Bulletin d`actualité - Bibliothèque du Parlement
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Bulletin d’actualité LES DROIT DES AUTOCHTONES Jane May Allain Division du droit et du gouvernement Révisé le 7 octobre 1996 Bibliothèque du Parlement Library of Parliament Direction de la recherche parlementaire 89-11F La Direction de la recherche parlementaire de la Bibliothèque du Parlement travaille exclusivement pour le Parlement, effectuant des recherches et fournissant des informations aux parlementaires et aux comités du Sénat et de la Chambre des communes. Entre autres services non partisans, elle assure la rédaction de rapports, de documents de travail et de bulletins d’actualité. Les attachés de recherche peuvent en outre donner des consultations dans leurs domaines de compétence. N.B. Dans ce document, tout changement d’importance fait depuis la dernière publication est indiqué en caractère gras. THIS DOCUMENT IS ALSO PUBLISHED IN ENGLISH LES DROITS DES AUTOCHTONES∗ DÉFINITION DU SUJET Le concept des « droits des autochtones » n’est pas facile à définir en peu de mots. La reconnaissance ou la confirmation des droits des autochtones dans la loi canadienne, tant dans la common law que dans les textes législatifs, évolue constamment. Au cours des vingt dernières années, il y a eu d’importants changements à cet égard. En 1973, dans l’affaire Calder c. Procureur général de la Colombie-Britannique, la Cour suprême du Canada a reconnu le titre ancestral comme un droit légal découlant de l’occupation historique du territoire par les peuples autochtones et ne dépendant pas des traités, des décrets ou des textes législatifs. Depuis l’adoption de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, il s’est créé une jurisprudence sur l’interprétation à donner à cet article, jurisprudence qui prend de plus en plus d’ampleur. La Cour suprême du Canada a d’abord examiné la portée de l’article 35 dans l’affaire R. c. Sparrow. Fait à signaler, elle a dit clairement que les droits reconnus et confirmés par l’article 35 ne sont pas absolus et elle a défini un critère permettant à l’État de justifier l’adoption de lois qui empiètent sur les droits des autochtones. Plus récemment, dans trois affaires relatives aux droits de pêche à des fins commerciales (R. c. Van Der Peet, R. c. Smokehouse et R. c. Gladstone), la Cour suprême du Canada a jeté d’autres bases concernant la façon de définir les droits des autochtones. Elle a décrété qu’il fallait interpréter l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 en fonction de l’objet visé, autrement dit, qu’il fallait identifier les intérêts que l’article 35 visait à protéger, c’est-à-dire les pratiques, les traditions et les coutumes qui existaient chez les autochtones d’Amérique du Nord avant l’arrivée des Européens. Pour être reconnue comme un droit ancestral, la pratique, la ∗ Le présent bulletin d’actualité se fonde sur des recherchers faites initialement par Elaine GardnerO’Toole, de la Division du droit et du gouvernement. La première version de ce bulletin d’actualité a été publiée en novembre 1989. Le document a été périodiquement mis à jour depuis. LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 2 tradition ou la coutume doit avoir fait partie intégrante de la culture distinctive des autochtones même si elle ne s’est pas modernisée. La Cour a rappelé que l’article 35 ne créait pas la doctrine légale des droits des autochtones mais soulignait qu’ils existaient déjà en vertu de la common law (au niveau fédéral). L’État ne peut plus éteindre des droits existants. Il peut cependant les réglementer ou empiéter sur ceux-ci en tenant compte du critère établi dans la décision Sparrow. CONTEXTE ET ANALYSE A. La Proclamation royale de 1763 De l'avis du professeur Richard H. Bartlett, de l'Université de la Saskatchewan, quoique la politique impériale britannique exigeât la reconnaissance des titres autochtones, les gouvernements locaux n'y ont pas vraiment donné suite. La rébellion de 1763, dirigée par le Chef Pontiac, a conduit à la Proclamation royale de 1763. Dans le préambule de cette Proclamation, il était énoncé : Attendu qu'il est juste, raisonnable et essentiel pour notre Intérêt et la sécurité de Nos colonies de prendre des mesures pour assurer aux nations ou tribus sauvages qui sont en relations avec Nous et qui vivent sous Notre protection, la possession entière et paisible des parties de Nos possessions et territoires qui ont été ni concédées ni achetées et ont été réservées pour ces tribus ou quelques-unes d'entre elles comme territoires de chasse. Avant 1763, les traités ne faisaient donc pas forcément référence aux droits territoriaux (comme l'illustrent les traités de paix et d'amitié conclus dans les Maritimes). Ce n'est qu'après cette date que la Couronne et les nations indiennes ont commencé à signer des traités et des ententes où il était question des droits territoriaux et d'autres droits. En règle générale, lorsque les bandes indiennes cédaient leurs droits territoriaux par traité, la Couronne s'engageait en retour à remplir certaines obligations. Souvent, elle leur promettait des terres réservées pour leur utilisation exclusive ainsi que le paiement de rentes annuelles. Dans le traité n° 6, par exemple, il était promis que « chaque agent des Indiens posséderait chez lui une trousse de médicaments qu'il mettrait à la disposition des Indiens ». Il faut examiner les conditions d'un traité pour déterminer les droits des bandes visées. Comme il est prévisible, l'interprétation de LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 3 ces documents et la détermination des droits et obligations qu'ils confèrent ont souvent fait l'objet de poursuites devant les tribunaux. Quatre décisions rendues par la Cour suprême du Canada sont instructives à cet égard. Dans R. c. Sioui, la Cour a renversé la condamnation des membres de la bande huronne accusés d'avoir abattu des arbres, campé et fait des feux en des endroits interdits, contrevenant ainsi aux règlements du Québec. Les accusés ont soutenu qu'ils pratiquaient des coutumes ancestrales et des rites religieux visés par un traité entre les Hurons et les Britanniques et que, conformément à l'article 88 de la Loi sur les Indiens, les lois provinciales ne s'appliquaient donc pas. Le traité invoqué était un document de 1760 signé par le général Murray. La Cour a conclu que le traité protégeait les activités en question. Dans Horseman c. R., le plaignant avait été acquitté de l'accusation d'avoir fait la contrebande d'une peau de grizzly en contravention de l'Alberta Wildlife Act, du fait que ses droits de chasse issus du traité n° 8 comprenaient le droit de faire du troc. Le tribunal d'appel a conclu que l'accord de transfert des ressources naturelles de l'Alberta de 1930 avait limité les droits de chasse issus du traité n° 8 au droit de chasser à des fins de subsistance. La Cour suprême a confirmé cette décision. En août 1991, la Cour suprême du Canada a rejeté la revendication territoriale des Temagamis sur une partie des terres du nord de l'Ontario. Elle a statué que la bande avait cédé ses droits territoriaux par des actes ultérieurs au Traité Robinson-Huron de 1850. Les Indiens avaient accepté d'adhérer à ce traité en échange d'une rente viagère et d'une réserve. Le 12 mai 1994, la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Howard c. La Reine, a confirmé les décisions des tribunaux inférieurs selon lesquelles un article du Traité de Williams de 1923 éteignait clairement les droits des signataires de la bande indienne de Hiawatha et de leurs descendants en matière de la pêche dans toutes les terres de l'Ontario. Dans cette affaire, la Cour suprême a reconnu que le Traité prévoyait bien une exception : la bande indienne de Hiawatha serait autorisée à exercer ses droits de récolte traditionnels sur les réserves créées par Sa Majesté le Roi. Suite à la décision de la Cour, le gouvernement néo-démocrate de l'Ontario a négocié une entente avec les dirigeants autochtones afin de reconnaître les droits de pêche à l'extérieur des réserves. Cependant, l’actuel gouvernement conservateur a décidé de ne pas élargir l'application de cette entente. B. La Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur les Indiens LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 4 Les peuples autochtones ont toujours eu un statut unique dans la Constitution canadienne. Ils sont le seul groupe visé par le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, qui donne au gouvernement fédéral l'autorité exclusive sur « les Indiens et les terres réservées pour les Indiens ». Aux fins des compétences, la jurisprudence a établi que les « Indiens » comprennent les Inuit. C'est en vertu de ce pouvoir que le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur les Indiens. On trouve plusieurs autres expressions constitutionnelles de ce statut spécial dans les lois, documents et conventions qui forment la Constitution du Canada (notamment les mesures de protection touchant la chasse, la pêche et le piégeage prévues par les accords de transfert des ressources naturelles pour chacune des provinces des Prairies). La Loi sur les Indiens de 1876 regroupait diverses dispositions datant d'avant la Confédération concernant les intérêts des Indiens du Canada. Elle définissait le mot « Indien » et visait à protéger les Indiens et leurs terres, tout en cherchant à les assimiler et à les intégrer à la société en général. Un des articles de la Loi concernait l'application des lois provinciales aux Indiens. L'article 88 de l'actuelle Loi sur les Indiens établit essentiellement que les lois provinciales d'application générale qui ne concernent pas les questions touchant les terres indiennes s'appliquent aux Indiens à l'intérieur et à l'extérieur des réserves, à moins qu'elles n'entrent en conflit avec : • la législation fédérale, incluant un règlement administratif de bande valide pris en vertu de la Loi sur les Indiens; • un droit issu d'un traité; ou • un droit ancestral (selon la définition qui figure dans la jurisprudence sur l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982). La Cour suprême du Canada a défini les lois provinciales « d'application générale » comme des lois qui s'appliquent sur tout le territoire et qui ne visent pas à accorder un traitement particulier aux Indiens, ni à toucher le statut ou les droits des Indiens (Dick c. R., [1985] 2 R.C.S. 309 (C.-B.)). Ces lois s'appliquent simplement en vertu de la compétence législative provinciale conférée par l'article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. Comme l'indique J. Woodward dans son ouvrage intitulé Native Law, une loi provinciale sur le gibier ne s'appliquerait pas sur une réserve si les tribunaux estimaient qu'il s'agit d'une loi concernant l'utilisation des terres car, de ce fait, cette loi empiéterait sur la compétence exclusive que le paragraphe 91(24) de la Loi LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 5 constitutionnelle de 1867 confère au gouvernement fédéral à l'égard des « terres réservées pour les Indiens ». Avant l'adoption de l'article 35, la Cour suprême du Canada avait statué que lorsque des lois provinciales « d'application générale » étaient adoptées dans un but légitime comme la conservation ou la sécurité et qu'elles avaient un effet accessoire et négatif sur les droits de chasse des Indiens, ces lois pouvaient s'appliquer aux Indiens ⎯ pourvu qu'elles n'entrent pas en conflit avec un droit reconnu issu d'un traité ou avec une loi fédérale valide. Ainsi, avant l'entrée en vigueur de l'article 35, il n'existait de protection contre des lois provinciales limitant de façon accessoire les droits de chasse des Indiens que si une telle loi entrait en conflit avec un droit issu d'un traité ou si une loi fédérale valide pouvait s'appliquer. L'article 35 assure maintenant une protection supplémentaire contre des lois provinciales de ce genre dans les cas où il est possible de démontrer l'existence d'un droit ancestral. Toutefois, les restrictions valides des droits issus des traités imposées avant 1982 restent en vigueur. Comme nous l'avons fait remarquer ci-dessus, dans l'affaire Horseman, la Cour suprême a jugé que les dispositions des Accords de transfert des ressources naturelles (ATRN) concernant les droits de chasse imposaient à certains de ces droits des restrictions valides établies avant 1982. Récemment, la Cour suprême du Canada a déclaré que les Accords de transfert