Le compte-rendu des échanges

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Le compte-rendu des échanges
Conférence idées pour le développement « Transition énergétique : comment adapter les compétences et les emplois ? »
Jeudi 10 décembre 2015 au Grand Palais
Conférence idées pour le développement
« Transition énergétique : comment adapter les
compétences et les emplois ? »
Jeudi 10 décembre 2015
au Grand Palais
Conférence-débat animée par Thomas Chauvineau, journaliste à France Inter, avec :
-
Jamal Eddine El Aloua, secrétaire général du ministère de l’Emploi et de la Formation
professionnelle du Maroc
Catherine Gaveriaux, directrice de la Maison de l’emploi et du PLIE du Pays du Vermandois
et représentante du réseau national Alliance Villes Emploi
Peter Poschen, directeur du département Entreprises du Bureau international du travail
Calogero Sciandra, chef de projet Éducation et Formation professionnelle de l’AFD
Isabelle Vincent, chef du service Économie et Prospective de l’Ademe
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Conférence idées pour le développement « Transition énergétique : comment adapter les compétences et les emplois ? »
Jeudi 10 décembre 2015 au Grand Palais
Synthèse
La transition énergétique peut constituer une véritable chance pour l’économie des pays qui
vont la mettre en œuvre : à l’horizon 2030, elle pourrait entraîner la création de « 15 à
60 millions d’emplois supplémentaires » dans le monde (P. Poschen). L’évolution vers des modèles
de développement bas carbone ne repose donc pas uniquement sur des innovations techniques,
mais aussi sur un capital humain dans lequel il faut d’ores et déjà investir pour que « la
transition énergétique ne soit pas handicapée par un manque de compétences » (I. Vincent). Pour
impulser une dynamique vertueuse, l’anticipation, la coordination des différents acteurs publics
et privés ainsi que la standardisation des compétences sont des étapes clés.
Investir dans le capital humain autant que dans les infrastructures
Alors qu’un réchauffement climatique a minima, c’est-à-dire de 2 degrés pour 2100, « coûterait 0,7
point de produit intérieur brut » (T. Chauvineau), on estime qu’« aller vers un scénario de transition
énergétique permettait de créer de la croissance, mais aussi des emplois » (I. Vincent). Cela implique
d’entamer avec volontarisme une réflexion sur le futur marché du travail : dans la mesure où « la
transition énergétique se fera si les personnes sont formées » (C. Sciandra), il faut anticiper les
compétences requises pour le déploiement à grande échelle de scénarios de décarbonisation.
Pourtant l’importance de ce capital humain n’est pas toujours prise en compte : « les
investissements ne sont pas forcément pensés dans leur globalité » (C. Sciandra). « On investit des
sommes faramineuses pour donner accès à la technologie » en partant de l’hypothèse qu’une fois le
volet infrastructures financé, « le volet soft [les ressources humaines] va suivre » (P. Poschen). « Or ce
n’est pas vraiment le cas » (C. Sciandra).
Nord et Sud à l’école l’un de l’autre
Néanmoins, « dans de nombreux pays on prend conscience qu’il faut élargir la perspective »
(P. Poschen). L’Union européenne a ainsi lancé le projet Build Up Skills (BUS) : il vise à « inciter
[plusieurs États européens] à se doter d’une feuille de route pour prévoir le déploiement des
compétences nécessaires » dans la transition énergétique (I. Vincent). Le Maroc, qui prévoit de couvrir
42 % de ses besoins énergétiques par des sources renouvelables à l’horizon 2020 entend lui aussi
« préparer le capital humain pour répondre aux besoins de cette stratégie énergétique » (J. E. El
Aloua).
Ces deux exemples illustrent un dépassement de la dialectique traditionnelle Nord-Sud : « Il n’y a pas
de clivages entre les pays dits développés et les autres car on a tous à apprendre sur ces sujets-là »
(I. Vincent), et les échanges de bonnes pratiques doivent se faire dans les deux sens. Quel que soit le
pays concerné, l’enjeu essentiel est d’anticiper les évolutions du marché du travail en distinguant deux
cas de figure : l’apparition de « métiers nouveaux » et « le verdissement des compétences », c’est-àdire la prise en compte des problématiques environnementales dans des métiers traditionnels
(C. Sciandra).
Favoriser la démarche collaborative
Dans la mesure où « la responsabilisation des acteurs est très importante », il est fondamental
d’engager la réflexion avec chacun d’entre eux, et ce à toutes les échelles. Le dialogue peut s’établir
entre État et acteurs d’une filière. Au Maroc, dans le cadre d’un partenariat public-privé, « c’est
l’État qui finance des structures de formation, et ce sont les professionnels qui gèrent ces structures en
fonction de leurs besoins réels » : ainsi, dans le domaine des énergies renouvelables « l’État a prévu la
construction de 3 grands instituts spécialisés », de manière à « former jusqu’à 1 000 personnes par
an » (J. E. El Aloua).
Les échanges se font également à l’échelle de plus petits territoires, comme le pays du Vermandois
dans le Nord de la France. Travaillant avec la filière du bâtiment, la Maison de l’emploi a développé
« une démarche collaborative tout au long du projet » et mis en place des ateliers prospectifs avec
divers profils de participants : « le chef d’entreprise, l’élu de terrain, l’association de quartier, etc. »
(C. Gaveriaux).
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Conférence idées pour le développement « Transition énergétique : comment adapter les compétences et les emplois ? »
Jeudi 10 décembre 2015 au Grand Palais
Enfin, certaines initiatives sont impulsées par les entreprises elles-mêmes. Fabricante de matériaux
dans plusieurs grandes filières (de la papeterie à l’énergie, en passant par les télécommunications ou la
santé), l’entreprise 3M a demandé à ses collaborateurs « d’identifier les opportunités de rendre plus
efficaces leurs processus ». Elle est ainsi parvenue à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de
70 %. Cela « montre comment les compétences des gens peuvent être valorisées » (P. Poschen).
Quand les labels ouvrent de nouveaux marchés
La démarche collaborative favorise également le processus de standardisation des compétences. La
mise en place de labels par les États et leur appropriation par les acteurs privés sont des étapes
importantes. Dans le Vermandois, il a fallu un temps d’adaptation avant que les entreprises ne
s’emparent des labels reconnus « Grenelle de l’environnement » : « pour pouvoir [les] obtenir, il
fallait faire un certain nombre de kilomètres » ; or les PME percevaient mal le retour sur
investissement entre le coût de ces déplacements et la perspective de nouveaux marchés. En
s’appuyant sur un chargé de mission éco-habitat, la Maison de l’emploi a travaillé sur la relation de
proximité et la sensibilisation des acteurs : « au fur et à mesure, les artisans sont allés vers ces labels »
(C. Gaveriaux).
La standardisation des compétences peut même dépasser le cadre national : pour favoriser les
économies d’eau, l’Australie a mis au point un brevet de plombier vert accessible au terme d’une
formation de 6 semaines. « Le succès a été tel que [les Australiens] ont vendu les droits de cette
formation à la Californie » (P. Poschen).
Finalement, les entreprises qui ont préparé la transition énergétique ont l’opportunité de jouer
sur deux tableaux. Tout en continuant à prospecter sur des marchés non verts, elles peuvent proposer
« des compétences spécifiques pour répondre à différents besoins » : ainsi, en France, certaines aides à
la construction sont « éco-conditionnées : pour les obtenir, il faut recourir à des entreprises qui ont été
formées » dans les savoir-faire verts (I. Vincent).
