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Editions Hatier
Introduction1
Dans ce texte, Comte pose le problème classique de savoir si les idées mènent le monde ou si le monde est
livré aux intérêts et aux passions de l'homme. Il propose une solution en distinguant le pouvoir spirituel et le
pouvoir temporel, et en montrant quels types de forces et quelle lutte entre ces forces constituent l'histoire de
l'esprit humain. La force de la démonstration détermine le pouvoir spirituel. Il s'agit d'en apprécier l'importance
tant du point de vue théorique que du point de vue pratique. Le problème fondamental est en effet de savoir
comment l'attitude scientifique positive permet de fonder la politique positive.
1. Les titres en gras servent à guider la lecture et ne doivent en aucun cas figurer sur la copie.
1. La force de la démonstration dans l'histoire de l'esprit humain
A. La force de la démonstration
Comte établit sa thèse dans la première partie de son texte. Il opère une réévaluation du jugement qui minimise
l'influence de l'intelligence sur la conduite des hommes. Il commence par exclure l'excès inverse (“ sans doute ”).
Sa thèse s'inscrit donc dans un juste milieu entre une négligence et une exagération, entre deux positions
extrêmes, l'une en défaut et l'autre en excès. Pour montrer cette influence, il choisit la forme de la pensée qui
semble avoir le plus de force : la démonstration.
Mais en quel sens peut-on parler d'une force de la démonstration ? L'intelligence peut-elle constituer une
force ? Nous devons comprendre qu'une démonstration a la force d'une contrainte. Elle produit une vérité dans
sa nécessité, à travers un enchaînement nécessaire de raisons. On dit qu'une démonstration s'impose à nous. On
doit s'incliner devant elle. Mais le paradoxe, c'est que cette force ne nous est pas extérieure. Elle relève de l'esprit
humain, de sa capacité à raisonner. Nous verrons qu'en un sens seule la démonstration peut nous donner la
force de nous libérer, parce qu'elle s'adresse à l'esprit.
B. La preuve par l'histoire
Comment prouver cette importance ? Par le recours à l'histoire de l'esprit humain. L'histoire de l'esprit humain
est le principe universel dont résulte la loi des trois états, qui est la loi du progrès intellectuel de l'humanité.
L'esprit humain passe du fétichisme au positivisme, de la fiction à la démonstration. La mathématique est l'unité
de toutes les sciences. C'est l'histoire de l'esprit humain en tant qu'universel qui conduit à concevoir
l'avenir de façon positive et à construire une philosophie politique. On peut donc identifier la nature de cette
preuve. L'unité de l'esprit humain à l'œuvre dans la continuité de l'histoire est la preuve philosophique par
excellence. Il s'agit de comprendre le passé dans un présent qui prépare l'avenir. Tel est le sens de cette histoire.
Ce sens est une preuve.
La force de la démonstration n'exprime que le pouvoir de compréhension de l'esprit et rien que ce pouvoir. Les
forces contre lesquelles il lutte sont au contraire alliées. Or, si toute force est dynamique, seule cette force est
positive, et non négative. Elle produit des changements et des modifications positives, nécessaires. Le terme “
déterminé ” s'oppose à indéterminé, à arbitraire. En l'occurrence, le jeu des forces oppose l'homme à lui-même. Il
est d'une certaine manière interne en chaque homme.
Mais une fois identifiée la force de la démonstration, il s'agit de montrer que ses effets sont à la fois théoriques et
pratiques. Cette force produit ses effets dans le domaine théorique (science) comme dans le domaine
pratique (politique). L'astronomie et la politique forment les deux extrémités du pouvoir de l'homme. La force
de la démonstration apparaît comme un principe de continuité, ce qui justifie le recours à l'histoire.
2. L'exemple scientifique de l'adoption de la théorie du mouvement de la terre
A. La théorie du mouvement de la terre
“ La théorie du mouvement de la terre ” est le sommet théorique de l'astronomie. C'est le meilleur exemple car
c'est dans le cas de l'astronomie que les obstacles ont été les plus forts. Ces obstacles ont pourtant été vaincus. Le
savant l'emporte par la seule démonstration, par le seul pouvoir de son esprit, en dehors de toute supériorité
sociale, de toute intimidation, qu'elle provienne d'un pouvoir religieux ou de l'orgueil humain. Comte caractérise
la force du pouvoir spirituel face aux pouvoirs temporels, existants. Le pouvoir spirituel est éternel et
désintéressé. Le pouvoir temporel est matériel et intéressé. Le premier peut l'emporter sur le second. L'histoire de
l'esprit humain montre même qu'il le doit.
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Ce texte suppose que l'on connaisse la manière dont l'homme a été convaincu de la théorie du mouvement
de la terre. Copernic a le premier fait l'hypothèse d'un double mouvement de la terre, mouvement diurne autour
de son axe et mouvement annuel autour du soleil. Gallilée en fait une théorie physique et non une simple
hypothèse. Il étend à l'ensemble de la nature, des corps en mouvement, la rigueur démonstrative des
mathématiques. Le livre de la nature est écrit avec des signes mathématiques. C'est un système de causes et
d'effets, indifférent à la finalité, qui suppose une conception purement mécaniste du mouvement défini comme
un changement relatif de situation d'un corps par rapport à d'autres corps.
La science positive fonde une communauté universelle des esprits raisonnables. Une théorie finit par
s'imposer parce qu'elle est démontrée, parce qu'elle est vraie, et non parce qu'elle exprimerait des intérêts. Mais
en quoi le vrai est-il alors pur, seul ? Le positif est-il à l'abri des préjugés ? Il ne l'est pas dans deux cas. D'une
part si l'on n'est plus capable d'effectuer la démonstration et de comprendre les raisons du vrai ; la démonstration
devient alors un argument d'autorité. D'autre part si des intérêts particuliers se greffent sur la démonstration pour
l'utiliser au service d'un pouvoir temporel. La démonstration ne peut pourtant être remise en cause.