des ressources naturelles éteignaient seulement la protection du droit des signataires du Traité no 8 de chasser à des fins commerciales; le droit de chasser pour se nourrir a continué d’être protégé, étant même élargi dans les Accords. Par conséquent, la Cour suprême a statué que les signataires du Traité no 8 conservaient le droit de chasser sur des terres privées dans les limites fixées dans le Traité à condition qu’il ne soit pas fait une utilisation visible des terres en cause (R. c. Badger, [1996], 1 R.C.S. 771). En septembre 1996, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a publié les modifications que son ministère se propose d’apporter à la Loi sur les Indiens. Ces modifications ont été envoyées à tous les chefs, conseillers et dirigeants des organisations des Premières nations afin qu’ils les commentent. Bon nombre de modifications ne feraient que supprimer l’obligation d’obtenir l’approbation du ministre pour participer à certaines activités, ce qui permettrait aux gouvernements des Premières nations d’exercer un plus grand contrôle sur leurs affaires. Par exemple, dans la nouvelle version de l’article 20, les conseils de bande accorderaient des certificats de propriété des terres sans avoir à solliciter l’approbation du ministre. Plusieurs articles interdisant la LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 6 vente ou l’échange de certains biens par les Indiens seraient également abrogés. Il est également proposé de créer un nouvel article 16.1 qui voudrait qu’une bande ait les mêmes droits, les mêmes obligations et les mêmes pouvoirs qu’une personne. Plusieurs articles clés de la Loi sur les Indiens demeureraient inchangés. Aucune modification ne devrait être apportée aux articles qui portent sur l’appartenance à la bande ou sur le statut d’Indien (articles 5 à 14). Aucune modification ne devrait être apportée non plus à l’exemption de taxe (article 87) ni à la restriction concernant la saisie de biens situés dans une réserve (à l’exception des intérêts à bail, qui pourraient être controversés) (article 89). L’Assemblée des Premières nations a rejeté les modifications proposées et demandé que l’on élargisse le processus de consultation. C. La Loi constitutionnelle de 1982 1. L'article 35 L'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 stipule ce qui suit : 35. (1) Les droits existants ⎯ ancestraux ou issus de traités ⎯ des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés. (2) Dans la présente loi, « peuples autochtones du Canada » s'entend notamment des Indiens, des Inuit et des Métis du Canada. (3) Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités, dont il est fait mention au paragraphe (1), les droits existants issus d'accords sur les revendications territoriales ou ceux susceptibles d'être ainsi acquis. (4) Indépendamment de toute autre disposition de la présente loi, les droits ⎯ ancestraux ou issus de traités ⎯ visés aux paragraphe (1) sont garantis également aux personnes des deux sexes. Depuis l'insertion de l'article 35, les tribunaux ont été saisis d'un certain nombre de causes à propos des droits ancestraux. La principale cause d'interprétation de l'article 35 est Sparrow c. La Reine, jugée par la Cour suprême du Canada en 1990. Elle visait à déterminer si la restriction relative à la longueur des filets contenue dans la licence de pêche à des fins de subsistance de la bande Musqueam émise en vertu du règlement de la Loi sur les pêches était LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 7 incompatible avec l'article 35. Le tribunal a défini un cadre permettant de déterminer si le règlement constituait une restriction raisonnable aux droits ancestraux et renvoyé l'affaire aux tribunaux inférieurs pour qu'ils tranchent la question. La Cour suprême a clairement rejeté l'hypothèse selon laquelle l'expression « reconnus et confirmés » traduit une simple reconnaissance des droits ancestraux et des droits issus de traités, sans avoir d'effet juridique important et supposer une protection aux termes de la Constitution. La décision montre que l'article 35 peut limiter l'application des lois fédérales et provinciales à l'égard de tous les peuples autochtones. Les critères à appliquer pour établir qu'une loi fédérale empiète sur un droit ancestral ou issu de traité contraire au sens et à l'objet de l'article 35 sont définis. De façon générale, la Cour a statué dans l'affaire Sparrow que, même si l'article 35 n'assure pas une immunité à l'égard de la réglementation fédérale, cet article exige que les restrictions imposées par des lois aux droits qu'il garantit soient justifiés par un objectif législatif valide, préservent l'honneur de la Couronne et respectent « le lien contemporain unique, enraciné dans l'histoire et dans la politique, qui existe entre la Couronne et les peuples autochtones du Canada ». Le raisonnement retenu par la Cour pour déterminer l'existence d'un empiétement injustifié peut se résumer de la façon suivante : • Il incombe à la personne qui prétend qu'il y a empiétement de prouver que le règlement ou la loi en cause, constitue, de prime abord, un empiétement sur les garanties de l'article 35. Pour savoir s'il y a eu empiétement sur un droit ancestral, il faut chercher à savoir si la mesure législative en cause avait pour objet ou effet d'empiéter indûment sur les intérêts protégés par ce droit. On pourrait notamment se demander si la limite imposée est raisonnable; si le règlement impose des privations indues; ou s'il prive les détenteurs du droit à leur moyen privilégié d'exercer ce droit. • S'il est établi qu'il y a, de prime abord, empiétement, le gouvernement ou la partie qui veut maintenir la loi en vigueur doit démontrer une double justification. Premièrement, il lui faudra faire la preuve que la mesure législative en cause avait un objectif valide (par exemple la volonté sincère d'assurer la conservation ou la sécurité). Le cas échéant, il faudra tenir compte de l'honneur de la Couronne et des rapports de confiance privilégiés et de la responsabilité du gouvernement à l'égard des autochtones. Dans son analyse touchant la justification, la Cour a déclaré que, selon les circonstances, d'autres questions peuvent se poser, notamment celle de savoir si la réalisation du résultat souhaité a occasionné le moins d'empiétement possible sur les droits; si, dans un cas d'expropriation, une juste indemnité a été accordée; et si le groupe autochtone a été consulté au sujet des mesures de conservation appliquées. LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 8 Cette analyse s'appliquerait aux questions touchant les droits ancestraux et les droits issus de traités à l'intérieur et à l'extérieur des réserves. Essentiellement, la Cour a adopté comme approche, au sujet de l'article 35, que les règlements passés et à venir ayant une incidence sur les droits ancestraux et sur les droits issus de traités soient examinés cas par cas, et qu'ils soient maintenus s'ils ont été promulgués en raison de considérations législatives valables, par exemple la conservation ou la sécurité. Les tenants de cette théorie estiment que les droits ancestraux n'ont rien d'absolu ni d'immuable et qu'ils doivent être traités comme tous les autres droits dans le cadre du système judiciaire canadien : ils sont eux aussi assujettis à un équilibre des intérêts et des valeurs lorsque des intérêts concurrents sont en cause. La décision rendue dans l'affaire Sparrow est importante parce qu'elle met en évidence l'obligation fiduciaire générale du gouvernement fédéral à l'égard des autochtones, considérée comme issue des rapports historiques de la Couronne avec les autochtones, ainsi que du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 et de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. L'examen de la portée et de la nature du rôle fiduciaire de la Couronne à l'égard des autochtones fait partie des critères permettant de déterminer s'il y a ou non empiétement sur les garanties de l'article 35. Pêches et Océans Canada a récemment élaboré une stratégie relative à la pêche par les autochtones afin de s'assurer que les conclusions de l'arrêt Sparrow font partie de la politique sur la pêche en Colombie-Britannique. Cette stratégie devait servir de base à un nouveau contrat social entre le gouvernement, les peuples autochtones et les groupes de pêcheurs non autochtones; elle s'est toutefois révélée fort controversée, compte tenu des intérêts concurrents des divers groupes en une période où les stocks de poisson sont peu abondants. Cette politique a été de nouveau confirmée le 26 mai 1994 par un décret du conseil qui a apporté certaines modifications de forme au Règlement sur le permis de pêche communautaire des Autochtones. Dans le résumé de l'étude d'impact de la réglementation qui l'accompagne, on indique que la majorité des permis de pêche communautaires délivrés aux groupes autochtones ne prévoient pas la vente de poisson; ceux qui permettent la vente continueront à être délivrés mais uniquement à titre de projets pilotes. Vers la fin d’août 1996, la Cour suprême du Canada a rendu ses décisions dans trois affaires relatives au droit autochtone de vendre du poisson (Van Der Peet, Smokehouse et Gladstone). Se fondant sur le raisonnement qu’elle avait fait antérieurement dans l’affaire Sparrow, la Cour suprême a établi un autre critère définissant, celui-là, les LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 9 droits ancestraux. Elle a statué que les droits ancestraux découlent des pratiques, des traditions et des coutumes qui existaient dans les sociétés autochtones d’Amérique du Nord avant l’arrivée des Européens. Pour être reconnue comme un droit ancestral, la pratique, la tradition ou la coutume doit avoir formé partie intégrante de la culture distinctive des peuples autochtones. Deux juges qui ne partageaient pas cet avis ont estimé que la restriction aux activités ayant précédé le contact avec les Européens constitue un retour à la doctrine des « droits gelés » qui avait été rejetée dans l’arrêt Sparrow. La trilogie Van Der Peet renforce le principe selon lequel les droits des autochtones seront déterminés cas par cas. Un tribunal aura à examiner le contexte historique et la situation actuelle de la communauté autochtone qui présente une revendication. L’établissement des faits est critique car cela influera sur l’issue du procès. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que la Cour suprême du Canada ait rejeté la revendication faite par des autochtones qui réclamaient le droit de vendre du poisson dans les affaires Van Der Peet et Smokehouse et qu’elle ait appuyé la conclusion du juge de première instance dans l’affaire Gladstone voulant que le Heiltsuk ait le droit, en tant qu’autochtone, de pêcher à des fins commerciales. L’issue de la revendication, par une communauté autochtone, du droit de vendre du poisson sur une base commerciale dépendra des traditions, des coutumes et des pratiques particulières de cette communauté. 