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Conférence idées pour le développement « Transition énergétique : comment adapter les compétences et les emplois ? »
Jeudi 10 décembre 2015 au Grand Palais
Compte rendu révisé des débats
Introduction
Thomas Chauvineau, journaliste à France Inter
Nous ne nous prononcerons pas ici sur le succès ou non de la COP 21. Nous attendons le texte final,
mais, quel qu’il soit, la question qui nous occupe aujourd’hui est celle de la nécessité d’adapter les
métiers existants et d’en créer de nouveaux pour limiter le réchauffement climatique. À titre
d’exemple, la plus grande centrale photovoltaïque d’Europe vient d’être inaugurée en France. C’est le
côté « good COP ». Mais cette centrale ne doit pas cacher une autre réalité : en France, de nombreux
panneaux photovoltaïques sont mal posés faute de main-d’œuvre. C’est le côté « bad COP ». De
nouveaux métiers sont sûrement à inventer, mais beaucoup d’autres sont à transformer. Par exemple,
pour ne parler que du bâtiment, le couvreur doit devenir électricien, et le chauffagiste doit être capable
d’effectuer des bilans énergétiques. C’est donc un chantier qui s’ouvre et concerne l’ensemble des
pays. La question de la formation est également essentielle, ce dont nous aurons l’occasion de parler
plus amplement tout au long de la conférence.
Intervention des panélistes
Thomas Chauvineau
Isabelle Vincent, on entend souvent parler d’emplois verts, mais que recouvre cette notion ?
Isabelle Vincent, chef du service Économie et Prospective de l’Ademe
Une transition énergétique créatrice d’emplois
Vous avez évoqué la question de la création d’emploi. La bonne nouvelle est que l’on pense que la
transition énergétique peut créer de l’emploi. C’est un résultat que l’on a observé en France, en
faisant plusieurs simulations de l’impact économique des scénarios de la transition énergétique. On a
fait des scénarios de prospective énergétique à l’horizon 2030-2050, mais on a surtout fait, récemment,
des scénarios de la stratégie nationale bas carbone française à l’horizon 2035. [Inaudible 4’40 à 4’45]
de ces scénarios a montré une chose : aller vers un scénario de transition énergétique permettait de
créer de la croissance, mais aussi des emplois. On imagine que, à terme, en 2035, on aura un surcroît
d’emplois évalué entre 100 000 et 300 000 emplois par rapport à [inaudible 5’06 à 5’08] tel qu’on le
connaît aujourd’hui. Voilà pour la première bonne nouvelle. [Inaudible 5’13 à 5’30]. La création
d’emploi sur ces secteurs est de l’ordre de + 6 % alors que le reste des secteurs est relativement
atone.
Une transition professionnelle à organiser
Comme vous l’avez évoqué, cela ne veut pas dire que ce seront exactement les mêmes emplois que
ceux existant auparavant. Certains secteurs vont créer plus d’emplois, d’autres vont en perdre. La
question est, aujourd’hui, de savoir comment on organise cette transition professionnelle, et surtout
comment on fait en sorte que la transition énergétique ne soit pas handicapée par un manque de
compétences. Pour y parvenir, on pense qu’il faut réaliser un diagnostic partagé sur les mouvements
de compétences que l’on doit mobiliser pour mettre en œuvre ces scénarios. C’est un exercice
compliqué mais très important, dont on ne parle pas assez. Ce dont on va parler aujourd’hui, ce sont
des formes techniques qui permettent d’organiser le dialogue avec différentes parties prenantes et
d’élaborer des scénarios de besoins de compétences correspondant aux objectifs. Il s’agit également de
les mettre en perspective avec les scénarios d’offres de compétences émergeant des filiales de
formation professionnelle.
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Conférence idées pour le développement « Transition énergétique : comment adapter les compétences et les emplois ? »
Jeudi 10 décembre 2015 au Grand Palais
Thomas Chauvineau
Est-ce qu’on peut prendre des exemples précis de ces compétences ou de ces emplois verts que l’on a
commencé à évoquer ?
Isabelle Vincent
C’est un sujet compliqué, dans la mesure où l’on peut très bien avoir des filières vertes avec des
métiers tels que couvreur, électricien ou autre. Là est la difficulté de l’exercice : ce sont des métiers
traditionnels qui doivent être capables d’intégrer [inaudible 7’45 – 7’50], mais cela comporte aussi des
métiers qui existaient, mais qui [inaudible 7’58 – 8’02]. Pour tout ce qui est photovoltaïque, par
exemple, vous allez avoir des couvreurs qui [inaudible 8’04 – 8’10].
Thomas Chauvineau
Jamal Eddine El Aloua, le Maroc a une ambition établie et chiffrée : il prévoit de couvrir 42 % de ses
besoins énergétiques par des sources renouvelables à l’horizon 2020, c’est-à-dire demain. Le volet
ressources humaines est forcément présent dans cette stratégie. Comment le Maroc aborde-t-il la
question des compétences, qu’il faut savoir aujourd’hui organiser ?
Jamal Eddine El Aloua, secrétaire général du ministère de l’Emploi et de la Formation
professionnelle du Maroc
Une planification de la formation professionnelle
D’une façon générale, le Maroc répond par la mise en place d’une planification prévisionnelle dans
le domaine de la formation professionnelle – qui repose sur plusieurs études et des enquêtes menées
par les différentes structures au Maroc –, ainsi que par la mise en place d’observatoires de [inaudible
9’22]. Cela nous permet d’avoir une vision très claire du secteur et des besoins réels qu’il faut
développer [inaudible 9’30 - 9’36]. Parallèlement à cela, le Maroc a mis en place une stratégie
[inaudible 9’40 – 9’45] les outils capables d’identifier les besoins des différents secteurs sans attendre
l’étude ? [incertain 9’54] d’un secteur particulier pour financer les [inaudible 9’58 – 10’00]. Ces
mécanismes vont nous permettre d’anticiper les besoins et de mettre en place des plans de formation
pour répondre aux demandes des différents secteurs d’activité au Maroc.
« Préparer le capital humain » pour répondre aux besoins de la stratégie énergétique
Pour en revenir au secteur de l’énergie, effectivement, le Maroc a mis en place une [inaudible 10’18]
stratégique et énergétique. Parmi les objectifs, nous avons celui d’atteindre un taux de 42 % en 2020.
Je crois vraiment que [inaudible 10’33] en 2030. Pour mettre en place cette stratégie, il y a trois
composantes essentielles. L’une est, bien sûr, celle des infrastructures : il faut construire les stations
électriques solaires et les parcs d’éoliennes. S’ajoutent toutes les mesures incitatives qui seront
déployées au profit des investisseurs. Mais le grand axe est celui-ci : préparer le capital humain pour
répondre aux besoins de cette stratégie énergétique.
Une étude sectorielle a été réalisée et a identifié un besoin de 50 000 emplois à déployer à l’horizon
2020. L’ensemble des acteurs concernés par la formation professionnelle y ont participé : les branches
professionnelles, les employeurs et les investisseurs. Maintenant, pour répondre à cette problématique
des conditions qu’il faut réunir [inaudible 11’36], comme vous avez dit, certains métiers auront besoin
d’être transformés, en accord avec les énergies vertes. Par exemple, le plombier d’aujourd’hui n’est
pas celui de demain, qui réparera les machines vertes. Enfin, il y aura des métiers qui n’existent pas
encore au Maroc.
Thomas Chauvineau
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Conférence idées pour le développement « Transition énergétique : comment adapter les compétences et les emplois ? »
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Quel est le rôle de l’Agence Française de Développement dans cette évolution des compétences ? On
imagine qu’il y a des politiques à mener, des actions sur le terrain, au niveau national et territorial.
Comment l’AFD œuvre-t-elle pour faciliter ces développements, ces nouvelles compétences ?
