JUDAS, le disciple qui aimait tant Jésus
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JUDAS, le disciple qui aimait tant Jésus
« JUDAS, le disciple qui aimait tant Jésus » PRÉSENTATION DU LIVRE BIOGRAPHIES Marie-Françoise Cuvillier est née le 3 juillet 1951, près de Lille. En poursuivant sa recherche d’une pédagogie qui prendrait en compte la totalité de l’être de l’enfant, elle rencontre la pédagogie « Steiner » et l’Anthroposophie. La rencontre avec cette science spirituelle lui permet de saisir la réalité du Christ dans une dimension nouvelle et lui ouvre les portes de la Communauté des chrétiens. Ordonnée prêtre de la Communauté, elle officie dans la région parisienne puis dans l’Allier. Elle donne régulièrement des conférences, des cours. C’est lors des cessions qu’elle anime avec des enfants et des adultes qu’elle utilisait l’histoire de Judas. Atteinte par la maladie, elle quitte son corps le 24 avril 2008. Éric Noyer est né le 26 juillet 1963, à Marseille. Son activité principale est d’être compositeur et chef de chœur dans des cadres très variés (enfants de tous âges, chorales d’adultes ou du troisième âge, personnes handicapées, chœur et big-band…). Il a aussi été quelques années instituteur puis professeur de musique à l’école « Steiner ». Dans ses multiples rencontres, il croise Marie-Françoise Cuvillier. Ensemble, ils vont écrire la cantate Les deux larrons, déposer le récit de Judas et composer, avant son décès, les chants pour la cérémonie d’enterrement de Marie-Françoise. LA GÉNÈSE de « JUDAS, le disciple qui aimait tant Jésus » (Ce texte est extrait de la préface du livre par Éric Noyer) Marie-Françoise Cuvillier et Eric Noyer Marie-Françoise Cuvillier était une merveilleuse conteuse. Elle aimait les histoires et elle aimait raconter les histoires. Elle utilisait celle de Judas pour la préparation des jeunes gens à la confirmation dans le cadre de son travail de prêtre à la Communauté des chrétiens. Elle aimait adapter son histoire à l’écoute des auditeurs présents. Par exemple, les métiers découverts par Judas permettaient de toucher individuellement les qualités de chaque auditeur. Marie-Françoise était curieuse et elle savait tisser des liens entre les diverses informations qu’elle recevait sur un sujet. Cette base de connaissance a été mélangée à sa propre vie et Judas est devenu un sujet d’imagination, de méditation et d’inspiration inclus dans son sacerdoce. Ce récit ne prétend pas être la vérité historique mais souhaite éveiller des images pour aider chacun à connaître ses personnages intérieurs. Cette histoire me semblait un trésor que je souhaitais connaître et faire connaître à d’autres. Je suis donc allé voir Marie-Françoise et elle m’a raconté son histoire de Judas en parlant devant un petit micro. Nous avons enregistré plusieurs cassettes audio en quelques jours d’août 2007. Elle était déjà bien malade, elle toussait souvent, mais sa qualité de conteuse était toujours là. Le texte suivant est né de l’art du conte de Marie-Françoise au travers de mon écoute. EXTRAITS de « JUDAS, le disciple qui aimait tant Jésus » L’enfant Quand il eut douze ans, le précepteur eut encore une nouvelle façon de vouloir enseigner Judas. […] Judas, semaine après semaine, fut envoyé pour travailler avec les gens du pays. Pour la deuxième fois, son regard sur lui-même changea. Auparavant, il pensait que son statut de fils du gouverneur lui permettait d’exister mais il se rendit compte qu’il devait se transformer pour être à la hauteur de son titre. C’est par ses qualités propres qu’il devait pouvoir en imposer aux autres et mériter ainsi le respect dû au fils du gouverneur. Le travail était une épreuve d’humilité terrible pour Judas qui découvrait, pas à pas, heure après heure, jour après jour, les compétences requises pour exercer un métier de manière responsable. Le jeune homme Judas était ébranlé par la force de la voix [de Jean-Baptiste]. Quelque chose voulait l’aider à se redresser, à retrouver la verticale. Ce jour-là, Jean-Baptiste termina sa prédication en disant : « La plus grande faute qu’un homme puisse commettre, c’est de ne pas croire au pardon