2. Les paragraphes 35(2), (3) et (4) Le paragraphe 35(2) dispose que l'expression « peuples autochtones » s'entend des « Indiens, des Inuit et des Métis ». Voilà qui a compliqué encore plus le sens d'« Indiens » pour des fins constitutionnelles en général et en ce qui concerne le paragraphe 91(24) en particulier de la Loi constitutionnelle de 1867, qui confère au gouvernement fédéral la compétence sur « les Indiens et les terres réservées pour les Indiens ». En 1933, la Cour suprême du Canada a statué que le mot « Indiens » utilisé dans cette disposition inclut le peuple connu alors sous le nom d'« Esquimaux », et qu'on appelle aujourd'hui « Inuit ». On peut cependant se demander si le mot « Indiens » au paragraphe 91(24) s'entend des Métis et des Indiens non inscrits. Le gouvernement abdique toute responsabilité pour les Métis depuis 1921, lorsqu'une politique fédérale prévoyant l'octroi de terres et d'argent aux Métis de l'Ouest en retour de l'extinction de leurs titres ancestraux a été menée à LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 10 bonne fin. L'Accord de Charlottetown proposait toutefois la modification de la Loi constitutionnelle de 1982 pour que le paragraphe 91(24) s'applique à tous les autochtones. Le paragraphe 35(3) dispose que sont compris parmi les « droits issus de traités », dont il est fait mention au paragraphe 35(1), les droits existants issus d'accords sur des revendications territoriales ou ceux qui sont susceptibles d'être ainsi acquis. On considère que ces accords assurent ainsi une vaste protection constitutionnelle. Par conséquent, le gouvernement fédéral a, par le passé, estimé que les questions d'autonomie gouvernementale devaient être négociées en dehors du processus de règlement des revendications pour éviter l'enchâssement « indirect » dans la Constitution d'un droit à l'autonomie gouvernementale. Le Cabinet a réexaminé cette politique et l'a de nouveau confirmée en février 1990. Les accords sur les revendications négociées avec les Cris et les Naskapis en 1975 et en 1978 prévoient toutefois une négociation ultérieure sur l'autonomie gouvernementale pour les groupes en cause. Selon une décision de la Cour provinciale rendue au Québec dans l'affaire Eastmain Band c. Gilpin, la loi fédérale adoptée en vertu de ces accords, la Loi sur les Cris et les Naskapsi du Québec, a été enchâssée dans la Constitution et ne peut être remaniée qu'au moyen d'une modification constitutionnelle. Il est difficile de dire s'il est possible d'exclure les ententes sur l'autonomie gouvernementale de la protection offerte par les paragraphes 35(1) et 35(3) lorsque les négociations sur l'autonomie gouvernementale sont nettement reliées au processus de règlement des revendications. Le paragraphe 35(4) dispose que les droits ancestraux ou issus de traités sont garantis également aux personnes des deux sexes. Le juge Muldoon s'est appuyé sur ce paragraphe dans l'affaire Twinn c. La Reine [1995] 4 C.N.L.R. 121 (Section de première instance de la Cour fédérale) afin de confirmer le projet de loi C-31 qui, en 1985, a modifié la Loi sur les Indiens et en vertu duquel les Indiennes qui avaient épousé des non-Indiens pouvaient revendiquer le statut d'Indien. Les plaignants, à savoir le sénateur Walter Twinn et d'autres, avaient affirmé qu'en imposant aux bandes des membres supplémentaires, on violait leur droit à déterminer leur propre composition prévue en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, ainsi que la liberté d'association qui leur est garantie en vertu de l'alinéa 2d) de la Charte. Le juge Muldoon a rejeté les deux arguments, soutenant que le paragraphe 35(4) exige l'égalité des droits entre hommes et femmes, nonobstant les droits et les responsabilités traditionnels qui ont existé par le passé. La LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 11 Cour a également statué que les dispositions de la Charte concernant l'égalité (articles 15 et 28) appuyaient aussi la modification de la Loi. 3. L'article 25 L'article 25 de la Loi constitutionnelle de 1982 dispose que le fait que la Charte des droits et libertés garantisse certains droits et libertés ne porte pas atteinte « aux droits ou libertés ⎯ ancestraux, issus de traités ou autres ⎯ des peuples autochtones du Canada ». Kenneth Lysyk a fait observer que la principale caractéristique de l'article 25, c'est qu'il ne vise pas à créer de nouveaux droits, mais plutôt à faire en sorte que les droits et les libertés des peuples autochtones qui existent indépendamment de la Charte ne soient pas pour autant restreints par celle-ci. On parle le plus souvent de l'article 25 comme d'un bouclier qui protège les droits ancestraux contre les effets néfastes des droits conférés par la Charte; c'est-à-dire, comme une simple clause dérogatoire, qui n'a aucun effet juridique important sur les droits des autochtones. 4. Les articles 37 et 37.1 Les articles 37 et 37.1 de la Loi constitutionnelle de 1982 exigeaient la tenue d'une série de conférences constitutionnelles qui intéressaient directement les peuples autochtones du Canada et auxquelles des représentants des peuples autochtones seraient conviés. Seule la conférence de 1983 a permis d'apporter des modifications aux dispositions promulguées en 1982. Une des modifications (article 37.1) a fait passer le nombre requis de conférences d'une à « au moins deux conférences constitutionnelles ». De plus, deux paragraphes ont été ajoutés à l'article 35. Le paragraphe 35(3) dispose que « les droits issus de traités », dont il est fait mention au paragraphe (1), comprennent les droits existants issus d'accords portant règlement de revendications territoriales ou ceux qui sont susceptibles d'être ainsi acquis; et le paragraphe 35(4) dispose que « indépendamment de toute autre disposition de la présente loi, les droits ⎯ ancestraux ou issus de traités ⎯ visés au paragraphe (1) sont garantis également aux personnes des deux sexes ». L'article 35.1, qui a également été ajouté en 1983, prévoit qu'avant toute modification de la catégorie 24 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 ou des articles 25, 35 ou 35.1 de la Loi constitutionnelle de 1982, une conférence constitutionnelle à laquelle participeront les peuples autochtones doit être convoquée. LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 12 Comme nous l'avons déjà dit, les conférences constitutionnelles n'ont pas permis de trouver un moyen d'enchâsser un droit à l'autonomie gouvernementale des autochtones, et aucune autre conférence n'a été prévue. Fait à signaler, l'article 37.1 n'exclut pas la convocation d'autres conférences sur la question des droits des autochtones. Cette initiative est laissée à la discrétion du premier ministre, sauf dans les cas prévus à l'article 35.1. D. Modification de la Loi constitutionnelle de 1982 1. Propositions fédérales de réforme constitutionnelle Le 24 septembre 1991, le gouvernement fédéral a déposé son projet de réforme constitutionnelle, dans lequel il proposait notamment de « modifier la Constitution de manière à consacrer un droit à l'autonomie gouvernementale autochtone invocable devant les tribunaux afin de reconnaître l'autorité des autochtones sur leurs propres affaires au sein de la fédération canadienne ». Ce droit ne devait devenir exécutoire qu'après une période de dix ans à partir de la date d'adoption de la modification. Le gouvernement proposait également que soit inscrit dans la Constitution un mécanisme de règlement des questions autochtones en suspens et la garantie d'une représentation autochtone au sein d'un Sénat réformé. Les autochtones auraient pu en outre participer au processus d'élaboration de la Constitution. Dans les discussions qui ont suivi l'annonce de ces propositions fédérales, les autochtones ont exprimé le voeu que soit reconnue dans la Constitution l'existence de leur droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, plutôt qu'un simple droit à celle autonomie. Ils estimaient que ce qui doit être reconnu c'est un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, c.à-d. un droit historique préexistant dont l'essence n'a rien à voir avec les décisions de la Couronne. En outre, le fait que, dans la proposition, le droit à l'autonomie gouvernementale devait être accordé à tous les autochtones, indépendamment de l'endroit où ils habitent, soulevait la question de son applicabilité, sur le plan pratique, notamment dans le cas des autochtones n'ayant pas d'assise territoriale. L'équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs a également suscité une controverse. Convaincue que les femmes autochtones ne seraient plus protégées par les textes leur garantissant des droits humains et l'égalité, l'Association des femmes autochtones du Canada s'est opposée à la position défendue par l'Assemblée des Premières Nations selon laquelle les LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 13 gouvernements autochtones devraient être autorisés à invoquer la clause dérogatoire, rendant ainsi la Charte inapplicable. Le type de pouvoirs que les gouvernements autochtones devraient êtres habilités à exercer a suscité de nombreuses discussions. 2. Le Comité mixte spécial sur le renouvellement du Canada Les propositions fédérales de réforme constitutionnelle ont été étudiées par le Comité mixte spécial sur le renouvellement du Canada et dans le cadre de cinq colloques tenus par le gouvernement fédéral. Dans son rapport rendu public le 28 février 1992, le Comité a fait plusieurs recommandations au sujet des questions autochtones, notamment en matière d'autonomie gouvernementale, du processus constitutionnel autochtone, à la représentation des peuples autochtones au Sénat et à la mention des peuples autochtones dans la « clause Canada ». Ainsi, le Comité recommande la constitutionnalisation, à l'article 35, du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale des peuples autochtones au Canada et appuie les six critères avancés à cette fin par la Commission royale sur les peuples autochtones dans son commentaire, également publié en février 1992. Pour ce qui est de la mise en oeuvre de cette autonomie, le Comité estime qu'il faudra négocier les compétences exercées par les collectivités autonomes. Il recommande l'insertion, dans la Constitution, d'un processus de transition qui permettrait d'énoncer les responsabilités des gouvernements autochtones et les rapports que ceux-ci devraient entretenir avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Le Comité fait aussi observer que la Charte canadienne des droits et libertés protège le citoyen contre des décisions arbitraires du gouvernement et, bien qu'il ne dise pas que la Charte doive s'appliquer aux collectivités exerçant leur droit à l'autonomie gouvernementale, il affirme que les droits et libertés fondamentaux de tous les Canadiens, y compris l'égalité des droits des deux sexes, devraient jouir d'une protection complète dans la Constitution. Le Comité recommande aussi que le gouvernement fédéral donne suite aux requêtes des Métis, qui réclament une assise territoriale et la propriété des ressources. Selon lui, un petit bureau administré conjointement par le gouvernement fédéral et par des représentants des peuples autochtones devrait être créé pour voir au respect des obligations fédérales découlant de traités, aux responsabilités fiduciaires et à l'exécution des transferts fiscaux qui se poursuivront après la mise en oeuvre des diverses formes d'autonomie gouvernementale. LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 14 Le Comité estime que, s'ils le désirent, les peuples autochtones devraient obtenir une représentation garantie dans un Sénat réformé; de plus, le Comité est d'accord avec le mécanisme et les options proposés par la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis. Enfin, le Comité recommande que soit reconnu, dans la clause Canada, de la Constitution modifiée, le rôle des peuples autochtones dans le développement du Canada, ainsi que leurs droits inhérents en tant que premiers habitants du territoire. Cette disposition devrait aussi reconnaître le droit et la responsabilité qu'ils ont de protéger leurs cultures, leurs langues et leurs traditions uniques et d'en favoriser l'épanouissement. 3. Accord constitutionnel de Charlottetown En août 1992, les leaders autochtones représentant les quatre principales organisations politiques autochtones, ainsi que les neuf premiers ministres provinciaux, les chefs de gouvernement des territoires et le gouvernement fédéral ont conclu une entente provisoire sur la réforme constitutionnelle. Pour la première fois dans l'histoire, les organisations autochtones, ont pleinement participé aux pourparlers. L'entente aurait modifié le Sénat, aurait institué une nouvelle formule de modification et un nouveau partage des pouvoirs et aurait inclu dans la Constitution une clause sur la société distincte que constitue le Québec ainsi qu'un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale pour les autochtones. Toutefois, les Canadiens ont rejeté l'Accord, en octobre, par référendum. Les gouvernements autochtones auraient formé alors un « troisième ordre » de gouvernement; un nouveau partage des pouvoirs entre les gouvernement fédéral, provinciaux et autochtones aurait été défini à la suite d'ententes négociées. Il semble que l'entente sur l'autonomie gouvernementale aurait été assujettie à plusieurs restrictions : les gouvernements autochtones auraient existé au sein du Canada; la Charte canadienne des droits et libertés se serait appliquée à ces gouvernements qui, une fois en place, auraient pu invoquer la clause dérogatoire pour se soustraire à son application; il aurait fallu que les chefs autochtones attendent cinq ans avant de pouvoir demander aux tribunaux l'application de leur droit à l'autonomie gouvernementale; et il aurait fallu que les lois autochtones soient compatibles avec les lois fédérales et provinciales en matière de paix, d'ordre et de bon gouvernement. Il semble que la question du financement du principe d'autonomie gouvernementale n'aurait pas été incluse dans la Constitution, mais qu'elle aurait fait l'objet d'un accord politique sur LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 15 lequel les tribunaux n'auraient pas eu compétence. L'Accord n'accordait aucun nouveau droit territorial. 