Pour Sarkozy, Woerth est aussi un argument de riposte « Il faut

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Pour Sarkozy, Woerth est aussi un argument de riposte « Il faut
Le manuel du réformateur à l’usage des Républicains
l ll Suite de la page 1
le bon sens ». « Une brique qui servira à
construire le programme de la droite », glisse
Eric Woerth. Cette brique aura-t-elle l’audace
de s’afficher libérale ? L’ancien ministre ne va
pas jusque-là : « On adore la liberté en France,
mais on déteste le libéralisme. J’essaie plutôt
de viser l’efficacité : conserver notre modèle
social – la France sera toujours plus généreuse
que les autres pays, c’est comme cela depuis
Colbert – sans que la solidarité nationale ne se
fasse sur le dos des générations futures. Cela
nécessite des réformes fondamentales ».
Pour y arriver, Eric Woerth propose un
« triptyque législatif » : une « loi sur la liberté » pour réformer le marché du travail, une
« loi sur l’égalité » pour rompre les inégalités
L’ouvrage a le mérite
d’expliquer pourquoi
l’ISF est un boulet pour la
France, et insiste sur la
pédagogie nécessaire en
amont de sa suppression
hommes/femmes ou public/privé « en repensant notre système de formation initiale et
professionnelle, comme la place et le rôle des
prélèvements obligatoires » ; et enfin une « loi
sur la fraternité » pour « repenser notre modèle social en en réduisant le coût pour assurer sa survie, et en luttant résolument contre
l’assistanat ».
L’ouvrage propose ainsi de réduire de
3 points de PIB les prélèvements obligatoires
et de 7 points le « poison lent » de la dépense
publique, pour ramener cette dernière dans
la moyenne européenne. Une baisse de
150 milliards d’euros, réalisée sur la réduction
des transferts sociaux et une rationalisation
des dépenses salariales dans la fonction publique.
Quelques totems de la République sont
ainsi remis en cause comme l’universalité des
prestations sociales, le remplacement d’un
grand nombre d’allocations par une « allocation de vie » unique, ou encore le plafonnement
de l’assurance chômage à un niveau permettant de « subvenir aux besoins fondamentaux ».
Côté fonction publique, il est proposé de baisser à la fois le nombre de fonctionnaires et leurs
salaires en allongeant leurs carrières, de redéfinir le périmètre des agents ayant droit au statut
et de rémunérer davantage ceux qui accepteraient de quitter leur statut de fonctionnaires.
Sur les questions de fiscalité, l’ouvrage
affirme clairement qu’il faut supprimer l’ISF.
Il a le mérite d’expliquer pourquoi cet impôt
est un boulet pour la France, et insiste sur la
pédagogie nécessaire en amont de sa suppression. Si la fusion CSG/impôt sur le revenu est
écartée, le prélèvement à la source, repoussé
par la gauche, « comporte plus d’avantages que
d’inconvénients », estime Eric Woerth.
Concernant le marché du travail enfin, les
accords de branches ou par entreprises sont
préférés pour la durée du temps de travail.
Considéré comme une « formidable machine
à chômage », il est aussi proposé d’assoupir le
Smic en le différenciant selon les types de travail.
Ce catalogue de bonnes résolutions, ni
révolutionnaires, ni démagogiques, va dans
le bon sens. Reste à savoir si la droite aura
le courage de le mettre en place. L’ouvrage
d’Eric Woerth et de la Boîte à Idées fait en ce
sens œuvre utile de pédagogie et proposent
quelques pistes techniques et concrètes pour y
arriver. « Il faut mettre fin aux marronniers qui
reviennent régulièrement. C’est vrai sur l’ISF,
sur les 35 heures, sur le travail le dimanche…
On a l’impression qu’on n’avance jamais. C’est
désespérant ! Il faut désormais y aller plus
directement », conclut Eric Woerth. On ne demande qu’à le croire.
@LEGENRA
t
Pour Sarkozy, Woerth est aussi
un argument de riposte
Ce n’est pas une surprise. Comme l’Opinion
l’avait annoncé dans son édition du 19 mai, Nicolas Sarkozy a décidé de s’appuyer davantage
sur Eric Woerth. Le 2 juin, le président des Républicains l’a promu, dans l’organigramme de
son nouveau parti, délégué général au projet.
Auparavant délégué général à l’économie et
aux finances, le député de l’Oise va désormais
être en charge de l’écriture de l’ensemble du
projet de sa famille pour 2017. Cette tâche était
précédemment dévolue à la vice-présidente
de l’UMP, Nathalie Kosciusko-Morizet. Si, au
final, la chef de file de la droite parisienne
conserve son poste au sein de la direction des
Républicains, elle se consacrera désormais à
la campagne des régionales. Pour l’épauler
dans sa mission, le maire de Chantilly disposera d’une déléguée générale adjointe, la députée d’Ille-et-Vilaine Isabelle Le Callennec.