Calogero Sciandra, chef de projet Éducation et Formation professionnelle de l’AFD
Des modules de formation dédiés à la transition énergétique de plus en plus systématiques
Depuis 3 ou 4 ans, et, plus particulièrement, dans son dernier cadre d’intervention stratégique, l’AFD
a intégré la dimension « accompagnement à la transition énergétique » de façon plus
systématique. Cela fait partie de nos considérations quand nous intervenons. Dans le cas précis du
Maroc et de sa stratégie en énergies renouvelables, on coche toutes les cases parce qu’on est dans
l’accompagnement d’une filière nouvelle avec des métiers nouveaux dans le domaine des énergies
renouvelables. Mais, par exemple, pour citer encore le Maroc, lorsque nous accompagnons une filière
automobile – avec des centres sectoriels dans ce domaine –, nous mettons en œuvre des modules de
formation dédiés à l’efficacité énergétique pour l’ensemble des cours suivis par les mécaniciens et
les électromécaniciens formés dans cette filière. L’approche est donc un peu plus structurée depuis
quelques années, et intégrée dans notre démarche.
Thomas Chauvineau
Les compétences et l’emploi sont au cœur de l’enjeu du développement durable, mais c’est un sujet
finalement assez peu étudié et assez peu financé, non ?
Calogero Sciandra
Au-delà des investissements, un impératif de formation
Si on entre par l’aspect financement, il est clair que c’est un sujet… Si je reprends l’exemple du
Maroc, on est dans un cas d’école où l’on va développer des infrastructures et, à la clé, accompagner
des politiques publiques cohérentes et intégrées de développement des compétences, ce qui est
relativement rare. Il est vrai que, très souvent – et nous le déplorons –, les investissements ne sont
pas forcément pensés dans leur globalité, c’est-à-dire avec l’approche en ressources humaines et
capital humain. En d’autres termes, on finance le « hard » mais on oublie de financer le « soft », en
pensant qu’il suivra tout seul. Or ce n’est vraiment pas le cas. C’est donc l’enjeu auquel nous
souhaitons répondre. La transition énergétique se fera si les personnes sont formées.
Un enjeu important de « verdissement » des compétences
On a parlé de métiers nouveaux. De fait, on va se trouver devant une réalité. Mais c’est surtout ce
qu’on appelle le verdissement des compétences qui est l’enjeu. Presque 3/5, je crois, des
50 000 emplois que l’on envisage de faire évoluer au Maroc sont dans le domaine de l’efficacité
énergétique. C’est le gros vivier des emplois et compétences nouvelles.
Thomas Chauvineau
Catherine Gaveriaux, globaliser l’approche, c’est une technique que vous avez utilisée à la Maison de
l’emploi du Vermandois, pour analyser les besoins des entreprises et des clients. Vous vous êtes
appuyés sur un diagnostic auquel tous les acteurs concernés ont pris part – les entreprises, vous,
l’Ademe. S’appuyer sur le collaboratif, c’était important, pour vous, comme démarche ?
Catherine Gaveriaux, directrice de la Maison de l’emploi et du PLIE du Pays du Vermandois et
représentante du réseau national Alliance Villes Emploi
L’importance de l’ancrage et de la dynamique territoriale pour réaliser la transition
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Il était important, et même primordial, de pouvoir travailler sur le collaboratif. Au départ, c’est déjà
le cœur de métier de la Maison de l’emploi de travailler ainsi : ses missions principales sont la gestion
territoriale des emplois et des compétences, et elle joue également un rôle d’animateur territorial, de
coordinateur de l’ensemble des acteurs d’un territoire. En conséquence, le projet « Maison de l’emploi
et développement durable » s’appuyait sur une méthodologie qui partait, dans un premier temps, d’un
collectif d’acteurs repérés : en ce qui nous concerne, c’était la filière du bâtiment et des énergies
renouvelables. Il faut ajouter que la démarche partait d’un territoire dont les élus étaient présents et
avaient pour rôle d’être des animateurs au même titre que la Maison de l’emploi, l’Ademe et toutes les
organisations professionnelles. Le projet était porté au niveau national. Nous avions donc à la fois un
échelon local et un échelon national.
Nous nous sommes inscrits dans une démarche collaborative tout au long du projet. Et si, au
début, nous partions d’un groupe technique, nous avons très rapidement, avec notre méthode, élargi le
cercle via un comité de pilotage mais aussi via la mise en place d’ateliers prospectifs participatifs qui
réunissaient des personnes plus ou moins proches de nos préoccupations mais dont on avait besoin : le
chef d’entreprise, l’élu de terrain, l’association de quartier, etc. L’important était que l’ensemble du
territoire travaille sur une thématique qui venait d’assez loin. Nous parlions certes de monter en
compétences en matière de bâtiment et d’énergies renouvelables, mais les questions sous-jacentes
étaient de savoir ce que l’on mettait derrière le développement durable, comment travailler sur la
précarité énergétique et comment informer la population de tout ce qu’il y avait. Au-delà de
l’ancrage territorial, une vraie dynamique territoriale s’est imposée, qui perdure aujourd’hui. Cela veut
dire qu’il y a eu un vrai mouvement de fond.
Thomas Chauvineau
Peter Poschen, est-ce que ce besoin de formation et ces regroupements collectifs sont un constat
partagé par tous les pays aujourd’hui ?
Peter Poschen, directeur du département entreprises du Bureau international du travail (BIT)
L’absence des compétences appropriées : un obstacle à la transition énergétique
Il n’y a pas de réponse unique à cette question. Il me semble que, dans les négociations, ce n’est pas
encore apprécié. Il y a beaucoup de discussions sur le transfert de technologie, sur le renforcement des
capacités et sur le financement. On investit souvent des sommes faramineuses pour donner accès à la
technologie, mais les capacités qui manquent sont celles des entreprises et ouvriers qui devraient
mettre cela en œuvre. On part trop souvent de l’hypothèse que le volet « soft » va suivre, une fois les
investissements lancés. Non seulement ce n’est pas vrai, mais c’est grave parce que les scénarios de
décarbonisation se basent sur les capacités de déployer les renouvelables. Or si vous n’avez pas
les compétences, ce n’est pas possible.
Nous avons eu une table ronde en Inde il y a 4 ans avec le ministère et l’industrie, lors de laquelle le
ministère a affiché son ambition en énergies renouvelables : 15 gigawatts – l’équivalent de 15
centrales nucléaires, mais en solaire. C’est la mission solaire que se donnait le gouvernement.
L’industrie a répondu : « Votre mission ne pourra pas être réalisée. Nous, l’industrie, sommes
incapables de faire cela. »
En Chine, c’est pareil. Nous avons vu qu’il y a une [Inaudible 21’02] massive en compétences des
ingénieurs et travailleurs pour déployer les énergies renouvelables. Quand on parle d’efficience
énergétique, on se base sur l’idée d’améliorer l’efficience énergétique d’un bâtiment de 50 % environ.
Mais si c’est mal fait, vous avez beau utiliser les meilleurs matériaux – qui coûtent très cher –, le
rendement ne sera pas là. Il est très important de tenir compte de cela. Dans l’étude que nous avons
menée en 2011 sur une vingtaine de pays et départements – grands, petits, Nord, Sud, pauvres, riches,
le constat était celui d’un besoin impératif et généralisé de compétences valable pour tous les
secteurs : l’agriculture, la gestion des eaux, l’énergie, le bâtiment, le transport, etc.
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Thomas Chauvineau
Pour vous résumer, on a les outils, on a potentiellement le financement, mais on n’a pas la maind’œuvre pour utiliser l’outil, c’est bien cela ?