B. Les deux forces contraires
Il faut maintenant examiner les deux forces qui s'allient contre la force de la démonstration. Ces deux forces
expriment des préjugés et surtout des intérêts. La puissance des démonstrations positives lutte face à la
résistance du pouvoir théologique et à l'orgueil de l'espèce humaine. Tels sont les pôles de cette histoire. Une
force s'exerce toujours sur une autre force.
Comte oppose d'abord “ positif ” à “ théologique ”. Ce sont les deux extrêmes de la connaissance humaine.
Le terme “ théologique ” désigne l'enfance de l'esprit humain. Le terme “ positif ” désigne l'étape finale de
l'esprit humain. La science positive achève l'histoire de l'esprit humain.
Le pouvoir théologique est soucieux de garder sa suprématie sur les hommes. Le savant ne doit pas l'emporter
sur le prêtre et remettre en cause les interprétations des récits bibliques.
Comte montre ensuite le rôle de l'orgueil humain. C'est une critique de l'instinct anthropocentriste et de
l'illusion finaliste. Le géocentrisme se fonde sur un égocentrisme. L'homme se croit au centre de la terre. Il
gonfle et exagère son importance dans l'univers. Il croit que l'univers est fait pour lui, est à son service. Il forge la
fiction d'un univers arrangé, disposé pour lui. Cette tendance naturelle à faire de l'homme le centre de toutes
choses repose sur une “ idée fausse ” : la terre est le centre immobile de l'univers, idée qui comporte des “ motifs
vraisemblables ” : la terre nous apparaît immobile puisque nous sommes sur la terre (et que le soleil se lève et se
couche).
Comte ne mentionne pas Aristote. Mais pour Aristote, ce qui est divin est le ciel (le plus ordonné, nécessité
immuable), non la terre (le moins ordonné, contingence de la naissance et de la mort des choses).
3. La possibilité de l'application de cette force dans le domaine politique
L'application de cette force dans le domaine politique résulte d'une analogie. De même que l'on a constaté l'effet
de la force des démonstrations dans le domaine théorique, on pourra le constater dans le domaine pratique.
Comte procède du moins surprenant au plus surprenant.
A. La science positive est le fondement de toute libération vraie
On peut noter que contrairement à l'exemple précédent, emprunté au passé, cette application pratique est orientée
vers l'avenir. On passe du conditionnel au futur. Le texte se termine sur un verbe au futur. Mais l'astronomie
comme la politique font partie de la même histoire et constituent le sens même de cette histoire.
Pourtant, ce texte pose un problème : comment la pratique peut-elle n'être que le développement de la théorie
sans être niée comme telle ? Comment à partir du nécessaire produire du contingent ? En effet, contrairement
aux phénomènes théoriques, les phénomènes pratiques sont les plus modifiables de tous. Les phénomènes
humains peuvent-ils être les effets de la force des démonstrations ? La question du bonheur est par essence une
question pratique. Le bonheur étant à réaliser, peut-il donner lieu à une technique du bonheur ? Comte ne l'a
jamais prétendu et relativisera la croyance en la toute-puissance de la science. L'enseignement de la science est la
condition de toute libération, mais la science n'est pas suffisante.
B. Il n'y a jamais eu de démonstrations véritables dans le domaine politique
Comte montre que la force des démonstrations véritables peut faire disparaître les aberrations pratiques. Le
terme d'aberration relève du vocabulaire de l'astronomie. Ce n'est pas une erreur mais plutôt un désordre, une
entrave au progrès. Il désigne la déviation d'un point ou d'une étoile. La force des démonstrations positives en
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matière de politique doit permettre d'organiser, d'assurer la cohésion sociale, d'introduire de l'ordre.
L'institution du divorce est pour Comte un exemple d'aberration pratique, qui va contre la loi sociologique de
l'unité de la famille.
Plus précisément, il s'agit pour Comte d'achever la Révolution française en donnant la priorité à l'éducation
universelle de l'homme. Seul le positif peut fonder l'avenir de l'homme. On ne peut se contenter des forces
négatives ou destructrices, c'est-à-dire révolutionnaires, et donc arbitraires, pour permettre le progrès humain.
Mais la politique reste un art qui dépend de la sociologie. La politique n'est pas une science, bien qu'elle
dépende du progrès des sciences. Les démonstrations positives attendues en matière politique, ce sont les lois
sociologiques.
Conclusion
Ce texte tente d'ouvrir à l'avenir de l'homme. Il s'agit de fonder le progrès humain. Cela suppose de distinguer le
pouvoir spirituel du pouvoir temporel. Ce qui n'est possible qu'en identifiant la force comme trait commun du
pouvoir spirituel et du pouvoir temporel, qui permet une lutte et le triomphe de l'esprit. Les hommes ne sont pas
livrés au seul pouvoir temporel. Même si le spirituel doit en un sens se faire pouvoir pour lutter contre le pouvoir
spirituel. Toute réforme politique se tire d'une instruction du peuple. Il faut commencer par enseigner les
sciences. Comte professe par exemple un cours d'astronomie aux ouvriers. La démonstration est une force
spirituelle, libératrice. Elle nous délivre de nos préjugés. Comte annonce en un sens la psychanalyse de
l'esprit opérée par Bachelard, qui affirme qu'il n'y a pas de vérités premières mais seulement des erreurs
premières.
Ouvertures
LECTURES
- Comte, Discours sur l'esprit positif, Vrin.
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