture du scrutin aux absents, et il ajouta : «Je
vous pris de faire tous vos efforts pour que les électeurs sans exceptions se rendent au scrutin. En 1857 M.
de Geiger a eu 25 000 voix. Je tiens beaucoup à ce qu’il y en ait plus encore cette fois et je pense que avec
votre concours ce chiffre peut-être surpassé en 1863. Tout dépend de votre activité et de votre dévouement».
Effectivement le 1er juin des 35 334 électeurs 29 193 allèrent aux urnes, soit 82,62 % et 28 434, soit 80,78
% votèrent pour le candidat (32).
7. Alexandre de Geiger nommé sénateur en 1868
A partir de juillet 1865, une certaine opposition se fit jour ouvertement contre de Geiger, réélu conseiller
municipal avec seulement 533 voix, alors que le premier en eut 890, il résigna sa fonction de maire. Il fut
remplacé en août par l’ancien Maire, Pierre Pigeard, mais retrouva sa charge en avril 1868. Comme il
craignit d’avoir des difficultés à se faire réélire au Corps législatif en 1869, il se fit nommer par l’Empereur le
15 août 1868 sénateur. Aux élections législatives partielles du 20 septembre se présentèrent deux candidats
: Jean-Baptiste Le Joindre, ancien ingénieur en chef des Ponts et Chaussées du département de la Moselle,
de 1866 à 1868 inspecteur général des Ponts et Chaussées à Paris et Maximilien Pougnet, industriel de
Landroff,conseiller général de la Moselle, ennemi personnel de Geiger.
Outre la déclaration du nouveau candidat, du 1er septembre, qu’il était un enfant du pays de Bitche, dont
il parlait la langue, qu’il pratiquerait la politique nationale, libérale et conservatrice de l’Empereur et qu’il
défendrait le maintien de la souveraineté temporelle de Saint-Pierre, le baron de Geiger, député sortant et
devenu sénateur, publia en sa faveur dans le «Moniteur de la Moselle» le 11 septembre le message suivant :
«Sa Majesté l’Empereur m’a fait l’insigne honneur de m’appeler au Sénat. Pendant les 17 ans que j’ai siégé
au Corps législatif, j’ai été témoin de grands événements, j’ai pu apprécier jour par jour la sollicitude
de l’Empereur et de son gouvernement pour la puissance, la prospérité de la France. L’histoire dira un
jour la grandeur de cette époque. Croyez-moi, ce ne sont pas les libertés qui nous manquent, ce sont les
hommes qui en usent sagement, loyalement, en respectant la Constitution et la dynastie que le peuple
s’est données par six millions de suffrages (en 1863). Arrière donc ces mensonges, arrière les hommes
qui vous élèvent aux nues quand vous votez pour eux et qui vous traitent d’ignorants campagnards,
quand vous préférez à ces ennemis de l’Empereur des hommes indépendants, mais sincères, qui se
sont toujours occupés de l’avenir du pays et des intérêts de notre département, qui ont le temps, les
connaissances et la fortune nécessaire pour les suivre, pour les défendre avec succès. Ces qualités vous
les trouvez chez M. Le Joindre qui à occupé pendant 37 ans le poste d’ingénieur. Avec lui je travaillerai,
comme je l’ai fait, au progrès de notre arrondissement. Sachez bien que toute question de personne est
étrangère au choix que le gouvernement a fait et laissez- moi croire que les enfants de notre Lorraine
allemande prouveront à l’étranger, en votant unanimement pour M. Le Joindre qu’ils sont dévoués par le
passé et prêts à défendre ce qu’ils ont de plus cher, l’Empire et ses institutions» (34).
Des 36 120 électeurs 30 385, soit 88,42 % participèrent aux élections, Le Joindre eut 22 015 voix, soit
60,44 %, et le candidat d’opposition 8 209, soit 22,55 %. Le candidat officiel eut 4 298 voix, dans le canton
de Sarreguemines, 2 847 dans celui de Forbach, 2 669 dans celui de Bitche, 2 759 dans celui de Rohrbach
et 2 337 dans celui de Faulquemont (35). Lejoindre fut réélu aux élections législatives du 23 mai 1869 par
23 396 voix sur 24 873 votants contre un concurrent qui n’eut que 513 voix (36).
Le 15 août 1869 le sénateur-maire de Geiger fit célébrer en grande pompe aux églises catholiques et
protestantes la fête de l’Empereur et en même temps le 100° anniversaire de la naissance de «l’illustre
fondateur de la dynastie napoléonienne» (37). Le 6 novembre le recteur de Nancy invita le sénateur-maire
de Geiger à assister le 16 à la rentrée des facultés, dont celle de droit, rétablie entre autres avec son soutien,
celui du conseil municipal et de la population de Sarreguemines, et le comité du rétablissement envoya le
lendemain une médaille du rétablissement à la mairie, pour la conserver dans les archives.
Par les sénatus-consultes de septembre 1869 et d’avril 1870, l’empereur fit faire différentes réformes, de
manière à instituer l’Empire constitutionnel, puis parlementaire, approuvé par le plébiscite du 8 mai 1870.
A ce sujet le sénateur-maire de Sarreguemines publia la lettre suivante en français et allemand, imprimée
chez Antoine Weiss, imprimeur de la ville, pour ses concitoyens : «Mes chers citoyens, de 1851 et en
1852 vous avez par vos votes unanimement acclamé l’Empereur et fondé l’Empire. Dix huit années de
prospérité et de grandeur nous séparent de cette époque et la génération actuelle paraît ne plus se souvenir
des jours de trouble et de guerre civile qui ont désolé la France de 1848 à 1852. On a demandé des réformes
du système du gouvernement qui nous a régi jusqu’à ce jour. L’empereur les a accordées largement. Il a
donné au delà de ce qui a été demandé. Mais pour assurer à ces réformes la force et la durée, l’assentiment
du peuple est nécessaire et vous êtes appelés dimanche prochain de lui donner votre confiance entière.
Votons unanimement oui. Oui veut dire : gardons l’Empire et sa dynastie, gardons nos institutions libérales,
développons les, mais sans cette précipitation qui a fait souvent regretter le lendemain ce qu’on avait détruit
la veille. Non veut dire : Révolution, désordre, stagnation des affaires abaissements de notre puissance
devant l’étranger. Le sort de la patrie est entre vos mains. Je suis sûr que vous l’assurerez par un oui
unanime» (38). Dès 32 835 électeurs de l’arrondissement électoral de Sarreguemines 28 031 prirent par au
vote, soit 85,36 % dont 26 759, soit 81,40 % se prononcèrent pour le oui, et 1242 pour le non, soit 3,78 %,
178 bulletins étant nuls (39). Dans le canton de Sarreguemines, il y eut 4 818 oui et 246 non, dans celui de
Bitche 2 879 oui et 143 non, dans celui de Sarralbe 3 128 oui et 97 non, dans celui de Rohrbach 3 361 oui
et 24 non et dans celui de Volmunster 2 130 oui et 16 non (40). Au total ce plébiscite donna 7 358 000 oui
contre 1 570 000 non.
8. La défense de l’arrondissement de Sarreguemines par de Geiger
Le relevé complet des activités politiques, soit comme parlementaire (41) et conseiller général de la Moselle,
soit par ses interventions auprès des préfets, des ministres et de l’Empereur montrerait certainement que
de Geiger a été un excellent défenseur des intérêts de Sarreguemines, de son arrondissement et même du
département. L’historien René Paquet l’a corroboré en 1887 (42). De Geiger, protégé par l’Empereur, sut
aussi se ménager les appuis des ministres des hauts fonctionnaires de l’Etat, des préfets, des sous-préfets
et des fonctionnaires du département de la Moselle dans l’intérêt de l’arrondissement de Sarrreguemines.
On sait déjà qu’il était particulièrement lié avec le préfet Mahler. Il a aussi bien utilisé et soutenu la plupart
des sous-préfets de son arrondissement pour faire avancer ses projets : A. de Cheveigné (1851), Armand
Pihoret (1855), Victor de Montifault (1860), Edmond Viard (1868). Le premier sous-préfet soutint avec
force de Geiger aux élections législatives de 1852 et 1857 et aux élections du conseil général. Mais ne
sachant pas l’allemand et ne se plaisant dans ce «trou» de Sarreguemines, il partit en 1855 à Etampes
(43). Son successeur, Pihoret épousa à Sarreguemines la fille du conservateur des hypothèques Reibell et
sur proposition de Geiger fut nommé chevalier de la Légion d’honneur pour l’avoir bien soutenu dans le
projet du canal des houillères. Il partit en 1860 à Grasse (44).De même avec le soutien de Geiger, Victor de
Montifault fut promu sur place sous-préfet de 2ème classe car en arrivant à Sarreguemines, il s’était plaint
de la médiocrité de l’hôtel administratif dans l’ancien couvent des Capucins. En 1868 il commit l’erreur de
vouloir succéder à de Geiger dans la députation et fut déplacé à Saint-Flour (Cantal) (45). Son successeur,
Viard, fut un fonctionnaire de grande valeur, énergique et conciliant et s’entendit sans doute bien avec de
Geiger.
De Geiger participait à la nomination et au déplacement non seulement des sous-préfets, mais aussi des
fonctionnaires subalternes.(46). Deux exemples seulement, le 28 janvier 1865 l’instituteur Jean Becker de
Laning sollicita, du député maire de Sarreguemines le poste de sous-secrétaire de la mairie en ces termes
«Je suis le frère de Becker, autrefois instituteur à Welferding, qui, lorsqu’il s’agissait d’élections n’a jamais
manqué de propager et de soutenir énergiquement votre candidature au corps législatif. Aux élections j’ai
organisé de concert avec l’un de mes frères un bal musical en votre honneur pendant la durée duquel on
a plusieurs reprises répété les mots : Vive l’Empereur, vive M. le baron de Geiger». Grâce à de Geiger,
Etienne Thilloy, juge d’instruction à Sarreguemines et membre du conseil général de la Moselle de 1843
à 1856 pour le canton de Sarreguemines et conseiller municipal, fut reçu dans la Légion d’honneur le 8
septembre 1855 (48).
9. Le baron de Geiger, conseiller général de la Moselle du 1855 à 1870
En juin 1855 Charles-Joseph Roget, juge de paix du canton de Sarreguemines, et conseiller général de la
Moselle, ne se présenta plus aux élections.Deux candidats tentèrent de le remplacer : Alexandre de Geiger,
député, et Altmayer, juge du canton de Volmunster. Le premier candidat, recommandé par le gouvernement,
était protestant, alors que les 9 168 habitants du canton étaient tous catholiques, sauf 36 mennonites et de
rares protestants. La présentation de ce candidat était vraiment imprudente. Le clergé fit campagne contre lui,
de façon que le deuxième candidat fut élu, mais le sous-préfet de Cheveigné lui fit une scène épouvantable,
en le menaçant sans doute de révocation, de sorte qu’il remit sa démission au comte Auguste Mahler.
Vainement le procureur général de Metz, de Gérando, le défendit, d’autant plus que tous les deux étaient
membres de la conférence de Saint-Vincent-de-Paul. Le préfet et le sous-préfet mobilisèrent les gardechampêtres, les maires et les instituteurs, l’inspecteur primaire et le capitaine de gendarmerie en faveur
de Geiger pour réduire l’influence cléricale. Le sous-préfet écrivit au préfet : «les curés sont beaucoup trop
enclins à envahir l’administration dans ce pays et je dois rendre à l’autorité administrative la part qui lui
revient» il ajouta que les instituteurs, seuls capables de comprendre les «actes administratifs», possédaient
en Lorraine allemande une influence au service du clergé, dont ils dépendaient en tant que chantres. Le
sous-préfet accompagna de Geiger, qui, comme candidat officiel et sans concurrent, fut élu le 24 juin. Sur 2
139 électeurs 1 472 participèrent au vote. Geiger eut 1 055 voix. Ce n’était pas tout à fait honorable pour de
Geiger. Pourtant l’administration préfectorale avait estimé qu’il était l’un des principaux manufacturiers du
pays, jouissait d’une considération justement acquise et de l’estime publique, très dévoué au gouvernement
et toujours disposé à seconder l’action de l’administration. Ses revenus étaient de 15 000 F, alors que seul
le conseiller général du canton de Sarralbe et fabricant de peluches Henri Pauly, de Puttelange, le dépassait
avec 30 000 F et que les revenus de cinq autres conseillers généraux oscillaient de 6 à 8 000 F. En 1864
Nicolas Massing, copropriétaire d’une manufacture de peluches à Puttelange et conseiller général du canton
de Sarralbe, le dépassait avec un revenu de
20 000 F. Le 19 juin 1864 le baron de Geiger fut réélu dans le canton de Volmunster avec 1 639 votants et 2
372 électeurs inscrits. Dans les élections, toujours difficiles, Geiger était puissamment soutenu par l’agentvoyer d’arrondissement Charles Desgranges (49).
NOTES
1) Charles Bolender, Faïences imprimées de Sarreguemines et la légende napoléonienne, dans : A.S.H.A.L, 1987, p. 101.
2) Edouard Temblaire est né le 5 mai 1816 d’Esprit Temblaire, originaire de Dieuze et pharmacien à Sarreguemines de 1807 à 1830,
et de Bernardine-Victoire Roget (Jacques Touba, Sarreguemines im 18. Jahrhundert, 1924, p. 32.
3) Henri Contamine, Metz et la Moselle de 1814 à 1870, Nancy, 1932, I. p.425, 428 - 432 ; Henri Hiegel, Le collège de Sarreguemines
de 1804 à 1870, éd. Est - Courrier, Sarreguemines, 1988, p. 45. A.M. de Sarreguemines 3° section R I - 54.
4) A. M. de Sarreguemines, 3° section, o II - 9 ; Hiegel, Le collège, p. 45 Contamine, tI, p. 435 ; Temblaire, candidat napoléonienne
en 1849 à Sarreguemines, se présenta comme candidat d’opposition en 1867 à Briey - Thionville (Georges Livet et Guy Cabourdin,
Les élections dans le département de la Moselle, fasc 2 (1851-1881), Metz 1965, p.45).
5) Compte-rendu de la fête en l’honneur de J. F. Gerstenmeyer du 6 octobre 1850, reproduit par l’imprimerie V. Adam, à Paris, en
vue d’être distribué aux autorités et aux ouvriers. A. M. de Sarreguemines, section photographique.
6) Livet et Cabourdin, p 14
7) Livet et Cabourdin, p. 36 - 37.
8) Jacques Touba, Neuscheurn, 1932, p. 20, Rohr p, 234 qui écrit par erreur que Mansuy de Belloquet a été membre du conseil
général de la Moselle de 1833 à 1844. Nérée - Quépat, p. 431 ; Contamine, t I, p; 451, lire «courtier» au lieu de «cousin».
9) Gabriel Richard, Les anabaptistes ou mennonites en Lorraine, dans : Annales de l’Est, 1967, p. 172. Sur ces anabaptistes
l’imprimeur François Verronnais écrivit en 1844 que c’étaient des hommes probes, humains et hospitaliers, des cultivateurs les
plus ingénieux et importants du Palatinat, pratiquant la culture en grand de la luzerne et de la pomme de terre (Fr. Verronnais),
Statistique historique, industrielle et commerciale du département de la Moselle, Metz, 1844, p. 88). L’arrondissement de
Sarreguemines ne comptait que 4 000 réformés à la fin du Second Empire (Contamine, t-I, p. 43)
10) A.D. Moselle, archives de l’Evêché, fonds anciens.
11) Livet et Cabourdin, p. 8, des chiffres inexacts ; Contamine, t - I p.451, qui écrit que de Geiger eut 17 000 voix et Roget 8 000 et
qu’il eût été infiniment plus simple de désigner Roget comme candidat officiel ; Robert, p. 146, les chiffres exacts ; Henri Wilmin,
Les maires de Forbach de 1789 à 1945, dans : Les cahiers lorrains, 1992, p.115.
12) A.M. de Sarreguemines, 3° section, D.I.-7, f° 82.
13) A.M. de Sarreguemines, 3° section, KI - 81.
14) Livet et Cabourdin, p. 12, A.M. de Sarreguemines, 3° section, D IV - 27.
15) A.M. de Sarreguemines, 3° section, DI - 7, f°87 - 100.
16) A.M. de Sarreguemines, 3° section, DI - 7, F°85 et KI - 81.
17) A.M. de Sarreguemines, 3° section, d IV - 21.
18) D.I - 7, F°103
19) A.M de Sarreguemines, 3° section D I - 8 ; Heiser, dans : Est-Courrier du 12 avril 1987, publication partielle.
20) Contamine, t II, p. 340 ; H. Hiegel, La paroisse Saint-Nicolas de Sarreguemines, 1969, Sarreguemines, p. 120.
21) A.M de Sarreguemines, 3° section, K IV 3 ; Livet et Cabourdin, p. 38.
22) A.M de Sarreguemines, 3° section K IV- 3 ; Livet et Cabourdin, p. 8, chiffres inexacts; Nérée-Quépat, p. 193, qui écrit à tort
que de Geiger obtint 24 934 voix sur 25 415 votants ; Contamine, t.I, p. 454 ; Robert, p. 146, chiffre exact.
23) A.M de Sarreguemines, 3° section, DI - 8 ; Heiser, dans : Est - Courrier du 21 juin 1987.
24) A.M de Sarreguemines, 3° section, DI -8 8, f° 79 et V- 10.
25) Contamine, t.II, p. 30.
26) A.M de Sarreguemines, 3° section, K IV - 2.
27) A.M de Sarreguemines, 3° section, DI - 8 , f° 95, de Geiger reprit les tableaux en novembre 1871 et la famille Jaunez les donna
au musée de la ville en 1927 (A.M de Sarreguemines MV - 1).
28) A.M. de Sarreguemines , 3° section, R IV - 26.
30) A.M. de Sarreguemines, 3° section, R Iv - 25.
31) Livet et Cabourdin, p. 44.
32) Contamine, t.I. p. 464.
33) Livet et Cabourdin, p. 8 ; Contamine, t.I, p. 463 ; Robert p. 146.
34) Livet et Cabourdin, p. 51, lire 6 millions (5 300 000 exactement) au lieu de 10 millions pour le gouvernement en 1863 ;
Contamine, t.I, p. 486 - 488.
35) Livet et Cabourdin, p. 18.
36) Livet et Cabourdin, p. 8.
37) A.M. de Sarreguemines, 3° section V-8.
38) A.M. de Sarreguemines, 3° section, section photographique.
39) Livet et Cabourdin, p. 12.
40) Livet et Cabourdin, p. 19 - 21.
41) Le 9 mars 1859, le député Geiger est membre de la commission d’enquête sur le tarif du commerce des grains (Heiser, dans :
Est-Courrier du 24 mai 1987).
42) Nérée-Quépat, p. 193.
43) Contamine, t II, p. 34.
44) Contamine, t II, p. 34 - 35 ; Heiser, dans : Est-Courrier du 25 septembre 1987.
45) Contamine, t II, p. 35.
46) Contamine, t II, p. 11 et 36.
47) A. M. de Sarreguemines, 3° section, K IV - 5 ; H X II - 17 et 18.
48) A.M. de Sarreguemines, 3° section, D I - 87.
49) Contamine, t I, P; 452 - 453 ; A.D. Moselle 29 bis - 3 ; Jean Colnat, la Légion d’honneur, dans : A.S.H.A.L, 1960, p. 139.
CHAPITRE III : L’oeuvre administrative d’Alexandre de Geiger
1. De Geiger, chef des pompiers et de la garde nationale
Le baron de Geiger joua en premier lieu un rôle dans l’organisation des sapeurs-pompiers. En 1838 il fut
nommé lieutenant de la compagnie de la faïencerie, faisant partie de la garde nationale depuis 1831, et en
1840, il en fut le capitaine. Le 2 mai 1840, un sergent-major avertit son chef que la compagnie manquait
d’obéissance. Le 9 septembre 1854 les sapeurs-pompiers de la faïencerie intervinrent dans un incendie de
la rue de la Montagne et le 18 avril 1856 dans celui de la rue du Moulin. En 1859 le matériel des pompiers
de la faïencerie se composait de cinq pompes et de 150 seaux en cuir (1).