Peter Poschen
Une prise de conscience qui se généralise sur le terrain
Oui. Mais ce qui est encourageant, c’est que le Maroc n’est plus seul dans sa démarche. Dans de
nombreux pays on prend conscience qu’il faut élargir la perspective et se demander quelles sont
les conditions pour la mise en œuvre de nos ambitions de décarbonisation. C’est ce qu’on constate de
plus en plus, comme au Maroc ou dans le bâtiment en France. Mais un clivage demeure entre le
discours politique et ce qui se passe sur le terrain.
Thomas Chauvineau
Isabelle Vincent, est-ce que, pour ce qui est de l’Ademe, vous avez identifié d’autres pays qui butent
sur ce problème de la formation ?
Isabelle Vincent
La transition professionnelle, une problématique commune à tous les pays
Cela constitue à ce point un problème [inaudible 23’15] que l’Union européenne s’en est saisie et a
lancé le projet « Build Up Skills » (BUS), qui concerne plusieurs pays européens. Il s’agit de les
inciter à se doter d’une feuille de route pour prévoir le déploiement des compétences nécessaires,
notamment dans le secteur du bâtiment, qui connaît d’énormes enjeux en matière de rénovation. La
France a répondu à l’exercice en établissant une feuille de route partagée. D’autres pays européens
étaient concernés. Effectivement, on est dans une situation où il n’y a pas de clivage entre les pays
dits développés et les autres car on a tous à apprendre sur ces sujets-là. On continue donc
d’apprendre et de développer des outils qui nous aident à formaliser les dialogues.
Une nécessaire formalisation des besoins et des méthodes
Avec les Maisons de l’emploi, il s’agit de dire qu’il y a une possibilité de dialogue au niveau
territorial, au niveau des bassins d’emploi, parce que les gens se connaissent et se comprennent. Audelà de ça, il nous faut maintenant chiffrer et affiner ce que cela veut dire réellement en termes de
volume de compétences concernées et de formation associée. Cela nous conduit à mener des projets
pilotes pour essayer de formaliser ce dialogue, de façon à pouvoir ensuite le mener à différentes
échelles territoriales.
Thomas Chauvineau
Calogero Sciandra, en termes de développement, avec cette question de méthode à mettre en œuvre
pour aller vers la transition énergétique, on quitte la fameuse dialectique Nord-Sud à laquelle on était
habitué. La coopération aujourd’hui est presque unilatérale. Finalement il n’y a plus de pays en voie de
développement parce qu’il n’y a plus de développement « à la papa », modèle dans lequel le pays qui
sait va vers le pays qui ne sait pas. La transition énergétique marque-t-elle la fin de cette dialectique à
l’ancienne ?
Calogero Sciandra
Portage politique et approche intégrée : les clés de la transition
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On en a un bel exemple avec le Maroc, effectivement. Si on entre par là, on a tous à apprendre, comme
vous le disiez. Mais disons que l’on peut regarder sur quelques années. On a quelques retours
d’expérience qui laissent apparaître un certain nombre de lignes fortes. D’abord, s’il n’y a pas de
politique publique décrétée, ce sera difficile. Et cette politique peut se faire dans un pays émergent
ou en voie de développement. Le premier point important est donc la déclinaison du politique. Le
second est l’approche intégrée : il faut que la formation soit au service du secteur économique et
vice-versa. Ces deux points-là sont des points clés, que l’on peut aborder dans n’importe quel secteur.
Je prends l’exemple du Sénégal, où l’on a accompagné un centre sectoriel dans le domaine du BTP.
Cet accompagnement s’est naturellement suivi d’une extension dans le domaine de la maîtrise
énergétique. Dès l’instant où l’on met en place un dialogue, un vrai partenariat avec le secteur
économique, avec une vraie ouverture, on peut espérer ce type de réussite. Voilà la méthode.
Il y a des métiers nouveaux mais il y a certainement énormément de métiers qui vont évoluer pour
intégrer systématiquement dans leurs curricula des compétences nouvelles : il faut avoir cela à
l’esprit dès le départ.
Thomas Chauvineau
Jamal Eddine El Aloua, vous l’avez dit, pour le Maroc, que 50 000 emplois sont à créer pour atteindre
42 % d’énergies renouvelables dans 4 ans. Cela implique d’élaborer des formations de moins de 4 ans,
des formations rapides, pour respecter ce délai. Comment allez-vous pouvoir mettre cela en place ?
Jamal Eddine El Aloua
L’État, les entreprises et les jeunes : les 3 gagnants d’une formation conçue conjointement
Avec l’accompagnement de l’AFD, je crois [inaudible 28’37]. C’est un concept qui repose sur un
partenariat public-privé en matière de formation professionnelle. Ce concept repose sur 2 piliers :
c’est l’État qui finance des structures de formation, et ce sont les professionnels qui gèrent ces
structures en fonction de leurs besoins réels. C’est un concept qui a porté ses fruits dans plusieurs
secteurs, notamment l’automobile. Nous en sommes aujourd’hui à l’appliquer aux énergies
renouvelables : l’État a prévu la construction de 3 grands instituts spécialisés dans ce domaine. Ces
structures vont pouvoir, après avoir trouvé leur rythme de croisière, former jusqu’à 1 000 personnes
par an. D’autres métiers seront par ailleurs reconvertis.
Le concept mis en place dans le cadre de ce partenariat public-privé est, si je puis dire,
« gagnant-gagnant ». Il y a même un 3e gagnant. Le concept est gagnant pour l’État, parce qu’il
génère directement l’adéquation formation-emploi : on ne forme pas si on n’a pas de besoin et s’il n’y
a pas de profit arrêté ? [incertain 30’09] par les entreprises. C’est un profit qui va atténuer le coût de la
lente adéquation formation [inaudible 30’16]. Il est gagnant pour les entreprises, parce qu’elles
forment conformément à leurs besoins et vont gagner en termes d’investissement en capital humain
[inaudible 30’26]. Le 3e gagnant, ce sont les jeunes car ils sont formés conformément aux besoins. Ils
entrent en formation avec un contrat de pré-embauche et ils sortent insérés dès le 1er jour après
obtention de leur diplôme.
Ce qui est bien avec ce concept, c’est qu’il représente un « pan » ? [incertain 30’52] : c’est lui qui va
tirer l’ensemble des secteurs vers le haut parce qu’on a observé ce phénomène ? [inaudible 31’00]. Le
taux d’insertion avoisine 95 %. Et on voit que beaucoup d’efforts sont consentis au niveau du système
classique pour pouvoir regagner ce concept et former [inaudible 31’17].
Thomas Chauvineau
Catherine Gaveriaux, à la Maison de l’emploi du Vermandois, dans l’Aisne, vous avez été confrontés à
une situation différente : tandis que l’on parle au Maroc d’une formation presque ex-nihilo, chez vous,
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il a fallu re-former des entreprises qui avaient déjà pris l’habitude de travailler d’une certaine façon.
Cela n’a pas été sans mal. Vous avez parlé de réticences – cela a été compliqué ?