4. Commentaires formulés par la Commission royale sur les peuples autochtones La Commission royale sur les peuples autochtones a rendu public, le 13 février 1992, un document portant sur les propositions fédérales de réforme constitutionnelle dans l'optique de l'autonomie gouvernementale. Elle fait remarquer qu'il est difficile de savoir si le gouvernement propose de reconnaître dans la Constitution un droit inhérent à l'autonomie qui existe déjà ou s'il propose de constitutionnaliser un droit nouvellement établi et conféré aux peuples autochtones par le gouvernement fédéral et les provinces. Elle souligne que l'Assemblée des Premières Nations a, dans sa réaction aux propositions, précisé que le droit à l'autonomie gouvernementale est inhérent, qu'il découle de l'occupation du territoire. Le Conseil national des autochtones du Canada est à peu près du même avis. Rosemary Kuptana, présidente de l'Inuit Tapirisat du Canada, a affirmé, dans les observations qu'elles a faites devant le Comité mixte spécial, que le mot « inhérent » ne sous-entend pas le désir de faire sécession, mais qu'il véhicule plutôt le concept de droits qui peuvent être reconnus sans être conférés. Yvon Dumont, du Ralliement national des Métis, exprime pour sa part l'opinion que les Métis ne veulent pas se déclarer souverains à l'intérieur du Canada, mais plutôt être reconnus au sein de la fédération canadienne. Dans son commentaire, la Commission royale souligne que, selon Joe Clark, le gouvernement hésite à employer le terme « inhérent » parce que, s'il n'était ni défini ni modifié, les autochtones pourraient s'en servir pour revendiquer la souveraineté internationale ou pour justifier le fait de décider unilatéralement quelles lois s'appliquent et ne s'appliquent pas aux peuples autochtones. La Commission royale fait l'exposé du cadre historique et légal du droit à l'autonomie gouvernementale, puis propose six critères de réforme constitutionnelle. Premièrement, le droit à l'autonomie gouvernementale est inhérent de nature. Deuxièmement, le droit devrait être décrit pour bien établir dans la mesure il est restreint plutôt que non restreint, en ce sens qu'il reconnaît la co-existence de gouvernements autochtones et d'ordres fédéral et provincial de gouvernement dans la Constitution. Troisièmement, dans certaines sphères constitutionnelles, les gouvernements autochtones devraient être souverains. Quatrièmement, la réforme constitutionnelle ne devrait pas se faire sans la pleine participation des peuples autochtones. Cinquièmement, les dispositions qui reconnaissent explicitement le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 16 devraient concorder avec l'idée que ce droit est peut-être déjà constitutionnalisé à l'article 35. Finalement, toute nouvelle disposition devrait pouvoir être invoquée devant les tribunaux dès son adoption. À l'aide de ces critères, la Commission explore quatre façons d'aborder la réforme constitutionnelle. La première démarche consisterait à adopter une modification générale de l'article 35 et l'ajout d'un nouveau paragraphe précisant que le paragraphe (1) inclut le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Enchâssé de la sorte, ce droit permettrait aux intéressés de se prévaloir des décisions rendues par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Sparrow. La deuxième démarche résiderait dans l'ajout d'un préambule à l'article 35 pour disposer que les peuples autochtones ont un droit inhérent, ainsi que d'un nouveau paragraphe précisant que le paragraphe (1) comprend le droit à l'autonomie gouvernementale au Canada. La troisième démarche consisterait à inclure une disposition de reconnaissance générale du droit, accompagnée d'une liste des secteurs dans lesquels s'exerce ce droit. La quatrième démarche consisterait à prévoir à la fois une modification constitutionnelle reconnaissant le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et un traité national de réconciliation des peuples autochtones, d'une part, et du gouvernement fédéral et des provinces, d'autre part. Une fois signé, le traité serait constitutionnalisé à l'article 35 et fournirait le cadre nécessaire pour régler les conséquences juridiques qu'aurait la reconnaissance d'un droit inhérent, fondement de l'autonomie gouvernementale. Un paragraphe serait ajouté pour préciser que les droits existants issus de traités comprennent les droits prévus par les traités actuels et futurs, y compris des ententes d'autonomie gouvernementale. En août 1993, la Commission royale a rendu public un deuxième document dans lequel elle examine si d'autres modifications constitutionnelles s'imposent, étant donné que des arguments convaincants permettent de considérer le droit à l'autonomie gouvernementale comme un droit déjà inséré au paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Selon la Commission, ce droit à l'autonomie gouvernementale, inclut le droit réel d'exercer une compétence sur certaines questions essentielles, ainsi que le droit éventuel de traiter d'autres questions. Bien qu'elle souligne que les initiatives relatives à l'autonomie gouvernementale doivent provenir des groupes autochtones eux-mêmes, elle incite également les autorités fédérales et provinciales à faciliter leur mise en oeuvre. Dans Conclure des traités dans un esprit de coexistence : Une solution de rechange à l'extinction du titre ancestral, la Commission royale sur les peuples autochtones a exhorté le LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 17 gouvernement fédéral à renoncer à l'extinction des titres ancestraux comme condition au règlement des revendications territoriales globales. La Commission a incité une fois de plus les gouvernements à accepter que les droits des autochtones, y compris le droit à l'autonomie gouvernementale reconnu par une entente, constituent « des droits issus de traités » au sens du paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. La Commission a également affirmé que les négociations menées à l'avenir devraient être fondées sur le principe que tout accord conclu reconnaîtra un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Dans Par-delà les divisions culturelles : Un rapport sur les autochtones et la justice pénale au Canada, qu’elle a publié en février 1996, la Commission royale a souligné la nécessité d’inclure, dans le droit inhérent des peuples autochtones à l’autonomie gouvernementale, le pouvoir d’établir et d’administrer des systèmes de justice autochtones qui reflètent les concepts et les processus de justice des autochtones. Elle a exhorté le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les gouvernements territoriaux à reconnaître ce droit. Elle l’a décrit comme un droit devant être exercé dans le cadre du système fédéral canadien. Cela signifierait aussi que toute loi adoptée par des gouvernements autochtones, dont les lois régissant leurs propres systèmes de justice, serait assujettie à la Charte canadienne des droits et libertés. 5. Négociations en cours La politique a subi un profond changement depuis le début de la trente-cinquième législature. Le gouvernement fédéral a entrepris de reconnaître le droit inhérent à l'autonomie des peuples autochtones, sans exiger l'adoption d'autres modifications constitutionnelles. La première d'une série de réunions visant cet objectif a eu lieu le 1er février 1994. Elle regroupait des ministres des provinces, des territoires et du gouvernement fédéral, des chefs autochtones et des représentants de la Commission royale sur les peuples autochtones. Un protocole d'entente a été signé le 20 avril 1994 avec les premières nations du Manitoba afin d'orienter les négociations futures relatives au démantèlement du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Le ministre Ron Irwin a déclaré que le Manitoba servira de modèle pour la mise en oeuvre du concept d'autonomie gouvernementale des autochtones dans le reste du pays. Le chef de l'Assemblée des premières nations, M. Ovide Mercredi, a critiqué sévèrement cette entente administrative et soutenu que toute tentative de mise en oeuvre du concept de l'autonomie gouvernementale nécessiterait d'autres LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 18 modifications légales et constitutionnelles. Le 7 décembre 1994, le grand chef Phil Fontaine et le ministre Ron Irwin ont signé un accord cadre qui prévoit le démantèlement des structures ministérielles, l'établissement et la reconnaissance des gouvernements des Premières nations au Manitoba et la restitution à ces derniers des compétences correspondant au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. La nouvelle politique fédérale sur l'autonomie gouvernementale, rendue publique en août 1995, exige que toutes les ententes conclues à l'avenir respectent les principes essentiels suivants : • le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale est un droit autochtone existant en vertu de la Constitution; • l'autonomie gouvernementale s'exercera dans le cadre de la Constitution actuelle; • les gouvernements autochtones seront assujettis à la Charte canadienne des droits et libertés; • tous les fonds fédéraux consacrés à l'autonomie gouvernementale proviendront de la réaffectation des ressources existantes présentée dans le budget de 1995; • les droits établis dans les ententes d'autonomie gouvernementale peuvent être protégés à titre de droits issus de traités en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982; • les dispositions législatives fédérales, provinciales, territoriales et autochtones doivent fonctionner en harmonie; cependant, les lois fédérales et provinciales d'une importance prépondérante pour le pays ou les provinces l'emporteront sur les lois autochtones qui entrent en conflit avec elles. Le gouvernement fédéral a précisé que l’on ne s’en tiendra pas à un seul modèle d’autonomie gouvernementale et que des accords individuels seront négociés avec des groupes autochtones locaux et régionaux et, lorsque cela s’applique, avec les gouvernements des provinces et des territoires concernés. E. Les titres autochtones - Droits territoriaux LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 19 Jusqu'à récemment, les litiges en matière des droits des autochtones visaient d'abord et avant tout les droits de chasse des autochtones, ainsi que l'étendue du territoire canadien assujettie à des droits ancestraux. La jurisprudence a clairement établi que les titres ancestraux ne peuvent être cédés qu'au gouvernement fédéral et, qu'après la cession, les intérêts des autochtones (à l'extérieur des territoires) doivent être immédiatement transférés au gouvernement provincial, de façon que les droits de la Couronne sur ces terres soient libres de tout lien. Dans les années 70, la jurisprudence a donné quelques indications sur la manière d'établir l'existence de titres ancestraux (Hamlet of Bakerlake c. Ministre des Affaires indiennes). Cependant, la jurisprudence ne nous renseigne pas beaucoup sur la portée et le contenu des titres ancestraux. Les quelques causes qui se sont rendues jusqu'à la Cour suprême du Canada ne nous ont pas appris grand-chose de plus, outre le fait que les titres ancestraux existent dans la common law, indépendamment de l'application de la Proclamation royale de 1763, et que, dans certaines circonstances, les titres ancestraux peuvent imposer une obligation fiduciaire au gouvernement fédéral. Dans la décision qu'ils ont rendue en 1985 dans l'affaire Guerin c. La Reine (C.S.C.), le juge Dickson et trois autres membres de la Cour ont déclaré que les titres ancestraux constituaient un intérêt unique qu'on ne peut décrire correctement comme un droit bénéficiaire ou un droit personnel de la nature d'un usufruit. Selon le juge Dickson : Le droit des Indiens se distingue donc surtout par son inéliabilité générale et par le fait que la Couronne est tenue d'administrer les terres pour le compte des Indiens lorsqu'il y a eu cession de ce droit. Toute description du titre indien qui va plus loin que ces deux éléments est superflue et risque d'induire en erreur. En 1989, dans la cause du Canadien Pacifique, la Cour suprême a déclaré : La conclusion inéluctable qui se dégage jusqu'à maintenant de l'analyse que la Cour a faite du titre indien est que les Indiens ont un véritable droit sui generis sur leurs terres. Il s'agit de quelque chose de plus qu'un droit de jouissance et d'occupation bien que, comme l'a souligné le juge Dickson dans l'arrêt Guerin, il soit difficile de décrire en quoi consiste ce quelque chose de plus au moyen de la terminologie traditionnelle du droit des biens. Avant la fin des années 60, les questions relatives aux titres ancestraux étaient en général soulevées lors de causes opposant les deux paliers de gouvernement ou des particuliers en LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 20 conflit à cause d'intérêts fonciers incompatibles accordés par les deux ordres de gouvernement. Plusieurs causes importantes dans ce domaine ont été entendues sans qu'aucun autochtone ne soit partie au litige. Il y a eu également une longue période pendant laquelle la Loi sur les Indiens interdisait la collecte de fonds à des fins de contestations en matière de droits des autochtones. La portée étroite des causes relatives aux revendications territoriales du début des années 70 est, selon certains, attribuable à l'influence d'avocats non autochtones. Les affaires relatives aux titres ancestraux abordent maintenant en général bien d'autres questions que les droits fonciers, à savoir par exemple : dans quelle mesure l'ordre politique et juridique autochtone a été préservé en même temps que les titres ancestraux; et s'il existe un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et, dans l'affirmative, si celui-ci est garanti par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. La cause Gitskan Wet'suwet'en qui a été entendue au début de 1990 par la Cour suprême de la Colombie-Britannique (Delgamuukw c. La Reine) est peut-être la cause relative aux titres ancestraux la plus importante à avoir été portée devant les tribunaux canadiens. Le juge en chef McEarchern a rendu une décision dans cette cause le 8 mars 1991. Il a estimé que l'expression « titre indien » est interchangeable avec celle de « droits ancestraux » et que ceux-ci se limitent à « des droits d'utilisateur à des fins de résidence et de subsistance ». Dans ce jugement, les droits ancestraux ont aussi été définis comme des droits « découlant de l'occupation ou de l'utilisation ancienne de la terre pour chasser, pêcher, capturer des animaux sauvages, prendre du bois, des fruits et d'autres aliments et matériaux servant à la subsistance et, en général, pour utiliser la terre de la manière dont, affirment-ils [les Indiens], leurs ancêtres l'utilisaient ». Le juge de première instance a rejeté la revendication des Gitskan et des Wet'suwet'en selon laquelle l'exercice de la souveraineté et d'une compétence sur les terres traditionnelles est inhérente au titre autochtone. Il a également déclaré qu'avant 1982, les droits autochtones n'étaient accordés que selon le bon plaisir de la Couronne qui pouvait, à son gré, les éteindre purement et simplement. Dans le cas présent, les droits ancestraux (titre) des populations Gitskan et Wet'suwet'en ont été jugés éteints par suite de promulgations antérieures à la Confédération, qui visaient à donner des titres incontestables aux colons. Nombreux sont ceux qui ont critiqué cette décision controversée, jugeant qu'elle va nettement à l'encontre des décisions rendues récemment par la Cour suprême du Canada, comme dans les affaires Sioui et Sparrow; on a même avancé que les mots utilisés dans ce jugement et LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 21 l'analyse sur laquelle il repose dénotent un parti pris. La décision du juge McEachern a été quelque peu tempérée en juin 1993 par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique. Cette dernière a reconnu que les peuples Gitskan et Wet'Suwet'en conservent leurs droits autochtones non exclusifs, découlant de l'utilisation et de l'occupation de leurs terres ancestrales. Ce qui est plus important, c'est que la majorité a décidé que ces droits de subsistance et de cueillette ne sont pas éteints par suite de promulgations coloniales antérieures à l'entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération. La Cour d'appel n'a pas défini la portée, le contenu et les conséquences de ces droits, préférant renvoyer la question aux tribunaux de première instance. La majorité a cependant convenu avec le juge de première instance que les plaignants ne peuvent pas revendiquer un droit de propriété sur le territoire contesté, ni non plus faire valoir des droits d'autonomie gouvernementale. Les réclamations des plaignants pour dommages-intérêts ont également été rejetées. La Cour d'appel a encouragé incidemment les parties à entamer des négociations pour parvenir à une forme d'autonomie gouvernementale autochtone qui aille au-delà du cadre de la Loi sur les Indiens; la Cour d'appel a souligné que l'octroi d'une telle compétence constitutionnelle n'est pas du pouvoir des tribunaux. Le litige n'est toutefois pas réglé de façon définitive : la Cour suprême du Canada a en effet accepté d'entendre un appel et un appel incident dans la cause Delgamuukw le 15 mars 1994. À la demande des plaideurs, la Cour suprême a accepté de reporter l'audience à juin 1995 afin de permettre aux parties au litige d'entreprendre la négociation de traités. On a récemment annoncé que la procédure judiciaire reprendra en 1977. Dans les autres affaires, la Cour suprême du Canada n'a pas défini la nature des traités « indiens » de façon plus précise que le concept des droits ancestraux. Elle a statué qu'un traité indien constitue un accord sui generis (unique) qui n'est ni créé ni déterminé selon les règles du droit international (Simon). Dans l'affaire Sioui, la Cour suprême a statué qu'en 1760, « les relations avec les tribus indiennes se sont retrouvées quelque part entre le genre de relations qu'entretenaient les États souverains et les relations que ces États avaient avec leurs propres citoyens ». Elle a formulé plusieurs principes directeurs pour l'interprétation des droits « indiens » issus de traités. Les traités doivent être interprétés de façon juste, libérale et généreuse et toute ambiguïté doit être résolue en faveur de la partie autochtone. Il faut donner aux traités le même sens que leur aurait naturellement donné la partie autochtone; l'interprétation du traité par les parties, à en juger par leur conduite ou autrement, aide à déterminer le contenu (affaires Simon et Nowegijick). LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 22 Les mêmes principes doivent être appliqués à la question fondamentale de savoir si un accord conclu avec les Indiens constitue un « traité » (Simon (1985) et Sioui (1990)). En pareil cas, la Cour doit se demander s'il était raisonnable pour les Indiens de présumer que la personne avec qui ils transigeaient avait l'autorité voulue pour conclure un traité valide, compte tenu des circonstances et de la situation de l'autre partie. Le contexte historique des négociations doit être pris en considération quand il s'agit de déterminer l'existence d'un traité, son interprétation et son application territoriale, dans les cas où la réponse n'est pas évidente (Sioui). La Cour suprême du Canada a indiqué que cette approche libérale concernant l'interprétation des traités est liée à la position de négociation désavantageuse des Indiens à l'époque où les traités historiques ont été négociés (Sioui). L'affaire Sioui est également importante en cela que le tribunal a statué qu'un accord peut être un traité indépendamment du fait que la partie indienne ait pu ou non revendiquer l'occupation ou la possession historique d'un territoire, et même lorsque l'accord visé concerne exclusivement des questions non territoriales, comme les droits politiques ou sociaux. La Cour a rejeté l'argument selon lequel la « non-utilisation » d'un traité après une longue période pouvait entraîner son extinction. La Cour suprême du Canada a récemment décrété, dans R. c. Adams (3 octobre 1996, dossier no 23615) et R. c. Côté (3 octobre 1996, dossier no 23707), que les droits ancestraux peuvent exister indépendamment du titre ancestral. Dans les deux cas, les appelants cherchaient à faire valoir les droits de pêche autochtones au Québec. Le tribunal a statué que le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 étend la protection aux coutumes autochtones qui ne sont pas couvertes par le titre ancestral même si ces droits n’ont pas été reconnus par le droit colonial français au moment du premier contact avec les Européens. Mises à part les causes relatives aux titres ancestraux, la plupart des causes actuellement devant les tribunaux concernant l'interprétation et les répercussions de l'article 35 visent à déterminer dans quelle mesure les traités et les droits de chasse et de pêche des autochtones peuvent être réglementés et restreints par des lois fédérales et provinciales. Dans diverses procédures judiciaires, certaines Premières nations ont aussi tenté de faire valoir leur droit de réglementer les activités de jeu dans leurs réserves, en tant que droit inhérent au droit à l'autonomie gouvernementale ou au titre ancestral. Dans R. c. Pamajewon (22 août 1996, dossier no 24596), LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 23 la Cour suprême du Canada a rejeté ces arguments ainsi que les règlements de loterie établis par les bandes elles-mêmes. Elle a souligné que les revendications d’autonomie gouvernementale présentées en vertu du paragraphe 35(1) ne différaient pas des autres revendications et qu’elles seraient assujetties à la même analyse que celle prévue dans l’arrêt Van Der Peet. La cour a refusé de voir, en cette revendication, le droit des Premières nations de gérer l’utilisation des terres de leurs réserves. Elle l’a plutôt vue comme une revendication au droit de participer à des activités de jeu dans la réserve et de réglementer ces activités. Elle a déclaré que les preuves présentées lors du procès n’ont pas établi que le jeu ou la réglementation du jeu faisait partie intégrante des cultures distinctives de ces Premières nations lors des premiers contacts avec les Européens. Par conséquent, elle a jugé que les activités en question (jeux d’argent aux enjeux élevés) ne sont pas protégées par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Cela ne signifie pas qu’un autre groupe présentant des revendications ne pourrait pas réussir dans ses démarches, étant donné qu’un tribunal devra examiner les circonstances particulières de chaque cas (y compris l’histoire et la culture précises du groupe autochtone présentant la revendication). F. Politique du gouvernement fédéral à l'égard des revendications territoriales Avant 1973, le gouvernement fédéral était d'avis que les titres ancestraux n'existaient pas dans la common law canadienne. La décision, rendue en 1973, par la Cour suprême dans l'affaire Calder et d'autres décisions d'instances inférieures ont obligé le gouvernement à modifier ses vues et à publier une politique officielle pour régir le processus de négociation hors cour des revendications territoriales fondées sur des titres ancestraux non éteints. De telles revendications ont été qualifiées de « revendications globales », car les ententes de règlement devaient porter sur tout un éventail de questions allant des droits fonciers à la gestion de la faune. Il y avait également une politique sur les « revendications particulières ». Ces revendications concernent des obligations juridiques précises découlant de traités, d'autres ententes ou de la gestion et de l'administration des avoirs indiens par le gouvernement fédéral. Le processus de règlement des revendications globales et particulières a été très lent dans le passé. Ce processus et de nombreux aspects de la politique elle-même ont été sévèrement critiqués par des organismes représentant les autochtones et d'autres organisations comme l'Association du Barreau canadien. LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 24 L'ancienne politique fédérale en matière de revendications territoriales visait à traiter seulement certaines revendications relatives aux titres ancestraux. Par exemple, le gouvernement fédéral refusait en général de reconnaître la validité des revendications relatives aux titres ancestraux dans la plupart des provinces Maritimes, sous prétexte que la loi prévaut sur les titres ancestraux. Le gouvernement prétendait que les mesures prises par les