Il joua en deuxième lieu en 1848-1851 un rôle dans la réorganisation de la garde nationale. En avril 1848,
il fut nommé chef de bataillon de la garde nationale communale à quatre compagnies. Le 23 juin il déclara
que la garde nationale était un service obligatoire et prévit des sanctions pour les absents. Le 13 août le
préfet refusa sa démission sous prétexte que la garde nationale était le gardien des institutions, de l’ordre
social, de la famille et de la prospérité. Le 22 octobre la garde bourgeoise de Sarrebruck invita de Geiger et
les autres gardes nationaux à assister à la remise de son drapeau. Le 24 février 1849 de Geiger et le bataillon
fêtèrent l’anniversaire de la Révolution de 1848 et l’institution de la Deuxième République. De Geiger fur
renommé commandant du bataillon le 19 juin 1849 (2). Le 17 août 1850 il se plaignit du peu de bonne
volonté de la garde nationale : «comment voulez vous que les officiers et les gardes nationaux viennent aux
exercices et revues, quand ils se trouvent les uns sans soldats et les autres sans camarades. C’est le comble
du ridicule pour les uns et sans raison de ne plus venir à aucun service pour les autres. Je préférerai certes
de ne pas avoir besoin de recourir à des moyens (de sanction) mais il faut choisir entre la sévérité et la ruine
de l’institution»
2. De Geiger,
conseiller municipal de 1846 à 1848, maire de 1855 à 1865, puis conseiller et maire de 1868 à 1870
Après la fonction de député, celle de maire fut la plus active. De Geiger entre au conseil municipal de
Sarreguemines en juillet 1846, en même temps que son associé François Théodore Fabry. Les deux faïenciers
ne firent plus partie du nouveau conseil en juillet 1848, présidé par Pierre-Guillaume Pigeard, premier
maire protestant et maître de poste (3). Il fut réélu conseiller le 5 septembre 1852, alors qu’il était député
au Corps législatif depuis mars. N’ayant eu que 473 voix alors que Pigeard en eut 567, il crut plus prudent
de laisser le Gouvernement confirmer Pigeard dans les fonctions de maire (4). Fabry devint également
conseiller municipal. Le 23 juin, habitant Graefinthal, il était devenu membre du bureau de bienfaisance
en prêtant le serment de fidélité au Président de la République «avec d’autant plus d’empressement que
cette formalité était entièrement conforme à ses opinions politiques». Le 2 février 1859, le baron de Geiger
présida le bureau de bienfaisance. L’actionnaire de la faïencerie Maximilien Utzschneider remplaça le 19
novembre 1852 à la Chambre d’agriculture de la Moselle le fermier de Kremerich près de Wittring, qui
refusa le serment de fidélité (5).
Par décret impérial du 14 juin 1855 Alexandre de Geiger fut nommé maire de Sarreguemines à la place de
Pigeard, de même que deux conseillers, dont l’un était chevalier de la Légion d’honneur, devinrent adjoints.
De Geiger s’installa lui-même maire le 17 juillet, de même que les adjoints, tout en remerciant le maire
sortant pour sa gestion depuis 1848. De nouvelles élections eurent lieu les 28-29 et 4 et 5 août. Toute la liste
de Geiger, soit 23 membres, passa. Cependant sur 920 électeurs il n’y eut que 462 votants (6). Le 14 juillet
1860 l’empereur renouvela le mandat de maire à de Geiger et le 8 août le préfet, en lui transmettant le décret
dénomination, ajouta qu’il avait l’assurance qu’il répondrait à la confiance du gouvernement de l’Empereur
par son dévouement et son zèle. Le 20 septembre le maire installa le nouveau conseil. Dès 973 électeurs 687
avaient pris part au scrutin et Pigeard avait eu 674 voix (7).
Aux élections municipales du 23 juillet 1865 de Geiger subit une défaite cuisante, mais peu méritée.
Pourtant le 4 juillet il avait adressé la lettre suivante à 17 conseillers : «Le concours dévoué que vous avez
prêté à l’administration municipale, me fait espérer que vous voudrez bien continuer à coopérer avec moi à
développer de plus en plus la prospérité de notre ville : c’est le but exclusif et constant de mes efforts que je
poursuivrai, malgré les grandes difficultés que l’on rencontre toujours, si la confiance de mes concitoyens
m’appelait à siéger dans le mandat, dont je suis investi depuis 1855. « Sur 1 150 électeurs 924 prirent part
au vote. De Geiger, avec seulement 533 voix, occupa le 17° rang des 23 conseillers, alors que le brasseur
François Embs obtint le plus de voix, soit 890. De Geiger n’obtint que 28 voix de plus que le dernier
conseiller et résigna sa fonction. Bien qu’il n’ait obtenu que 578 voix, Piegeard redevint maire (8). Comment
expliquer cette défaite? Mécontentement par suite de la crise économique, entraînant l’augmentation du
coût de la vie, la baisse des salaires et le chômage, jalousie de certains manufacturiers de Sarreguemines,
augmentation de l’opposition politique, peut-être recul de l’influence de Geiger auprès du gouvernement
? Nous donnerons plus loin quelques explications possibles. Le 29 août 1865 le nouveau maire exprima à
son prédécesseur la reconnaissance la plus profonde pour ses services incontestables qu’il avait rendus à la
ville pendant les dix ans de sa gestion administrative et comme député à tout l’arrondissement, qu’après des
efforts et des peines sans nombre, il était parvenu à faire doter de voies de communication et de transports
qui augmentèrent sûrement la prospérité du chef -lieu et de la contrée entière.
Le maire Pigeard envoya le 8 juin 1867 une adresse à l’Empereur à l’occasion de l’attentat, perpétré
contre lui, alors qu’il offrait l’hospitalité à l’empereur de Russie, Alexandre II : «Tout le pays, frappé au
cœur, a tressailli, est-il écrit dans cette adresse, d’indignation, d’effroi et de douleur, en apprenant qu’un
assassin étranger avait souillé la noble terre de France d’un horrible forfait qui pouvait vous enlever à notre
affection». Mais le maire et son conseil semblent avoir été incapables de gérer convenablement les affaires
communales. Dès le 19 juin 1867, il fut révoqué sur la demande du sous-préfet et du préfet, sans doute sous
l’influence de Geiger, et un adjoint fut chargé de l’administration de la ville. Le 18 février 1868, le préposé
en chef des octrois fit part au député en ces mots de sa situation : «Je vais me trouver de nouveau soumis au
caprice d’un conseil qui se déchoit lui-même et dont les progressistes ridicules n’ont encore pu aboutir qu’à
reculer Sarreguemines dans l’ornière où elle était et où elle pourra rester longtemps encore (10)». Renommé
maire le 4 avril 1868 et installé le 11 avril avec son nouvel adjoint, François Chabert, de Geiger adressa le 22
avril l’avertissement suivant au conseil : «Rien n’est plus facile que de promettre telle ou telle amélioration.
C’est le moyen fort commode de satisfaire tout le monde. Mais la situation change, il s’agit de trouver les
ressources nécessaires à l’exécution de ces promesses. Il faut donc agir avec la plus grande circonspection
et ne proposer aucune dépense sans les crédit y afférents» (11).
3. Le travail constructif de Geiger pour Sarreguemines
1. La défense de l’administration
Le baron de Geiger soutint toujours au mieux les fonctionnaires de la ville et de l’arrondissement. Quand
l’agent de police de la ville fut condamné par la Cour impériale pour avoir battu un déliquant, il protesta
le 15 décembre 1862 que cette condamnation était le triomphe pour les mauvaises gens, qui augmentaient
avec la construction du canal des Houillères et de la ligne de chemin de fer de Béning à Sarreguemines et
il ne le révoqua que le 13 mai 1863 avec regret et sous la menace de donner prétexte aux électeurs de voter
contre le maintien de cet employé (12). Certains Sarregueminois se plaignaient de Guillaume Schnaebelé,
commissaire de police en 1863-1864, originaire d’Eckbolsheim près de Schiltigheim, et qui fut d’abord
instituteur, puis inspecteur de police à Neuf-Brisach. Le 13 juillet 1863 des Sarregueminois lui reprochèrent
que ses agents ne circulaient pas assez dans les rues, qu’ils fréquentaient trop les cafés, qu’ils contractaient
des dettes et qu’ils se liaient de trop à certaines gens. Mais le 4 février 1864, le député maire se rendit
compte au ministère de l’Intérieur que le commissaire était bien noté. Schnaebelé exerça ensuite le métier
de commissaire spécial, chargé de rapporter des renseignements de l’étranger à Thionville, puis après 1870
à Pagny-sur-Moselle. Attiré à Ars-sur-Moselle par son collègue allemand, on l’arrêta le 20 avril 1887, ce
qui provoqua un incident diplomatique entre la France et l’Allemagne et incita l’empereur Guillaume Ier
de le relâcher le 29 avril (13). Le maire de Sarreguemines demanda le 30 mars 1864 au directeur général
des contributions directes à Paris la nomination d’un contrôleur hors classe des impôts de l’arrondissement,
car Sarreguemines avait 7 000 habitants et même 9 000 avec les faubourgs de Neunkirch et de Welferding,
ainsi que Forbach 5 000 et Sarralbe 3 000 (14).
2. La création de l’hôpital en 1857 et le soutien de la charité
La ville de Sarreguemines doit au baron de Geiger plusieurs innovations en matières de construction.
Après que le 3 mai 1856 une commission du conseil municipal, formée par de Geiger, le notaire Oster et
Théodore Fabry, eurent élaboré un règlement d’hôpital, le maire envoya un rapport de création au préfet.
Dès le 25 août un décret de l’Empereur autorisa la ville à fonder un hôpital- hospice, appelé «Maison de
charité Napoléon», à cause du legs de Napoléon Ier. A ce legs annuel de 600 F s’ajoutèrent une subvention
de la ville et les dons privés, recueillis depuis 1827, dont ceux de la famille Fabry, les plus importants.
Ainsi la ville put acheter deux maisons, rue de France n°57A pour les transformer en hôpital, inauguré le
15 août 1857, le jour anniversaire de la naissance de Napoléon Ier par le baron de Geiger, qui grâce à son
intervention auprès du gouvernement réalisa un projet qui datait de 1778 (15).
Le député-maire de Sarreguemines essaya aussi de son mieux d’intervenir en faveur des indigents de la
ville et de l’arrondissement. Lui-même et la faïencerie firent de nombreux dons en argent aux nécessiteux
par l’intermédiaire du bureau de bienfaisance et l’Association des Dames de la charité, fondée en 1748. Le
baron de Geiger présidait généralement le bal annuel dit «des pauvres», dont la recette devait être versée
au bureau de bienfaisance. Le 13 décembre 1857, il reprocha au colonel du 6° Lanciers, qui avait organisé
une fête en faveur des pauvres, d’avoir donné la somme de 100 F à la société de Saint-Vincent de Paul, crée
le 16 novembre 1851 à Sarreguemines et qui ne lui paraissait pas favorable à l’Empire, au lieu du bureau
de bienfaisance. Deux jours après le colonel lui répondit que cette société n’était pas une société politique,
que l’Empereur soutenait toutes les institutions charitables et que le but de la fête avait été de soulager les
infortunés, quelle que fût leur foi politique ou religieuse. En 1856 parmi les dames de charité, au nombre de
96 se trouvaient les femmes du sous-préfet Pihoret, de Charles Utzschneider, de Louis Thilloy, d’Alexandre
de Geiger, les demoiselles Marie Thomire, Pauline Thilloy, Berthe de Geiger, ainsi que le baron de Geiger
et l’ingénieur Jubécourt (16). Le 15 juin 1859 le député-maire lança un appel à ses concitoyens pour une
collecte de charpie pour les blessés de la Guerre d’Italie et le 6 juillet une souscription en argent fut ouverte
pour les familles des tués. Soixante-cinq colis de charpie furent déposés jusqu’au 21 juin à la mairie et
autant à l’hospice et au pensionnat (17). Le 24 février 1860 un Messin qui avait recueilli un enfant aveugle,
informa le sous-préfet que de Geiger n’avait rien fait pour obtenir une bourse du gouvernement pour son
protégé de 9 ans, «M. de Geiger, écrivit-il, dont le pouvoir s’étend très loin et à qui tout est facile, s’est borné
à me manifester ses regrets». Le sous-préfet s’empressa de transmettre cette lettre au député avec la prière
de reconsidérer la demande, s’il y avait lieu. Evidemment le baron de Geiger était sollicité de toutes parts et
ne pouvait pas toujours donner satisfaction (18).
3. Le télégraphe électrique en 1858
Comme le 10 juin 1856, le sous-préfet avait prévenu le maire que le ministre de l’Intérieur projetait de
construire une ligne télégraphique de Forbach à Sarreguemines à condition que la municipalité couvrît
le déficit éventuel de la ligne évalué à 4 000 F par an, le conseil municipal se déclara incapable de payer
cette somme, mais accepta de mettre un local dans le bâtiment de la sous-préfecture à la disposition de
ce service. Le 25 novembre 1857 le ministre offrit de construire la ligne contre le payement global de 13
000 F, ce que le conseil municipal trouva trop cher. Finalement le 23 juillet 1858 à la suite d’une nouvelle
intervention du député de Geiger, sans doute auprès de l’empereur, l’Etat prit à sa charge la construction de
la ligne, en imposant à la municipalité de fournir le local, qui fut loué en septembre 1858 place du marché,
n°14, en 1861, rue du Quartier, actuellement rue des Généraux Crémer n° 1, et en 1870, rue du Faubourg de
Neunkirch, au delà de la Sarre n°13. Le stationnaire Louis Roesch s’était plaint de ce que le local de la place
du marché était trop humide et que celui de la rue du Quartier lui avait donné des maux d’oreilles. En 1866
le télégraphe électrique fut prolongé à Sarralbe. Les cours de la Bourse de Paris étaient affichés au «Cercle
littéraire», rue Sainte-Croix (19).
4. Le gaz à Sarreguemines en 1862
De 1816 à 1862 une vingtaine de réverbères à quatre réflecteurs et brûlant de l’huile éclairaient les rues et
les places de la ville. En 1856-57 des firmes offrirent au maire d’installer l’éclairage au gaz hydraulique ou
celui de lampes électriques à l’huile de schiste. Le 5 novembre le maire fit étudier l’installation de l’éclairage
au gaz par un entrepreneur de travaux publics, de Kappelkinger. En 1862 il fit faire une enquête sur l’origine
et les conditions de l’installation de l’éclairage au gaz dans des villes de Lorraine, de la Sarre et d’Alsace
(Metz avec 306 lanternes et l’usine à gaz à Plantières en 1849, Nancy en 1853, Strasbourg, Bischviller,
Mulhouse et Sarrebruck en 1858, et Epinal en 1859).
En pourparlers d’abord avec des sociétés de Vichy et de Paris, le maire signa finalement un contrat
d’installation le 1er octobre 1862 en 60 articles avec la firme Roechling et Raupp, de Sarrebruck, parce
qu’elle avait déjà installé l’éclairage au gaz de houille dans leur ville. La firme avait le droit exclusif de
l’éclairage à gaz pendant cinquante ans. Elle avait le droit de poser les tuyaux nécessaires sous les rues,
places et terrains de la voie publique et de construire l’usine à gaz. Elle fournissait les candélabres, consoles
et lanternes nécessaires à l’éclairage. Les résidus provenant de la fabrication de gaz, devaient être enlevés,
de manière à ne laisser ni trace ni odeur. Le gaz serait extrait de la meilleure qualité de houille. Les
concessionnaires étaient tenus de fournir le gaz également aux habitants. Le prix maximum du gaz fut fixé
à raison de 25 centimes le mètre cube pour la ville et de 40 centimes pour les particuliers. La ville payait
par an 2 730 F. Un marchand de vin protesta contre cet éclairage à cause de son odeur infecte. Le gazomètre
fut construit près du deuxième cimetière, aujourd’hui place de la Grande Armée. L’éclairage au gaz fut
introduit dès le 1er octobre 1863 à la faïencerie, puis à partir de 1864 dans d’autres usines, sauf à l’usine de
velours de Huber, de Steinbach, qui ne put être rattachée au réseau de gaz qu’après 1871 (20).
5. Le nouvel abattoir en 1868
La ville de Sarreguemines avait construit un premier abattoir, dit «Tuerie» en 1816, rue du Moulin à côte
de la faïencerie. Avec le temps ce bâtiment devint trop petit, d’autant plus qu’il servait aussi de remise pour
le matériel des sapeurs-pompiers. Il était également délabré. Aussi le maire fit-il faire le plan d’un nouvel
abattoir entre le canal de fuite du moulin de la faïencerie et la halle au blé en 1863 par l’architecte Charles
Desgranges. Il ne fut terminé qu’en 1868 au prix de 40 000 F, obtenus par un emprunt remboursable en
15 ans, et ouvert le 1er juillet. Il comprenait quatre loges d’abattage, dont trois pour les bouchers et une à
l’usage communal, le personnel se composait d’un inspecteur et d’un agent de surveillance. L’abattage était
obligatoire pour la ville (21). On a attribué au baron de Geiger également la construction des conduites en
eaux potables de la Sarre, puis de la Blies à domicile (22). En réalité elle ne date que de 1885-1900. Jusque
là il fallait prendre l’eau à des fontaines (23).
6. La progression de la population et des maisons
La population de Sarreguemines avait augmenté de moitié en progressant de la manière suivante : en 1836,
4 189 habitants, en 1841, 4 865, dont 4 331 civils, en 1846, 5 383 (4 638), en 1851, 5 652 (5 026), en 1856,
5 481 (4 917), en 1861, 6 075 (5 449), en 1866, 6 802 (6 640) et en 1871, 6 546 (24). La ville s’étendait dans
toutes les directions. Il existait le faubourg de Welferding, le faubourg-haut (rue Nationale et rue de la
Montagne) et le faubourg-bas, qui s’étaient déjà formés au XVIII° siècle, le faubourg du quartier (autour de
la caserne Chamborant), le faubourg de Steinbach, le faubourg de Neunkirch (au delà de la Sarre), en 1862.
En 1821 la ville comptait 398 maisons, dont cinq sur la rive droite de la Sarre, en dehors de 6 à Steinbach et
une à la Lembach et en 1867, 524 maisons, 10 maisons éparses, 63 auberges, une halle couverte, un hôtel de
ville, quatre abreuvoirs, douze fontaines, un couvent de frères, un couvent de sœurs, un collège, trois églises
et une caserne. En 1866, on construisit cinq maisons, en 1867 huit, et en 1869 deux (25). En 1867, le député
de Geiger faisait partie du conseil de salubrité de l’arrondissement de Sarreguemines avec le principal
Nicolas Box, Maximilien Utzschneider, chimiste, Charles Utzschneider, propriétaire, quatre médecins, tous
de Sarreguemines, un pharmacien, un agent-voyer et un inspecteur des forêts (26).
NOTES
1 ) A.M. de Sarreguemines, 3° section, HXII - 17 et 18, Emile Letz, Das Feuerlöschwesen der Stadt Saargemünd, 1937, p. 41.
2 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, H VIII - 51 et XIII - 22 et D IV - 27 ; Heiser, dans Est-Courrier du 17 mai 1977, qui doute
de la nomination de Geiger.
3 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, K III - 26 et 32.
4 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, K III - 36.
5 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, D I - 7 et F II - 1 ; Heiser, dans : Est-Courrier du 24 mai 1982.
6 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, D I - 8.
7 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, K IV - 4 et D I - 8.
8 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, D IV - 31 et I - 8.
9 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, D I - 8.
10 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, K IV - 9.
11 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, K IV - 4 et D I -9.
12 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, D IV - 30.
13 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, J IV - 3/24 ; Guy Cabourdin, Schnaebelé et l‘Alsace - Lorraine (1871 - 1882), dans :
Annales de l‘Est, 1963, p. 189 - 220, qui écrit à tort que Schnaebelé ne vint à Sarreguemines qu‘après 1866.
14 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, G I - 15.
15 ) H. Nominé et E. Letz, Hôpital-clinique de Sarreguemines, 1934, p. 9-13. François Greff, Histoire de l‘hôpital de Sarreguemines,
1980, p. 40, 43-59.
16 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, H. V - 3, R III - 25, F III - 17 et D IV - 24 ; H. Hiegel, le catholisme social de 1852 à 1870,
dans : Les cahiers lorrains, 1955, p; 49.
17 ) Heiser, dans : Est-Courrier du 24 mai 1987 ; A. M. de Sarreguemines, 3° section, H. IX et Le Petit Glaneur de juin et juillet
1859.
18 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, R III - 15.
19 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, F V3 et D I - 8 ; Heiser, dans : Est-Courrier du 28 juillet, 9, 16 et 23 août, qui écrit à tort
que le faubourg de Neunkirch est la rue Pasteur, qui s‘appelle depuis 1832 rue du Pont-Neuf.
20 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, D I - 4 - 8, O III - 22 - 26 et F IV - 5/2 ; Heiser, dans : Est-Courrier 6-20 septembre 1987
; Ducros, p. 35.
21 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, Q II - 4 et M VII - 1 ; Heiser, dans : Est-Courrier du 27 septembre 1987
22 ) Le Lorrain du 18 février 1947.
23 ) Das Reichsland Elsass - Lothringen, 1901 - 1903, t. III, p. 945 ; Jean Heitz. L‘alimentation en eau potable des communes du
département de la Moselle, dans : Région de l‘Est. Aménagement et utilisation des eaux. Congrès de Metz, Paris, 1928, p. 253. N.
Nicklaus, Ville de Sarreguemines, services des eaux, réorganisation de l‘alimentation en eau potable, 1939, p. 3.
24) Ewald Crusins, Die Veränderungen der Volksdichte in den lothringischen Kreisen Forbach und Saargemünd 1801 bis 1810,
dans : J. G. L. G. A, 1914, table IV.
25 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, M. VIII - 15, F I - 7/7 et O I et O II - 6.
26 ) Edouard Sauer, la Moselle administrative, 1867, p. 367.
CHAPITRE IV L’oeuvre économique d’Alexandre de Geiger
1. La présentation des produits de l’arrondissement à Forbach en 1857 à l’Empereur
Comme député-maire et conseiller général, il s’est efforcé à faire connaître et développer l’économie de
l’arrondissement de Sarreguemines par le désenclavement de la région. Au début de septembre 1857 le
préfet Mahler l’informa, ainsi que le sous-préfet et les ingénieurs des Houillères et des industriels, que
l’empereur des Français passerait en chemin de fer par Forbach entre le 22 et le 26 septembre en revenant
de son entrevue avec le tsar Alexandre II à Stuttgart. «Pour la première fois, ajouta le préfet, nos braves
Allemands de l’arrondissement de Sarreguemines auront la bonne fortune de fêter un «Napoléon» (1).