Il y a quelques jours, Brice Hortefeux
énumérait toutes les qualités que l’ex-chef de
l’Etat trouvait à Eric Woerth. « Il est bosseur,
sérieux et un peu connu. Il n’est pas candidat
aux régionales. Ce n’est pas un parisien et en
même temps, il est élu à une heure de Paris. Et
puis il est fillonniste », expliquait le député eu-
Nicolas Sarkozy
annonçant Eric Woerth :
« Nous sommes heureux
d’accueillir parmi nous
un très honnête et très
grand républicain »
ropéen. Depuis 2007, et sa nomination au sein
du gouvernement Fillon, Nicolas Sarkozy n’a
jamais tari d’éloges sur les capacités de travail
de son ministre du Budget, qu’il muta en 2009
aux Affaires sociales pour conduire l’explosive
réforme des retraites.
Mais si aujourd’hui, l’ancien collaborateur
d’Alain Juppé à Matignon prend ainsi du galon,
c’est aussi pour une autre raison. Pour Nicolas
Sarkozy, Eric Woerth est devenu un argument
de riposte depuis sa relaxe prononcée dans
l’affaire Bettencourt, le 28 mai. Dimanche,
lors du 20 heures de France 2, Julian Bugier
demande au patron des Républicains s’il « sera
candidat à la primaire et à la présidence de la
République en 2017, s’il est toujours mis en
examen ». Sa réponse est sans détour : « Estce que vous n’avez rien appris de ce qui vient
de se terminer avec le procès Bettencourt ?
Pendant toute la campagne présidentielle, Madame Aubry, le Premier ministre d’alors (sic),
2 l’Opinion mercredi 3 juin 2015
« Il faut renoncer totalement
à certains pans de l'action
publique, en particulier
dans la sphère sociale »
Bonnes feuilles
Eric Woerth et la Boîte à idées, think tank
des Républicains, publient Une crise devenue française, quelle politique économique
pour redresser la France ?.
Réduire les dépenses publiques
Quel niveau de dépense permet de maintenir un service public de qualité et d’assurer une redistribution nécessaire ? Une
cible raisonnable pourrait être d’atteindre
un niveau de dépense ne dépassant pas
50 % du PIB, ce qui est très légèrement supérieur à la moyenne européenne (49,1 % pour
l’Union européenne et 49,8 % pour la zone
euro). (Cela) représente un effort de 150 milliards, toutes choses égales par ailleurs. Cependant, si on prend en compte certaines
évolutions inéluctables (le vieillissement de
la population par exemple, qui pèse sur les
systèmes de retraite et de santé), l’effort est
encore plus important. Il représente environ
250 milliards, soit un rythme de 25 milliards
d’économies chaque année pendant dix ans
en prenant des hypothèses de croissance
faible ou au mieux modérée, c’est-à-dire un
peu plus de 1 % du PIB et 2 % de la dépense
publique. Ce montant correspond à son augmentation annuelle spontanée. (…) Économiser 25 milliards d’euros par an reviendrait
donc à stabiliser la totalité de la dépense publique en valeur. (…) Il faut assumer l’effort
inédit que la situation exige : redescendre les
dépenses publiques à 50 % du PIB suppose
non seulement de poursuivre et d’amplifier l’amélioration de l’efficacité de l’action
publique, mais surtout de questionner et de
renoncer totalement à certains pans de cette
action, en particulier dans la sphère sociale,
qui concentre l’essentiel des dépenses. »
Créer une allocation de vie
sipa press
Depuis 2007, Nicolas Sarkozy ne
tarit pas d’éloges sur la capacité
de travail d’Eric Woerth.
François Hollande ont insulté Eric Woerth, et
moi-même par la même occasion. A l’arrivée,
qu’est-ce qui reste ? Rien (...) J’ai une pensée
très personnelle pour Eric Woerth. Cinq années de ce chemin de croix pour arriver à cela !
Cela doit nous faire réfléchir, vous comme
nous. »
Déjà samedi, lors du congrès fondateur
des Républicains, porte de la Villette à Paris,
Nicolas Sarkozy l’avait fait longuement ovationner. « Nous sommes heureux d’accueillir
parmi nous un très honnête et très grand républicain », avait-il lancé. Auparavant, parmi
les grands principes de la « République de la
confiance qu’il veut construire », il venait
d’édicter celui-ci : « Les droits de chacun seront respectés à la différence de ce qu’a vécu
Eric Woerth, après cinq années d’insultes et
de procès médiatiques ». En privé, il a trouvé
« formidable » que les socialistes Benoît Hamon et Claude Bartolone regrettent ces jours
derniers, publiquement, les propos qu’ils
avaient eus à l’époque à l’égard de l’ex-ministre du Budget.
Nicolas Sarkoz y n’a pas fini de citer
l’exemple du député de l’Oise pour se défendre. « La campagne présidentielle (de 2012,
NDLR) pour moi, cela a été Bettencourt et Kadhafi », confie l’ex-chef de l’Etat. En pleine tentative de reconquête de l’Elysée, il veut éviter
qu’il en soit de même avec l’affaire Bygmalion
et le dossier des écoutes. Dans ces deux cas, le
calendrier judiciaire risque en effet, ces prochaines semaines, de perturber son agenda
politique.
