Téléchargez l`intégralité du ConneXience n°22

Transcription

Téléchargez l`intégralité du ConneXience n°22
#22 ■ Octobre 2015
CONNEXIENCE
« La connaissance est la seule chose qui s’accroît lorsqu’on la partage. » Sacha Boudjema
Les oméga-3 et 6 ont des effets opposés
sur l’endotoxémie métabolique,
ses causes et ses conséquences
Kaliannan K. et al. A host-microbiome interaction mediates the opposing effects
of omega-6 and omega-3 fatty acids on metabolic endotoxemia.
Sci Rep. 2015 Jun 11;5:11276.
EN BREF
objectif de cette étude
Evaluer l’impact du contenu en acides gras (oméga-6 et oméga-3)
des membranes des entérocytes sur le microbiote intestinal, l’endotoxémie métabolique, l’inflammation de bas grade et l’insulinorésistance dans un modèle murin d’obésité nutritionnelle.
Ce qu’il faut retenir
Contrairement aux oméga-6, les oméga-3 ont un effet favorable sur
l’endotoxémie métabolique, ses causes (dysbiose et hyperperméabilité intestinale) et ses conséquences (insulino-résistance) via la
modulation de l’expression endogène d’une enzyme : la phosphatase
alcaline.
points de vue des experts
Amandine Brochot, Dr ès science, Larena-Santé
Il est bien établi que les oméga-6 et les oméga-3 ont un rôle important et opposé dans la modulation de l’inflammation : généralement les oméga-6 favorisent l’inflammation alors que les oméga-3 ont des propriétés anti-inflammatoires. Les effets bénéfiques des
oméga-3 observés dans diverses maladies chroniques ont été attribués à leurs propriétés anti-inflammatoires. En revanche, le rôle
favorable des oméga-3 sur le microbiote intestinal et l’inflammation de bas grade n’avait jamais été mis en évidence avant cette étude.
Marc Beck, Médecin généraliste spécialisé en Micronutrition et Phytothérapie
Pour un médecin généraliste, micronutritionniste, se pose souvent la question de l’intérêt d’une complémentation en acides gras
polyinsaturés pour prendre en charge une dysbiose et/ou une perméabilité intestinale et leurs conséquences extradigestives (endotoxémie métabolique, insulino-résistance, maladies auto-immunes…).
Cette étude a, pour moi, deux grands intérêts :
1) Confirmer une fois de plus le rôle de la dysbiose et de la perméabilité intestinale dans des pathologies extradigestives (dans
cette étude : endotoxémie métabolique et conséquence sur l’insulino-résistance)
2) Simplifier notre prescription : dysbiose et/ou perméabilité intestinale = prescription d’oméga EPA
En savoir plus >
EN SAVOIR PLUS
Le contexte
Le microbiote intestinal joue un rôle clé dans le développement de
l’inflammation de bas grade, qui est caractérisée par des taux de
cytokines (TNF-a, IL-1, IL-6) circulants augmentés, et est un facteur
sous-jacent clé de maladies métaboliques chroniques comme l’obésité et le diabète de type 2. Un déséquilibre du microbiote intestinal
peut entraîner une hyperperméabilité intestinale qui va favoriser le
passage d’endotoxines produites par certaines bactéries – comme
les lipopolysaccharides (LPS) – de la lumière intestinale vers la circulation sanguine provoquant ainsi, une endotoxémie métabolique.
Or, l’endotoxémie métabolique est une des causes principales de l’in-
Méthodologie de l’étude
Dans cette étude, des souris conventionnelles (10 par groupe) ont
reçu différents régimes :
> De la naissance à 8 mois :
• Groupe contrôle : régime standard
• Groupe WT : régime riche en oméga-6 apportés sous forme
d’huile de maïs (10% du régime)
• Groupe Fat-1 : ce régime riche en oméga-6 a également été
administré chez des souris mutées pour le gène fat-1* (souris
Fat-1). Cette mutation permet aux animaux de synthétiser des
oméga-3 à partir des oméga-6 alimentaires.