Aussi le 15 septembre de Geiger demanda-t-il aux industriels de Sarreguemines et de Rémelfing, au nombre
de neuf, de se rendre en députation industrielle, précédée d’une bannière de ces localités, à Forbach pour
le 28 septembre à 2 heures de l’après-midi. Leurs produits devaient être exposés sur les chars (2). Le
19, il annonça au conseil municipal le passage de l’Empereur à Forbach entre le 25 et le 30 septembre à
l’occasion de son voyage en Allemagne. «A cette occasion, dit-il, le pays aura un beau jour de fête et que
pour se conformer au désir de M. le préfet, désir qui ne peut manquer d’être accueilli favorablement par la
population si patriotique de la Lorraine allemande, une députation municipale doit se rendre sur le passage
de Sa Majesté à Forbach où se réuniront également les députations industrielles et les habitants qui d’après
l’avis officiel, qui sera publié en temps opportun, voudront assister à la brillante fête qui se prépare, et saluer
l’homme sur lequel sont fixés les regards de l’Europe et qui a tant fait déjà pour la France». Les conseillers
décidèrent de se rendre en corps à Forbach, précédés d’une bannière en soie tricolore avec l’inscription :
«Ville de Sarreguemines» et qui sera achetée à Paris pour 300 F (3).
Le 29 septembre, l’Empereur, en compagnie des représentants des rois de Prusse et de Bavière, du prince
Joachim Murat, des généraux Failly et Fleury, et sans doute du comte Alexandre de Walewski, ministre des
affaires étrangères, de retour d’Allemagne, se présenta à la Brème d’or. Il se rendit d’abord à Stiring-Wendel
pour être reçu par Charles de Wendel, propriétaire des forges et député au Corps législatif. Il remit la Légion
d’honneur à l’ingénieur-directeur des forges et des dons pour les ouvriers, mais que la firme de Wendel
employa pour acheter des cloches. A 15 heures moins quart le train impérial arriva en gare de Forbach. En
face de celle-ci se dressait un arc de triomphe, de 15 m de hauteur, couronné de l’aigle impérial et garni de
l’inscription «arrondissement de Forbach (sie), Moselle» et «Forbach à l’Empereur», tandis que des pilastres
énuméraient les bienfaits de l’Empire depuis 1852. De chaque côté de l’arc de triomphe avaient été dressées
deux colonnes en verres, faites par la verrerie Valette de Forbach, et deux pyramides, construites l’une avec
du charbon de Petite-Rosselle et l’autre avec du coke, fabriqué à Forbach même. De plus pour le préfet de la
Moselle, le sous-préfet, les conseillers généraux et d’arrondissement, les députés et sénateurs, les magistrats
de Sarreguemines, les maires et le clergé de l’arrondissement avaient été aménagées deux tribunes, ainsi
qu’une estrade pour les orateurs et l’empereur. Devant ces édifices d’une longueur de cent mètres devaient
défiler les chars et voitures, chargés de produits industriels et agricoles de l’arrondissement.
Quand l’Empereur apparut à la sortie de la gare, le député de Geiger se présenta à lui pour lui demander
d’assister au défilé des chars, voitures et délégations industrielles, agricoles et municipales et le prier de
gagner l’estrade. Au moment où il apparut à l’estrade, la foule l’acclama avec enthousiasme. Du haut du
Schlossberg, d’après un compte rendu de journal, des petits mortiers ou boîtes auraient tirés, en réalité
comme le maire de Forbach relata à celui de Sarreguemines le 5 octobre pour le remercier de lui avoir prêté
six boîtes, « une imprudence avait été cause qu’elles ne tirassent par les coups de bienvenue». Après que le
maire de Forbach, Audibert, eut souhaité à l’empereur la bienvenue, le défilé commença par les conseillers
municipaux de Forbach et de Sarreguemines avec leurs bannières locales et les délégations des autres
communes de l’arrondissement. Puis vint la musique militaire, venue de Deux-Ponts, et le cortège industriel
et agricole.
Entre autres, des chars portaient les produits de 13 manufactures des régions de Sarreguemines et de
Bitche dans l’ordre suivant : faïencerie de Sarreguemines, les peluches Lacour et Walter, la cristallerie de
Saint-Louis, les forges de Mouterhouse (de la maison de Dietrich), la fabrique des allumettes des frères
Ziegler et Cie, de Rémelfing, qui avaient introduit cette industrie dans le pays, les coffres-forts Jean-Pierre
Haffner et Cie, l’amidonnerie Fritz, la fabrique de peluches de François-Martin Barth et Nicolas-Pierre
Massing, les verreries de Gœtzenbruck, qui avait fabriqué 40 000 000 de verres de montre, la fabrique
de chicorée Jean-Daniel Lauth et Chrétien Boecking, l’usine de Georges Hamm, fondeur de cloches, la
verrerie de Meisenthal et l’usine d’allumettes chimiques de François Couturier et Jean-Daniel Lauth. Six
mille ouvriers entouraient ces chars. Certains d’entre eux portaient encore les uniformes de régiment ou
étaient des invalides de guerre. Derrières ces chars venaient les pompiers, les douaniers et forestiers et le 6°
régiment de lanciers, en garnison à Sarreguemines.
Au départ, l’Empereur félicita le baron de Geiger d’avoir dans son arrondissement tant de manufactures
variées et presque inconnues à l’intérieur du pays. L’Empereur prit congé des représentants étrangers et
invita les députés de Geiger et de Wendel à l’accompagner à Metz. Les ouvriers des forges de Mouterhouse
portaient une plaque de fonte, exprimant, comme le souhaitait de Geiger, l’inscription : «trois mille ouvriers
demandent la construction de la ligne de chemin de fer de Cocheren à Sarreguemines, Niederbronn et
Haguenau.
Le 1er octobre le député fit connaître les remerciements au conseil municipal et à son de caisse à la
population : «Sa Majesté l’empereur, en quittant Metz, m’a renouvelé l’ordre de remercier les populations
de l’arrondissement et notamment les industriels de l’accueil enthousiasmé qu’elle a reçu à Forbach. Sa
Majesté se rappellera cette belle journée et n’oubliera pas ces gens, si dévoués». A son tour «le Moniteur de
la Moselle», rappela le 23 novembre que c’était d’abord «une manifestation politique, pleine d’enthousiasme
et où le soleil, cet invité de toutes les fêtes de l’empereur, ne fit cette fois défaut», mais que c’était aussi
une exposition des produits variés de l’arrondissement, car «à l’abri de nos institutions toutes les industries
prospèrent. Les familles, qu’elles font vivre, ont voué à l’Empereur une gratitude sans réserve, en exposant
les sentiments qui les animent. Elles avaient en même temps l’espoir d’appeler sur leurs travaux l’attention
de Sa Majesté et d’obtenir de sa volonté toute puissante des innovations dans plusieurs questions vitales».
Ainsi le préfet de la Moselle et surtout le député maire de Sarreguemines pouvaient être contents d’avoir fait
avancer les projets de désenclavement des régions de Sarreguemines et de Bitche (4).
2. Les relations privilégiées d’Alexandre de Geiger avec les employés du service des Ponts et Chaussées
de la Moselle à partir de 1852
Il eut des relations très étroites avec deux haut -fonctionnaires : Jean-Baptiste François Charles Lejoindre
et Edouard-Achille Petsche. Né à Haguenau le 9 janvier 1805, Charles Lejoindre fit ses études à l’école
primaire et au collège de sa ville natale, au collège royale de Bourbon et à celui de Henri IV, puis en 1822
à l’école militaire de Saint-Cyr et en 1824 à l’école polytechnique et entra en 1826 au corps des Ponts et
Chaussées comme ingénieur. Protégé par l’ingénieur en chef de la Moselle Le Masson, il fut appelé en 1829
dans ce département et succéda en 1842 à son protecteur comme ingénieur en chef et fit partie par la suite
du conseil supérieur des Ponts et Chaussées. C’est à ce titre qu’il dressa, entre autres, le tracé du chemin
de fer de Thionville à Niederbronn par Bouzonville - Béning et Bitche et présida à la construction du canal
des Houillères. De 1866 à 1868 il devint inspecteur général des Ponts-et-Chaussées et succéda en 1868 à
de Geiger au Corps législatif pour l’arrondissement de Sarreguemines, en même temps qu’il fut conseiller
général du canton de Forbach. Il décéda à Paris le 6 janvier 1877 (5).
Né à Bitche le 8 février 1831, le protestant Edouard-Achille Petsche fit ses études au collège épiscopal
de sa ville natale, aux lycées de Strasbourg et de Metz, à l’Ecole polytechnique et à l’Ecole des Ponts et
Chaussées. De 1856 à 1863 il fut attaché au service ordinaire et hydraulique du département de la Moselle et
exécuta l’avant-projet du canal des Houillères et fit les études et travaux relatifs à la construction du chemin
de fer de Carling à Sarreguemines. De 1863 à 1870 comme ingénieur de la construction à la Compagnie des
chemins de fer l’Est, il acheva la ligne de chemin de fer de Sarreguemines à Bitche. En 1876 il fut nommé
ingénieur en chef de la voie de la Compagnie des chemins de fer de l’Est et en 1880 ingénieur en chef des
Ponts-et-Chaussées (6).
D’autres employés des Ponts-et-Chaussées furent chargés de préparer les voies de communication, comme
l’ingénieur Henri-Félix Frécot (1815 - 1884), originaire de Geislautern et qui fit des études sur les lignes de
chemin de fer de Metz à Sarrebruck et de Thionville à Niederbronn (7).
3. La contribution de Geiger à la construction de la ligne de chemin de fer de Thionville à Niederbronn
par Béning- Sarreguemines en 1865
Il est fort douteux que de Geiger ait contribué au projet de la ligne de chemin de fer de Metz à Forbach,
inauguré en 1851, puisqu’il ne devint député qu’en 1852 (8), comme on l’écrit sans preuves (9). Par contre
depuis 1852 de Geiger participa activement aux projets de l’infra-structure des voies ferrées. A la suite
d’un rapport défavorable de Geiger, le conseil municipal de Sarreguemines rejeta le 9 avril 1853 les projets
de la construction des lignes de chemin de fer de Dieuze à Champigneulles, de Dieuze à Réchicourt-leChâteau et de Dieuze à Faulquemont, car ces lignes ne desserviraient que les salines de la Meurthe et non
pas les salines de Sarralbe, où travaillaient beaucoup d’habitants des régions de Sarralbe et de Sarre-Union,
et les cantons de Faulquemont et de Grostenquin n’avaient aucune industrie (10). En septembre 1854 et
février 1855 le baron de Geiger adressa au général Marquis de Ricard, aide de camps du Prince Jérôme,
président de la société des études de chemin de fer de Lille au Rhin à Paris un rapport sur les industries
de Sarreguemines vers Strasbourg, Sarralbe et Sarre-Union et la nécessité de faire passer le chemin de fer
par Sarralbe et non pas par la vallée de l’Eichel, pays pauvre et peu peuplé (11). Le 22 août 1855 le conseil
municipal approuva la proposition de Geiger de faire passer la ligne par Sarreguemines. En avril 1856 l’on
proposa au député de relier directement la ville de Forbach à Sarreguemines.
Le 22 mai 1857 le conseil municipal protesta à nouveau contre l’avant-projet de la ligne de chemin de fer de
Téting à Dieuze par Grostenquin auprès de l’Empereur, qui avait décidé de relier Lille à Strasbourg par le
chemin de fer. Si l’on construisait cette ligne, on léserait les régions de Sarreguemines, Sarralbe et de Bitche,
qui comptaient près de cent manufactures avec 16 000 ouvriers. Elle était trop éloignée de Sarreguemines,
centre industriel dont l’importance allait chaque jour croissante, des salines de Sarralbe, des verreries de
Saint-Louis, Goetzenbruck et Meisenthal et des forges de Mouterhouse et priverait l’Etat, propriétaire de 100
000 ha de bois dans les inspections de Sarreguemines, Bitche, Wissembourg et Haguenau, des débouchés,
désormais indispensables. Elle ne permettait pas d’importer dans ces régions la houille de la Moselle au
bénéfice de la houille de Prusse. En outre la ligne de Thionville à Strasbourg par Sarreguemines et Haguenau
était une ligne stratégique pour le ravitaillement des garnisons et le déplacement des troupes en cas de
guerre. Enfin elle permettait aux salines de Sarralbe de rivaliser avec la compagnie des anciennes salines
de l’Est. La ligne de Thionville à Haguenau devrait passer par Boulay, le bassin houiller de Creutzwald,
Saint-Avold, Carling, Sarreguemines et Bitche et être exécutée par la Compagnie des chemins de fer des
Ardennes et non pas par celle des chemins de fer de l’Est, qui préférait la ligne de Téting à Dieuze. Le
conseil municipal se prononça aussi contre le projet de la nouvelle ligne de Cocheren à Sarrebourg par
Puttelange (12).
Le 25 juin 1857 sur la demande de Geiger, le conseil municipal de Metz se prononça pour la ligne de
Thionville à Niederbronn par les houillères de la Moselle, Sarreguemines et le pays de Bitche. En juillet
1857 le maire de Sarreguemines fit rédiger par les membres du Corps législatif, les membres des conseils
généraux et les principaux industriels de l’arrondissement de Sarreguemines et du département du BasRhin une pétition à remettre à l’Empereur à Plombières le 21 juillet. Il fallait rejeter le projet des lignes de
Thionville - Téting - Dieuze - Avricourt et celui de Thionville - Cocheren - Sarrebourg, mais adopter le
projet de la ligne de Thionville à Niederbronn pour différentes raisons : maintenir la prospérité des régions
des Houillères, de Sarreguemines et de Bitche, favoriser la vente du bois, relier Londres à Constantinople,
arrêter l’émigration des cantons pauvres de la région de Bitche, faire sortir ces cantons de l’état sauvage,
récompenser l’arrondissement de Sarreguemines qui fourni le plus de soldats à l’Empire, qui en face de la
Prusse et de la Bavière conservait le patriotisme en éveil et qui avait témoigné un enthousiasme constant
pour l’Empire et la dynastie . Le 18 juillet de Geiger joignait une lettre personnelle adressée à l’Empereur
pour le renseigner sur les distances des lignes projetées (Cocheren - Lauterbourg - Karlsruhe 137 km,
Cocheren - Haguenau - Strasbourg, 125 km) et l’assurer de sa fidélité «je resterai tant que je vivrai, sire, de
Votre Majesté le plus humble et le plus obéissant sujet».
Le 31 août 1857 le conseil général de la Moselle se prononça pour le projet de la ligne Cocheren à Bitche
(20 km jusqu’à Sarreguemines et 31 km de Sarreguemines à Bitche) après avoir consulté les études de
l’ingénieur Frécot et pris connaissance des manufactures du canton de Sarralbe (à Puttelange deux fabriques
de peluche et de colle-forte, à Sarralbe trois salines et un marteau qui dépendait de la fabrique d’acier de
Hombourg-Haut), du canton de Sarreguemines, chef lieu de l’arrondissement (une faïencerie,trois fabriques
de peluche, deux fabriques d’allumettes, une fabrique de coffre-fort, une quincaillerie, trois fabriques de
savon, de chicorée et d’amidon) et du canton de Bitche (cristallerie de Saint-Louis, verreries de Gœtzenbruck
et de Meisenthal, les forges de Mouterhouse (de Dietrich) et de Baerenthal, des scieries). Si l’on choisissait
la ligne de Cocheren à Sarrebourg, de 59 km, il fallait construire un embranchement vers Sarreguemines et
Bitche. Par la première ligne l’on pouvait ravitailler les forteresses de Bitche et de Lichtenberg.
Lors du passage de l’Empereur à Metz le 29 septembre, le conseil général de la Moselle et les conseils
d’arrondissement lui demandèrent de prolonger la ligne de chemin de fer de Sedan à Thionville, concédée
par décret du 10 juin 1857, vers le Rhin en traversant les nouvelles houillères de l’arrondissement de
Sarreguemines, desservant les nombreuses manufactures de cette ville et les régions de Bitche et de
Niderbronn, contrées jusqu’à présent déshéritées de voies de communication. Elle compléterait la grande
ligne internationale de Dunkerque à Karlsruhe, de Londres au Danube, à Vienne et à Constantinople et
éviterait la dépopulation de l’est de l’arrondissement, qui avait perdu 5000 habitants depuis cinq ans. Les
conseillers annonçaient qu’ils allaient prendre l’avis de l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées et celui de
leur commission des travaux publiques, guidée par de Geiger. Sur la demande du dernier, A. de Schwartz,
inspecteur des Forêts à Sarreguemines, rédigea un rapport très détaillé sur les forêts de l’Est Mosellan. Si
autrefois le bois était flotté par la Sarre, la Moselle et le Rhin en Hollande pour la construction de navires,
ce commerce avait presque cessé. Aujourd’hui on le vendait aux menuiseries de Metz et de Strasbourg,
en Allemagne et particulièrement à la Prusse, aux manufacturiers et aux consommateurs du pays, mais
la construction d’une ligne de chemin de fer ouvrirait d’autres débouchés, notamment vers Metz et Paris,
d’autant plus nécessaires que les manufacturiers commençaient à employer la houille. La ligne de Cocheren
à Sarrebourg était inutile, car la région de Sarrebourg était desservie par la ligne de chemin de fer de ParisStrasbourg depuis 1851-1852 et par le canal de la Marne au Rhin depuis 1853 et pratiquait encore le flottage,
cent trente sept stères de bois étant passés en 1857 à Sarreguemines.
A son tour le 18 janvier 1858 la Chambre de commerce de Metz déposa une notion en faveur de la construction
de la ligne Thionville-Niederbronn en soulignant que les régions de Sarreguemines - Sarralbe - Puttelange
comptaient 6 000 ouvriers et avec les usines de Gœtzenbruck, Meisenthal, Saint-Louis, Mouterhouse,
Baerenthal, Zinsviller et Niederbronn, 7 000 et que depuis cinq ans 8 081 habitants avaient émigré, car si
les cantons de Sarreguemines et Rohrbach étaient assez riches au point de vue agricole, ceux du côté de
Bitche étaient pauvres, exception faite des manufactures : Le 27 février l’ingénieur en chef Lejoindre se
prononça également contre les deux projets de lignes des salines de Dieuze (Faulquemont à Dieuze de 1857,
Téting à Dieuze, de 1853) et présenta deux autres projets : ligne de Cocheren à Sarrebourg par Puttelange Mittersheim avec un embranchement vers Haguenau, longue de 79 km et coûtant 14 millions de francs, et
la ligne de Cocheren et Haguenau, longue de 92 km et coûtant 21 millions. Dans le premier cas le canal des
Houillères était inutile et les régions de Sarreguemines et de Bitche, délaissées. On voit bien que Lejoindre
se prononçait plutôt pour la deuxième ligne avec les officiers du génie, il refusa aussi la ligne directe
de Sarreguemines à Strasbourg par Ingviller. De plus de Geiger obtint en 1857-1858 l’appui d’industriels
alsaciens tels que John Rochat et Jean Dollfuss, de Mulhouse, qui avaient besoin de la houille de la Moselle,
et de la maison de Dietrich, installée à Mouterhouse (13).
Le 29 avril 1860 une délégation, composée des députés Hennoque, de Wendel, de Geiger, du maire de
Metz, du président de la Chambre de commerce de la Moselle et d’un membre du conseil général, se
présenta à l’Empereur pour demander la construction de la ligne de chemin de fer de Paris à Metz par
Verdun, le prolongement du chemin de fer des Ardennes à Niederbronn et la canalisation de la Moselle.
Elle décida d’ouvrir une souscription pour 1 173 000 F (soit une action de 500 F pour 2 346 actionnaires)
pour la première ligne. A son tour Geiger constitua un comité chargé de lancer une souscription à 478
actions, chacune de 500 F, et donnant 239 000 F en vue de la construction de la ligne de Thionville
à Niederbronn. A Sarreguemines-même sur 54 souscripteurs sollicités, treize dont le manufacturier de
peluche Emile Huber, le fondeur de cloches Georges Hamm, le fabricant de peluche Jean-Etienne Watrin
refusèrent la souscription. Par contre la faïencerie prit 200 actions, Maximilien Utzschneider 20, le
banquier Grumbach 20, J-P. Haffner, directeur de l’usine de coffre-fort 10, Charles Utzschneider 20. Le
conseil municipal avait offert une subvention de 15 000 F jusqu’au 7 juillet, à laquelle vint s’ajouter celle de
Sarreinsming, Welferding, Neunkirch, Bliesébersing, Bliesbruck, Rohrbach, Eguelshardt (14). Le 4 août le
conseil municipal de Sarreguemines décida d’abandonner les terrains communaux et de faire lever pendant
dix ans la somme de 100 000 F comme centimes additionnels au principal des quatre contributions pour
subventionner la construction du chemin de fer (15). Encore le 30 juin le maire de Saint-Avold se prononça
contre la ligne de Cocheren-Sarreguemines et pour celle de Puttelange à Sarrebourg.