Ludovic Vigogne
@LVigogne
t
Nous pourrions remplacer un grand
nombre d’allocations, certes probablement pas toutes, par une allocation unique.
Cette « allocation de vie » serait versée en
fonction de critères simples et identiques
pour tous : le revenu et le nombre de personnes à charge. Elle serait calibrée pour offrir des moyens de subsistance dignes à chacun. Son niveau pourrait même être régionalisé pour tenir compte du coût de la vie,
qui varie fortement d’un point du territoire
à l’autre. Elle serait dégressive à mesure que
les revenus augmentent, de façon à éviter
les effets de seuil et inciter à la reprise d’un
emploi. Enfin, elle permettrait de plafonner
le montant total des aides sociales reçues
par un foyer, considérant que l’impôt peut
certes financer la solidarité mais en aucun
cas encourager à l’assistanat. Cette allocation de vie permettrait de réaliser des économies en établissant un système plus juste
où les effets d’aubaine seraient éliminés
(L’allocation de vie permettrait également)
d’affirmer clairement le principe selon lequel la politique publique sociale a pour seul
objectif d’assurer des moyens d’existence
dignes à chaque citoyen. Le reste relevant de
choix individuels dans lesquels l’État n’a pas
à s’immiscer. »
Réaménager la fiscalité du
patrimoine en supprimant
l’impôt sur la fortune (ISF)
L’introduction d’un bouclier fiscal en
2007, c’est-à-dire d’un taux maximum
de pression fiscale, qui était une bonne idée,
fut un échec. L’idée visant à limiter l’impact
de l’ISF par ce bouclier à 50 % a été mal comprise, curieusement à la fois par ceux qui
en bénéficiaient et par ceux qui n’étaient
pas concernés. (…) La conclusion qui peut
en être tirée est que, pour régler un problème, il ne faut pas chercher à le contourner, mais l’affronter directement. (…) C’est
dans les premiers mois d’un nouveau quinquennat que l’ISF devra être supprimé.
Mais pour réussir à le faire sans braquer la
société française, il faut expliquer combien
l’ISF appauvrit notre pays. (…) L’ISF présente ainsi toutes les caractéristiques d’un
impôt inefficace et décourageant. Les critiques à son égard sont bien connues, et le
plus paradoxal est que cet impôt demeure
alors même que la quasi-totalité des pays
européens l’ont supprimé. Ajoutons que la
nécessaire convergence fiscale européenne,
notamment avec l’Allemagne, milite également en faveur de sa suppression. »
Pour une retenue à la source
de l’impôt sur le revenu, avec
maintien d’une CSG distincte
La fusion de la CSG et de l’impôt sur le
revenu n’est en aucune manière le remède miracle susceptible de guérir tous les
travers de notre système de prélèvements
obligatoires. Cette réforme serait d’abord
redoutable sur le plan technique (et) entraînerait par ailleurs des effets redistributifs
importants entre les catégories de contribuables. (…) Il paraît à la fois plus réaliste et
plus prudent de conserver deux impôts sur
le revenu, l’un affecté au budget de l’État,
l’autre affecté à celui de la Sécurité sociale.
(…) Il existe cependant encore des marges
de progression quant à la modernisation et
à la simplification de l’impôt sur le revenu.
La mise en œuvre de la retenue à la source,
jusqu’à présent toujours repoussée, permettrait de faire coïncider l’année de perception du revenu et l’année d’imposition, et
d’éviter les aléas qui s’attachent aux changements de situation. Et la mise en œuvre d’un
prélèvement à la source de l’IR, si elle était
décidée, pourrait être réalisée sans réforme
préalable de l’impôt sur le revenu ou remise
en cause de ses principes structurants. (…)
Cette réforme fait débat, mais les avantages
semblent l’emporter sur les inconvénients. »
Le niveau du smic est
relativement trop élevé
Sujet tabou sur le plan social et explosif sur le plan politique, l’existence
du smic n’est pas problématique en soi.
Le sujet est celui de son niveau et de son
évolution, par rapport aux autres salaires
et par rapport à la productivité. D’abord,
son niveau est élevé relativement aux autres
salaires. Le smic représente plus de 60 %
du salaire médian contre moins de 50 % en
moyenne dans la plupart des pays industrialisés. Ensuite, le smic évolue plus vite que
la productivité. Pour des raisons politiques
et sociales, les gouvernements successifs
ont augmenté le smic davantage que la
croissance économique ou que l’inflation
ne l’auraient suggéré (les fameux « coups de
pouce »). Enfin, le smic maintient hors de
l’emploi les moins productifs de nos compatriotes, qui « coûtent » davantage qu’ils
ne produisent. Et l’existence d’un smic ne
protège en rien les Français de la pauvreté.
Le smic à la française a été pensé comme un
instrument de protection du salarié. Il s’est
transformé en système dans lequel tout le
monde est perdant, en perturbant le marché du travail sans atteindre pour autant
son objectif de redistribution. »

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