gouvernements avant et après la Confédération en ce qui a trait à l'octroi de terres pour la colonisation, à l'octroi de terres au moyen de lettres patentes, à l'octroi de droits à des tiers et la mise de côté de terres pour des réserves indiennes ont eu pour effet d'annuler et d'éteindre implicitement les titres ancestraux à l'égard de toutes les terres autres que les réserves indiennes. Cette position a été un des éléments les plus controversés de la politique fédérale en matière de revendications. Ceux qui défendent les droits ancestraux des autochtones estiment qu'il est injuste d'exiger des groupes revendicateurs qu'ils fassent la preuve de l'« utilisation actuelle ». La politique relative aux revendications globales a également fait l'objet de critiques à cause de l'importance indue qu'elle attache à l'extinction des droits des autochtones, du double rôle que joue le gouvernement fédéral comme juge et partie et des avis juridiques restrictifs utilisés pour l'évaluation des revendications. En 1986, une révision de la politique relative aux revendications globales donnant suite au rapport d'un groupe de travail fédéral chargé d'étudier cette question n'a pas tenu compte d'un grand nombre des principales critiques. Toutefois, certaines modifications à la politique, comme la décision de permettre le partage des recettes tirées des ressources comme élément de règlement des revendications, ont été bien accueillies par les autochtones. Dans son énoncé de politique rendu public au cours de la campagne électorale fédérale de 1993, le Parti libéral s'est engagé publiquement à régler les revendications territoriales dans le cadre d'un processus juste et équitable. Il a reconnu que d'importants changements s'imposent pour régler les problèmes en suspens. La nouvelle approche préconise la création, en coopération avec les peuples autochtones, d'une commission indépendante des revendications, afin d'accélérer et de faciliter le règlement de toutes les revendications. En septembre 1993, le gouvernement fédéral s'est engagé publiquement à suivre une politique visant à ne plus exiger l'extinction générale des titres pour régler des revendications territoriales globales. Le 22 décembre 1994, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a nommé l'honorable A.C. Hamilton comme enquêteur afin d'étudier la politique fédérale en matière de revendications territoriales et d'examiner d'autres modèles possibles pour obtenir la certitude LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 25 nécessaire dans ce genre d'ententes sans exiger l'extinction des droits autochtones. Dans son rapport publié le 16 juin 1995, le juge Hamilton a indiqué au ministre qu'il était possible de parvenir à la certitude nécessaire à l'égard des revendications territoriales en intégrant six éléments essentiels au traité : • reconnaître dans le préambule que la partie autochtone possède des droits ancestraux dans la région visée par le traité; • établir avec le plus de détails possible les droits de chaque partie signataire, et éventuellement d'autres parties visées, sur les terres et les ressources; • prévoir des dispositions de garantie mutuelle, en vertu desquelles les parties admettent qu'elles seront liées par le traité et ne pourront exercer que les droits sur les terres et les ressources qui seront établis par le traité; • intégrer des énoncés mutuels selon lesquels chaque partie confirme que le traité satisfait les demandes de toutes les parties relativement aux terres visées et qu'aucune autre demande ne sera présentée ultérieurement relativement à ces terres, à l'exception de celles qui découleraient du traité; • intégrer au traité un mécanisme de règlement des différends assorti de pouvoirs étendus, notamment un arbitrage exécutoire et un examen judiciaire, de façon à garantir le respect des obligations prévues dans le traité et le règlement des désaccords relatifs au traité; • prévoir un processus de modification pratique en vertu duquel les parties peuvent, d'un commun accord, modifier certaines des dispositions du traité pour l'adapter à l'évolution des circonstances. Le juge Hamilton a également fait siennes dans l'ensemble les recommandations contenues dans le rapport intérimaire sur l'extinction intitulé Conclure des traités dans un esprit de coexistence, présenté par la Commission royale sur les peuples autochtones. La Commission a recommandé essentiellement que le gouvernement fédéral n'exige pas la renonciation aux droits ancestraux sur les terres en échange d'autres droits ou avantages prévus dans des ententes globales. Elle a plutôt exhorté le gouvernement à adopter une politique en vertu de laquelle les ententes globales interviennent en tant qu'instruments de coexistence et de reconnaissance mutuelle. 1. Les revendications globales Entre 1973 et 1989, seulement trois conventions définitives relatives aux revendications globales ont été signées : la Convention de la Baie James et du Nord québécois LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 26 (1975), la Convention du Nord-Est québécois (1978) et la Convention définitive des Inuvialuit (1984). En 1990, des progrès importants ont été accomplis. Deux autres conventions définitives relatives au Nord ont été conclues, mais l'une d'elles (la revendication des Dénés et des Métis des Territoires du Nord-Ouest), n'a pas été ratifiée par toutes les collectivités. Les négociations se sont poursuivies à l'échelle régionale. Les Gwich'in du delta du Mackenzie ont conclu une entente de 75 millions de dollars sur les revendications territoriales. Ils sont les premiers membres de la Nation dénée à le faire. La Loi sur le règlement de la revendication territoriale des Gwich'in a reçu la sanction royale en décembre 1992. La revendication de la Fédération Tungavik de Nunavut dans l'est de l'Arctique a atteint l'étape de la convention définitive en décembre 1991. L'entente a été ensuite approuvée par les Inuit, et la loi fédérale de mise en oeuvre a reçu la sanction royale en juin 1993. Au printemps de 1995, la Commission d'établissement du Nunavut (CEN) a rendu public son rapport intitulé L'empreinte de nos pas sur la neige fraîche, contenant des recommandations sur la structure à donner au nouveau gouvernement du Nunavut. Dans un rapport de suivi publié le 30 juin 1995, elle a analysé les principaux facteurs servant à déterminer laquelle de Cambridge Bay, Iqaluit ou Rankin Inlet devrait être choisie comme capitale. Elle a conclu que, bien qu'Iqaluit semble le meilleur choix à plusieurs égards, les trois agglomérations sont de valeur égale sous de nombreux autres rapports. La CEN a admis que le choix d'une capitale est une décision prise essentiellement en fonction de considérations politiques plutôt que techniques. Lors d’un plébiscite tenu sur la question en décembre 1995, la majorité des habitants ont choisi Iqualuit comme site de leur capitale. Plus récemment, une loi a été adoptée pour ratifier le règlement des revendications territoriales globales et les ententes d'autonomie gouvernementale conclus avec quatre premières nations du Yukon ainsi que le règlement de la revendication territoriale globale conclu avec les Dénés et Métis du Sahtu dans les Territoires du Nord-Ouest. Le projet de loi C-16, Loi sur le règlement de la revendication territoriale des Dénés et Métis du Sahtu a reçu la sanction royale le 23 juin 1994. En vertu de cette entente, les Dénés et Métis du Sahtu recevront le titre de propriété d'un territoire d'une superficie de 41 437 kilomètres carrés, dont seulement 1 813 kilomètres carrés comprennent des droits miniers. Le gouvernement fédéral transférera plus de 75 millions de dollars aux Dénés et Métis du Sahtu sur une période de quinze ans. De plus, le gouvernement fédéral versera chaque année au Conseil tribal du Sahtu un pourcentage des redevances pétrolières qu'il percevra. Le Canada s'est engagé à entamer des négociations avec les Dénés et Métis du Sahtu afin de conclure des ententes d'autonomie gouvernementale. LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 27 Après des débats intenses à l'étape de l'étude en comité à la Chambre des communes et au Sénat, le projet de loi C-33, Loi sur le règlement des revendications territoriales des premières nations du Yukon, et le projet de loi C-34, Loi relative à l'autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon ont reçu la sanction royale le 7 juillet 1994. Il importe de souligner que les ententes d'autonomie gouvernementale ont été négociées en vertu de la politique d'autonomie gouvernementale axée sur la collectivité, élaborée par le gouvernement précédent. Depuis, le gouvernement fédéral a adopté la position selon laquelle le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale est un droit ancestral ou issu de traité, en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Cependant, aucune des ententes d'autonomie gouvernementale signées par les premières nations du Yukon ne fait mention de ce droit inhérent. Selon les représentants du gouvernement, pour le moment, les droits prévus par ces ententes ne bénéficieront pas d'une protection constitutionnelle à titre de droits issus de traités. Cependant, les droits garantis dans le cadre d'ententes sur les revendications territoriales seront considérés comme des droits issus de traités en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Le troisième texte législatif touchant ces revendications territoriales, soit le projet de loi C-55, Loi sur l'Office des droits de surface du Yukon, a reçu la sanction royale le 15 décembre 1994. Il établira des règles et un règlement régissant l'accès aux terres privées et publiques. Les trois projets de loi sont entrés en vigueur le 14 février 1995. D'autres événements importants sont survenus dans les années 90. En Colombie-Britannique, un comité mixte fédéral, provincial et autochtone a déposé pendant l'été un rapport visant à simplifier le processus de négociation des revendications territoriales. Le gouvernement fédéral a accepté les 19 recommandations du Groupe de travail sur les revendications territoriales en Colombie-Britannique, notamment celle de créer la Commission des traités de la Colombie-Britannique afin de régler les revendications territoriales. Le 21 septembre 1992, le gouvernement fédéral, la province et le Sommet des premières nations ont signé le British Columbia Treaty Commission Agreement. La Commission a été établie à titre intérimaire en avril 1993. Les cinq commissaires nommés ont reçu le mandat de préparer la négociation de traités modernes avec toutes les premières nations de la Colombie-Britannique, et non de les négocier. Leurs principales fonctions consistent à déterminer si les parties sont prêtes à engager des négociations, à allouer, dans ce but, des fonds aux premières nations et à aider les parties à obtenir des services de règlement de LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 28 conflits. La Commission surveille également le déroulement des négociations et fait rapport à ce sujet. À la fin de juin 1993, le Canada et la Colombie-Britannique ont créé un « Comité consultatif sur la négociation de traité »; ce comité établira une politique et donnera des conseils aux gouvernements sur les questions relatives aux traités et qui pourraient touchées directement des tierces parties. Dans son premier rapport annuel, la Commission des traités de la ColombieBritannique a affirmé être persuadée que le processus est réalisable et qu'il peut aboutir à des traités justes et durables. Jusqu'à maintenant, le processus a uniquement abordé des questions préliminaires essentielles pour la négociation des traités; les négociations proprement dites sur les questions de fond n'ont pas encore débuté. Un accord de principe tripartite a été signé en mars 1996 entre les Nisga’a, la Colombie-Britannique et le Canada. Les négociations avaient commencé plus de vingt ans plus tôt. L’accord a donc été conclu en dehors de l’échéance fixée par la B.C. Treaty Commission. En vertu de cet accord, les Nisga’a obtiendront des terres d’une superficie d’environ 1 930 kilomètres carrés dans la région du cours inférieur de la rivière Nass. Ils recevront 190 millions de dollars en indemnités, ce montant se composant de 175,5 millions de dollars venant du gouvernement fédéral et de 14,5 millions de dollars venant du gouvernement provincial. Ils recevront 11,5 millions de dollars pour l’achat de licences et de navires de pêche commerciale, mais le traité ne comportera par les droits de pêche à des fins commerciales des Nisga’a qui sont inscrits dans la Constitution. En échange, les Nisga’a ont accepté de renoncer aux exemptions de taxes prévues dans la Loi sur les Indiens. On a également souligné que le Code criminel, la Constitution et la Charte canadienne des droits et libertés continueront de s’appliquer aux Nisga’a. Comparaissant devant le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord le 16 mars 1994, l'honorable Ron Irwin a déclaré que le gouvernement fédéral est résolu à accélérer fortement le rythme de règlement des revendications territoriales. Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a aussi annoncé que l'actuelle politique sur les revendications territoriales globales et particulières serait révisée. 2. Les revendications particulières LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 29 En décembre 1993, 358 revendications particulières avaient été soumises au gouvernement fédéral. De ce nombre, 266 étaient à l'étude tandis que 92 avaient atteint l'étape des négociations. De plus, 252 revendications avaient été réglées : 108 par la signature d'une entente, 20 par les tribunaux, 23 par des instances administratives, tandis que 53 avaient été rejetées et que 48 dossiers avaient été tout simplement fermés. Au rythme auquel ces revendications sont réglées, il faudra compter jusqu'au milieu du siècle prochain pour traiter l'arriéré de revendications des deux catégories. En avril 1991, un programme de 355 millions de dollars en six volets a été annoncé afin de régler les revendications particulières. Les revendications qui remontent plus loin que la Confédération seraient désormais acceptées. Le gouvernement fédéral a également annoncé la création d'une Commission des revendications particulières en vue de fournir un mécanisme de règlement indépendant. L'Assemblée des Premières Nations a dénoncé le fait que la Commission n'est pas un organisme indépendant. Comparaissant devant le Comité permanent des affaires autochtones en décembre 1991, le chef national de l'APN, M. Ovide Mercredi, a indiqué que le mandat énoncé dans le décret en conseil créant la Commission était inacceptable : « Ces restrictions lient les mains de la Commission et la privent de toute indépendance ». D'autres organismes, dont la Commission d'enquête du Manitoba sur l'administration de la justice en milieu autochtone, ont recommandé la mise sur pied d'un tribunal indépendant chargé de régler les revendications particulières et globales. La Commission sur les Indiens de l'Ontario a proposé un modèle de « négociations assistées », en vertu duquel un organisme indépendant surveillerait et faciliterait le processus de négociation. Dans son rapport annuel de 1994-1995, la Commission sur les revendications particulières des Indiens a formulé six recommandations pour améliorer l'actuelle politique concernant les revendications et accélérer le processus. La principale recommandation vise la création d'une commission indépendante sur les revendications, investie du pouvoir nécessaire pour dénouer les impasses dans les négociations. Dans une lettre datée du 27 juin 1996, les cinq commissaires ont annoncé au ministre des Affaires indiennes leur intention de démissionner et de mettre fin aux activités de la Commission le 31 mars 1997. Les commissaires se sont dits déçus de l’absence de réponse du gouvernement aux dix-huit enquêtes effectuées à ce jour et ont indiqué qu’ils publieraient peut-être un rapport spécial LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 30 en octobre sur les mesures nécessaires pour accroître l’efficacité de l’organisme indépendant s’occupant des revendications. L'absence de distinction claire entre les revendications particulières et les revendications globales demeure un sujet de controverse. C'est là un aspect important du litige qui oppose le gouvernement fédéral à la bande du lac Lubicon et qui fait couler beaucoup d'encre. Les Indiens du lac Lubicon ont été oubliés, en 1899, au moment des négociations du traité n° 8, et la promesse que le gouvernement fédéral leur avait faite en 1949 de leur procurer une réserve s'est perdue dans les retards et les controverses. Un aspect fondamental du différend tient à la position qu'a adoptée le gouvernement fédéral : ce dernier soutient en effet que le traité n° 8 a entraîné l'extinction du titre de la bande du lac Lubicon, parce que le territoire auquel devait s'appliquer le traité englobe les terres des Indiens du lac Lubicon. Dans l'optique du gouvernement, la revendication de la bande du lac Lubicon est essentiellement une revendication aux termes d'un traité, et son obligation se limite donc à une indemnisation à fixer conformément aux dispositions du traité de 1899. Les Indiens qui font partie de cette bande estiment, par contre, qu'un titre ancestral subsiste à l'égard de leurs terres et, qu'ils ont, de ce fait, une revendication globale pouvant faire l'objet d'un règlement plus large, à l'instar des ententes modernes. En 1994, les diverses parties ont convenu de reprendre les négociations. Harold Millican a été nommé négociateur fédéral en février 1995. Des négociations officielles se poursuivent. 3. Droits fonciers issus de traités En Saskatchewan, un autre processus de règlement des revendications a donné des résultats. En septembre 1992, le gouvernement fédéral, la province de la Saskatchewan et un groupe de bandes ont conclu l'entente-cadre sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan et l'accord Nekaneet, qui donneront à 27 bandes de la Saskatchewan les moyens d'obtenir des terres qui leurs sont dues en vertu des dispositions des traités 4 et 6. Ces ententes procureront 455 millions de dollars aux bandes sur une période de 12 ans; le gouvernement fédéral et celui de la Saskatchewan débourseront conjointement cette somme (au départ le gouvernement fédéral assumera 70 p. 100 des coûts et celui de la Saskatchewan 30 p. 100, mais par la suite celui-ci assumera un autre 19 p. 100 du total). Les bandes ayant droit à des terres pourront, en vertu d'ententes particulières, acheter des terres en compensation de celles qui ne leur sont pas rendues, LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 31 mais auxquelles elles ont droit en vertu des traités. Le projet de loi visant à mettre en vigueur les parties de l'entente qui touchent le gouvernement fédéral a reçu la Sanction royale le 30 mars 1993. G. Le droit international Le Canada a signé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui prévoit que « tous les peuples ont droit à l'autodétermination ». Ce pacte ne précise pas les moyens par lesquels un « peuple » peut faire valoir ce droit, surtout quand il vit dans un État existant. En 1989, l'Organisation internationale du travail a révisé le seul document international portant sur les droits indigènes (Convention 169, Convention relative aux peuples indigènes et tribaux). Les Nations Unies ont proclamé l'année 1993 Année internationale des populations autochtones, sous le thème « Populations autochtones ⎯ un nouveau partenariat ». Au cours de réunions tenues au début de 1993, l'Assemblée générale et la Commission des droits de la personne des Nations Unies ont toutes deux examiné des résolutions sur les droits des autochtones. Le Groupe de travail des Nations Unies sur les peuples autochtones a actuellement le mandat d'examiner les progrès qui surviennent dans le domaine de la promotion et de la protection des droits humains et des libertés fondamentales des populations autochtones, et d'accorder une attention spéciale à l'évolution des normes concernant les droits des populations autochtones. Le Groupe de travail a terminé ses travaux relatifs à l'ébauche de déclaration universelle des droits des peuples autochtones. Cette ébauche a été soumise à la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités en 1993. En août 1994, la Souscommission a décidé aux voix d'envoyer l'ébauche à la Commission des droits de l'homme. La Commission, qui se compose de représentants des États, a formé son propre groupe de travail et l’a chargé d’examiner la terminologie de l’ébauche : l’absence de définition du mot « autochtone » a été un point de litige. Une fois ce deuxième examen terminé, le document devra être approuvé par le Conseil économique et social avant d’être étudié par l’Assemblée générale des Nations Unies. Dans l'intérim, soit en juillet 1994, le président du Groupe de travail des Nations Unies sur les peuples autochtones a déposé le Projet des principes et des directives sur la protection du patrimoine des peuples autochtones. Ce document prône le principe de l'autodétermination et le LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 32 droit et le devoir des peuples autochtones de développer leur culture et leurs propres systèmes de connaissances. La seconde version, qui sera finale, devait être soumise à l'examen de la Souscommission à l'été 1995 et être ensuite envoyée à la Commission des droits de l'homme pour être adoptée à l'hiver 1996. L'Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution déclarant que la Décennie internationale des populations autochtones commençait en décembre 1994. MESURES PARLEMENTAIRES La mesure législative la plus importante des dernières années s'est révélée être la promulgation des dispositions constitutionnelles portant sur les droits ancestraux et issus de traités contenues dans la Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1983 sur le Canada (R.-U.) 1982, c. 11 (articles 25, 35 et 37). Ces dispositions ont été ajoutées au moyen de la Proclamation de 1983 modifiant la Constitution. Le premier règlement moderne des revendications a été ratifié par une loi fédérale, la Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie James et du Nord québécois, S.C. 1976-1977, c. 32. La Convention du Nord-Est québécois, qui règle les revendications territoriales des Naskapsi du Québec, vient compléter la Convention de la Baie James et a été ratifiée par décret en 1978. La Convention définitive des Inuvialuit a été ratifiée par la Loi sur le règlement des revendications des Inuivialuit de la région ouest de l'Arctique, S.C. 1984, c. 24. L'entente sur la revendication territoriale des Gwich'in a été approuvée en décembre 1992 par l'adoption du projet de loi C-94, Loi sur le règlement de la revendication territoriale des Gwich'in. La revendication territoriale des Inuit de l'est et du centre de l'Arctique, qui comprenait la création d'un nouveau territoire appelé « Nunavut », a été réglée par la promulgation, en juin 1993, de la Loi concernant la création du territoire du Nunavut et de la Loi concernant l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Le territoire et le gouvernement du Nunavut seront créés le 1er avril 1999, et leurs pouvoirs et leurs institutions se compareront à ceux des deux autres territoires. Le 10 décembre 1992, le projet de loi C-104, Loi sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan, qui vise à mettre en oeuvre l'entente-cadre sur les droits fonciers issus de LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 33 traités en Saskatchewan, a été déposé à la Chambre des communes. Rapidement adopté par les deux Chambres, il a reçu la sanction royale le 30 mars 1993. Le projet de loi C-16, Loi sur la revendication territoriale des Dénés et Métis du Sahtu, a reçu la sanction royale le 23 juin 1994. Il était nécessaire que ce projet de loi soit adopté pour ratifier l'entente sur les revendications territoriales signée le 6 septembre 1993 par le gouvernement fédéral et les représentants des Dénés de Colville Lake, de Déline, de Fort Good Hope et de Fort Norman, et les Métis de Fort Good Hope, de Fort Norman et de Norman Wells, dans les Territoires du Nord-Ouest. Le Canada s'est engagé à négocier sous peu des ententes d'autonomie gouvernementale avec les Dénés et les Métis. Le projet de loi C-33, Loi sur le règlement des revendications territoriales des premières nations du Yukon, et le projet de loi C-34, Loi relative à l'autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon ont également reçu la sanction royale au cours de l'été 1994. Les droits garantis en vertu des ententes sur les revendications territoriales aux signataires du Yukon sont des droits contemporains, issus de traités, qui bénéficient d'une protection constitutionnelle en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Les droits prévus par les ententes d'autonomie gouvernementale ne bénéficieront pas d'une protection constitutionnelle en tant que droits issus de traités, puisque ces ententes ont été négociées en vertu de la politique du gouvernement précédent qui ne reconnaissait pas le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. La troisième composante de ces revendications territoriales, soit le projet de loi C-55, Loi sur l'Office des droits de surface du Yukon, a reçu la sanction royale le 15 décembre 1994. Comme nous l’avons déjà mentionné, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a proposé d’apporter d’importantes modifications à la Loi sur les Indiens. Il prévoit présenter un projet de loi à la Chambre des communes d’ici la fin de l’année. CHRONOLOGIE 1725 - Conclusion du premier d'une série de traités de paix précédant la Confédération entre les peuples autochtones des Maritimes et le gouvernement colonial britannique. LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 34 1763 - La Proclamation royale de 1763 codifie une pratique coloniale de plus en plus répandue qui consiste à obtenir des Indiens qu'ils cèdent leurs terres avant qu'il y ait colonisation. 