«A la nouvelle du vote, écrit Le Petit Glaneur du 3 juillet 1861, par le Corps législatif de la loi relative à
l’exécution du chemin de fer de Thionville à Haguenau, passant par Sarreguemines, l’allégresse a régné
dans notre ville et l’on peut dire qu’elle était partagée par toutes les classes de la population. Nul n’ignorait
non plus combien M. le baron de Geiger, maire et député, avait par ses efforts persévérants contribué à doter
notre contrée d’aussi utile amélioration». Au retour de Geiger de Paris, la société philharmonique lui offrit
une sérénade, dont chaque intervalle était marqué par des cris nombreux et prolongés de «Vive l’Empereur,
vive le député». Le lendemain eut lieu une promenade aux flambeaux et une adresse de remerciement
fut envoyée au Corps législatif (16). Le 23 décembre 1861, Louis Thilloy, procureur impérial, conseiller
municipal et président du conseil d’arrondissement, remercia de Geiger d’avoir demandé la création du
chemin de fer et du canal des Houillères (17). Le 31 juillet le conseil municipal proposa comme emplacement
de la gare le canton du Blauberg ou celui de la Kerb (18). Le principal Nicolas Box, qui avait installé une
tuilerie au canton de la Kerb en 1863 et acheté des terres voisines, (19) espérait les vendre à un fort prix,
mais sera déçu, la ligne du chemin de fer passant en bas de la rue de la Montagne.
Le 1er mai 1863, la Compagnie des chemins de l’Est fut chargée de la construction de la ligne Thionville Niederbronn (20). A partir de septembre 1864 une commission d’enquête, composée de deux membres du
Conseil général des cantons de Sarreguemines, fut constituée pour examiner le plan du chemin de fer et les
expropriations nécessaires de Carling à Sarreguemines. Le même mois une Sarregueminoise, habitant une maison
située rue de la Montagne et rue des Chèvres, se plaignait de ce qu’elle ne pouvait plus rentrer commodément ses
voitures et que la vapeur des locomotives et le bruit des trains allaient effrayer son bétail (21).
L’inauguration de cette ligne eut lieu à Sarreguemines le 2 décembre 1865. Une foule immense couvrait les
terrains, avoisinant la gare, alors encore une baraque en bois. A 11 h 1/2 arriva au son de cloche et au milieu
de salves d’artillerie le train d’inauguration, parti de Metz à 8h 1/2, richement décoré et portant le préfet de
la Moselle, les membres de la commission de réception, dont Lejoindre et Petsche, l’administrateur de la
compagnie des chemins de fer de l’Est. La bénédiction fut donnée par le chanoine Beauvallet vicaire général
et archidiacre de l’arrondissement de Sarreguemines, délégué par l’évêque de Metz. Ensuite un banquet fut
servi à 130 invités dans la grande salle de l’Hôtel de Ville, décorée par Charles Martin, professeur de dessin
au collège de la ville, habile en dessin et peinture et graveur de la faïencerie. Parmi les invités, il y avait
lieu de citer : le préfet, les sous-préfets de Sarreguemines et de Briey, l’administrateur de la compagnie de
chemin de fer, des chef de service des chemins de fer à Metz, dont l’ingénieur Deletang, qui surveillait la
ligne, Lejoindre et Petsche, le député Geiger, qui n’était plus maire, le maire Pigeard, le président du tribunal,
des conseillers généraux, le conseiller d’arrondissement Maximilien Utzschneider, le principal Box, qui
déclara qu’il ne détestait ni le chemin de fer ni les dîners, le notaire Sadler, de Forbach, qui demanda à
être mis à côté d’un bon vivant, le directeur des travaux Ledru, les entrepreneurs Blondeau et Relin, de
Welferding, l’inspecteur primaire Welter, trois professeurs du collège, dont Martin, le directeur de la poste
Armand, le directeur de la station télégraphique Prudhon, le maire de Bitche Lautenschlager, le Landrat de
Sarrebruck, le maire de Saint Jean-Sarrebruck, le colonel du 7° régiment de dragons, l’inspecteur des forêt
de Schwartz, le rabbin, le pasteur protestant, des industriels, quatre journalistes de «l’Indépendant de la
Moselle» et du «Moniteur de la Moselle». Le fermier du Kremerich près de Wittring, Eusèbe Houriez, avait
refusé l’invitation sous prétexte que «la ville de Sarreguemines était assez riche pour payer la gloire sans
avoir besoin de fouiller dans la poche des cultivateurs». La fête fut close par un bal joyeux, qui se prolongea
jusqu’à 4 heures du matin. Elle coûta à la ville 4 060 F (22).
La ligne du chemin de fer de Béning à Sarreguemines fut ouverte le 16 décembre. Deux commissionnaires
se tenaient à l’entrée de la gare pour recevoir les voyageurs, munis de bagages. Dès le début des habitants
se plaignirent de l’ébranlement de leurs maisons et de l’infiltration d’eau au passage du train (23). De 1866
à 1870, en dehors du chef de gare, Jean Schott dont la femme assurait la couture à l’école protestante mixte,
le personnel de la gare comprenait 17 employés et ouvriers. Un buffet fut ouvert en 1870. Par la guerre de
1870 le constructeur de la gare subit une perte de 3 559 F (24).
4. La contribution de Geiger à la construction de la ligne de chemin de fer de Sarreguemines
à Niederbronn en 1869
Le baron de Geiger soutint aussi la construction d’autres lignes de chemin de fer dans l’Est Mosellan.
Après 1865 il convenait de prolonger la ligne de Béning à Sarreguemines vers Niederbronn. Précédemment
des ingénieurs avaient pensé à une voie directe de Rohrbach à Bitche. Avec l’appui du conseil général, les
verreries, qui auraient été lesées, obtinrent un crochet vers Enchenberg et Lemberg au plus près des vallées
écartées où se trouvaient leurs installations. La question de l’emplacement de la station de Bitche, où le
génie militaire avait son mot à dire, retarda quelque peu les travaux, mais en 1866 les ingénieurs purent fixer
le tracé définitif. Au mois de juillet 1869 le juge de paix de Bitche arrêta deux terrassiers, occupés dans la
tranche du Heckenthal, pour avoir incité leurs compagnons à faire grève pendant deux jours. Le maire de
Sarreguemines, de concert avec celui de Metz demanda en novembre 1869 au directeur de la Compagnie
des chemins de fer de l’Est à Nancy et au directeur de l’exploitation des chemins de fer de l’Est à Paris la
circulation de quatre trains de voyageurs entre Metz et Strasbourg avec correspondance pour Paris selon les
horaires suivants : Metz - Strasbourg 4h43 à 10h30, 16h53 à 23h, Strasbourg - Metz, 6h30 du matin à 1h,
12h08 à 18h50. L’inauguration de la ligne de Sarreguemines à Niederbronn eut lieu le 8 décembre 1869. La
section de Sarreguemines à Bitche avait été construite par les entrepreneurs de chemins de fer de Puymori
et Masson (25).
En avril 1865 le conseil général demanda à Lejoindre de préparer des plans pour relier la ligne de
Sarreguemines à Bitche au Palatinat, il les dressa en février 1866. Une ligne pouvait passer par Folpersviller
et Bliesbruck sur 5 km pour rejoindre la ligne bavaroise projetée. Elle sera exécutée en 1879 (26). Pour
les régions de Bitche l’ingénieur en chef présenta au choix deux lignes : la première par Rohrbach, PetitRéderching, Hoelling, le faîte séparatif du bassin de la Schwolb et de la Bickenalb, vallée d’Urbach, vallée
de la Schwolb, Weiskirch, Volmunster, moulin de Loutzviller, Neuhornbach et Deux-Ponts, et la deuxième
par la Bieckenalb, le moulin de Rimling, Guiderkirch, Ixheim, Deux-Ponts. Aucune de ces lignes ne fut
construite (27).
5. La contribution de Geiger à la construction des lignes de Sarreguemines à Sarrebruck
et de Sarreguemines à Sarralbe
La Prusse avait l’intention de détourner le trafic du Nord de la France et de la Belgique vers Sarrebruck,
Sarreguemines et Haguenau, l’Alsace et la Suisse. La Chambre de commerce de Sarrebruck demanda
en 1865 la construction de la ligne de Sarrebruck à Sarreguemines. Un contrat de construction fut établi
entre le ministre du commerce de Prusse et la Compagnie des chemins de fer de l’Est le 14 juin 1865, puis
d’octobre à décembre 1866 une enquête sur l’utilité de cette ligne fut ouverte et des études faites sur le pont
à construire sur la Sarre par des ingénieurs français et prussiens. Aussi une convention entre la France et la
Prusse fut-elle conclue le 18 juillet 1867, avec approbation de l’empereur du 25 septembre 1867. Les deux
gouvernements se réservaient d’examiner s’il était possible d’assurer sur le pont de la Sarre la circulation
des piétons d’une rive à l’autre de la Sarre en remplacement de la nacelle à péage.
Le 28 mars 1868 le conseil municipal, en absence de Geiger, reconnut l’utilité de ce pont pour la ville
et Hanviller, demanda pour ce passage une largeur qui permettait la libre circulation des piétons et les
transports de fruits et légumes à l’aide de voitures à bras et se déclara prêt à payer une contribution, mais le
13 avril le baron de Geiger, revenu de Paris où il s’était entretenu à ce sujet avec l’ambassadeur prussien à
Paris, fut d’avis que ce pont devait être construit aux frais de la Compagnie des chemins de fer de l’Est et la
Prusse et le 22 suivant il fit savoir aux conseillers que le conseil général était du même avis et qu’il en avait
informé l’administration des chemins de fer à Sarrebruck.
A la suite de quoi le 1er juillet 1869, il fut décidé que la passerelle aurait 2 m de largeur, que la circulation
serait gratuite et que le gouvernement prussien payeraient 13 295 F pour cet ouvrage et le gouvernement
français 9 205 F. Le 14 mars le maire relata les inconvénients de la passerelle. L’escalier était trop raide en
présentant des dangers pour les personnes qui portaient des fardeaux sur la tête et pour les femmes dont
«d’en bas on verra tout leur corps, l’usage des caleçons n’ayant malheureusement pas encore pris de racine
dans nos campagnes». Le 24 mai 1870 la première locomotive passa par le pont et la ligne fut inaugurée le
27 par une grande fête. Le trafic débuta le 1er juin, mais le pont fut coupé au début d’août lors de la guerre
de 1870 (28).
En 1854-55 il était question, une fois la ligne de Carling à Sarreguemines construite, de construire une ligne
de Sarreguemines à Strasbourg par Sarralbe, Sarre-Union et Ingviller. De 1864 à 1866 deux autres projets
de construction furent soumis au conseil général : la ligne de Sarreguemines à Sarralbe par Hambach, de
15 km de long, pour 19 946 habitants et avec la possibilité de la prolonger sur Fénétrange - Sarrebourg ou
Strasbourg par Keskastel, Drulingen, et la ligne Farschviller - Sarralbe, par Ellvilller, Puttelange, Rémering
et Ballering, Saltzbronn, de 16 km et pour 15 819 habitants (Puttelange 2 376 habitants, Holving 1 031,
Sarralbe 3 119). Sur la demande de Geiger, l’ingénieur en chef Lejoindre donna la préférence à la ligne de
Sarreguemines à Sarrebourg. De 1865 à 1868 le conseil municipal de Sarreguemines offrit le terrain de la
ligne à travers la forêt et finalement une subvention. Par décret impérial du 30 janvier 1869 la construction
fut décidée et en avril 1870, le président du tribunal de première instance prononça les expropriations
à Sarreguemines, Rémelfing, Neufgrange, Hambach et Willerwald. De suite les entrepreneurs Relin et
Godard commencèrent les travaux. Ils perdirent du 8 au 16 août par la guerre du matériel d’une valeur de 13
000 F, mais les travaux furent repris deux mois après, de façon que la ligne de Sarreguemines à Sarrebourg
fut ouverte le 1er novembre 1872 (29).
6. La contribution de Geiger à la construction du canal des Houillères de 1860 à 1866
Par décret impérial du 15 avril 1806 la Sarre devait être canalisée entre Sarrebruck et Sarralbe, d’où un
canal partirait vers les Salines de Dieuze. Faute de main-d’œuvre, dont des prisonniers espagnols, seulement
quelques écluses furent construites entre Sarrebruck et Sarreguemines jusqu’en 1814 (30). Entre 1841 et
1845 plusieurs tentatives furent faites pour construire un canal de la Marne au Rhin, commencé en 1838
et terminé en 1853, pour le transport de la houille sarroise (31). Dès que de Geiger devint en février
1852 député, il reprit le projet du Canal des Houillères. Le 18 juin, le ministre de l’agriculture en parla au
président de la République sur sa demande (32).
A la suite d’une information du sous-préfet que le vœu avait été présenté au Conseil supérieur des Pontset-Chaussées, le conseil municipal envoya le 6 novembre 1852 une adresse de Geiger à l’Empereur en
indiquant que huit départements de l’Est, soit ceux de la Moselle, de la Meurthe, de la Marne, de la HauteMarne des Vosges, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, demandaient la construction de ce canal qui pouvait leur
fournir le combustible sarrois à 20% meilleur marché que le roulage et les chemins de fer. Cette adresse
terminait par un appel de la mémoire de Napoléon Ier «Daignez, Monseigneur, jeter un regard sur une œuvre,
commencée par votre glorieux oncle, votre grand empereur, et les populations de notre Province, qui ont
conservé du nom de Napoléon un si religieux souvenir, qui vous ont donné des preuves non interrompues
d’un dévouement, vous bénissent éternellement. Vous nous avez sauvés de l’abîme. Complétez votre œuvre
et donnez à un pays pauvre des moyens de travail et de prospérité» (33). Le 18 décembre le ministre d’Etat
et de la Maison de l’Empereur informa Geiger que l’adresse avait été transmise au ministre des travaux
publics.
Au mois de mars 1853 le conseil municipal de Strasbourg fut d’avis que le chemin de fer de Faulquemont à
Dieuze Réchicourt ne pouvait remplacer le canal, demandé depuis treize ans par l’Alsace et particulièrement
le Bas-Rhin. La Chambre de commerce de Strasbourg et le conseil général de la Moselle adoptèrent la
même attitude. Le 9 avril le conseil municipal constata que jusqu’à présent la Lorraine allemande restait «en
dehors de tous les bienfaits du gouvernement pour ce qui concernait les grandes voies de communication
et sollicita à nouveau avec l’accord des villes de Strasbourg, Nancy et Metz, la jonction des houillères de
la Sarre au canal de la Marne au Rhin. En avril 1854 les députés de la Moselle, du Haut-Rhin, du BasRhin, de la Marne et des Vosges, dont de Geiger et le colonel Hennoque intervinrent à ce sujet au comité
de la navigation à Paris et en 1855 le secrétaire général de l’administration des Ponts-et-Chaussées réussit à
faire inscrire la somme d’un million de francs pour la construction du canal, mais à cause de la guerre de
Crimée, le crédit fut supprimé, la Compagnie des chemins de fer de l’Est défendit toujours son projet de
relier Cocheren à Sarrebourg et les houillères de la Moselle objectèrent que le canal favoriserait la vente du
charbon sarrois. En 1856 le conseil général répéta sa demande (34).
En 1857 et 1858 les interventions répétées firent avancer le problème du canal. D’une part celles de
nombreuses instances des départements de l’Est : Conseil d’arrondissement de Sarreguemines, conseils
généraux de la Moselle (rapport de Geiger de 14 pages), du Bas-Rhin, de la Marne, de la Haute-Marne, de
la Marne et du Haut-Rhin, Chambres de commerce de Metz, Strasbourg, Mulhouse, Reims et Saint-Dizier.
D’autre part s’ajouta l’appui de nombreux industriels alsaciens, particulièrement de ceux de Mulhouse,
comme John Rochat, Jean Dollfus, Nicolas Koechlin, Jules-Albert Schlumberger, président de la Chambre
de commerce de Mulhouse, Georges Steinbach, L. Huguenin, Schweisgutz, Coudraz, Oswald Linder, Ch.
Kastner, X. Jourdan, Jean Zuber. Le baron de Geiger était en relation épistolaire fréquente avec John Rochat,
qui vint le voir en juillet 1857, en le priant de lui envoyer une voiture à Forbach. Il lui conseilla de demander
au préfet de la Moselle d’intervenir auprès de ses collègues des départements de l’Est. Le 27 août 1857 il
lui écrivit : «Chauffez le tout de votre côté à Metz et même à Paris, vous avez plus de moyens que nous de
faire parvenir notre mémoire en impression jusqu’à l’empereur». Le 2 novembre Jean Dollfus informa le
baron de Geiger que le ministre des travaux publics, Eugène Rouher, avait répondu à sa demande avec la
réserve «qu’il examinait ultérieurement la suite qu’il y aura lieu de donner à sa proposition». Le baron de
Geiger était aussi soutenu par les Dietrich de Niederbronn - Mouterhouse, des industriels de Colmar et de
sa région, comme André Frédéric Hartmann, de Munster, Edmond Fleichhauer, de Colmar, André Kiener,
de Colmar et par Charles Henri Schattenmann, de Bouxviller.
Le 28 juin 1858 le conseil supérieur des Ponts-et-Chaussées se prononça à la fois pour le canal de la Sarre et
le chemin de fer de Cocheren à Haguenau. De plus le ministre des travaux fit savoir aux industriels alsaciens
que les ressources budgétaires ne permettaient pas au gouvernement d’entreprendre immédiatement
la construction du canal, dont les dépenses étaient évaluées à 10 millions de francs, ainsi que celles de
l’embranchement de Colmar au canal du Rhône au Rhin, estimées à 1 800 000 F, soit au total 11 800 000
F et leur conseilla d’avancer cette somme, portant intérêt à 5% et remboursable en 12 ans à partir de 1864.
Mais surtout à partir de juillet une société se forma à Mulhouse pour demander la concession de construire
le canal ou mieux encore pour forcer la main au gouvernement en affirmant que la tonne de houille coûterait
seulement 6 frs 50 pour l’acheminement de Sarrebruck à Mulhouse, alors que le prix par chemin de fer était
de 15 frs 50. L’intérêt de l’Alsace était en effet d’importer au meilleur compte la houille de la Sarre. C’est
pourquoi aussi, comme le conseillait le ministre, les milieux cotonniers ouvrirent partout une souscription
pour la somme de 10 190 000 frs, couvrant les frais de construction. Le 8 septembre 1858 Rochat prévint le
baron de Geiger qu’il ne manquait plus que 1 600 000 frs, mais qu’il fallait se dépêcher de parfaire la somme
avant le vote du budget de 1859, sans quoi le ministre Rouher ne ferait pas voter la part éventuel de l’Etat.
Finalement la souscription étendue à toute l’Alsace, à Zurich et Genève et en Sarre, rapporta la somme de
11 800 000 frs. La faïencerie de Sarreguemines et Geiger avaient souscrit pour une part importante, comme
pour le chemin de fer. C’était, comme l’écrivit Rochat à Geiger en mai 1859, une «combinaison qui avait
un bel avenir», puisque l’Etat garantissait de payer un intérêt de 5% jusqu’au remboursement de l’emprunt .
Le projet du canal des Houillères avait toujours des ennemis. Certes après juin 1858 la Compagnie des
chemins de fer de l’Est ne maintint plus le projet de la ligne de Cocheren à Sarrebourg où ce tarif aurait
été de 10 frs par tonne. Mais le département de la Meurthe continua à soutenir ce projet. Par contre Metz
prit fait et cause pour le canal, parce qu’elle voulait obtenir la construction de la ligne de chemin de fer de
Thionville à Niederbronn en accord avec le baron de Geiger. Les industriels alsaciens redoublèrent leurs
interventions. Vainement les quatre compagnies des houillères de la Moselle objectèrent à nouveau que le
canal ne profiterait qu’aux mines prussiennes et que ce serait un coup de grâce pour leurs houillères, mais
grâce à l’influence de Geiger le Corps législatif accepta le 26 avril 1860 le prêt des industriels alsaciens et
vota la loi de construction, bien que le coût de l’entreprise ait été révisé à 18 millions, l’Etat prenant à sa
charge la différence. Tout heureux de son succès de Geiger fit connaître par dépêche télégraphique au souspréfet Pihoret que la loi avait été votée par 228 voix contre quatre, afin que ce dernier en informât toutes
les instances de la ville.
Dès le 1er mai le maire de Colmar remercia de Geiger de s’être associé avec un rare dévouement au projet
de l’embranchement de la ville au canal du Rhône au Rhin. Le 12 mai l’adjoint Choné, de Sarreguemines,
invita les conseillers municipaux à remercier le député-maire d’avoir coopéré avec succès à cette «œuvre
nationale et à l’établissement d’une nouvelle voie de communication pour la ville» et le lendemain les
industriels de la ville, tels que les manufacturiers de velours Jean Georges Lacour et Pierre Walter, NicolasPierre Massing, Ernest et Maximilien Renard, le manufacturier de peluche, Charles-Adolphe Couturier,
le fabricant de coffres-forts Jean -Pierre Haffner, les fabricants de chicorée Jean-Daniel Lauth et Chrétien
Boecking, le fabricant de savon et d»allumettes Marx Fischer. Nicolas Becker, Charles et Maximilien
Utzschneider et Martin Custer en firent autant (36).
Dès novembre 1858 le gouvernement français entra en pourparler avec celui de la Prusse. Dans un rapport
du même mois le transport de la tonne de houille revenait à 5,35 frs par le canal pour Mulhouse et à 15,65
frs par chemin de fer et à 6,37 frs pour Vitry-le-François contre 13,15 frs. Le ministre des travaux prussien
prescrivit des études, qui prévirent d’abord la construction d’un canal latéral à la Sarre sur sa rive droite à
cause du manque de sa profondeur et des fréquentes inondations, submergeant les écluses et remplissant
la rivière de gravats, entre Luisental et Sarreguemines pour 324 450 talers. Le ministre adopta par contre
le projet de la canalisation, estimé le 19 janvier 1861 à 1 107 000 tales. Aussi le 4 avril 1861 fut signée
entre la France et la Prusse la convention de construction selon laquelle la France porterait les frais de
construction depuis Gondrexange jusqu’à Güdingen en Prusse, mais la Prusse lui restituerait la moitié
des frais de 800 000 frs que coûterait la canalisation de la Sarre entre Steinbach-lès Sarreguemines et
Güdingen. Deux jours après, le 6 avril l’empereur des Français autorisa par décret la construction du canal,
ainsi que l’embranchement de Colmar à Neufbrisach (37).
