de tout - Shelter
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de tout - Shelter
REGARD Faire La Haute-Savoie, la nature, la montagne, les lacs et les forêts inspirent les cinq membres du collectif Shelter. Ici, quelques montures de la collection réalisées dans du poirier, du noyer ou de l’érable, arbres morts souvent récupérés chez des particuliers. 70 Les Alpes au Féminin lunettes de tout bois Un scieur, un ébéniste, une pro du commerce et un créatif… le collectif Shelter s’est naturellement tourné vers le bois pour imaginer des lunettes de soleil qui cartonnent. Une success story éco-responsable, 100 % made in Haute-Savoie. PAR ANNE-LAURE BISTON – PHOTOS DAVID MACHET. Les Alpes au Féminin 71 REGARD REGARD Ci-contre : Le collectif au complet avec de gauche à droite, François Regat, Emeline Barat, Florent Chouzy et Julien Lamotte. En haut : Choix de placages parmi les différentes essences sciées durant l’hiver. Ci-dessus : François Regat dans l’atelier des Contamines-sur-Arve ; stockage et mise en séchage naturel des placages de bois sciés préalablement. Ci-contre : Georges Regat, élaborant les fichiers d’usinage des lunettes. En haut, milieu : Prototypes de faces de lunettes en noyer et érable, avec intérieur grenat reprenant les teintes naturelles du vin vieilli dans le fût de chêne. Q uarante-cinq jours ont suffi aux quatre amis d’enfance pour collecter, via la plate-forme de financement participatif KissKissBankBank, la somme de 18 000 euros. Juste incroyable quand on sait que ces jeunes anneciens n’ont pas le premier sou en poche lorsqu’ils décident, en juillet 2013, de se lancer dans la création de lunettes en bois 100 % écolo. Tailler une paire de lunettes à partir d’arbres locaux recyclés… l’idée déchaîne les internautes et la mise en ligne d’un prototype déclenche la première commande : 150 paires à débiter en deux mois. Marre des produits fabriqués en masse ! Émeline, Julien, Florent et François, quatuor interdisciplinaire, conceptualise très vite le projet, sans attendre pour faire ronfler la scie. Des nuits à découper, poncer, polir dans le garage de Julien, aidé de Georges, scieur et père de François, à qui la première collection est dédiée. La “Georges” en a dans les branches, et c’est avec elle que le collectif honore sa première commande et remporte, en septembre 2014, le talent “glamour” du magazine éponyme. Le collectif Shelter, 72 Les Alpes au Féminin Ci-dessous : Les lunettes Shelter sur le présentoir en bûche fait maison, à partir de rayons de vélos recyclés. Comptez entre 160 € et 190 € la paire, selon l’essence. clin d’œil au Gimme Shelter des Rolling Stones, vient de poser les fondations d’une identité visuelle forte : bienvenue dans leur univers preppy rock’n’roll. Une vision écolo décalée C’est un vent d’air frais boisé, plein de bonne humeur et d’innovation qui souffle sur le quatuor. Émeline, touche féminine du groupe, raconte que l’idée est née d’une discussion autour d’un verre. “Chiche de tailler une paire de lunettes dans une bille de bois ?”, lance Julien Lamotte à François Regat. Amateur de matière brute à la curiosité tentaculaire, Julien a repéré, du côté de Berlin, un phénomène en pleine explosion. Des lunettes en bois : green, totalement green ! Les deux ébénistes de la bande sont comme frappés par une révélation. Une vision écolo décalée, qui pourrait bien faire une success story à la française, se disent-ils. La concurrence étant asiatique, les deux copains pressentent là un bon moyen de valoriser le Made in Annecy. “Nous voulions fabriquer un produit reflétant nos valeurs et nos savoir-faire.” La synergie du collectif, un féroce appétit pour l’expérimentation, la puissance du réseau Internet et… un premier référencement chez un opticien annecien leur donnent de sérieuses raisons d’y