de Dieu, c’est de ne pas croire à la possibilité qu’a Dieu de pardonner nos fautes. » Judas fut transpercé par ces paroles. C’est comme si elles avaient été dites spécialement pour lui, comme si Jean-Baptiste venait le toucher là où aurait voulu rester insensible. Ainsi, un beau matin, se dépouillant de ses vêtements précieux, Judas, comme tous les autres, entra dans l’eau du Jourdain, dans cette eau qui était la même pour tous. Il fut saisi par le froid vivifiant. Quand ce fut son tour, Jean-Baptiste poussa la tête de Judas sous l’eau et la maintint un instant. Judas ne pouvait plus respirer. Mille fois, il désira pouvoir reprendre de l’air. Enfin, Jean-Baptiste le laissa remonter à la surface. Judas avait le regard flamboyant de lumière. […] Que s’était-il passé ? Qu’avait-il vu à cet instant ? Au moment du baptême, Judas avait vu venir vers lui un être de lumière qui lui dit : « Judas, je t’attends. Tu me trouveras quand tu auras décidé de me chercher. » Judas s’était entendu répondre : « Je veux te chercher ! » Le disciple Un beau matin, alors qu’il traversait la place du marché de Jérusalem, il vit un groupe de personnes très attentives aux paroles toutes simples mais émerveillées d’un Galiléen qui venait de là-haut et qui racontait qu’il avait rencontré un personnage étrange du nom de Jésus. […] Les paroles annonçant la venue du royaume des cieux réveillèrent en lui tous les souvenirs de sa propre promesse : « Je veux te chercher. » […] Judas avait l’impression qu’il devait partir pour aller vivre quelque chose de grand qui le concernait au plus profond de lui-même et qui ferait de lui, peut-être, un disciple du Messie qu’on attendait. C’est cet espoir de gloire, cet espoir d’être présent pour la manifestation du royaume des cieux qui décida Judas à quitter Jérusalem pour se mettre en route vers la Galilée. Toutes ses pensées étaient tournées vers la rencontre qu’il venait de faire avec Jésus. C’était pourtant bien lui, l’être de lumière qui était apparu dans une telle clarté lors du baptême au Jourdain. C’était lui, ce Jésus qui maintenant était là, si simple, presque ordinaire. Jésus l’avait appelé par son prénom et il lui avait même redit : « Je t’attends ! » Judas ne savait plus que penser. […] il fit un rêve étrange. Il se voyait parmi un groupe de personnes devant les douze portes d’or du ciel. Un être étrange s’avança et ouvrit la première porte. Il s’adressa à une personne du groupe et lui demanda : « Veux-tu être mon disciple ? » […] Lorsque Jésus fut arrivé au niveau de Judas, la porte s’assombrit et c’est dans l’obscurité que Judas se vit la franchir. Quand il revint de son rêve, il était troublé, mal à l’aise et il chercha à comprendre. Il ressentait qu’il avait une mission. Que cette mission était dans le prolongement de toutes les formes sombres qu’il avait traversées en rencontrant plusieurs fois la mort. Il devait se rendre à l’évidence : Jésus, qui lui paraissait parfois insignifiant, était l’être grandiose et lumineux qu’il avait perçu au moment de son baptême. Même si les apparences étaient trompeuses, c’était Jésus qu’il devait suivre. Il essaya de comploter. Judas souhaitait que Jésus rencontre Hérode, Pilate et d’autres encore le plus rapidement possible. Il désirait que Jésus parle sur l’esplanade du temple, qu’il persuade les foules. Il fallait qu’il soit reconnu. Et les premières paroles de l’expérience vécue jaillirent les lèvres de Lazare : « Ce fut de reconnaître Celui qui s’est penché sur moi et qui m’appelait de nouveau à la vie terrestre. Ce fut de ne pas me laisser prendre par les illusions qui m’étaient présentées à l’âme et par le doute qui voulait me faire croire que c’était pour toujours que j’étais enfermé dans la tombe. Croire qu’on était infiniment mieux dans les hauteurs célestes ou croire qu’on ne pouvait plus sortir des chaînes de la mort, c’était les deux pièges qu’il me fallut éviter pour entendre cette parole qui sortait du cœur de Celui qui s’est penché vers moi et qui disait : “Lazare, ici, dehors !” […] Toi aussi, Judas, si jamais ton âme sombrait dans la mort, toi aussi, n’oublie pas ce que je viens de te révéler