Dès le 18 juin 1859 le ministre des travaux publics avait fait créer un service spécial, présidé par l’ingénieur
des Ponts-et-Chaussées, Isidore Bernard, attaché au service de la navigation de la Saône, puis à Metz et
mit à sa disposition la somme de 5 000 frs pour les études sur le canal des Houillères. L’ingénieur Achille
Petsche participa à ces études sur la demande de Geiger, de même que l’ingénieur Pierre Chigot et surtout
l’ingénieur en chef Lejoindre, qui promit le 19 mars 1860 son soutien, après que de Geiger lui eut envoyé
le mémoire de 15 pages, rédigé par de J-Albert Schlumberger et John Rochat le même mois. De 1861 à
1866 une vingtaine de propriétaires furent expropriées, dont la faïencerie, à qui l’Etat dut payer 3 500 F,
et Huber, qui reçut une indemnité de 26 874 F, entre Wittring et Grosbliederstroff. Comme le tribunal de
Sarreguemines refusa de reconnaître les résultats de la commission d’enquête, constituée en juin 1862,
le baron de Geiger forma l’année suivante une deuxième commission en tant que conseiller général avec
le notaire Oster de Sarreguemines, le manufacturier de peluche Massing de Puttelange, et Maximilien
Utzschneider, conseiller d’arrondissement de Sarreguemines. Les entreprises Berner et Cie, Renaud et
Pigeard, et Godard exécutèrent les travaux pour ce secteur. En 1862 le tanneur Emile Loth fut autorisé à
continuer à transporter sur la Sarre jusqu’à Steinbach des écorces de chêne sur un bâteau. Les travaux de
canalisation de la Sarre furent terminés entre Louisenthal et Steinbach dès juin 1865 et du 12 juin au 28
juillet le transport de la houille par bâteau commença. Le ministre prussien des travaux publics inspecta
à cette occasion les travaux. A la fin du banquet, des toasts furent portés à la prospérité de la Prusse et
de la France, ce qui n’empêcha pas cinq ans après la guerre. On aménagea sur la rive droite le petit port
pour la faïencerie et sur la rive gauche le grand port. Les travaux du canal de Gondrexange à Steinbach ne
furent terminés qu’en mai 1866, de sorte que le transport commença le 15 mai où le premier bâteau arriva
à Sarreguemines pour remonter le canal. Les bateliers de Sarreguemines J.A et J. Marx circulèrent les
premiers sur le canal (38). Sa construction avait coûté à la Prusse 4 210 340 Marks et à la France 9 600 000
Marks, soit au total 13 810 340 Marks.
Le ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics fit rédiger le 26 janvier 1866 le règlement de
police du canal des Houillères de la Sarre et le préfet de la Moselle le rendit exécutoire dans le département
à partir du 1er mars. Comme à cause de la création du chemin de fer et du canal des Houillères, l’octroi avait
augmenté, le maire de Sarreguemines créa les postes du troisième receveur et d’un nouveau préposé. En
1867, les houillères sarroises exportèrent par le canal 340 000 tonnes de houille, en 1868, 452 000 tonnes,
et en 1869, 553 681 tonnes. En 1868 la région de Saverne absorba 3 392 tonnes, Strasbourg, 93 256 tonnes,
Colmar 42 512 tonnes, Mulhouse 127 408, Bâle 26 981 tonnes, Besançon et Montbéliard 5 979 et Nancy et
Moussey pour Dieuze 26 859 tonnes. La même année le transport de la houille par chemin de fer à Mulhouse
coûtait 14,39 F et par le canal 5,87 F, à Colmar, 12,94 F et 4,92 F et à Strasbourg, 10,74 et 4,02 (39).
7. La contribution de Geiger au développement de l’agriculture de 1851 à 1865
1. De Geiger président du Comice agricole en 1851
En tant que député-maire de l’arrondissement de Sarreguemines, de Geiger s’occupa non seulement du
développement de l’industrie et des voies de communication, mais aussi de celui de l’agriculture en étant
également le président du Comice de l’arrondissement, créé le 28 janvier 1837 par le sous-préfet Bonaventure
Pagès «pour répandre les bonnes pratiques rurales, détruire les vieilles routines, améliorer les forêts et les
races d’animaux domestiques et donner aux cultivateurs les conseils dont ils pourraient avoir besoin» (40).
Philippe Boh, fermier à Sarreguemines, en fut le premier président. Il introduisit la culture sans jachère et
les races Durham, suisse, hollandaise et charolaise. Les événements de 1848 semblent avoir fait péricliter la
société. Alexandre de Geiger en fut élu président en 1851. C’était une excellente initiative pour se faire l’année
suivante élire député de l’arrondissement. Le 21 avril, il réorganisa la société en regrettant qu’au lieu d’adhésion
tacite ou par lettres plusieurs anciens membres aient répondu négativement. Néanmoins il put reconstituer
le comité avec Corette père, de Sarreguemines, comme vice-président, Félix Dupin, greffier au tribunal,
comme secrétaire, le baron de Schwartz, sous-inspecteur des forêts, comme trésorier et Fendler, vétérinaire,
comme secrétaire adjoint. Parmi les membres se trouvaient Duviviers, sous-préfet, Boh, les Houriez, de
la ferme de Kremerich près de Wittring, Staub, de la ferme-école de Sainte-Croix à Forbach, Charles
Desgranges, architecte, Pigeard, maire de Sarreguemines, Jean-Matthieu Hinsberger, fermier au Schmalhof
près de Holving, Sprentz, de Volmunster, Nicolas Rohr, de Gros-Réderching, Gérard, de Ditschviller, Nicolas
Altmayer, de Saint-Avold, Pierre Creutzer, pharmacien à Sarralbe, de Schmitt, de Sarralbe, Charles et Max
Utzschneider. Le gouvernement donna 700 F pour des prix de bonne exploitation, du concours de labourage
et d’encouragement des domestiques agricoles, et l’Académie de Metz, 1 200 F (41).
2. La fête du Comice en 1851 à Bitche
Le 3 août 1851 eut lieu une grandiose fête agricole avec une messe à huit heures, un cortège était formé par
les vieillards, portant la bannière aux armes de la ville, qui avec son serpent aux deux têtes et l’inscription
«Je mords derrière comme devant» défiaient les ennemis de la France, les tambours des pompiers et de la
garde nationale, la fanfare du 7° légers, les autorités (sous-préfet, procureur de la République, le député,
le maire de Bitche, les fonctionnaires du canton, le clergé local), les membres du comité du Comice, les
délégués de l’Académie de Metz, les élèves de la ferme-école de Forbach et un grand nombre de chars
agricoles. Du haut de la tribune le sous-préfet et le président de l’Académie nationale de Metz prirent la
parole en français et le baron de Geiger, en allemand. Ensuite les prix furent proclamés : la somme de 100 F
fut donnée au pharmacien Pierre Creutzer pour sa «Statistique agricole du canton de Bitche», des médailles
et primes, aux domestiques ruraux et aux cultivateurs, quatre araires à des agriculteurs et le «Bulletin du
Comice départementale» et d’autres revues agricoles aux instituteurs. Près de 200 personnes assistèrent au
banquet (42).
Le 2 novembre 1851, Geiger fit rédiger le règlement du Comice de Sarreguemines. Les membres honoraires
paieraient la cotisation de 20 F. Les membres titulaires, celle de 5 F. Les instituteurs ne paieraient pas de
cotisation. Le Comice assurerait la correspondance avec la Chambre d’agriculture de Metz. Dans chaque
canton il y aurait un président et un secrétaire. Chaque année une fête serait organisée. Pour représenter
chaque canton de l’arrondissement à la Chambre consultative d’agriculture de la Moselle, il fallait avoir 25
ans, être membre du Comice et être propriétaire (43).
3. La fête du Comice en 1852 à Sarreguemines
Le 8 août 1852 la fête du Comice eut lieu à Sarreguemines, «la capitale de la Lorraine allemande» sous la
présence du comte Mahler, préfet de la Moselle. A 8 heures et demie fut lue la messe à l’église Saint-Nicolas,
afin d’appeler les bénédictions du ciel sur les productions de la terre. Ensuite le cortège, formé près de la
sous-préfecture, se rendit sur une prairie près de la Blies, où trois estrades avaient été dressées pour recevoir
les personnalités et leurs dames «en gracieuses et élégantes toilettes». L’une des estrades était surmontée
d’un aigle aux ailes déployées. Aussitôt que le préfet, le sous-préfet et les autres autorités eurent pris place,
le défilé d’une quinzaine de chars commença, de même que la fixation des prix. Ensuite le préfet prononça le
discours de circonstance, accueilli «par d’unanimes applaudissements» et Geiger dit en allemand quelques
paroles «pleines de cœur et de vérité, telles qu’il sait bien les adresser aux masses, chacun se rappelant tout
ce que le Comice doit à notre digne député par son intervention efficace auprès du gouvernement, chacun
saluant de ses acclamations les bienfaits du Comice autant que l’honorable et éloquent orateur». Onze prix
d’argent furent donnés à des domestiques, des bergers et des marcaires du canton, ansi que quatre araires
et deux herses à des paysans et onze prix à d’autres de l’arrondissement. La distribution étant terminée, les
personnalités se rendirent à un banquet, où le préfet porta un toast au prince-président. Le soir eut lieu un
bal dans la grande salle de l’hôtel de ville, ornée de drapeaux, de fleurs et d’un buste du prince - président,
«dont l’image vénérée rappelait à tous ce que son génie providentiel a fait pour la France». Comme, en
quittant Sarreguemines, il tua par accident un pâtre de Bliesébersing, le fermier Roggy d’Olferding près
de Gros-Réderching fut condamné pour homicide involontaire à une peine de prison, mais le maire de
Sarreguemines et de Geiger demandèrent en décembre à l’empereur de le grâcier (44).
4. La fête du Comice en 1853 à Forbach et en 1854 à Puttelange
En 1853 la fête du Comice eut lieu à Forbach. Des prix furent donnés à la fois pour les cantons de Forbach
et de Saint-Avold. La société dépensa 2 100 F. En 1854 la fête fut organisée le 3 septembre à Puttelange
en présence de Henri Pauly, fabricant de peluches et soieries et conseiller général de la Moselle pour le
canton de Puttelange. Le matin la commission de fête fixa les prix à donner aux agriculteurs. Une médaille
d’honneur en bronze et 25 F furent attribués au pâtre de Saint Jean-Rohrbach pour 65 ans de service, une
araire à age (timon) à Jean Matz Hinsberger, du Schmalhof, un prix à M. Touba, du Zellenhof pour l’élevage
de poulains, une médaille en argent à Jean Thiebault, de Puttelange, pour l’ensemble de ses bêtes, une
médaille pour le jardinier de Pauly, une médaille d’honneur à Claude Hamant, de Saint-Jean-Rohrbach.
Le baron de Geiger parla en allemand aux primés. Douze lauréats, dont J. M. Hinsberger, assistèrent au
banquet, où des toasts furent prononcés en l’honneur de l’Empereur et de l’impératrice et au succès des
armées d’Orient. Le sous-préfet demanda aux convives de garder la confiance à l’Empereur, malgré la
guerre, entreprise pour la cause la plus juste, c’est-à-dire pour établir la paix dans le monde, évoqua la
misère sociale, la cherté des grains et le choléra, qui sévissait à Puttelange et quelques autres localités, et
félicita les habitants de la Lorraine allemande pour leur charité envers les nécessiteux et les orphelins (45).
5. La fête du Comice en 1855 à Sarreguemines
En 1855 le Comice de l’arrondissement comprit 89 membres dont, entre autres Schmitt, pharmacien,
Adam, président du tribunal, Walter, notaire, Haffner, négociant, Thilloy, procureur impérial, Nicolas
Box, principal du collège, Louis Boh, de Singling, de Schmitt fils, de Sarralbe, Max Utzschneider et
Sprentz, de Volmunster, les quatre derniers, représentant la société pour les cantons de Rohrbach, Sarralbe,
Sarreguemines et Volmunster à la Chambre d’agriculture de Metz. La fête agricole eut lieu à Sarreguemines
le 9 août. Le sous-préfet regretta que le préfet ne pût assister à la fête, son père étant tombé à la tête de son
régiment devant Sébastopol, insista sur les bienfaits de l’Empire, évoqua la construction du chemin de fer de
Thionville - Strasbourg, et le nombre de conscrits et d’engagés plus grand que dans les autres arrondissemnt
de France et proposa l’introduction du tabac et d’un dépôt d’étalons dans l’arrondissement. Geiger résuma
ce discours en allemand. Des prix d’honneur furent décernés aux maires de Bliesbruck et Wiesviller pour
avoir le mieux entretenu leurs communes. Une centaine de personne prirent part au banquet, suivi d’un bal
à 21 heures (46).
6. La fête du Comice en 1856 à Bitche
Le 24 avril 1856 le député Geiger adressa de Paris une lettre bilingue à tous les maires de l’arrondissement
de Sarreguemines en vue de porter au budget communal la somme de cinq francs pour l’abonnement de
la commune au Comice, car cette société ne disposait que de 2 850 F, soit 600 F de la part de l’Etat, 1
600 F de la part du département et 650 F de cotisation. Pourtant elle avait distribué depuis sa fondation
plus de soixante instruments aratoires, installé deux machines à fabriquer des drains à Saint-Avold et
Sarreguemines et distribué de très nombreux prix. La fête eut lieu le 10 août à Bitche pour les cantons de
Bitche et Volmunster. Les femmes en costume du pays se tenaient sur les chars de foin. Une médaille en
argent et une charrue avec régulateur et avant-train furent attribuées au fermier du Sauerhof près d’Olsberg,
une herse au directeur du collège de Bitche, un prix d’honneur à la commune de Waldhouse pour la bonne
tenue des fumiers, un prix de drainage à un maréchal-ferrant de Gros-Tenquin, deux prix pour l’irrigation
des étangs de Sturzelbronn et Gœtzenbruck. Le sous-préfet regretta le morcellement des terres et la
déforestation, la mauvaise utilisation du fumier et surtout du purin, qui inondait les localités et assura aux
participants de la fête que le souverain, après avoir rétablie la société ébranlée sur de nouvelles bases et
porté la gloire du nom français aussi haute que possible, allait consacrer ses loisirs à leur bonheur. Geiger
approuva le discours (47).
7. La fête du Comice en 1857 à Saint-Avold et en 1858 à Morhange
En 1857 lors de la fête du 2 août à Saint-Avold le Comice distribua 21 médailles et 4 instruments aratoires
dans les cantons de Saint-Avold et Forbach et 39 médailles et 4 instruments agricoles dans l’arrondissement,
Diebling étant le village le mieux entretenu. En 1858 eut lieu la fête à Morhange pour les cantons de
Morhange et de Sarralbe. Aux entrées de la ville des arcs de triomphe avaient été érigés. Une messe fut lue
à 8 heures en présence des pompiers de la ville et de la musique des pompiers de Metz. Le curé demanda
aux paysans de mieux sanctifier le dimanche. Une médaille d’argent fut décernée au fermier Blahaye, du
Schottenhof près de Sarralbe, et une charrue donnée au fermier Bazin, de la Nouvelle Chapelle à Lelling.
Le Comice demanda la création d’un service vétérinaire dans le canton de Morhange et d’un séchoir
communal, destiné à la production du tabac. Le banquet fut suivi par 150 convives et le bal, qui dura de
17 à 23 heures, fut fréquenté «par un grand nombres d’élégantes danseuses». Vers la nuit un feu d’artifice
fut organisé. Les habitants de Morhange avaient réservé une brillante hospitalité aux spectateurs, venus en
partie de la Meurthe (48).
8. La fête du Comice en 1859 à Sarreguemines
En 1859 la fête eut lieu le 21 août à Sarreguemines pour les cantons de Sarreguemines et de Rohrbach. A
8 heures le sous-préfet et le baron de Geiger, précédés de la bannière de la ville, se rendirent à l’église pour
assister à une messe basse pendant laquelle le curé-archiprêtre Muller prêcha en français et en allemand
et dont la quête fut destinée aux pauvres. La messe fut accompagnée par la musique du 10° régiment
de cuirassiers. La fête eut lieu sur un terrain de la faïencerie le long de la Blies. Le professeur de dessin
Martin et le sculpteur Pierre François avaient orné une estrade. Le préfet Mahler félicita les spectateurs
pour leur patriotisme qu’ils témoignaient dans ces cantons, situés à l’extrémité de la France, et insista sur
quelques progrès agricoles à faire : drainage, culture du tabac, curage de rivières, culture du colza, création
d’un dépôt d’étalons à Sarreguemines ou Rohrbach, adhésion à des assurances. Une charrue fut donnée
à Nominé, de la Frohmuhl près de Petit-Réderching, un prix de 25 F à Jean Lemmer, de Rohrbach, pour
avoir adapter des coutres en fer à des charrues, des prix à des instituteurs d’Achen et de Frauenberg pour
l’enseignement agricole et à la commune de Neunkirch pour le meilleur équipement (une salle d’asile pour
96 enfants, trois sœurs-institutrices, écoles de garçons et de filles, mairie, bureau de bienfaisance, pas de
mendicité, hospice à trois lits, confiée à une sœur de charité, une pompe à incendie avec une compagnie
de pompiers, abreuvoir, construit en 1855 - 1858). Au banquet le baron de Geiger exprima sa gratitude au
préfet Mahler, quittant Metz (49).
En même temps qu’il résigna en 1865 la fonction de maire de Sarreguemines, il renonça à la présidence
du Comice de l’arrondissement, mais en resta membre. Redevenu maire en avril 1868, il fit organiser
l’année suivante une exposition agricole à Sarreguemines et dans «la Moselle administrative» de 1870 il
fut cité comme président honoraire du Comice de Sarreguemines à côté de Max Utzschneider comme viceprésident (50).
NOTES
1) Contamine, t. I, p ; 448
2) A. M. de Sarreguemines, 3° section D IV - 24.
3) A. M. de Sarreguemines, 3° section, DI - 8 ; Heiser, dans : Est-Courrier du 21 juin 1987.
4) Louis Kubler, Napoléon III à Forbach, dans : Elsass - Land lothringer Heimat, Guebviller, 1930, p. 201 - 203, A. M. de
Sarreguemines, 3° section DIV - 24 ; Le Moniteur de la Moselle du 23 novembre 1860.
5) E-A. Petsche, Notice biographique de M. Charles Lejoindre, Paris, 1877, 31 p ; Nérée - Quépat, p. 276-277.
6) Nérée - Quépat, p. 376-377
7) Nérée - Quépat, p. 181.
8) Ch. Hiegel, Les faïenceries de Frauenberg et de Sarreguemines, dans : A. SHAL, 1977, p. 133.
9) Yvonne Brossard et Alain Jacob, Faïences et porcelaines de l’Est. Sarreguemines, collection ABC, décor, Paris, octobre 1975
p. 9;
10) A. M. de Sarreguemines, 3° section, DI - 7
11) A. M. de Sarreguemines, 3° section, DIV - 27.
12) A. M. de Sarreguemines, 3° section, DI 8 et OV - 2 ; Heiser, dans : Est-Courrier du 16 juin 1987.
13) A. M. de Sarreguemines, 3° section, OV - 1 ; Contamine, t II, p. 287;
14) A. M. de Sarreguemines, 3° section, OV - 2.
15) A. M. de Sarreguemines, 3° section, DI - 8 ; Contamine, t. II, p. 288.
16) Nérée - Quépat, p. 193.
17) A. M. de Sarreguemines, 3° section, DIV - 26.
18) A. M. de Sarreguemines, 3° section, DI - 8.
19) H. Hiegel, Le collège de Sarreguemines de 1804 à 1870, éd. Est-Courrier, Sarreguemines, 1988, p.32.
20) A. M. de Sarreguemines, 3° section, OV - 3.
21) A. M. de Sarreguemines, 3° section, F. IV - 5/2.
22) A. M. de Sarreguemines, 3° section, DI - 8 et 31 ; OV - 7 et 8 ; le journal de Paris «l’Univers illustré» du 20 janvier 1866.
23) A. M. de Sarreguemines, 3° section, OV - 9.
24) A. M. de Sarreguemines, 3° section, KI - 83 et HIX - 87 ; Heiser, dans : Est-Courrier du 28 juin 1987, qui écrit à tort que le
train de Metz est arrivé le 2 décembre à 13h30 et que l’embranchement de la faïencerie fut inauguré le 16 décembre 1865.
25) Contamine, t II, p. 288 ; A. M. de Sarreguemines, 3° section, D IV - 32.
26) A. M. de Sarreguemines, 3° section, OV - 13 ; Kurt Hoppstädter, die Entstehung der saarländischen Eisenbahnen, Sarrebruck,
1961, p. 138 - 141.
27) A. M. de Sarreguemines, 3° section, OV - 13.
