La guerre du paiement par téléphone mobile

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La guerre du paiement par téléphone mobile
Le Monde 22/01/2013
N° 21153 page 18
La guerre du paiement par téléphone mobile
Le fichier clients des enseignes est stratégique
Qui remportera la bataille du paiement par téléphone mobile dans les magasins ? Google, avec son portefeuille électronique
virtuel Google Wallet, eBay avec son système de paiement PayPal, les opérateurs téléphoniques comme le consortium Isis
(AT & T, T-Mobile USA, Verizon Wireless...), les banques ou les acteurs de la grande distribution ? Tel était l'un des sujets
de discussion au salon américain du commerce de détail, organisé par la National Retail Federation (NRF) du 13 au 15
janvier à New York.
Pour les différents acteurs, il s'agit de réussir à imposer leur standard en multipliant les accords avec les enseignes : une
fois leur carte de crédit enregistrée sur un système, le consommateur cède à la simplicité du paiement par téléphone
portable, qui concentre en un seul objet moyen de paiement, bons de réductions et ticket de caisse.
Aux Etats-Unis, la chaîne de bricolage Home Depot a installé, en mars 2012, dans près de 2 000 magasins, le système
PayPal qui propose à ceux qui l'adopteront des bons de réductions dans l'enseigne. PayPal a aussi pénétré les magasins
américains d'Abercrombie & Fitch, d'Hollister, de Toys R' Us, de Foot Locker ou d'American Eagle Outfitters. " Il y a un an
on était dans cinq magasins et uniquement chez Home Depot, fin 2012 dans 18 000 magasins. L'objectif est qu'en 2013
PayPal soit accepté dans 3,5 millions de magasins ", explique Patrick Gauthier, directeur des opérations chez PayPal. Car
PayPal a signé l'été dernier un partenariat avec Discover, le quatrième acteur américain des cartes de crédit, qui va
accélérer sa présence.
Starbucks, lui, a choisi d'équiper ses 7 000 magasins américains du système de paiement Square, créé par le fondateur de
Twitter, que Burberry est en train de tester dans ses boutiques. L'équipementier allemand Wincor Nixdorf vient pour sa part
d'annoncer son entrée sur le marché du portefeuille virtuel comme prolongement de sa plate-forme de paiements. Déjà
adoptée par Shell, elle sera bientôt installée en France, au Benelux et en Allemagne chez Total, qui, à terme, acceptera
dans ses stations-service tous les modes de paiement, dont PayPal.
" Le paiement en magasin, c'est le dernier maillon de la chaîne du commerce que les opérateurs de télécommunication ou
les acteurs d'Internet n'ont pas vraiment réussi à pénétrer. L'enjeu, c'est de récupérer le fichier client ", explique un acteur
français de la grande distribution. Le vrai nerf de la guerre, c'est le ticket de caisse.
Aux Etats-Unis, une quinzaine de commerçants dont Walmart, Target, Best Buy, 7-Eleven se sont alliés pour contrer les
Google et autres PayPal, en créant mi-août Merchant Customer Exchange (MCX), une entité qui sera en charge du
développement de l'application mobile de paiement sans contact en magasin, et qui intégrera des systèmes de coupons et
des programmes de fidélisation.
" Nous travaillons aussi avec MCX ", indique M. Gauthier. En France, le secteur de la grande distribution tente aussi de
prendre les devants. Auchan a dévoilé en décembre 2012 le système flash'N pay. Sur son téléphone, le consommateur voit
ses coupons de réduction automatiquement déduits en caisse. Il peut également activer une option permettant de le
localiser dans le magasin afin d'être alerté des promotions. Implanté depuis le 6 décembre à Faches-Thumesnil (Nord), le
système sera généralisé à partir d'avril dans tous les magasins du groupe.
Créé par Oney Banque Accord (la banque du groupe Auchan), flash'N pay a vocation à ouvrir son capital. " Nous avons des
contacts avancés avec d'autres distributeurs. Ils se montrent intéressés car le système est indépendant des principales
banques et des opérateurs de télécommunications, et que l'on garantit que chacun conserve son fichier clients en entrant
dans cette alliance ", note Benoit Liagre, directeur général de flash'N pay.
La bataille pour le paiement par téléphone en magasin s'annonce féroce, car le gâteau est de taille. Selon le cabinet
Gartner, les transactions de paiement par téléphone mobile dans le monde pourraient atteindre 600 milliards de dollars
(454 milliards d'euros) en 2013, contre 172 milliards en 2012.
Cécile Prudhomme
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