1867 - Promulgation du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 qui confère au gouvernement fédéral le pouvoir d'adopter des lois sur « les Indiens et les terres réservées pour les Indiens ». 1871-1921 - Négociation d'une série de traités numérotés importants concernant les provinces des Prairies et certaines parties de la Colombie-Britannique ainsi que l'Ontario et deux territoires. années 1870 à 1921 - Une série de « Commissions métisses » se déplacent avec les commissions aux traités pour trancher les revendications des Métis au titre ancestral en offrant à ces derniers un certificat de concession de terrains en tant que Métis. 1876 - Adoption de la première codification de la Loi sur les Indiens qui impose un système uniforme de gouvernement de bande assujetti au contrôle fédéral. 1889 - Dans l'affaire St. Catharines Milling and Lumber Co. c. La Reine, le Conseil privé statue que le titre indien en tant que « droit personnel de la nature de l'usufruit » ne peut être aliéné qu'à la Couronne. La Cour suprême du Canada a rejeté cette position dans les années 1980. 1969 - Le gouvernement fédéral publie un Livre blanc dans lequel il recommande la suppression de toutes les distinctions juridiques entre les peuples autochtones et les autres Canadiens. La politique est rejetée en bloc par les peuples indiens qui affirment la validité de leur position constitutionnelle unique. Le gouvernement retire le Livre blanc. - Le gouvernement fédéral annonce son intention de respecter ses obligations légales à l'endroit des peuples autochtones. années 60 et 70 - L'activité fébrile des Indiens à l'égard des revendications territoriales et d'autres questions entraîne divers changements à la politique fédérale des affaires autochtones et aux projets de recherche sur les revendications territoriales, dans tout le pays. 1973 - La décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Calder c. Procureur général de la Colombie-Britannique oblige le LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 35 gouvernement fédéral à reconnaître dorénavant l'existence en common law du droit ancestral. - Le gouvernement fédéral annonce des politiques sur les revendications globales et particulières pour régler les revendications fondées sur le titre ancestral non éteint, les droits issus de traités non respectés et d'autres obligations juridiques. 1974 - La Convention de la Baie James et du Nord québécois vise à régler les revendications des Cris et des Inuit du nord du Québec. Les négociations sont entamées avant l'annonce d'une politique des revendications globales. années 80 - Augmentation importante des poursuites relatives aux droits ancestraux. La Cour suprême du Canada, dans ses décisions, fait ressortir le fait que les droits ancestraux et le rôle de fiduciaire du gouvernement fédéral peuvent avoir pour effet d'imposer une obligation au gouvernement fédéral. 1982 - Promulgation de la Loi constitutionnelle de 1982 qui comporte trois dispositions sur les droits ancestraux et issus de traités (articles 25, 35 et 37). 1983 - La Proclamation modifiant la Constitution accroît le nombre de conférences des premiers ministres sur les questions constitutionnelles intéressant les autochtones et modifie les dispositions de 1982. 1984 - Signature de la Convention définitive des Inuvialuit pour le règlement des revendications des Inuit de l'ouest de l'Arctique ⎯ première et seule entente définitive conclue dans le cadre du processus des revendications globales. 1985 - Un groupe de travail fédéral chargé d'examiner la politique sur les revendications globales publie le rapport Traités en vigueur : ententes durables. Le gouvernement fédéral annonce des modifications à sa politique des revendications globales. 1986 - 1987 - Le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Nord tient des audiences sur la politique des revendications globales, mais ne présente pas de rapport. 1988 - Un comité spécial de l'Association du Barreau canadien examine les droits ancestraux et fait 30 recommandations dans son rapport Le droit des autochtones au Canada : Du défi à l'action. LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 36 1990 - Conventions définitives conclues avec les Dénés et les Métis des Territoires du Nord-Ouest et le Conseil des Indiens du Yukon au sujet de leurs revendications globales. Entente de principe conclue avec la Fédération Tungavik de Nunavut (est de l'Arctique). Entente finale signée en 1991. - Les affaires Sioui, Sparrow et Horseman sont les premières causes à être tranchées par la Cour suprême en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. 1991 - La Cour suprême de la Colombie-Britannique rend une décision défavorable dans l'affaire Delgamuukw concernant le titre ancestral des Gitskan et des Wet'suwet'en en ColombieBritannique. - Création de la Commission royale sur les peuples autochtones. - Le gouvernement fédéral propose de modifier la Constitution en vue d'y inscrire le droit à l'autonomie gouvernementale des autochtones. 1992 - Le Comité mixte spécial sur le renouvellement du Canada dépose son rapport sur les propositions fédérales de réforme constitutionnelle. Certaines de ses recommandations portent sur des questions intéressant les autochtones. - L'Accord de Charlottetown est rejeté par référendum national. S'il avait été entériné, cet Accord aurait eu pour effet de reconnaître officiellement dans la Loi constitutionnelle de 1982 le droit inhérent des autochtones à l'autonomie gouvernementale. - Le projet de loi C-94, Loi sur le règlement de la revendication territoriale des Gwich'in reçoit la sanction royale le 17 décembre. 1993 - Année internationale des populations autochtones. - La loi fédérale créant le Nunavut et confirmant l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut des Inuit de l'est de l'Arctique reçoit la sanction royale le 10 juin 1993. - La Cour d'appel de la Colombie-Britannique rend publiques huit décisions traitant des droits autochtones. L'arrêt Delgamuukw déclare que les droits de cueillette à des fins de subsistance des peuples autochtones Gitskan et Wet'suwet'en ne sont pas éteints par suite de promulgations coloniales. Le droit de vendre du LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 37 poisson à des fins commerciales est rejeté dans les affaires Van Der Peet, Gladstone et Smokehouse. - La Commission royale sur les peuples autochtones rend public son deuxième document sur les questions de l'autonomie gouvernementale, intitulé Partenaires au sein de la Confédération : Les peuples autochtones, l'autonomie gouvernementale et la Constitution. 1994 - Le 10 mars, la Cour suprême du Canada accepte d'entendre en appel les affaires Gladstone, Van Der Peet, Smokehouse, et Delagamuukw. - Le 12 mai, la Cour suprême du Canada rend sa décision concernant l'affaire Howard c. La Reine, qui faisait suite à des décisions des tribunaux inférieurs établissant qu'une disposition du Traité de Williams de 1923 avait éteint les droits de pêche des signataires indiens en Ontario. - Le projet de loi C-16, Loi sur le règlement de la revendication territoriale des Dénés et Métis du Sahtu reçoit la sanction royale le 23 juin. - Le 7 décembre, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le grand chef de l'Assemblée des chefs du Manitoba signent un accord historique visant le démantèlement des opérations régionales du MAIN au Manitoba. 1995 - Le 14 février le projet de loi C-33, Loi sur le règlement des revendications territoriales des premières nations du Yukon, le projet de loi C-34, Loi relative à l'autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon, et le projet de loi C-55, Loi sur l'Office des droits de surface du Yukon, entrent en vigueur. - La Commission royale sur les peuples autochtones publie son rapport intérimaire intitulé Conclure des traités dans un esprit de coexistence : Une solution de rechange à l'extinction du titre ancestral. La Commission des traités de la Colombie-Britannique et la Commission sur les revendications particulières des Indiens publient toutes deux leur rapport annuel, lesquels renferment des recommandations sur la façon d'améliorer le processus de règlement des traités et des revendications territoriales. - - La Commission d'établissement du Nunavut publie des rapports sur la structure à donner au nouveau gouvernement territorial et sur le choix de la capitale. LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 38 - Dans un document intitulé Un nouveau partenariat, daté du 16 juin, le juge Hamilton présente ses conclusions sur la façon de parvenir à la certitude en matière de revendications territoriales sans exiger la renonciation aux droits. - En août, le gouvernement fédéral publie sa nouvelle politique sur l'autonomie gouvernementale des autochtones. 1996 - En février, la Commission royale sur les peuples autochtones publie un rapport recommandant l’établissement de systèmes de justice pénale autochtones. - Signature, en mars, d’un accord de principe par les Nisga’a, le Canada et la Colombie-Britannique. - La Cour d’appel du Nouveau-Brunswick déclare que les récentes modifications apportées à la loi sur la taxe de vente de cette province sont invalides car elles violent les droits aux exemptions de taxes que l’article 87 de la Loi sur les Indiens confère aux bandes et aux Indiens inscrits. La province voulait ainsi limiter l’application de l’exemption de taxes aux biens et services achetés dans la réserve ou livrés dans la réserve par le vendeur. Par suite de la décision rendue par la cour, les Indiens inscrits et les bandes ne seront pas tenus de payer la taxe de vente sur les produits achetés dans la réserve ou à l’extérieur de la réserve dans la mesure où ces produits doivent être utilisés dans la réserve. (Union of N.B. Indians c. Min. des Finances, 135 D.L.R. (4th) 193). – La Cour suprême du Canada rend plusieurs arrêts-clés. Dans deux arrêts rendus en avril, la Cour rejette les règlements de la bande relatifs à la pêche dans la réserve et confirme que la Loi sur les pêches et son règlement d’application sont les mesures législatives qui s’appliquent (Nikal c. Lewis). En août, elle fait un examen approfondi des droits de pêche à des fins commerciales des autochtones dans les affaires Van Der Peet, Gladstone et Smokehouse. Elle déclare essentiellement que le droit, pour les autochtones, de vendre du poisson peut exister si ce droit formait partie intégrante des traditions, des coutumes et des pratiques distinctives de cette communauté autochtone avant le contact avec les Européens. En septembre, la Cour déclare qu’un droit ancestral peut exister indépendamment de la revendication du titre ancestral relativement à une terre (R. c. Côté et R. c. Adams). LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 39 BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE Assemblée des Premières Nations. Mémoire présenté au Comité mixte spécial sur le renouvellement du Canada. 10 février 1992. Aki-Kwe/Mary Ellen Turpel. « Aboriginal Peoples and the Canadian Charter of Rights and Freedoms ». Les cahiers de la femme, vol. 10, été/automne 1989, p. 149. Association du Barreau canadien. Les droits des autochtones au Canada : Du défi à l'action. Ottawa, 1988. Bartlett, Richard H. Indian Reserves and Aboriginal Lands in Canada : A Homeland. 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