28) Fritz Hellwig, Die Anfänge der Handelskammer zu Saarbrücken 1864 - 1870, Sarrebruck, 1934, p. 10 - 11, Hoppstädter, p. 109
- 111 ; A. M. de Sarreguemines OV - 14, DI - 9 et D IV - 32.
29) A. M. de Sarreguemines, 3° section, OV - 1, 6 et 15, DI - 8 et 9 ; Contamine, t. II, p. 293.
30) Kurt Hoppstädter, Die Saar als Wasserstrasse, dans : Zeitschrift für die Geschichte der Saargegegend, 1963, p. 31 - 32.
31) Hoppstädter, p. 45 ; A. M. de Sarreguemines, 3° section, D IV - 6.
32) A. M. de Sarreguemines, 3° section D IV - 27.
33) A. M. de Sarreguemines, 3° section, D. I - 7.
34) A. M. de Sarreguemines, 3° section, K III - 35 ; Contamine, T II, p. 281.
35) A. M. de Sarreguemines, 3° section, OV - 1 ; Le Petit Glaneur du 8 et 22 juin 1859 ; Contamine, t II, p. 282 ; Hoppstädter, p.
46 ; René Descombes, la Sarre au fil de l’eau, Sarrebourg, 1982, p. 85.
36) A. M. de Sarreguemines, 3° section, O IV - 4 et D Iv - 26 ; Heiser, dans: Est - Courrier des 18 et 25 septembre et du 4 octobre
1987.
37) Hoppstädter, p. 46 - 49.
38) A. M. de Sarreguemines, 3° section, DI - 8 ; F IV - 5/2 et O III - 4 ; Contamine, t II, P. 288; Ducros, p. 34, ouverture de la Sarre
canalisée le 28 juillet 1865 ; Hoppstädter, p. 49, ouverture le 12 juin ; Nicklaus Fox, Saarländische Volkskunde, Bonn, 1927, p. 395
; Descombes, p. 92 - 93 , Werner Böcking, Schiffer auf der Saar, Sarrebruck, 1984, p. 55 - 56.
39) Descombes, p. 93 ; Hoppstädter, p. 52. Carl Löper, Die Geschichte des Verkehrs in Elsass - Lothringen, Strasbourg, 1878, p.
89 - 90 ; A. M. de Sarreguemines, 3° section
40) A. M. de Sarreguemines, 3° section, F II - 6/5.
41) A. M. de Sarreguemines, 3° section, F II - 6/5 ; Heiser, dans : Est - Courrier du 24 mai 1987.
42) A. M. de Sarreguemines, 3° section, F II - 6/7.
43) A. M. de Sarreguemines, 3° section, F II - 6/1.
44) A. M. de Sarreguemines, 3° section, F II - 7/3.
45) A. M. de Sarreguemines, 3° section, F II - 7/4 et 7/5.
46) A. M. de Sarreguemines, 3° section, F II - 7/6 ; Le Petit Glaneur du 9 août 1855.
47) A. M. de Sarreguemines, 3° section, F II - 6/7 ; Le Petit Glaneur du 21 août 1856. La lettre du député a été imprimée à
Sarreguemines chez Antoine Weisse.
48) A. M. de Sarreguemines, 3° section, F II - 7/8 ; Le Petit Glaneur du 1er septembre 1858 ; Contamine, t I, p. 163.
49) A. M. de Sarreguemines, 3° section, F II - 6/6 ; H. Nominé, dans : Courrier de la Sarre du 1er juin 1946, qui date à tort la
création du Comice en 1846.
50) Edouard Sauer, La Moselle administrative, 1870, p. 179.
CHAPITRE V : L’œuvre religieuse et culturelle d’Alexandre de Geiger
1. Le mariage de Geiger à Sarreguemines en 1835
Alexandre de Geiger fut baptisé le 23 août 1808 par le pasteur luthérien ou de la confession d’Augsbourg,
François Ignace Leymeister, de Scheinfeld (1). Venu à Sarralbe en 1833 pour devenir sous-directeur des
salines de Salzbronn, il se maria civilement le 2 avril 1835 à Sarreguemines avec Pauline Utzschneider, fille
du faïencier François-Paul Utzschneider et de confession catholique. Le mariage religieux a-t-il été célébré
dans une église évangélique ou dans l’église catholique de Saint-Nicolas ?
Avant de se marier avec Alexandre de Geiger, Pauline Utzschneider demanda le 17 mars 1835 par
l’intermédiaire de l’archiprêtre et curé Jean-Joseph Flosse la dispense de mariage religieux, prévue pour les
mariages mixtes : «Pauline Utzschneider, de Sarreguemines, catholique, fille mineure de Paul Utzschneider
et de dame Barbe Hager, écrivit l’archiprêtre à son évêque, désirant épouser M. Alexandre de Geiger,
directeur des salines de Salzbronn, protestant, demeurant à Sarralbe, supplie votre grandeur de lui accorder
la dispense et l’autorisation à ce nécessaire. Elle attend avec confiance cette grâce au moyen de la promesse
ci-jointe, faite sous la foi du serment et souscrite par son prétendu».
En effet le 15 mars Alexandre de Geiger avait promis d’élever ses enfants dans la religion catholique par la
lettre suivante : «Je soussigné Alexandre de Geiger, directeur des salines de Salzbronn, fils majeur de M.
Léopold de Geiger, directeur des domaines de Son Altesse royale le Prince Eugène, duc de Leuchtenberg et
de dame Augusta, baronne de Kalb, professant la religion protestante, désirant épouser demoiselle Pauline
Utzschneider, de Sarreguemines, de la religion catholique apostolique et romaine, fille mineure de M. Paul
Utzschneider, chevalier de la Légion d’honneur, de Sarreguemines, et de dame Barbe Hager, m’engage par
les présentes et sous la foi de serment, prêté en présence de M. Flosse, archiprêtre et curé de Sarreguemines,
à faire élever tous les enfants des deux sexes à naître du mariage dans la religion catholique apostolique
et romaine et en outre à laisser à ma future épouse pleine et entière liberté de pratiquer tous les devoirs de
sa religion. En foi de quoi je signe la présente promesse, accompagnée du serment en la maison curiale de
Sarreguemines».
Alexandre de Geiger prêta ensuite le serment de promesse en présence de M. Schneider, vicaire résidant
à Kappeln près de St.Wendel et M. Louis Gounot, vicaire de Sarreguemines et de l’archiprêtre Flosse.
Comme le dernier avait marqué sur la demande de la fiancée qu’elle était pressée, l’évêque donna le 19 mars
la dispense de mariage religieuse moyennant le payement de la redevance de trois francs (2).
Il n’y eut donc pas de mariage religieux (3) et seulement une dispense de mariage pour disparité de culte
de la part des autorités catholiques. Les registres paroissiaux de l’Evêché, de Sarreguemines et de Sarralbe
ne contiennent aucun acte de mariage aux noms d’Alexandre de Geiger et de Pauline Utzschneider. Pour
certains mariages mixtes l’Evêché accordait une autorisation de célèbrer le mariage mixte et dans ce cas le
mariage était enregistré sur les registres paroissiaux, mais le conjoint protestant précisait dans sa demande
qu’il voulait se marier devant l’église catholique. Le baron de Geiger précisa seulement qu’il autorisait sa
femme à pratiquer le culte catholique et à élever ses enfants dans la foi catholique. Il n’y eut pas non plus
mariage à l’église protestante de Herbitzeim, dont dépendaient les protestants de Sarreguemines ou ailleurs,
sinon Pauline Utzschneider n’aurait pas eu l’absolution, parce qu’elle était résolue à manquer gravement au
droit civil, naturel et ecclésiastique (4). Le jeune couple de Geiger tint sa promesse en faisant baptiser à
Saint-Nicolas son premier enfant le 17 mai 1837 (5).
2. La contribution de Geiger à la construction de l’oratoire évangélique en 1845
D’autres protestants, originaires de l’étranger ouvrirent entre 1836 à 1870 des manufactures, à Sarreguemines,
l’établissement du Zollverein leur fermant, plus ou moins, le marché français, tels que Chrétien-Alexandre
Bœcking, de Frankenthal, Palatinat, fabricant de chicorée en 1843 et d’allumettes en 1848, GuillaumeHenri Crémer, de Crefeld, Rhénanie prussienne, fabricant de velours à partir de 1841, Pierre Custer, de
Landstuhl, Palatinat, Bavière, fabricant de savon en 1843 et d’allumettes en 1848 et son fils Martin Joseph,
de Sankt-Ingbert, Bavière, Ferdinand Knorr, de Deux-Ponts, fabricant de chicorée en 1839, FrédéricGustave, Niemann, de Neunkirchen près de Helle, Hanovre, fabricant de peluches en 1846 et d’allumettes
en 1849. Les protestants jouèrent donc au moins à Sarreguemines, sinon dans le département, un grand rôle
économique et même religieux (6).
A partir de 1800 la faïencerie avait attiré un certain nombre d’ouvriers protestants allemands, dont les
Gerstenmeyer d’Ottweiler, ainsi que des ouvriers anglais, qui travaillèrent jusqu’en 1872, comme les
familles Wills, Evans, Bebington (Fouler), Brassington (Cyples), Chetwind (Bennett), Gibson (Pettrey),
Hancock (Brown), Morgan (Wyatt), Matheaws, Seddon (Twelten), Longridge (Hornby), Edouard Richards
(Shav) (7). Les autres manufactures devaient sans doute employer des étrangers, de confession protestante.
Il convient d’ajouter des fonctionnaires, venus de l’intérieur de la France, les industriels, cités plus haut, des
artisans et des réfugiés politiques allemands. Ainsi Sarreguemines comptait 28 protestants en 1828, 85 en
1840, 168 en 1844 et 235 en 1853.
A partir de 1830, les protestants réunirent des dons pour construire une église évangélique. A côté de
nombreux donateurs de France, d’Allemagne et d’Angleterre, comme Elfriede Stopford, épouse du médecin
Sclafer, le pasteur Liebrich, de Herbitzheim, le fabricant Niemann, le gouvernement, le roi Louis-Philippe,
la duchesse Hélène d’Orléans, le «Gustav-Adolf Verein», Jacques Bader, géomètre, Guillaume de Thon,
manufacturier à Sarralbe, figurent sans aucun doute le baron de Geiger. L’oratoire fut inauguré le 5 janvier
1845 sur la rive droite de la Sarre à l’angle des rues Maréchal Foch et de la cité (8).
3. La contribution de Geiger comme membre du Consistoire général
à la création de la paroisse protestante en 1856
Depuis 1844 à la place du pasteur de Herbitzheim un vicaire remplissait les fonctions culturelles à
Sarreguemines et les environs, mais depuis le 23 mars 1849 le directoire du Consistoire général de la
confession d’Augsbourg à Strasbourg demanda la création d’une cure à Sarreguemines, car il aurait à
desservir 293 protestants (Sarreguemines 163, Welferding 15, Grosbliederstroff 22, Forbach 75, Ditschviller
9, la Brême d’or 6). Le 18 décembre 1850 le conseil municipal de Sarreguemines, dont le maire était pourtant
le protestant Pigeard, rejeta la demande. Mais en juillet 1853 le conseil presbytéral de Sarre-Union renouvela
la demande sous prétexte qu’à Sarreguemines et Forbach et environ vivaient 522 protestants (Sarreguemines
235, Welferding 30, Neunkirch 7, Ippling 10, Grosbliederstroff 18, Rémelfing 4, Puttelange7, Forbach et
Schœneck 160, Hombourg-Haut 30, Saint-Avold 15) L’ingénieur des houillères de Stiring-Wendel, Charles
Gotthelf Kind appuya également la demande (15 a). Le 29 août le maire Pigeard et 15 conseillers sur 23 dont
Geiger, donnèrent un avis favorable.
Aussitôt commença une série de protestations, dirigées par le curé-archiprêtre Chrysostome Muller. Celuici avait déjà créé en 1845 un incident en voulant jeter l’interdit sur le cimetière, où avait été enterré selon le
rite luthérien le chef d’escadron Eberlin, beau frère du manufacturier Utzschneider, ce qui amena à la fois
une plainte de l’évêque au ministre des Cultes et une deuxième de la famille au préfet. Le 8 septembre et le
16 octobre, il rédigea deux protestations, destinées à être envoyées au préfet. La communauté de Luthériens
comprendraient en dehors des Français et des naturalisés un grand nombre de Prussiens, de Bavarois, de
Saxons, d’Oldenbourgeois, de Hanovriens, de Mecklembourgeois, de Silésiens, qui avaient été expulsés de
leurs pays et si l’on créait la cure, Sarreguemines deviendrait le refuge d’étrangers «tarés que le crime et
la démagogie firent expulser». Au passage du grand-duc de Bade à Sarreguemines, ces réfugiés allemands
l’avaient accueilli «par des cris de sang, de mort, de malédictions et de vengeance», à tel point que dans les
journaux la population si pacifique passa pour une détestable race de cannibales. La création de la paroisse
consoliderait les liens avec Sarrebruck et Deux-Ponts où l’esprit politique et religieux était gangrené de
l’esprit de démagogie, qui grâce à Dieu n’avait pas pénétré à Sarreguemines. De plus ces étrangers n’étaient
pas soumis à la conscription.
Le curé accusa les protestants, les juifs et les philosophes d’avoir voté en masse en 1848 avec le baron de
Geiger pour le républicain Cavaignac, alors que la ville de Sarreguemines «s’était empressée l’une des
premières villes de France à porter Louis Napoléon à la députation». Créer cette cure, ce serait comme
si ces étrangers allemands «avaient déjà conquis cette Lorraine qu’ils convoitaient depuis tant de siècles,
comme s’ils étaient en ligne directe les héritiers des Francs de Germanie». Ces protestants créeraient aussi
des obstacles à l’exercice du culte extérieur des catholiques. Les listes, présentées par le conseil presbytéral
et la mairie, seraient faussées en contenant des décédés et des membres, partis. Les conseils municipaux
de Ippling, Gros-Réderching et Rouhling avaient émis un avis défavorable et d’autres, comme celui de
Welferding, n’avaient pas été convoqués de peur d’émettre le même avis. L’archiprêtre en voulait surtout au
baron de Geiger, ce Bavarois, qui présidait un conseil municipal «servile» et au sous-préfet «son instrument
passif» et deux conseillers catholiques sur six n’étaient pas restés fidèles à leur foi. Muller fit signer la
protestation du 8 septembre par 275 habitants sur 942 électeurs.
Le curé de Welferding, Georges Dannecker, écrivit dès le 7 août : «Les 500 protestants de Sarreguemines
et Forbach sont aux trois quarts Bavarois, Prussiens, Saxons, employés par le protestant de Geiger dans
ses usines ou par l’ingénieur luthérien et chercheur de houille. Kind, né en Saxe (10a). Cet intrigant a le
projet de faire extraire la houille par des mineurs saxons au nombre de plus de 800. La création d’une
cure protestante à Sarreguemines entraînerait celle de Forbach. Sans le piétiste de Stiring et le mauvais
«brouillon» de Geiger, rien de semblable n’aurait lieu. Au lieu d’employer des étrangers, il ferait mieux
de travailler avec de bons Français. C’est aux chefs de ces fabriques à supporter toute la dépense qui ne
gréverait que les caisses de leurs industries» tels étaient les multiples arguments vrais ou faux des prêtres
catholiques Muller et Dannecker contre la création de la paroisse protestante de Sarreguemines (11).
Le 10 septembre le maire Pigeard informa le préfet qu’en suite de sa décision du 20 août, le conseil municipal
avait été l’objet «d’attaques, suscitées par un esprit de fanatisme et d’intolérance déplorables» et qu’on avait
fait croire à la population, et même aux juifs, que le catholicisme était menacé. Le 13 septembre le préfet
Mahler demanda au maire un état de familles protestantes, soit françaises, soit étrangères. Le recensement,
fait par la mairie, donna le résultat suivant : Français par naissance ou mariage 99, Français, mariés à des
étrangères, 2, Françaises, mariées à des étrangers, admis à prendre domicile en France 1, étrangers admis
à fixer le domicile en France 7, étrangers, travaillant dans l’industrie et l’agriculture 128, soit au total 237
protestants. En transmettant le 20 novembre ce recensement au préfet, le maire répliqua à ses adversaires
que la moitié des protestants était de nationalité française et non pas 9/10°, que les protestants, français de
naissance ou naturalisés, participaient au tirage de la conscription ou en étaient exemptés à cause de leur
âge, que parmi les 275 opposants sur 942 électeurs il y avait un mineur, n’ayant pas l’âge de 25 ans, cinq
condamnés, privés des droits civiques, quinze étrangers et que certains signataires avaient contribué à la
construction de l’oratoire protestant en 1845 (12).
En 1853 le baron de Geiger devint par élection le délégué de l’inspection de la Petite-Pierre au Consistoire
général de la confession d’Augsbourg et ne renoncera à cette fonction qu’en 1860 en raison de ses trop
nombreuses occupations, (13). Grâce à son amitié avec l’Empereur, le ministre des Cultes créa en 1854
le vicariat luthérien officiel, existant en privé depuis 1844, malgré l’avis défavorable du préfet et du souspréfet qui craignaient le mécontentement des catholiques et avec lesquels il avait d’excellentes rapports (14).
De plus grâce à Geiger un décret impérial du 14 novembre 1856 créa un poste de pasteur au bénéfice du
consistoire de Sarre-Union avec résidence à Sarreguemines, où le pasteur Charles-Désiré Kromeyer devint
le 23 décembre le premier titulaire jusqu’à 1864. Le ministre expliqua au préfet la décision, contraire aux avis
reçus : répartition de la charge financière sur douze communes, impossibilité d’exiger des protestants autant
de fidèles que des paroisses catholiques. Vainement Mahler répondit que son avis défavorable était basé sur
le grand nombre d’étrangers, la charge imposée aux communes, le mécontentement du clergé et il s’étonnait
que le ministre ait pu passer outre «pour de puissantes raisons à n’en pas douter» Il entendait par là sans
aucun doute l’influence du député maire de Geiger, qui avait fait émettre le 7 octobre par le conseil municipal
un avis favorable, le nombre de protestants à Sarreguemines et Forbach était de 256 et d’autres à Welferding,
Ippling, Grosbliederstroff, Rémelfing, Puttelange, Neunkirch, Hombourg-Haut et Saint-Avold (15).
4. Les démêlés de Geiger avec le pasteur Schmidt
Les protestants eurent parfois maille à partir avec le baron de Geiger. Lorsqu’au mois d’avril 1868 le pasteur
Schmidt accrocha dans l’église un tableau de peinture, représentant le Christ en croix et exécuté par le
peintre artiste Charles Crémer sur commande de la femme du manufacturier d’allumettes Paul Bardon,
des luthériens rigides, dont Geiger, soulevèrent d’orageuses protestations, tout ornement étant proscrit dans
l’édifice religieux. Aussi le baron de Geiger refusa-t-il de contribuer aux œuvres de la communauté (16)!
Il se plaignit le 18 juin 1868 du pasteur Charles Schmidt, nommé en 1864 à Sarreguemines et auquel il
reprochait son militantisme. Il cherchait aussi de le brouiller avec la magistrature et l’archiprêtre catholique.
Aussi demanda-t-il vainement son changement au président du Consistoire général de Strasbourg, mais à
cause de son attitude trop francophile (il était chevalier de la Légion d’honneur depuis 1871), les immigrants
allemands réussirent à le déplacer en 1885 (17).
5. De Geiger, président du Cercle littéraire de Sarreguemines
En 1829 avait été fondé le Cercle littéraire à Sarreguemines en vue de développer la vie littéraire, artistique
et musicale et en 1843 Augustin et Victor Fabry, copropriétaires de la faïencerie et sans doute le baron de
Geiger et d’autres habitants de Sarreguemines constituèrent une société à actions, dite «Casino littéraire»
pour acheter un immeuble, rue Sainte-Croix, de manière qu’à partir de janvier 1843 les membres possédaient
un local fixe pour se réunir, non sans troubler parfois la tranquillité de la rue. Le baron de Geiger fut
président du Cercle littéraire de 1859 à 1863. En juin 1864 l’artiste lyrique et dramatique, Benjamin Gavarni,
de Metz demanda au baron de Geiger de l’aider à organiser un concert à Sarreguemines avec les musiciens
militaires. Le vieux dicton «Nul n’est prophète en son pays» écrivit-il, me fait, je l’avoue, souvent hésiter à
demander de mon département, le succès obtenu plus loin dans les grands centres. J’aime toutefois croire
que la chansonnette, ce jeu si éminament français, saurait mériter la faveur de vos administrés». Le maire
lui répondit que la location de la salle de l’hôtel de ville serait trop chère et trop bruyante pour un concert
avec la musique militaire, mais il le renvoya au greffier Dupin, président du Cercle, qui pourrait lui louer la
salle de réunion à moindre frais et avertir du concert ses nombreux sociétaires «Vous n’avez, dit le maire,
pas à regretter d’être venu dans notre ville» (18).
6. La défense du collège de Sarreguemines par de Geiger
Le baron de Geiger s’intéressa toujours au développement du collège de Sarreguemines, soit comme député
ou maire. Il est fort possible que son intervention auprès du ministre de l’instruction et des cultes Hyppolyte
Fortoul, Nicolas Box, originaire de Rémering-lès-Puttelange et sous principal à Thionville, fut nommé le
11 octobre 1852 principal du collège. Président de la conférence de Saint-Vincent de Paul de 1853 à 1857.