croire. Mais avec plus de 200 paires à produire en un mois, il faut s’organiser. C’est avec un fameux artisan lunettier du Jura que le courant passe. En se déchargeant d’une partie de la fabrication, le collectif accroît son volume de production, monte en gamme, tout en conservant la main sur le cœur de l’activité. Finesse, précision, technicité… les montures s’affinent, tandis que le réseau de revendeurs grimpe en flèche. Shelter lance même fin 2014 une série exclusive réalisée à partir d’une barrique de vin en chêne centenaire. Né de la collaboration entre Shelter et un jeune vigneron, un coffret est édité en une centaine d’exemplaires. À l’intérieur, une cuvée spéciale, assortie d’une paire de lunettes taillée dans les douelles d’un tonneau, aux délicates nuances du tanin, et un étui en cuir fabriqué par un artisan maroquinier. Puis, aux côtés de la Georges, s’installent dans un grand respect du passé, la Dean, la Duke, la Liberty, et tout récemment, la Shadow. Des modèles unisexes inspirés de regards mythiques Les Alpes au Féminin 73 REGARD T. Shu Après la partie “showroom”, visite de l’atelier avec le ponçage d’une face de lunettes en machine par Julien Lamotte. Mise de la monture dans son étui en coton et denim fabriqué en collaboration avec une entreprise de Poitiers. que le collectif revisite dans une vision contemporaine. Essences de noyer et d’érable pour la gamme classique, puis poirier, érable et ébène de Macassar pour la gamme sélection. Vingt grammes de pur design… Du poids plume ! Un millefeuille éco-certifié Noyer, frêne, merisier, poirier… Le collectif fait feu de tout bois. Qu’ils proviennent de scieries locales ou de jardins de particuliers, les arbres morts sont collectés, séchés durant six mois, puis découpés en bandes de 1 à 3 millimètres d’épaisseur dans une scierie de Contamine-sur-Arve. Ces lames sont ensuite recalibrées à l’atelier à l’aide d’une scie à ruban, puis séchées quelques minutes à 25 degrés pour optimiser le collage des huit couches nécessaires à la fabrication de la face. “Dans la succession de tâches, la partie la plus chronophage est le ponçage”, souligne Émeline. Dans l’atelier, où les senteurs de bois et de colle se mêlent, chacun met la main à l’ouvrage. Pour ôter les taches de colle, casser les angles, fermer tous les pores et aboutir à une surface veloutée et uniforme, le secret, c’est le papier de verre. La face et les branches sont ensuite trempées dans un bain d’huile d’agrumes naturelle éco-certifiée. Puis, après une nuit de séchage, 74 Les Alpes au Féminin le polissage donne un fini velouté à la monture. “Notre collaboration avec l’artisan lunettier a permis d’intégrer à nos lunettes des charnières flexibles. Un petit luxe qui nous autorise à les adapter à différentes morphologies”, détaille Julien. Le lunettier du Jura fixe les charnières, assemble les branches sur la face, puis monte des verres haut de gamme en polycarbonate (indice 3, 100 % UVA UVB). Pour la touche finale et le contrôle qualité, c’est retour à l’atelier de Cran-Gevrier. La monture, estampillée Shelter, est glissée dans son étui, fabriqué par un artisan textile, tout comme les 3 000 paires qui sortiront de l’atelier d’ici fin 2015. Les quatre amis travaillent désormais à imposer leur lifestyle à la lunette de prescription et portent leur regard au-delà des frontières hexagonales. Pas question de s’endormir : les créateurs anneciens, qui ont déjà investi les belles stations de sports d’hiver, n’ont pas froid aux yeux. Ils pourraient bien sortir du bois à la recherche d’autres matériaux recyclables à interpréter. Et, une fois encore, nous en mettre plein la vue. https://instagram.com/sheltersunglasses/ https://www.facebook.com/sheltersunglasses http://www.shelter-shoponline.com/ https://www.pinterest.com/shelterannecy/