pdf le « happy end » de notre propre vie - alles-hat-seine

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LE « HAPPY END » DE NOTRE PROPRE VIE
Intervention légèrement modifiée de la conférence-débat du 21 janvier 2013 à
Zurich-Witikon
Par Leni Altwegg, *1924
Je suis une des personnes les plus âgées dans cette salle, donc statistiquement
parlant, je suis plus proche de la fin de ma vie que la plupart d'entre vous. En
outre, je vis dans une résidence pour seniors et j’ai chaque jour l’occasion de
réfléchir au vieillissement et à la manière d'y faire face. Par contre, si vous espérez
entendre quelque chose sur l’au-delà de ma part en tant que théologienne, je vais
vous décevoir : je n’en sais rien de plus que vous. Sachez que cela ne me
préoccupe guère, j'ai confiance que tout ira bien. Je trouve normal que nous
devions mourir un jour : il n’y a pas de vie sans mort et pas de mort sans vie. Je ne
voudrais en tout cas pas vivre pour toujours, c’est-à-dire pour l’éternité, je trouve
cette idée plutôt effrayante.
Cette vue objective des choses comporte toutefois une restriction essentielle : je ne
sais pas quand et surtout comment je vais mourir, ni si je me sentirai plutôt
« happy » ou « unhappy ». Les recettes pour préparer la fin de la vie me laissent
sceptique. Je ne peux pas réaliser une belle finitude, je peux seulement espérer et
prier. J’ai connu trop de gens dont la vie s’est achevée d’une manière qui ne
semblait pas du tout leur correspondre, dans un sens comme dans l’autre, pour
oser émettre un quelconque pronostic. La mort reste ce qui n’a pas son semblable.
Je m’en tiens donc aux choses que je connais : le vieillissement et la vieillesse.
Et, je peux l'assurer à tous ceux qui ne le savent pas encore, ce n'est pas du
gâteau. Une de ces femmes célèbres a dit : vieillir, ce n’est pas pour les débutants.
Je ne peux que confirmer ses propos, même si je me porte comme un charme par
rapport à beaucoup de personnes de mon âge. Mais j’ai aussi mes peurs face à la
mort.
J’accepte très mal le fait de devenir dépendante des autres. Coûte que coûte, je ne
voudrais jamais devenir démente, trop grincheuse, repoussante. Je ne peux pas
non plus l’éviter, mais peut-être est-ce une bonne chose de m’entraîner autant que
possible dans la direction opposée : je fais des exercices de mémoire et de
réflexion, j’essaie d'être tolérante et aimable, je prends soin de moi, j'ai un emploi
du temps structuré. Je peux quand même en exiger autant de moi-même.
Mais qu'en est-il si je devais avoir des douleurs insupportables - pourrai-je faire
face à une telle situation ? Je ne crois pas vraiment aux promesses de la médecine,
selon lesquelles de la bonne volonté et des médicaments encore meilleurs
permettraient de venir à bout de toutes les souffrances, à moins, bien sûr, de se
retrouver sous anesthésie générale. « Happy » ou « unhappy » ? Le sens du devoir
Justice et Paix, Eglises réformées de Suisse et Pro Senectute
www.un-temps-pour-tout.ch, Hirschengraben 7, 8001 Zurich, Tél. : 044 258 91 12, [email protected]
a très fortement marqué ma vie. A présent, j’ai aussi presque l’impression de
devoir mourir « dignement ».
Il y a une règle populaire pour bien vieillir : apprendre à lâcher prise ! J’y souscris
totalement. Mais cela s'avère très, très difficile pour beaucoup de gens. Pour ce qui
est des choses matérielles, il suffit souvent de se demander : ai-je vraiment encore
besoin de cela ? Un excellent exercice consiste à déménager dans un plus petit
appartement ou dans un home. Pour ce qui est de mes capacités et du sens de mon
existence qui se prolonge : je pense que nous trouvons des possibilités de faire du
bien aux autres dans chaque situation, ne serait-ce que par un sourire. Si nous ne
nous sentons plus à la hauteur des tâches qui se posent, il y a des bras et des
esprits plus jeunes et plus vigoureux. Si je souffre parce que j’ai subi ou commis du
tort, je crois avec Dietrich Bonhoeffer « que nos fautes et nos erreurs ne sont pas
vaines et qu'il n'est pas plus difficile à Dieu d'en venir à bout que de nos prétendues
bonnes actions. » Je crois que cela m’apporte aussi du réconfort pour toutes les
autres difficultés que je vais rencontrer jusqu’à ma mort. Cela devrait en fait nous
enlever toute crainte, n’est-ce pas ? C’est ce que je vous souhaite à tous. Moi, je
n’y suis point encore.
Justice et Paix, Eglises réformées de Suisse et Pro Senectute
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