Box préféra abandonner cette fonction, la conférence étant suspectée par le baron de Geiger d’être hostile à
l’Empire, mais en avril 1866 , en raison de ses relations avec certains adversaires de Geiger, dont le maire
Guillaume Pigeard et l’industriel Emile Huber, il ne put bénéficier de son appui pour continuer sa fonction
(19). Quand son successeur, Henri Chambourdun, fut muté en 1867 à Dôle, le député de Geiger s’en plaignit
amèrement au recteur de Nancy au nom des parents d’élèves, car il avait bien réorganisé en peu de temps le
collège, «tombé à rien sous la triste administration de son prédécesseur» et demanda «que son successeur
fût à même de suivre le programme arrêté par le recteur parce que autrement des protestations, parfaitement
fondées, se manifesteraient et troubleraient la bonne harmonie qui règne en ce moment à Sarreguemines».
Avant que son successeur, Léon Paris, professeur de lettres à Angoulème, ne fut installé comme principal
le 29 octobre à Sarreguemines, le baron de Geiger s’informa sur sa valeur auprès du député de la Charente
J-Ed. Laroche-Joubert, qui lui certifia qu’il était «un des homme les plus érudits, un travailleur infatigable
et d’un caractère excellent» (20).
Le député Geiger fit partie du conseil d’administration du collège de 1859 à 1870. A plusieurs reprises, soit
le maire Pigeard, soit le conseil d’administration témoignèrent au député «toujours si dévoué» leur gratitude
pour avoir su obtenir du gouvernement des objets d’enseignement (en 1867) ou du personnel (en 1868 et
1869). Il approuva le 8 janvier 1868 l’introduction de l’enseignement technique à côté de l’enseignement
classique (21). Lui-même avait envoyé son fils Paul de Geiger au collège de 1844 à 1849, de même que le
directeur de l’usine n°2, son fils Alex-Félix Sthème de Jubécourt, qui entra ensuite à l’Ecole centrale pour
devenir ingénieur chimiste, de 1859 à 1864 (22).
Le baron de Geiger semble avoir bien compris que le développement économique et intellectuel de la
Moselle ne pouvait se faire en grande partie que par des gens du pays. Cela expliqua ses rapports constants
avec les ingénieurs Lejoindre et Petsche. En 1855 le professeur agrégé d’anglais Baar, sans doute originaire
des environs de Sarreguemines et en poste au lycée d’Orléans, s’adressa avec succès à lui pour se faire
muter au lycée de Metz, où il exercera en 1856 et 1857 (23).
NOTES
1 ) Heiser, dans : Est-Courrier du 1er février 1987
2 ) Archives de l’Evêché de Metz, postérieures à 1802, dossiers mariage mixte. En dépôt aux archives départementales de la
Moselle.
3 ) Heiser, dans : Est-Courrier du 1er février 1987, qui écrit sans preuves que bien que de confession protestante, Alexandre de
Geiger accepta le mariage religieux en l’église Saint-Nicolas.
4 ) Revue ecclésiastique de Metz, de 1902, p. 344 - 346.
5 ) Notes de l’abbé Jacques Touba, de Zetting, prises avant 1939 à la cure de Saint-Nicolas.
6 ) Didier Hemmert, L’esprit d’entreprise à Sarreguemines au milieu du XIXème siècle, dans : L’A.S.H.A.L., 1987, p. 73 ; Contamine,
t. I, p. 44, qui écrit à tort qu’à part un haut fonctionnaire de passage et le riche député, puis sénateur de Geiger, les protestants ne
jouaient dans le département qu’un rôle bien effacé. On peut citer d’autres protestants d’envergure : les ingénieurs Petsche et Kind.
7 ) Philippe Bieber, dans : Bulletin paroissial de la communauté évangélique de Sarreguemines, n° 18 (décembre 1865 - février
1966). De la famille faïencière Hancock fit partie Robert Hancock ( 1727 -1817), qui fit des recherches sur l’impression, (Thérese
Thomas, Rôle des Boch dans la céramique du 18ème et 19ème siècles, Sarrebruck, 1913, p.21).
8 ) Philippe Bieber, La communauté protestante de Sarreguemines, 1989, p. 4-5 A. M. de Sarreguemines, 3° section, PI - 3 et DI
- 6 et 8.
9 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, DI - 3 et DI - 7, F° 119.
10 ) Contamine, t. II, p. 342, Jean Colnat, Le protestantisme en Moselle 1802-1870, dans : Protestants messins et mosellans XVIe
-XXème siècles , Metz, 1988, p. 230.
10a) Camille Derr, Le puits Saint-Charles à Petite-Rosselle au XIXème siècle, dans : Les cahiers lorrains, 1992, p. 66.
11) Archives paroissiales de Saint-Nicolas de Sarreguemines ; A. M. de Sarreguemines, 3° section, PI - 3 ; Philippe Bieber, La
communauté Protestants de Sarreguemines, 1989, p. 1- 3 ; Jean Colnat, le protestantisme en Moselle 1802 - 1870, dans : protestants
messins et mosellans XVIe - XXe siècles, Metz, 1988, p. 224 - 225.
12 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, D IV - 27 et 22 et pi - 3.
13 ) Philippe Bieber, dans : Est-Courrier du 15 février 1987 ; le même, La communauté protestante, p. 8.
14 ) Contamine, t. II, p. 350.
15 ) Colnat, Le protestantisme, p. 225-226 ; A. M. de Sarreguemines, 3° section, PI - 3 et 4 et DI - 8 ; Heiser, dans : Est-Courrier
du 15 février 1987.
15a) Camille Derr, Le puits Saint-Charles à Petite-Rosselle au XIXe siècle, dans : Les cahiers lorrains, 1992, p. 166.
16 ) Louis Kubler, Le peintre lorrain Charles Cremer, dans : Archives alsaciennes d’histoire de l’art, Strabourg, 1933, p. 189.
17 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, D IV - 31, Philippe Bieber, dans : Bulletin de la paroisse protestante de Sarreguemines,
juin 1967 et dans : Est-Courrier du 9 juillet 1978.
18 ) J-M. Uhl, L’histoire et les histoires du Cercle littéraire de 1828 à 1968, dans : Revue du Cercle littéraire, n° 2, 1968, p. 7 et 8 ;
A. M. de Sarreguemines, 3° section, DV - 5 et D IV - 30.
19 ) H. Hiegel, Le collège de Sarreguemines de 1804 à 1870, Sarreguemines, 1988, p. 29, 30 et 32;
20 ) Hiegel, Le collège de Sarreguemines, p. 34 - 35.
21 ) Hiegel, Le collège de Sarreguemines, p. 38, 39 et 110.
22 ) Hiegel, Le collège de Sarreguemines, p. 139.
23 ) E. de Chastellux, Annuaire de la Moselle, 1857, p. 221 ; A. M. de Sarreguemines, D.V -6.
CHAPITRE VI : L’opposition à Alexandre de Geiger de 1865 à 1870
1. Les notables de l’industrie et du commerce sous le Second Empire à Sarreguemines
Les principaux notables furent entres autres le baron Alexandre de Geiger, député-maire et conseiller
général, Charles-Joseph Utzschneider, actionnaire de la faïencerie et conseiller général en 1869-70, NicolasPierre Massing, né à Puttelange en 1815, fabricant de velours et marié depuis 1841 à Caroline Eberlin,
fille de Jean-Chrétien Eberlin, chef d’escadron et beau-frère de Paul Utzschneider, Jean-Pierre Barth, né
à Gersweiler et membre du conseil municipal, Pierre-Guillaume Pigeard, maître des postes et maire de
Sarreguemines de 1848 à 1855 et de 1865 à 1867.
Il est intéressant de connaître les contributions, payées par des notables et d’autres habitants de la ville pour
leur fortune. En 1845, Alexandre de Geiger payait 944 F., Martin Barth, fabricant de peluches, décoré de
la Médaille de Sainte-Hélène, 672 F, François Houlé, négociant, 539 F, Jean-François Nanot, fabricant de
velours et de tabatières, 539 F, Charles Lallemand, propriétaire à Nancy, 342 F. En 1850 de Geiger vint au
premier rang avec 1 233 F, François-Martin Barth, au 2° rang avec 849 F, Pierre Massing, au 3° rang avec
346 F, Théodore Fabry au 4° rang avec 388 F. Les Maximilien et Charles Utzschneider ne vinrent qu’aux
183° et 197° rang. L’année suivante le revenu annuel de Théodore Fabry et de sa famille fut estimé à 25 000 F
et celui de Geiger à 20 000 F. Celui de l’ancien notaire Jean-Georges Boulanger à 6 000 F et celui de Gaspard
Lallemand à la même somme. En 1856 de Geiger paya comme impots 2 179 F, François Barth, 891, François
Houlé, 827 F, Maxime-Octave Renard, de Nancy, fabricant de velours, 690 F, Georges Lacour, fabricant
de velours, 493 F, J-P. Haffner, fabricant de coffres-forts, 446 F, Adolphe Couturier, fabricant de velours
384 F, Pierre Massing, 368 F, J-B. Loth, tanneur, 329 F, J-Ch. Fistié, 318 F, Guillaume Pigeard, 309F et
Théodore Fabry 299 F. Le 11 mars 1882 le commissaire de police de Sarreguemines estima le revenu annuel
d’Alexandre Geiger à plus de 10 000 M. et le président de la Lorraine se demanda si ce n’était pas plus (1).
2. Les opposants à de Geiger
Les succès d’Alexandre de Geiger, comme député de l’arrondissement de Sarreguemines, maire de
Sarreguemines, conseiller général du canton de Volmunster et de directeur de faïencerie, ne manquèrent
pas de provoquer l’envie d’autres hommes politiques et d’autres manufacturiers. Son attachement à l’Empire
provoqua aussi l’hostilité des républicains. Les bourgeois supportaient mal la domination d’Alexandre de
Geiger, de petite noblesse et de comportement autoritaire. Enfin on lui reprochait facilement son origine
bavaroise, malgré sa naturalisation. Ses ennemis étaient Guillaume Pigeard, originaire de Dijon, maître
de poste à Sarreguemines, l’ingénieur Emile Huber, directeur de la succursale Huber-Pauly et Cie, à
Sarreguemines depuis 1860, Jean Pierre Haffner, né à Sarreguemines en 1821 et fabricant de coffres-forts
à Paris en 1846 et à Sarreguemines en 1852, Nicolas Algan, marchand de vin en gros et depuis 1855,
conseiller municipal.
Pigeard fut une première fois maire de Sarreguemines le 8 octobre 1848, mais le 18 juillet 1855 le baron
de Geiger fut nommé à sa place, alors qu’il avait eu moins de 94 voix que le premier. D’où une hostilité
compréhensible, alors que l’identité de religion aurait dû les rapprocher. Emile Huber était sans doute
l’adversaire le plus redoutable. Il était sorti ingénieur en chimie de l’Ecole centrale en 1859 à l’âge de 21
ans, alors que Geiger n’avait fait que des études de droit et était agé en 1860 de 52 ans. Il était originaire
de Paris, alors que Geiger était né à Scheinfeld, Bavière. C’était un bourgeois, alors que Geiger relevait de
la noblesse. Enfin et surtout il était un démocrate, admirant la Révolution française, s’opposant au fervent
bonapartiste Geiger et un agnostique et un franc-maçon, alors que de Geiger était un protestant assez rigide.
Huber contestait nettement le pouvoir politique et social de Geiger, malgré les richesses qu’apportaient la
faïencerie, l’introduction du gaz et les voies de communications nouvelles à la région de Sarreguemines,
dont il profitait pourtant (2). J-P. Haffner, né à Sarreguemines et serrurier de talent, faisait partie du conseil
municipal depuis 1860. Durant les élections municipales, en 1865 il fut un des plus virulents adversaires
du baron de Geiger. Nicolas Algan, le frère de six officiers, dont le lieutenant-colonel Henri Alcan (1825 1903), ne supportait pas la prédominance d’un Bavarois naturalisé (4).
3. L’opposition en 1865-1866
1. La démission du maire de Geiger en 1865
Les élections municipales du 23 juillet 1865 semblent avoir été agitées. L’opposition, menée par Haffner,
sut monter avec succès les électeurs contre Geiger, qui n’eut que 524 voix sur 924 votants. Indigné du
peu de reconnaissance pour son travail très fécond de parlementaire, il résigna le 1er août la charge de
maire et même de la présidence du Comice agricole. Evidemment c’était une erreur, mais sa démission
était compréhensible. Pigeard manœuvra de telle manière qu’aucun des autres conseillers ne fut disposé à
présenter une candidature au poste de maire et que le gouvernement le nomma à nouveau maire de la ville
en août. Quoique élu sur la liste de Geiger, il passa de suite en cachette à l’opposition. Comme on le verra
plus loin avec ses amis, il reprochera à Geiger de s’opposer à la construction du nouvel abattoir à cause de
la proximité de la première faïencerie, de vouloir occuper une partie de la caserne Chamborant pour loger
les ouvriers de la faïencerie, de ne pas défendre assez la présence de la garnison à Sarreguemines et de ne
pas faire agréer la formation des francs-tireurs, une sorte de réserve militaire, dans la région.
2. La suppression de la garnison en 1866
C’est à propos de la garnison que s’engagèrent les attaques contre Geiger. De 1852 à 1865 le député Geiger
avait su et pu assurer à sa ville une garnison convenable : 8° régiment de chasseurs (avril 1853 à avril 1856),
6° régiments de lanciers (1856 - printemps 1858), 6° régiment de chasseurs (1858 à juin 1859), 10° régiment
de cuirassiers (1859 - printemps 1860), 1er régiment de cuirassiers (1860 - printemps 1862), 8° régiment de
cuirassiers (1862 - 1865), 7° régiment de dragons (1865 -1866) (5).
En décembre 1865 un décret impérial annonça la réduction ou la suppression des garnisons à Saint-Avold et
Sarreguemines. Le même mois le député de Geiger soutint auprès du ministre de l’Intérieur la délibération
du conseil municipal de Saint-Avold, tendant à ce que l’effectif de la garnison ne fût pas diminué par
suite du décret, supprimant le 6° escadron dans les régiments de cavalerie. Le 27 février 1866 le député
intervint auprès des ministres de l’Intérieur et de la Guerre pour soutenir la protestation quelque peu tardive
du conseil municipal de Sarreguemines. Au mois de mars, avant de constituer la députation, chargée de
protester contre la suppression de la garnison et conduite par le député Geiger, le maire demanda au dernier
s’il voyait un inconvénient à ce que le manufacturier Jean-Pierre Haffner y figurât en raison de sa conduite
à son égard pendant les dernières élections municipales. Geiger répondit le 3 mars : «La composition de la
députation me paraît convenable et je ne connais que mon mandat, je ne connais pas et ne me souviens pas
de M. Haffner ni de ceux qui se sont plus ou moins mal conduits à mon égard» (7).
Recevant le 10 mars de Geiger, le notaire Martin Oster, Charles Utzschneider et Pierre Haffner, le ministre
de la guerre, Randon, prétexta pour justifier sa décision la vétusté de la caserne, le manque de logement
pour les officiers (le colonel du régiment habitant hors de la ville) et même pour les civils, qu’on pourrait
loger dans la caserne. Vainement le 15 mars les conseils municipaux de Sarreguemines et de Saint-Avold
demandèrent une audience à l’empereur.
Le 28 mars Geiger fit la déclaration suivante au conseil municipal : «Je n’ignore pas les petites insinuations,
dirigées contre-moi personnellement et tendant à répandre dans le public l’idée que moi, député de
l’arrondissement je n’avais pas tout fait pour arrêter la décision ministérielle (de la suppression de la garnison),
parce que la fabrique désirait acheter le magasin à fourrage. On a colporté dans des lieux publics des lettres
que l’on a interprétées dans ce sens. Je repousse ces calomnies avec dédain et déplore réellement que
notre esprit public soit si facile à égarer. Quand on a eu le bonheur de servir son pays avec un dévouement
constant et je puis le dire avec un grand succès, on reste calme en face de petites méchancetés qui prouvent
tout au plus l’incapacité et l’ignorance des uns et l’envie des autres. Il serait vraiment temps de reconnaître
que Sarreguemines doit sa prospérité en grande partie à la manufacture de faïence et que les 2 000 000
de francs, qu’elle met en circulation sur place, ont bien une valeur surtout en présence des faits qui vont
s’accomplir. Seulement qu’on le sache bien, la modeste part que j’ai dans cette grande industrie peut être
triplée, cet intérêt ne me ferait pas dévier d’une ligne du seul chemin que je connais pour l’avoir toujours
suivi, celui de l’honneur et de la loyauté !» (8).
En avril 1866, le 7° régiment de dragons partit de Sarreguemines. Le 17 mai 1866 le ministre de l’Intérieur
informa Geiger que le retrait de la cavalerie de Sarreguemines, qui avait irrité la population, était dû au
mauvais état de la caserne, mais que pour ménager les intérêts de la ville une compagnie d’infanterie
serait établie et pourrait être augmentée. Le 23 septembre le conseil municipal demanda au ministre de la
guerre de remettre à Sarreguemines une garnison de cavalerie après la rentrée des troupes de Rome et du
Mexique, car l’état sanitaire de la caserne était bon, les prix, bon marché, le fourrage, excellent. Le souspréfet transmit le 29 septembre la demande au préfet en observant que les Sarregueminois avaient appris
avec stupéfaction qu’une 2° batterie d’artillerie avait été envoyée à Saint-Avold. Le 24 octobre le maréchal
Forey, gouverneur de Nancy et commandant du 3° corps, vint à Sarreguemines pour se rendre compte de
l’état de la caserne.
4. L’opposition en 1867
1. La question de la garnison
Le 3 mai 1867 le ministre de l’Intérieur informa le préfet que le détachement d’infanterie allait être retiré,
l’aliénation de la caserne étant décidée depuis longtemps à cause de sa détérioration. Le 14 mai le souspréfet relata que Pigeard était un homme fourbe et dont le frère prétendait à tort avoir été membre du comité
napoléonien, sur quoi le préfet lui déclara que personne n’était responsable de cette décision et qu’il fallait
calmer la population.
Le 20 mai le procureur impérial de Sarreguemines, Paul Piette, informa le procureur général de Metz des
calomnies, propagées contre de Geiger, dont Pigeard avait dit : «le cochon de Bavarois qui nous a trahis»
et qu’il avait accusé de vouloir annexer à son usine le magasin de fourrage. «Lors des dernières élections,
écrivit-il, la liste de Geiger passa entièrement, mais lui-même fut élu l’un des derniers. Dans un moment
d’irritation qu’il regretta ensuite, il donna sa démission de maire. Evidemment des électeurs se plaignaient
de la brusquerie des manières de Geiger, mais les meneurs agissaient en réalité, poussés par un sentiment
de jalousie et d’envie de la position élevée qu’occupait de Geiger comme maire et député. Son successeur à
la mairie n’était pas un homme de mérite, il avait peu d’éducation et pas de caractère, car figurant à la fois
sur les deux listes, il passa après les élections à l’opposition et dénigra de suite son prédécesseur. De plus,
se présentant contre de Geiger aux élections de conseil général dans le canton de Volmunster, il en fit la
même chose avec mauvaise foi».
Au mois de mai divers articles sur l’affaire de la caserne parurent dans des journaux de Lorraine. Le 7
mai Geiger publia un article, dans lequel il rappela que déjà avant 1848, au temps où le général Virgile
Schneider, député de l’arrondissement de Sarreguemines, était ministre de la guerre, l’inspection générale
et les colonels des régiments s’étaient plaints du casernement, des logements et de la cherté de vie, de ce
que l’hôpital, détruit par un incendie, n’avait pas été reconstruit et que les trois démarches personnels auprès
des ministres Randon et Niel et de l’empereur avaient été vaines à cause du délabrement de la caserne et
de la réduction du nombre de régiments. «J’avais cru que mon caractère bien connu et les services que
j’ai eu le bonheur de rendre à nos contrées, écrivait-il, me mettraient à l’abri de toute insinuation, mais il
paraît que je me suis trompé. Plus on rend service, plus on rencontre d’ingratitude. Mais quand on a pour
témoins le souverain, les ministres et les personnages les plus marquants du département, on peut mépriser
les calomnies qui flétrissent simplement les auteurs». A son tour Huber, pour répondre à de Geiger et à
un journal, qui avait écrit que les casernes de Stenay, Sarreguemines et Sarrebourg n’auraient plus de
garnison à cause de leur insalubrité, fit connaître par lettre que le 23 novembre 1866 le conseil d’hygiène
et de salubrité publique avait émis l’avis que la caserne de Sarreguemines se trouvait dans les meilleurs
conditions d’hygiène et que les plaintes de l’autorité militaire étaient mal fondées. Pigeard publia également
une lettre, à côté de celle de Geiger et Huber, dans Le Petit Glaneur de Sarreguemines.
Le 23 mai le sous-préfet de Montifault relata au préfet qu’il cherchait vainement à calmer les manifestations
des Sarregueminois, qui considéraient le régiment et la caserne comme leur propriété. Les esprits étaient
tellement échauffés que l’un des adversaires (Algan), frère de six officiers, lui avait déclaré que si l’on
faisait passer une liste d’adhésion pour l’annexion à la Prusse, il signerait le premier et des deux mains.