> De la naissance à 22 mois :
• 20 mois d’un régime alimentaire riche en oméga-6 (10% d’huile
Résultats
Chez les souris WT, un régime riche en oméga-6 reçu pendant
8 mois (ratio oméga-6/oméga 3 tissulaire : ~25/1) a induit une augmentation de la perméabilité intestinale, de l’endotoxémie métabolique (augmentation des taux de LPS et LPB sériques) et des marqueurs de l’inflammation (augmentation des taux de TNF-a, IL-1b
et IL-6 sériques). Ce profil pro-inflammatoire était associé à une
diminution de la sensibilité à l’insuline (HOMA-IR). Chez les souris
Fat-1 ayant reçu le même régime mais dotées d’une capacité de
conversion des oméga-6 en oméga-3, le ratio oméga-6/oméga 3 tissulaire était modifié (~4/1) et tous les paramètres ont été améliorés
(Figure 1).
Comparé au microbiote des souris WT, le microbiote des souris
Fat-1 contenait moins de bactéries productrices de LPS et/ou proinflammatoires comme les protéobactéries (entérobactéries, E. coli)
et davantage de bactéries réprimant la production de LPS et/ou antiinflammatoires comme les bifidobactéries, A. muciniphila, L. gasseri,
Clostridium cluster IV et XIVa.
Conclusion
flammation de bas grade. Trouver des ingrédients naturels capables
de moduler le microbiote intestinal est devenu un enjeu majeur pour
lutter contre les maladies métaboliques. L’effet opposé des oméga-6
et des oméga-3 sur l’inflammation – les oméga-6 ont plutôt un effet
pro-inflammatoire et les oméga-3, un effet anti-inflammatoire – est
bien documenté. Les auteurs de cette étude ont fait l’hypothèse que
cet effet opposé pourrait être associé aux effets des omega-6 et -3 sur
la flore intestinale. L’impact de ces acides gras polyinsaturés sur le
microbiote, l’endotoxémie métabolique et l’inflammation de bas grade
a donc été évalué chez la souris.
de maïs) puis 2 mois d’un régime riche en oméga-3 (5% d’huile
de maïs et 5% d’huile de poisson) chez des souris conventionnelles.
Dans chacun des groupes, la composition du microbiote intestinal,
la perméabilité intestinale, les concentrations en marqueurs de l’inflammation (LPS et protéines liant le LPS [LPB pour LPS-binding
proteins] circulants, cytokines pro-inflammatoires), et la sensibilité à
l’insuline ont été évaluées. Ces paramètres ont également été analysés après transfert des microbiotes ou surnageants fécaux (sans
bactéries) du groupe Fat-1 au groupe WT.
Le transfert des surnageants fécaux sans bactéries des souris Fat-1
aux souris WT a permis de transmettre le phénotype anti-inflammatoire. Cette observation n’a pas été faite après transfert du microbiote. La phosphatase alcaline qui est produite par les entérocytes et
sécrétée dans la lumière de l’intestin serait le facteur responsable de
la transmission de ce phénotype.
Chez des souris conventionnelles, 2 mois de régime riche en oméga-3 après 20 mois d’un régime riche en oméga-6 ont permis d’améliorer la plupart des paramètres évalués (dysbiose, perméabilité
intestinale, endotoxémie et inflammation).
Figure 1 : Effet de la conversion endogène des oméga-6 en oméga-3 sur l’endotoxémie
métabolique (LPS), l’inflammation de bas grade (IL-6) et la sensibilité à l’insuline (HOMA-IR).
Les lettres indiquent une différence significative (p < 0.05)
Cette étude chez la souris a montré pour la première fois que les oméga-6 et les oméga-3 avaient des effets opposés sur l’endotoxémie
métabolique, ses causes (dysbiose et hyperperméabilité intestinale) et ses conséquences (insulino-résistance). Une augmentation au sein
de la membrane des entérocytes de la teneur en oméga-3, issus de l’alimentation ou de leur conversion endogène, induirait la sécrétion de
phosphatase alcaline par ces cellules. Cette enzyme via l’inactivation des LPS, va façonner le microbiote intestinal vers un profil anti-inflammatoire (les bifidobactéries et A. muciniphila sont augmentées, par exemple) et favoriser l’intégrité de la barrière intestinale. Il en résulte une
diminution de l’endotoxémie métabolique et par conséquent, une diminution de l’inflammation de bas grade. Ces mécanismes permettent in
fine d’améliorer l’homéostasie glucidique. Ces résultats suggèrent que les acides gras de la famille des oméga-3 pourraient être utilisés dans
l’accompagnement nutritionnel des maladies métaboliques chroniques.