Catherine Gaveriaux
Changer les mentalités, un travail de longue haleine
Oui, tout à fait. Les choses sont très récentes, si bien que nous avons l’impression d’arriver de très loin
et d’avoir un peu essuyé les plâtres. Quand nous avons réuni les entreprises du bâtiment sur ce projetlà, elles disaient : « oui, c’est bien, on veut bien se former et faire de nouvelles choses, mais comment
allons-nous faire ? Même si on veut bien, nos salariés n’en ont pas forcément envie : ils vont répondre
que ça fait longtemps qu’on pose les parpaings de telle façon et qu’ils ne voient pas pourquoi
changer. »
Nous étions fin 2009 - début 2010 au démarrage du projet. D’autres maisons de l’emploi avaient
travaillé sur cette dimension, mais nous, nous étions sur un territoire rural où tout était à faire. Les
entreprises se disaient : « Certes, la réglementation thermique 2012 arrive, mais peut-être qu’elle ne se
mettra pas en place. On va peut-être pouvoir y échapper. ». C’était compliqué car il fallait convaincre
avec des outils que nous n’avions pas à l’époque – les outils de formation n’existaient pas encore
vraiment. Il nous fallait dire : « Ça va changer, des choses vont arriver, mais il faut y aller
maintenant. »
On a commencé à parler de dispositifs tels que les FEE Bat, des certificats qui permettent d’avoir une
reconnaissance – à l’époque, on disait : « reconnu Grenelle de l’environnement ». Pour pouvoir
obtenir ces labels, il fallait faire un certain nombre de kilomètres. L’entreprise ne voyait pas le retour
sur investissement entre le déplacement qu’elle allait faire et ce que le label lui apporterait en termes
de marchés, puisqu’il n’y a pas forcément de visibilité. Se posaient aussi des questions de facilité,
certaines entreprises nous disant : « Moi, j’ai un client qui m’a demandé une toiture végétalisée mais
comme je ne suis pas formé, je vais essayer de détourner les choses pour faire finalement une toiture
classique. » Savoir comment résoudre ces questions a donc été relativement compliqué.
Une mission dédiée à la médiation et à la sensibilisation des acteurs du territoire
J’en reviens à l’animation territoriale. En même temps que l’on apportait des ouvertures vers la
formation, il fallait que les entreprises soient convaincues que, par la suite, elles auraient des
marchés, et que les donneurs d’ordres de demain seraient au courant de ces nouvelles technologies. À
partir de là, grâce à l’Ademe et au Conseil régional, nous avons très rapidement eu l’opportunité
d’avoir un chargé de mission éco-habitat – là aussi, un nouveau métier – pour faire un travail de
rencontre avec les entreprises et les convaincre de monter en formation. Il s’agissait de leur proposer
des labels de manière individuelle, mais aussi de faire venir des organismes de formation pour ces
labels sur le territoire, de façon à travailler vraiment en proximité.
Le rôle de ce chargé de mission éco-habitat était donc d’aller à la rencontre des entreprises, mais
aussi d’informer les élus sur ce qui pouvait se faire de nouveau, et de faciliter les rencontres entre
les entreprises et les élus, de façon à ce que les techniciens des municipalités, souvent décideurs dans
les marchés publics, puissent aussi entendre que, quelquefois, il ne s’agit pas d’avoir une chaudière
plus performante à la fin du contrat mais que l’on peut changer complètement le système de chauffage,
en optant pour une chaudière biomasse par exemple. L’enjeu étant de les amener à voir les choses
d’une autre manière et de permettre aux artisans locaux de trouver des marchés. Cela fut un travail de
longue haleine. Mais, au fur et à mesure, les artisans sont allés vers ces labels. Là encore, le chargé de
mission éco-habitat a mis en place des informations mensuelles, sous la forme de petits-déjeuners, tant
sur les certificats d’économies d’énergie que sur la réglementation thermique, pour faire monter le
territoire en compétences.
Thomas Chauvineau
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Conférence idées pour le développement « Transition énergétique : comment adapter les compétences et les emplois ? »
Jeudi 10 décembre 2015 au Grand Palais
Et en pratique, dans le Vermandois, les entreprises qui ont souscrit à cet éco-label ont-elles aujourd’hui
accès à des clients auxquels elles n’avaient pas accès auparavant ?
Catherine Gaveriaux
L’accès à de nouveaux marchés grâce au groupement d’entreprises derrière l’éco-label
La réponse est oui. Des démarches se développent sur le territoire. En Picardie, notamment, un
service public de l’efficacité énergétique a été mis en place, et des groupements d’entreprises capables
d’apporter une offre globale au client se sont créés. Ces groupements sont amenés à répondre à des
appels à marchés qui intègrent un certain nombre de critères.
Thomas Chauvineau
On est là dans un recadrage des métiers, des formations. Est-ce que le BIT peut lister ces métiers
amenés à évoluer, tournés vers l’environnement ? Ou est-ce une question trop générale ?
Peter Poschen
L’impact du verdissement des métiers existants : le « plombier vert »
Il est difficile de répondre de manière exhaustive dans ce cadre. Beaucoup de métiers existants seront
redéfinis. On peut peut-être raisonner en secteurs : il s’agit des métiers liés au bâtiment, à la
génération et la distribution de l’énergie, ainsi qu’à la gestion de la terre et des forêts.
Un exemple est très parlant : beaucoup de pays ont une grosse pénurie en eau et cherchent donc à
économiser cette ressource. En Australie, 2 secteurs ont été identifiés en ce sens. Le 1er est l’utilisation
de l’eau dans l’agriculture. Il faut former des agriculteurs capables de produire avec très peu d’eau. Le
2e grand consommateur est la ville, avec ses bâtiments et ses habitants. La personne clé capable de
changer la consommation d’eau dans un foyer, c’est le plombier : c’est lui qui vend et installe
l’équipement au client. L’Australie a donc mis au point un brevet de plombier vert. C’est une
formation de 6 semaines. Le succès a été tel qu’ils ont vendu les droits de cette formation à la
Californie, qui connaît également une pénurie d’eau et a besoin de 70 000 plombiers verts.
Voilà un petit exemple qui montre comment un métier traditionnel prend une nouvelle importance.
Une fois que l’on commence à penser avec la [inaudible 41’48] de ces compétences et à rendre
visibles les résultats, il peut y avoir un effet boule de neige très important. La standardisation des
compétences – créer des brevets, les rendre reconnaissables pour les entreprises et les travailleurs –
peut avoir un impact énorme.
La formation pour accélérer la mise en place d’une stratégie énergétique
Les partenariats publics-privés peuvent jouer un rôle très intéressant. Je prends 2 exemples.
Au Brésil, le gouvernement avait un grand projet de logement social : ils voulaient incorporer
300 000 unités de chauffage solaire d’eau dans les maisons pour les foyers à très bas revenu.
L’industrie a dit : « On n’en est pas capables : il faut au moins 20 000 techniciens, entre production et
installation, pour pouvoir répondre à votre commande. » Le Brésil a donc décidé de monter
rapidement une formation adaptée, en coopération avec plusieurs pays. Aujourd’hui, c’est un
programme qui donne une grande visibilité au chauffage solaire d’eau. Des acteurs privés commencent
même à commander ces équipements. C’est devenu l’un des plus grands projets de renouvelables dans
le pays.
Au Bangladesh, une ONG [nom inaudible 43’20] spécialisée dans le micro-crédit avait commencé à
installer des panneaux photovoltaïques de petite taille dans les villages où il n’y avait pas du tout
d’électricité. Ils faisaient ça avec des femmes formées pour installer et entretenir les panneaux et gérer
le système de crédit qui allait avec pour les financer. Mais ils avaient du mal à arriver à l’échelle.
Après des années d’effort, ils n’avaient atteint que 100 000 foyers – sur les 100 millions d’habitants
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Conférence idées pour le développement « Transition énergétique : comment adapter les compétences et les emplois ? »
Jeudi 10 décembre 2015 au Grand Palais
que compte le Bangladesh. Donc ils se sont adressés à l’État. Ensemble, ils ont créé un brevet et formé
massivement les femmes qui peuvent développer ce système écologique dans les villages.
Aujourd’hui, ils ont touché plus d’un million de foyers. On voit bien que la formation peut avoir un
vrai effet d’accélérateur dans ces programmes.
Thomas Chauvineau
Je constate qu’au fur et à mesure que vous parlez, la lumière devient verte. Je ne sais pas s’il faut y
voir un signe…
Peter Poschen
Ça, c’est un [inaudible 44’27] qui est plus difficile à atteindre. C’est une chose de construire un
bâtiment performant, ç’en est une autre de le gérer de façon performante. Au BIT, par exemple, 30 %
de nos émissions sont dues au bâtiment : l’air conditionné, le chauffage, les ordinateurs, les éclairages.