Evidemment ce n’était qu’une opinion personnelle, car la haine de la population pour le nom «prussien»
était bien connue. Pigeard était la principale cause de l’exaspération. Aux élections municipales de 1860
et 1865 il s’était laissé influencer et guider par Huber «jeune manufacturier sortant de l’Ecole centrale»
qui n’acceptait pas la domination de Geiger, député, maire et conseiller général. Cependant Geiger avait
également une certaine responsabilité. Il avait eu le tort en 1865 de se laisser emporter par son dépit et
de donner sa démission de maire, de président du Comice et de toutes autres fonctions, sauf les fonctions
électives de député et de conseiller général. Geiger se fit beaucoup de tort par les violences de son langage
avant et après. Le poste de maire fut proposé à tous les conseillers, seul Pigeard l’accepta, Geiger avait luimême conseillé au sous-préfet d’accepter cette candidature, bien que Pigeard fût «un soliveau» et qu’il lui
ait refusé la Légion d’honneur. De toute façon il fallait révoquer le maire Pigeard.
Le 28 mai le préfet informa le ministre de la guerre qu’il fallait absolument envoyer à Sarreguemines un
régiment de cavalerie, car aux yeux de la population la suppression de la garnison serait une reculade
devant les Prussiens, que l’autorité militaire avait transformé le pays le plus dévoué de France en un foyer
d’opposition et d’agitation passionnée et que les adversaires de Geiger l’accusait de vouloir acheter à bas prix
les bâtiments de la caserne. Aussi le ministre envoya-t-il à Sarreguemines deux batteries du 8° régiment
d’artillerie pour calmer l’agitation. Cela était d’autant plus nécessaire que le 25 juin mille soldats prussiens,
quittant la forteresse du Luxembourg, arrivèrent à Sarrebruck (9). Le 31 mai le sous-préfet relata au préfet
que Pigeard cherchait à faire démissionner un certain nombre de conseillers municipaux, plus ou moins
favorables à de Geiger, par la force ou la persuasion, afin de pouvoir les remplacer par Huber, Haffner,
Corette, Alfred Algan fils et deux autres. Il cherchait ainsi à placer ses hommes au conseil municipal et
même au corps des sapeurs-pompiers.
2. L’opposition par la création de deux sociétés philosophiques et militaires
A partir de 1866 des opposants cherchaient à combattre l’influence de Geiger en jouant un rôle dans deux
nouvelles sociétés. Avec Camille Pigeard, frère du maire, et Eusèbe Houriez, ingénieur civil, fermier de la
ferme de Kremerich et président du Comice, Huber entra dans la loge maçonnique «Les vrais Amis», fondée
en avril 1866 à Sarreguemines et dont le sous-préfet disait le 25 juin 1867 qu’elle «était si mal composée»
(10). Huber fut aussi l’un des principaux animateurs de la société militaire privée «Les Francs-Tireurs de la
Sarre», constituée au début de juin 1867 avec 30 membres sur le modèle des «Francs-Tireurs des Vosges»,
formés en 1864, et de semblables sociétés de Metz et d’Ars-sur-Moselle, constituées en 1861 et 1866.
Pour la nouvelle société Huber adopta l’uniforme de la première société : la tenue de chasse en toile claire
et feutre mou à plumes flottantes et se fit photographier dans cet accoutrement, comme le montre une
photographie que le sous-préfet put se procurer pour l’envoyer au préfet (11). Le commissaire de police de
Sarreguemines relata le 1er juin que Huber était un individu intelligent, actif, remuant, très poli avec les
autorités, se faisant passer pour un adhérent de l’Empire libéral, mais en réalité hostile au gouvernement,
membre des «Francs-Tireurs des Vosges» et sans doute en relation à Paris avec le journaliste Henri Rochefort,
créateur du journal «La lanterne rouge», dont l’hostilité à l’Empire était bien connue. Aussi le commissaire
de police décrivit-il minutieusement la physionomie de Huber et s’en procura-t-il une photographie, pour
que la police pût le surveiller à Paris. Huber convoqua les membres de la société le 9 juin, mais le souspréfet s’inscrivit à la société et demanda à d’autres fonctionnaires dont le procureur impérial, un juge de
paix, Maximilien Utzschneider, maire de Neunkirch, pour contrebalancer l’influence de Huber, Algan,
André Schwartz, ancien juge de paix et ancien conseiller d’arrondissement (12).
Ainsi le 14 juillet 1867 la société des Francs-Tireurs de la Sarre se composait à la fois d’amis et d’ennemis
de Geiger : de Montifault sous-préfet, Alfred Algan, ancien officier, Paul Bardon, manufacturier,
Bichelberger, marchand de bois, Eusèbe Houriez, ingénieur agronome, Emile Huber, manufacturier,
Maillin, manufacturier, Paul Piette, procureur impérial, Ferdinand Schwartz, ancien juge, Tinchant, juge
de paix, Max Utzschneider, propriétaire. Il semble que les amis de Geiger étaient plus nombreux que ses
ennemis (13).
3. Le maire Pigeard condamné pour diffamation et revoqué de son poste de maire en 1867
Fin mai Geiger déposa une plainte pour diffamation auprès du procureur général Gérando à Metz. Le 29
mai le préfet adressa un blâme au maire Pigeard, de même que le sous-préfet. Le jour suivant le commissaire
prévint le préfet que le juge d’instruction avait entendu les témoins, qui certifiérent que Pigeard avait
prononcé les diffamations racistes «C’est le Bavarois qui nous a trahis , ce cochon de Bavarois» : L’un
de ces témoins déposa également plaintes, parce que Pigeard l’avait accusé d’avoir accepté un pot-devin pour témoigner. Le 7 juin le préfet informa Geiger que le ministre de l’Intérieur révoquerait le maire
Pigeard, à moins qu’il ne démissionnerait auparavant, et que l’un de ses adjoints avait démissionné et
voulait déposer plainte contre lui. Effectivement Pigeard fut révoqué le 19 juin et remplacé provisoirement
par l’adjoint Louis Nicot. Vainement en signe de protestation Pigeard essaya de faire démissionner tout le
conseil municipal et Huber, Corette un marchand de vin et Algan projetèrent d’organiser une manifestation
et un banquet en sa faveur.
Le 17 juillet le procès contre Pigeard eut lieu à Sarreguemines. A l’audience Geiger et son avocat, M. Pistor,
de Metz, furent d’après le sous-préfet fort modérés dans la forme. Ils déclarèrent, en effet, qu’ils n’avaient
demandé des dommages et intérêts, soit 10 000 F que parce que la loi les y obligeait, afin qu’ils puissent
se porter partie civile, mais que, si le tribunal accordait une réparation pécuniaire, la somme serait versée
au bureau de bienfaisance et qu’ils voulaient seulement prouver que Geiger avait bien rempli son mandat.
De même le procureur impérial flétrit la conduite de l’accusé en ajoutant toutefois qu’il n’avait été que
l’instrument de quelques ennemis personnels de Geiger et de quelques ambitieux et qu’il ne demandait pas
pour lui la flétrissure de la prison. Son défenseur M. Limbourg ne s’attaqua pas à Geiger, mais plutôt au
commissaire de police que le procureur impérial défendit sur le champ. Finalement Pigeard fut condamné
à 25 F d’amende, aux frais du procès et à l’insertion de tout le texte du jugement dans «Le Petit Glaneur».
La modération de Geiger fut fort approuvée par la majorité de la population, mais ses ennemis incorrigibles
cherchaient à la présenter comme un échec. L’un deux cita l’adage . «Parturiunt montes, nascitur ridiculus»
les montagnes sont en travail, il en naîtra un rat ridicule». Aucune manifestation n’eut lieu lors de ce
jugement, on ne cria pas «Vive Pigeard», comme prévu, mais le 13 août le commissaire spécial à Forbach-gare
confisqua plusieurs exemplaires de «L’Indépendant de la Moselle», envoyés par la poste de Sarreguemines
à des personnes du canton de Forbach et contenant un article sur le procès, favorable à l’ancien maire.
Pigeard se présenta vainement le 4 août aux élections de conseiller d’arrondissement dans le canton de
Volmunster contre le notaire et suppléant du juge de paix à Bitche Malye, qui aux yeux de Geiger était
«un choix excellent et une vraie trouvaille pour le canton et le conseil, au moins une capacité qui arrivait
là où il n’y avait pas trop». A la sortie d’une séance du conseil municipal, Pigeard l’insulta en lui disant
qu’il continuerait son opposition. Comme six conseillers manquaient par suite de décès ou de démissions
de nouvelles élections eurent lieu les 23 - 24 novembre. Algan, Becker, Pierre Haffner, le notaire Veil et le
médecin de Langenhagen furent élus. Algan et Haffner étaient des ennemis connus de Geiger.
5. L’opposition de 1868
1. L’échec de la Société des Franc-Tireurs de la Sarre
Par suite de la nomination du 4 avril 1868, le baron de Geiger et son adjoint François Chabert, un officier
en retraite, furent installés le 11 avril dans leurs fonctions par le sous-préfet, néanmoins l’opposition
continua. Le 14 janvier Pigeard avait adressé une lettre impertinente à de Geiger. Le sous-préfet avait
espéré que la société des Francs-Tireurs cesserait rapidement son activité, mais jusqu’en février 1868 Huber
sut recruter 51 membres. Quant en mars ces sociétés furent intégrées dans le cadre de la garde nationale
mobile sous le titre de compagnie de Francs-Tireurs volontaires, la société de Huber, dite aussi «société
de tir de Sarreguemines», ne fut pas autorisée à se constituer en compagnie, faute du nombre suffisant de
membres, tandis que ce fut le cas pour les sociétés de Metz et d’Ars-sur-Moselle. Ce fut un échec pour
Huber, comme l’avait prévu le sous-préfet. Comble de déshonneur pour Huber, le 26 août le sénateur -maire
de Sarreguemines fut sollicité par le capitaine de la compagnie des Francs-Tireurs de Metz, Ernest Vever,
pour qu’elle fût reconnue officiellement par le ministre de la Guerre (14). Toutefois la société de tir, présidé
par Algan avec Huber, comme vice-président depuis février, ne cessa de s’agiter et même depuis le 18 avril
Huber en était devenu son président.
Comme le 13 avril le bruit s’était répandu que les deux batteries d’artillerie allaient partir, de Geiger obtint
du Maréchal Bazaine, commandant le 3° corps d’armée à Nancy, la promesse du maintien de la petite
garnison. Le 20 juin le maréchal vint inspecter la caserne (15).
2. Les attaques de Haffner contre le maire au conseil municipal
Le 21 juin 1868 le conseiller municipal Haffner fut d’avis pendant la discussion sur la construction des
égouts dans la rue du Grand port (aujourd’hui rue Poincaré) que la faïencerie devait entretenir les bordures
de la rue, à quoi le député-maire répondit que les cultivateurs, en venant en ville avec leurs voitures, usaient
les bordures des rues autant que les voituriers de l’usine. Le médecin de Langenhagen renchérit que
Haffner désirait seulement défendre les intérêts de la ville. Cet incident, que le baron de Geiger traita de
niaiserie , n’eut pas d’autres suites (16).
Plus grave fut l’attaque de Haffner au sujet du chemin de Bliesguersviller dans la même séance. Depuis 1823
la faïencerie disposait du moulin de la Blies pour broyer les cailloux et les silex et préparer les pâtes. Elle
transportait et retransportait les marchandises sur le chemin de Bliesguersviller avec des voitures à quatre
chevaux. Depuis 1838 la question de l’entretien de ce chemin se posait. Il fut convenu que la ville porterait
les trois cinquièmes des frais et la faïencerie le reste, puis en 1847 la part de la ville fut fixée à 300 F, mais
à plusieurs reprises jusqu’en 1865 la ville refusa sa quote-part et fut forcée de la payer sur ordre du préfet.
Elle prétextait que le véritable chemin était la route de Neunkirch ou le chemin de Graefinthal et le chemin
de Véching, que le chemin à partir du moulin de la Blies n’était pas entretenu ni pas par la faïencerie, ni
par Bliesguerviller et Schweyen, au point qu’en 1845 un attelage avec la voiture fut emporté par les flots de
la rivière, et fut d’avis de déclasser le chemin et de le donner à la faïencerie. De 1847 à 1864 la faïencerie
dépensa 2 737 F pour l’entretien du chemin et la ville 1 200 F. Ensuite tout le chemin de Sarreguemines
à Frauenberg par Blieschweyen fut réparé en obligeant la faïencerie à payer 9 374 F pour la construction
et 2 000 F pour l’entretien, la ville 1 600 F, Blieschweyen-Bliesguersviller 600 F et Frauenberg 400 F. En
outre Max Utzschneider, sociétaire d’Utzschneider et Cie, avait fait don de terrains. Le 21 juin 1868 Algan
et Haffner prétendirent que ce chemin n’avait aucune utilité pour la ville et que Utzschneider et Cie ne
cherchait que son intérêt et non pas celui de la ville. Le député-maire répliqua que 400 habitants possédaient
des jardins de part et d’autre de ce chemin. Le 7 septembre Pigeard répéta que l’entretien du chemin devait
incomber uniquement à la faïencerie, à quoi Geiger répondit qu’il espérait que c’était la dernière attaque
contre son établissement, qui versait 1 850 000 fr à ses ouvriers (17).
6. L’opposition en 1869/70
Le 18 novembre 1869 le sénateur-maire Geiger apprit que le ministre de la guerre Lebœuf avait donné
l’ordre aux deux batteries d’artillerie de se rendre à Stenay. Quand cette nouvelle fut connue en ville après
14 heures, plus de 200 Sarregueminois se rassemblèrent devant l’hôtel de ville pour protester contre cette
décision. Cette manifestation, qui faisait peur à de Geiger, était peut-être orchestrée par ses opposants.
Celui-ci envoya de suite une dépêche télégraphique au ministre de la guerre pour suspendre cette mesure
et en lui faisant remarquer que son «arrondissement, qui avait donné tant de preuves, de dévouement à
l’Empereur, ne devait pas être traité ainsi» (18). Le même jour il écrivit une lettre au président du Sénat pour
lui demander son intervention et celui-ci de lui répondre le lendemain qu’il interviendrait immédiatement
auprès du ministre de la guerre. En outre le 20 novembre Geiger adressa une deuxième lettre au général de
division Frossard, gouverneur de son Altesse impériale le prince Louis à Compiègne, et se rendit de suite
à Paris.
Dans ces deux lettres Geiger exposa les raisons de maintenir une garnison à Sarreguemines. D’abord une
raison historique : Sarreguemines avait été toujours et depuis un siècle une ville de garnison et ses habitants
étaient habitués de vivre avec la troupe. Raison politique : «la suppression de la garnison avait produit une
fâcheuse impression : ce serait probablement la fin du dévouement de la population de l’arrondissement
et de Sarreguemines qu’elle avait manifesté depuis 1852 à l’Empire et même avec un zèle devenu rare
lors des élections législatives de 1868 et 1869. La population croyait maintenant qu’on n’avait plus besoin
d’elle. Des gens, souvent ivres commençaient en province de se moquer du gouvernement en criant «Vive
la liberté». Mais ce serait aussi la fin de l’influence de Geiger, d’autant plus qu’il avait été mis devant le
fait accompli. Raison de sûreté : le sénateur-maire se demandait comment il pouvait maintenir l’ordre sans
les 500 à 1 000 soldats dans une ville de 6 640 civils, dont 3 000 ouvriers originaires de tous les pays de
France et d’Allemagne, d’autant plus qu’il n’avait à sa disposition que quatre agents de police, que des
malfaiteurs passaient ou repassaient facilement la Blies et la Sarre. Les soldats avaient souvent aidé les
sapeurs-pompiers à éteindre les incendies. Il faudrait à Sarreguemines une garnison, équivalente à celles
de Sarrelouis et Deux-Ponts pour assurer la sûreté des frontières. Raison économique en fin : la suppression
de la garnison léserait les intérêts de la ville (perte du commerce et des revenus de la mairie), alors qu’elle
ne rapporterait à l’Etat qu’une économie de 150 à 200 000 F sur des millions dépensés.
A leur tour le sous-préfet et le préfet de la Moselle prirent la défense de la ville Sarreguemines en
invoquant sensiblement les mêmes raisons. Le premier insistait sur le dévouement de l’arrondissement de
Sarreguemines, quoiqu’il contînt 50 000 ouvriers, parfois excités lors des élections de 1868 et 1869, sur la
situation de l’arrondissement en face de la Prusse et de la Bavière et sur l’émotion populaire, soulevée par
le projet de la démolition de la caserne. On avait déjà répandu le bruit que la faïencerie et la société des
chemin de fer de l’Est voulaient acheter le terrain. Les opposants de Geiger prétendaient que si on avait
voté pour Rochefort, on n’aurait pas supprimé la garnison. Le sous-préfet était d’avis que de Geiger pourrait
perdre la mairie. Dès le 19 novembre le préfet informa le maire que le général Frossard était opposé à la
suppression de la garnison, ce qui détermina Geiger à écrire le 20 à ce général, qui pouvait intervenir auprès
de l’empereur. Dès le 22 novembre Frossard envoya un télégramme que les batteries d’artillerie seraient
remplacées par de la cavalerie, sans doute sur ordre de l’Empereur, et le lendemain le conseil municipal
adressa ses remerciements à de Geiger, l’empereur et Frossard.
Le préfet s’adressa le 20 et 22 novembre au ministère de la guerre. Il confirma que lors de l’inauguration
de la ligne de Sarreguemines à Niederbronn, il s’était aperçu de l’émotion, provoquée par la réduction des
garnisons de Sarreguemines et Bitche. Il fallait laisser une forte garnison à Sarreguemines pour surveiller
les ouvriers, travaillant sur la ligne de chemin de fer à Sarralbe et contrebalancer les garnisons assez
fortes de Sarrelouis et Sarrebruck. Le 27 novembre Lebœuf annonça à de Geiger que les deux batteries
d’artillerie, parties le 21, seraient remplacés par le 5° escadron du 3° régiment de dragons, en garnison à
Pont-à-Mousson. Ainsi les efforts conjugués de Geiger, du député Lejoindre, du sous-préfet Edmond Viard
et du préfet Paul Odent furent couronnés du succès. Mais le 1er décembre le ministre de l’Intérieur prévint
le préfet que la nouvelle garnison n’était que provisoirement à Sarreguemines, que tôt ou tard la mesure
de suppression, prise en janvier 1866, serait appliqué vu la vétusté du casernement et qu’il devait préparer
l’opinion à cette nouvelle mesure. Pour maintenir la faible garnison, Alexandre de Geiger déclara le 1er mai
1870 au conseil municipal que la société Utzschneider lui fournirait 164 draps à ses frais.
Sarreguemines fut dégarni de troupes du 16 au 19 juillet 1870, alors que la Confédération allemande du
Nord et les Etats du Sud concentrèrent leurs armées sur les frontières de la Sarre et du Palatinat et que la
France leur déclara imprudemment la guerre le 19. En l’absence de troupes Emile Huber, Pierre Haffner et
Pierre Pigeard formèrent le 16 juin avec l’approbation du sous-préfet et de l’adjoint François Chabert, faisant
fonction de maire, une police urbaine en vue de réprimer les tentatives de soulèvement et de brigandage et
de surveiller avec les douaniers, les gendarmes et les pompiers les points stratégiques, comme le bac et le
pont de chemin de fer de Hanweiler. Huber mit à la disposition de cette police les fusils de sa société de tir.
Ainsi l’opposition joua à nouveau un rôle pendant quelques jours en l’absence de Geiger (19).
NOTES
1 ) Denis Brunn, Les notables de l’industrie et du commerce sous le second Empire, dans : Les Cahiers Lorrains, 1983, p. 176, 182
et 184 ; A. M. de Sarreguemines, 3° section, K III, GI - 6, K III - 24 ; A. D. Moselle, Série O, documents non encore classés sur
l’opposition contre de Geiger ; A.D. Moselle, 2AL 126.
2 ) Nérée Quépat, Dictionnaire biographique de l’ancien département de la Moselle, Paris, 1887, p. 581 ; Graf von ZeppelinAschausen, Emile Huber. Nachruf, dans : Jahrbuck der Gesellschaft für : lothringische Geschichte und Altertumskunde, 1909
(II), p. 342 - 348 ; Hemmert, p. 83.
3 ) Nérée Quépat, p. 225 - 226 ; Hemmert, p. 78.
4 ) J- P. Jean, Le livre d’or du Souvenir français, Metz, 1909, p. 196
5 ) Jacques Touba, Sarreguemines. L’ancienne caserne,dans : Bulletin des Amis des pays de la Sarre, 1934, p. 225.
6 ) A. D. Moselle, Série O.
7 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, D IV - 31
8 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, D I - 8, f° 206.
9 ) Touba, p. 228, qui écrit à tort que le 1er régiment de cuirassiers occupa la caserne.
10 ) Archives nationales, F M - 2 794 - 6 113.
11) 11.A.D. Moselle, Série O.
12 ) Yves Le Moigne, Les Francs-Tireurs de Metz et la société des vétérans de 1870, dans : Annuaire de la société d’histoire et
d’archéologie de la Lorraine, 1974, p. 63 - 64.
13 ) Alain Groussel, J-M. Portier, Alexandre Schmitt, Un siècle d’athlétisme, Confluence (archives municipales de Sarreguemines),
1991, p. 11 - 12.
14 ) Le Moigne, p. 66;
15 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, D I - 9.
16 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, D I - 9.
17 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, D I - 7 et 9, F IV - 5 et O I - 13.
18 ) A. M. de Sarreguemines, 3° section, HV - 2 et 3 et D IV - 32.
19 ) H. Hiegel, Sarreguemines et sa région en juillet - août 1870, dans : Le Pays Lorrain, p. 12.

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