et que je ne dirai qu’à toi seul. C’est toi que cela concerne car je connais les doutes profonds de ton âme, ce qui t’enchaîne à la terre. Je connais aussi tous tes désirs fulgurants et fougueux que tu voudrais faire accepter au maître. Rien de cela ne te conduira dans le royaume. Judas, fais attention ! » … si Jésus voulait descendre à Jérusalem, il faudrait faire en sorte que la foule le reconnaisse ! Finalement, tellement de gens avaient profité de son enseignement, de ses miracles ou de ses guérisons. Tous ceux-là, où étaient-ils ? Ne pouvait-on les rassembler ? Plus encore, Judas se disait qu’il faudrait aller au but et présenter Jésus au moins à son ami Pilate, qui sûrement pourrait comprendre et, surtout, être subjugué si Jésus faisait quelque miracle pour montrer la puissance divine qui était en lui. — Tu ne feras rien faire au maître, répondaient les autres. Comment peux-tu avoir de telles idées ? Il connaît son destin et il le vivra comme Dieu le veut. Toutes ces questions se bousculaient dans la tête de Judas qui, depuis un instant, sentait monter en lui une colère terrible. « Non, il faut éviter cela ! Non, je ferai tout ce que je pourrai. Je sacrifierai même ma vie si c’est nécessaire mais il faut qu’on le reconnaisse comme étant le Messie envoyé des cieux. Alors plus personne ne touchera à sa personne, et sa vie éternelle pourra à jamais se manifester aux hommes ! » Judas décida donc de descendre seul à Jérusalem ce jour-là. Les heures s’égrenaient, la nuit était sombre. Judas était sûr qu’il allait y avoir un signe. Quelque chose viendrait enfin lui annoncer la manifestation du maître, ou les paroles que Jésus pourrait dire feraient qu’on le conduirait au-devant de la foule comme étant vraiment le Messie que le peuple attendait. Il vit sortir les soldats qui escortèrent Jésus auprès d’Hérode. Quel ne fut pas son étonnement quand il vit Jésus, le visage défait, les mains toujours liées dans le dos. Hérode serait-il plus compétent que les grands prêtres pour comprendre le mystère de cet homme ? […] Judas vit Jésus présenté à la foule, portant sur le dos un manteau de pourpre comme s’il était roi, mais son sceptre était un roseau plié et sa couronne, une couronne d’épines. Il en fut bouleversé. […] Qui avait été si fou pour croire que le maître pouvait être reconnu comme le fils de Dieu, comme le Messie ? N’était-ce pas Judas lui-même, avec ses pensées froides plantées comme cette couronne d’épines ? N’était-ce pas Judas lui-même qui, malgré l’ardeur avec laquelle il avait voulu les choses, avait commis des gestes vains ? N’était-ce pas Judas lui-même qui poussait à la mort celui-là même qu’il voulait faire reconnaître pour roi ? Le tableau de sa vie apparaissait devant ses yeux. Il voyait le torrent de vie, qui était bouillonnant à sa naissance, se ralentir, se tarir, se figer. Il avait voulu tout saisir, mais il ressentait qu’il était si souvent resté à distance. Il avait voulu devenir maître de sa vie, mais il n’avait rien pu entourer d’un amour chaleureux et, maintenant, il était seul dans la mort. Il avait voulu saisir l’Autre uniquement avec sa tête sans pouvoir l’accueillir aussi avec son cœur. Il avait tant aimé Jésus d’un amour intelligent. Il lui semblait qu’il avait tout compris. Il avait acclamé Jésus-Roi, et il se rendait compte qu’il ignorait Jésus-Christ. L’aigle était devenu scorpion, et il était mort à la lumière pour naître à la terre. Il avait payé le prix de la liberté en espérant en récolter les fruits. […] Alors, l’être lumineux d’une grande beauté s’approcha, accompagné par la voix des anges : « Judas, il fallait qu’un homme livre le Christ. Tu as été cet homme, tu l’as fait. Ton chemin n’est pas terminé. Ton péché sera pardonné ; le scorpion redeviendra aigle. » […] Le cœur de Judas commençait à comprendre dans la chaleur de l’amour. Tout cela, il ne pouvait le dire tant la réalité était fulgurante et traversait son esprit, mais il comprenait enfin cette parole : « Le monde des cieux était descendu dans les royaumes terrestres, et le monde terrestre s’élevait à sa véritable réalité spirituelle ; le royaume des cieux était accompli. »