On a dû former les gens qui gèrent nos bâtiments, qui achètent nos ordinateurs, pour penser autrement.
Isabelle Vincent
Les entreprises formées aux techniques « vertes » : une multitude de compétences
Sur l’accès ou non à des marchés supplémentaires, je voudrais illustrer mon propos. Aujourd’hui, en
France, il y a une incitation assez forte à la formation, pour les dispositifs [inaudible 45’18] à
l’environnement. C’est-à-dire que les aides, notamment à la rénovation thermique, sont écoconditionnées : pour les obtenir, il faut recourir à des entreprises qui ont été formées. Cela donne
une impulsion assez forte à la formation. Quand on regarde la [inaudible 45’40 – 45’49]. Cela répond
à votre question initiale sur les compétences nécessaires. Vous avez une panoplie de compétences
diverses qui vont de la capacité à installer de la bioénergie à l’audit énergétique, qui est un métier très
spécifique, ou encore à l’appréciation thermique de l’enveloppe du bâtiment. Ce sont des gestes très
précis. Toutes les entreprises capables de réaliser ces gestes ne vont pas faire que des marchés verts.
Quand nous avons évalué la quantité d’entreprises nécessaires pour répondre aux besoins en termes de
[inaudible 46’20], nous nous sommes rendu compte que beaucoup d’entreprises travaillent sur des
marchés non verts mais qu’il leur faut des compétences spécifiques pour répondre à différents
besoins.
Thomas Chauvineau
L’enjeu est peut-être aussi d’accompagner la transition des métiers qui seront fragilisés – je pense aux
métiers très consommateurs en énergie –, qui vont devoir eux aussi se réadapter, non ?
Isabelle Vincent
La nécessité de pousser les exercices prospectifs pour anticiper les besoins
Quand on a fait nos projections [inaudible 46’46 – 46’52]. C’est un sujet qui concerne les différents
acteurs des différents secteurs [inaudible 47’00 – 47’12]. La Conférence sociale en France s’est saisie
du sujet. Accompagner ces métiers vers d’autres solutions constitue donc un vrai sujet, mais il faut
vraiment pousser plus loin les exercices prospectifs sur ces questions, dont j’ai parlé en début de
conférence en évoquant l’évaluation macro-économique de la transition énergétique. En France, on
fait ces exercices-là, mais on ne les décline pas de façon plus fine en termes de besoins de
compétences et de formation. Cela se fait pourtant dans certains pays qui dotent leur modèle macroéconomique d’un module spécifique sur ces questions, avec l’idée d’aller plus loin, de faire des
scénarios et d’en discuter avec les différents acteurs concernés.
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Conférence idées pour le développement « Transition énergétique : comment adapter les compétences et les emplois ? »
Jeudi 10 décembre 2015 au Grand Palais
Peter Poschen
À petite échelle, des initiatives inspirantes
C’est un chantier très important, surtout à court et moyen terme : on gagnerait beaucoup à augmenter
l’efficience énergétique au sens large, avant même que l’Accord de Paris – si accord il y a – entre en
vigueur. C’est là que l’on peut compenser le temps que ça va prendre de former les jeunes pour avoir
un apport en énergies renouvelables suffisant. Pour l’instant, on y arrive difficilement. Il y a un gros
effort à faire avec l’industrie : il s’agit d’identifier comment la coopération des travailleurs et de
leurs gérants, les entrepreneurs sur place, peut réduire la consommation d’énergie.
Un exemple est très parlant : l’entreprise 3M. Leurs activités consomment beaucoup d’énergie, mais
ils mènent depuis 20 ans une initiative qui consiste à demander aux travailleurs d’identifier les
opportunités de rendre plus efficaces leurs processus. Ils ont ainsi réduit leurs émissions de 70 %.
C’est largement plus que les ambitions dont on parle à la COP 21. Et cela a été rentable pour
l’entreprise. C’est un exemple qui montre comment les compétences des gens peuvent être valorisées.
Or c’est quelque chose que l’on fait beaucoup trop peu. Il faudrait voir comment sensibiliser
l’industrie et d’autres secteurs à ces opportunités.
La réorientation des compétences vers les énergies vertes
Il y a aussi de beaux exemples de reconversion : le charbon, par exemple. Il y a des exemples en
Allemagne où le charbon a été arrêté, comme dans le Nord de la France, il y a 20 ans, il y a 30 ans, et
où les mêmes entreprises qui fabriquaient des équipements pour les mines fabriquent aujourd’hui des
équipements environnementaux. Ils ont réorienté leurs compétences vers les énergies renouvelables.
Quand on y réfléchit, il y a beaucoup de compétences communes.
Thomas Chauvineau
Vous parliez de 3M, je peux vous parler de POCHECO, une entreprise du Nord de la France qui
fabrique toutes les enveloppes institutionnelles. Ils utilisaient des encres très polluantes, pleines de
solvant, du chauffage, de la climatisation, mais ont changé leur processus industriel de A à Z. Ils
n’utilisent plus aujourd’hui que des encres à base d’eau, ont un toit végétalisé qui leur permet de ne
plus utiliser de climatisation l’hiver comme l’été. Ils ont également réalisé de grandes économies. Le
chef d’entreprise m’a dit un jour : « Si je n’avais pas adopté ces mesures environnementales,
l’entreprise n’aurait pas survécu. » Comme quoi, c’est possible.
Conclusion
Jamal Eddine El Aloua
Responsabiliser les acteurs et établir une planification prévisionnelle des besoins
Pour le développement des compétences, la responsabilisation des acteurs est très importante. Il
s’agit de produire en fonction de leurs exigences. C’est le premier point. Le deuxième point, c’est que
les structures de formation doivent répondre aux exigences des énergies renouvelables pour que les
personnes qui suivent la formation soient imprégnées. [Inaudible 52’28 – 52’32]. On trouve des
installations de toiture végétale pour assurer la climatisation du bâtiment sans apport énergétique. Les
techniques sont dans l’infrastructure qui construit [inaudible 52’48 – 52’55]. Je crois qu’un système de
planification prévisionnelle est très important, de même que l’identification des compétences qu’il faut
maîtriser – aussi bien pour les nouveaux métiers que pour les métiers à transformer pour en faire des
métiers verts.
Isabelle Vincent
Définir une trajectoire claire et une feuille de route partagée
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[Inaudible 53’24 – 53’31], il faut essayer d’aller plus loin sur la formalisation d’exercices
prospectifs sur le sujet. On sait que pour faire progresser l’environnement, il faut des objectifs clairs,
lisibles, qui se tiennent dans le temps.
Concernant la formation, les compétences et la capacité à ne pas être freinés par un manque de
compétences, c’est la même chose : il faut qu’on arrive à se donner une trajectoire lisible, partagée, qui
permette de trouver des solutions pratiques et opérationnelles [inaudible 54’00 – 54’07].
Thomas Chauvineau
À ce titre, l’Ademe a mis en place une sorte d’outil qui s’appelle « dialogue prospectif », c’est cela ?
Isabelle Vincent
« Le support au dialogue prospectif »
On appelle cela le « support au dialogue prospectif » : dans un territoire, [inaudible 54’28 – 54’34].
On se donne [inaudible 54’35] rénovations dans l’année, par exemple [inaudible 54’37]. Cela veut
dire : combien de chantiers ? quels types de chantiers ? combien de compétences nécessaires ? Et, en
face, on regarde ce que l’on a comme compétences disponibles. On regarde le nombre d’artisans que
l’on a et on regarde s’ils sont formés aux techniques vertes qui leur permettront de remplir [inaudible
55’01]. À partir de ça, on arrive à voir si l’on a un déficit ou pas en compétences, et à s’organiser pour
prévoir soit les formations soit [inaudible 55’15 – 15’18].
Catherine Gaveriaux
Diffuser les expériences et développer les formations
Au niveau des Maisons de l’emploi, un certain nombre d’outils ont été créés sur les territoires : 43
d’entre elles ont porté le projet « Maison de l’emploi et développement durable ». Un guide présente,
sous forme de boîte à outils, toutes les expériences menées sur les territoires. C’est une première
chose.
On a vu également sur le territoire, en l’occurrence en Picardie, la création de plates-formes de
formations appelées PRAXIBAT. C’est quelque chose que l’on attendait avec impatience, mais il y a
encore beaucoup à faire en matière de formation. Je pense notamment à des formations pour les
demandeurs d’emploi : certaines personnes ne sont plus inscrites dans la filière bâtiment parce qu’elles
ont fait autre chose entre-temps. Il serait bien de travailler davantage sur ces aspects car il y a des
marges de progression.
Calogero Sciandra
La formation comme levier de transition
Peut-être faudrait-il regarder davantage les questions de formation comme un levier, un véritable
outil de la transition énergétique. La question de la formation n’a pas encore pris toute sa place dans
le panel des solutions.
En guise d’illustration, pour revenir à l’exemple du plombier vert : il est vrai qu’il est plus facile de
bâtir des compétences nouvelles plutôt que de reconstruire des compétences sur un plombier
déjà formé. Il faut prendre conscience de cet aspect-là dès le départ. Le deuxième aspect sera la
difficulté, pour les pays en développement, de la formation des formateurs. L’enjeu est d’avoir des
équipes de formateurs suffisamment éclairées sur le sujet pour accompagner la formation.
Peter Poschen
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Jeudi 10 décembre 2015 au Grand Palais
Miser sur les politiques publiques, l’ancrage territorial et la standardisation des compétences
La bonne nouvelle est peut-être qu’on a eu une réunion d’experts entre gouvernements, employeurs et
travailleurs, qui ont adopté des directives pratiques, des orientations pour la politique, qui insistent
beaucoup sur la nécessité d’avoir des politiques publiques cohérentes sur le sujet. La formation en
fait partie. On peut anticiper les changements, ce qui a été fait notamment au Maroc. Le dialogue est
nécessaire : pour permettre que la transition prenne pied dans un territoire, il faut être capable de relier
les acteurs concernés. Il est par ailleurs important que les compétences soient standardisées et
portables, pour que les travailleurs puissent les utiliser. Enfin, une attention particulière doit être
portée aux petites et moyennes entreprises (PME) qui ont du mal à acquérir des compétences.
Finalement, les jeunes qui ont du mal à trouver un emploi salarié ont aujourd’hui l’opportunité de lier
une formation technique avec une formation entrepreneuriale. On a des expériences assez positives en
Chine, en Afrique de l’Est avec cette combinaison, qui permet aux jeunes de créer leur propre
entreprise en rendant un service pour un produit vert.
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Questions du public
Employée de l’UNESCO en charge de l’enseignement
L’importance de renforcer la place de la société civile, notamment des jeunes
Merci pour la qualité de vos interventions, notamment sur la nécessité d’anticiper et de lier ces besoins
de compétences avec les besoins de changement du marché du travail. Je voulais seulement
mentionner que l’UNESCO appuie 10 pays de la Méditerranée Sud, incluant le Maroc, avec des
institutions partenaires, pour développer des outils macro-économiques afin d’anticiper le besoin de
compétences. Nous avons récemment lancé le travail au Maroc, avec le Haut-commissariat au plan,
afin de travailler sur les outils existants, avec les capacités présentes au sein des institutions. L’objectif
est de monter une plate-forme en associant la société civile, les partenaires sociaux et toutes les parties
institutionnelles. En particulier, comme le projet en question s’appelle « réseau de la jeunesse
méditerranéenne », nous cherchons à donner une place plus grande à la société civile, notamment aux
organisations de jeunesse de ces 10 pays. Il s’agit, d’une part, de renforcer leurs capacités afin de leur
donner une voix plus importante dans ce dialogue national sur les compétences qui sont en demande.
D’autre part, il s’agit aussi de chercher à anticiper les équilibres entre l’offre et la demande.
Jamal Eddine El Aloua
Effectivement, nous sommes membres de ce groupe de travail. La première des choses à faire en
matière de formation est de mettre en place un système d’anticipation et de veille au niveau de la
planification. Cela rejoint la première question de ce débat. C’est la première façon de développer les
compétences. Si l’on ne comprend pas les besoins des entreprises, on ne peut pas bâtir de véritable
système de formation. Les jeunes ne trouveront pas de débouchés et seront au chômage. Mais, à
travers ce système d’anticipation, on peut répondre à cet enjeu. Ce projet que l’on est en train de
mener [inaudible 1’03’13 – 1’03’25].
Ne se présente pas
La question de la perte d’emplois et des reconversions
Dans l’hypothèse d’un accord sur les 2 degrés de réchauffement climatique, des milliers d’emplois
vont être détruits à terme dans les secteurs émissifs tels que le charbon. Existe-t-il une réflexion à long
terme sur ce que l’on va faire de ces gens ? sur la façon de les convertir et de les utiliser dans une
économie verte ? On a un exemple dans l’industrie pétrolière canadienne, où depuis 6 mois des
milliers de personnes sont en train de voir disparaître leur emploi. Y a-t-il une réflexion des bailleurs
de fonds dans l’hypothèse des 2 degrés ? Trouvera-t-on un emploi à toutes ces personnes, en
particulier dans les pays en voie de développement ?
Peter Poschen
Cette question était le souci de départ : une économie bas carbone va-t-elle nous coûter de la
croissance, nous coûter des emplois ? Ce que l’on sait jusqu’à présent, c’est qu’en adoptant les bonnes
politiques, on peut avoir un gain net sur l’économie dans son ensemble, avec une économie bas
carbone et durable. Ce gain peut être appréciable : on a chiffré une fourchette située entre 15 et
60 millions d’emplois supplémentaires à l’horizon 2030. Le problème de la reconversion, jusqu’à
présent, n’est pas le résultat de la décarbonisation. Le monde utilise aujourd’hui plus de charbon et de
pétrole que jamais. C’est vraiment le changement technologique, l’augmentation de la connectivité,
qui a mis ces personnes au chômage.
Nous connaissons quelques exemples de reconversion de personnes travaillant dans ces métiers, plus
ou moins réussis. Il y a, par exemple, le 2e plan de restructuration en Pologne, où les [inaudible
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Conférence idées pour le développement « Transition énergétique : comment adapter les compétences et les emplois ? »
Jeudi 10 décembre 2015 au Grand Palais
1’06’13] de charbon ont donné un taux de réinsertion relativement satisfaisant. Dans un autre
domaine, la Chine a dû faire face à l’arrêt de travail d’un million de travailleurs forestiers du jour au
lendemain : 20 % sont partis en retraite anticipée, mais les 800 000 personnes restantes ont été
réinsérées dans d’autres secteurs de l’économie, soit à l’intérieur du secteur forestier, soit en adoptant
d’autres métiers. C’est encore un exemple qui montre l’importance de l’anticipation. Diversifier une
économie, offrir des alternatives demandent du temps.
Thomas Chauvineau
J’insiste aussi sur les modélisations qui ont été faites. Je crois que l’Ademe les donne sur son site
internet. En termes de réchauffement climatique, dans le cas d’une augmentation de 2 degrés en
2100, cela coûterait 0,7 point de produit intérieur brut (PIB). Dans le cas d’un réchauffement de 6
degrés, on serait autour de 8 points de PIB. Cette réflexion macro-économique est peut-être aussi à
prendre en compte pour compléter votre réponse.
Marie-Pierre Nicollet, directrice du département Développement Humain de l'AFD
De l’ouvrier à l’ingénieur, un large spectre de compétences à développer
Je me demandais si l’image du plombier vert n’était pas un peu trompeuse. Plus exactement, quand
vous parlez de ces nouveaux emplois, on a le sentiment qu’ils se situent à un niveau de qualification
professionnelle très élevé, avec des compétences sophistiquées, très techniques. Le raisonnement fait
un peu l’impasse sur le niveau d’éducation qui doit précéder l’obtention de ces qualifications. Avezvous réfléchi à des ruptures dans cette chaîne idéale, liées au niveau de formation primaire et
secondaire ?
Peter Poschen
Il y a quelques études qui ont essayé d’aller relativement loin dans votre [inaudible 1’09’27], pour voir
ce que cela impliquerait en créations et pertes d’emplois et quels seraient les métiers et compétences
concernés. Aux États-Unis, ils en ont conclu que, pour des investissements classiques – en
infrastructures, en efficience énergétique, en proportion de renouvelables –, cela touchait tout le
spectre des compétences. Il ne s’agit donc pas uniquement d’ingénieurs ou de techniciens très
sophistiqués. Il y aura des métiers proches de ceux que l’on connaît aujourd’hui, mais avec
quelques changements de compétences, qui font toute la différence. Par exemple, si vous voulez
ventiler une maison de très basse consommation énergétique sans réussir à maîtriser ce processus, la
maison sera inhabitable ou [inaudible 1’10’40]. Cela exige de nouvelles compétences dans un métier
qui n’est pas hyper-sophistiqué, mais qui doit le devenir.
Catherine Gaveriaux
En ce qui concerne notre territoire, nous étions plutôt sur des PME. Quand nous avons commencé à
parler de la réglementation thermique 2012, et avons assisté en tant que techniciens à toutes ces
présentations, cela paraissait très compliqué. Il y avait des histoires de calculs très savantes. Ceci étant,
les entreprises connaissaient. On a vu des entreprises s’investir, comprendre, appliquer et être
labellisées sur ces nouvelles formations. On était alors sur des niveaux qui n’étaient pas ceux des
ingénieurs.
Calogero Sciandra
Je ne suis pas spécialiste du sujet mais j’ai tout de même un avis là-dessus. Je crois que l’on pourrait
comparer le verdissement des compétences à l’informatique. Les emplois sont montés en
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Conférence idées pour le développement « Transition énergétique : comment adapter les compétences et les emplois ? »
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qualification parce que l’on a de l’informatique dans n’importe quelle activité. Même si l’on est
plombier, si l’on a sa propre entreprise, on doit gérer la relation avec l’informatique (pour des devis,
etc.). L’informatique est dans la vie de tous les jours tout comme le sera le verdissement des
compétences. Le maçon qui aura à faire un mur devra le faire avec une conscience et donc un
professionnalisme supplémentaires. Il y aura une montée en compétences forcée.
Isabelle Vincent
Vous parliez tout à l’heure du photovoltaïque en France. Quand le photovoltaïque intégré au bâti a été
proposé, on a pu constater des malfaçons parce que les différents corps de métiers n’avaient pas
l’habitude de travailler ensemble. Les ouvriers qui posaient les panneaux de photovoltaïques n’étaient
pas forcément de très bons couvreurs, ce qui a pu amener des problèmes d’étanchéité. La transition
énergétique, c’est aussi une manière de travailler différemment pour des corps de métiers
hétérogènes, et d’arriver à proposer des offres groupées qui permettent d’avoir une vue d’ensemble
sur la conséquence environnementale des différents gestes. C’est quelque chose de nouveau. Cela ne
veut pas dire que chaque geste [inaudible 1’13’50]. Cela veut dire qu’il faut penser différemment les
faiblesses qu’il pourrait y avoir dans les différentes interventions.
Jamal Eddine El Aloua
Je voudrais revenir sur tout ce que nous avons fait au Maroc. Pour les métiers qui n’existent pas
encore, nous avons créé des instituts de formation. Pour les métiers qui existent, prenons l’exemple du
plombier. Pour en faire un plombier vert, on a élaboré le programme et déterminé l’écart entre la
formation initiale d’un plombier traditionnel et la formation d’un plombier vert. On a rajouté les
modules de formation dans les programmes, avec les mêmes exigences, de façon à développer les
compétences permettant d’être un plombier vert. C’est la même chose pour l’ensemble des métiers
verts, qui existent déjà mais nécessitent des compétences complémentaires.
Représentant de la société SFERE, un bureau d’études spécialisé dans les problématiques
éducation et formation à l’international
Des bailleurs de fonds surtout enclins à soutenir l’enseignement supérieur ?
Je voulais saluer l’initiative de l’AFD qui se mobilise énormément dans le secteur de la formation
professionnelle au niveau des énergies renouvelables. SFERE a participé à l’élaboration de l’étude
évoquée par M. EL ALOUA sur l’identification des besoins de compétence de manière prospective à
l’horizon 2020. Nous avons également participé au projet de mise en œuvre du secteur BTP au
Sénégal. Je m’étonne que les bailleurs de fonds, notamment la Banque mondiale et l’Union
européenne, s’intéressent aussi peu au secteur de la formation professionnelle dans le domaine des
énergies renouvelables. Le BIT a-t-il une explication ? On a l’impression que les bailleurs sont surtout
tournés vers l’enseignement supérieur, qu’ils veulent d’abord former des ingénieurs. Certes, cela est
important, mais le gros des besoins en compétences se trouve dans le secteur de la formation technique
et professionnelle.
Jamal Eddine El Aloua
Il me semble que, pour le Maroc, plusieurs bailleurs de fonds s’intéressent au développement de la
formation professionnelle dans le secteur des énergies renouvelables. L’AFD et l’Union européenne
ont participé au financement de ces instituts de formation. La Gesellschaft für internationale
Zusammenarbeit (GIZ) allemande également a fourni une assistance technique pour développer le
système. Je ne peux pas généraliser, mais, au Maroc, nous n’avons pas ce problème.
Peter Poschen
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Conférence idées pour le développement « Transition énergétique : comment adapter les compétences et les emplois ? »
Jeudi 10 décembre 2015 au Grand Palais
Ma réponse est la même : je ne partage pas trop ce constat. Je crois qu’un grand nombre de bailleurs
de fonds sont prêts à [inaudible 1’17’22]. La GIZ, qui a été évoquée, est un grand bailleur de fonds
dans le domaine de la formation, y compris dans le secteur des énergies renouvelables. En Zambie,
nous travaillons avec des Finlandais, des Suédois, etc.
Je crois que la mobilisation des bailleurs de fonds dépend surtout de la façon dont leur sont
présentées l’opportunité et l’utilité des initiatives proposées.
Calogero Sciandra
Je pense effectivement que d’autres bailleurs s’investissent, comme le disait le Secrétaire général.
Effectivement, avec la GIZ, est très investie sur le sujet ainsi que l’Union européenne puisque nous
sommes co-financeurs du projet. La GIZ étant un peu l’équivalent allemand de l’AFD. De fait, il y a
d’autres bailleurs. Je crois aussi qu’il s’agit simplement d’une question de présentation du projet.
Sigles
Ademe : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
AFD : Agence française du développement
BIT : Bureau international du travail
FEE Bat : Formation aux économies d’énergie dans le bâtiment
GIZ : Gesellschaft für internationale Zusammenarbeit
PLIE : Plan local pour l'insertion et l'emploi
PME : petites et moyennes entreprises
Unesco : Organisation des Nations unies pour l’Éducation, la Science et la Culture
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