BIOGRAPHIE DE LOUIS-CLAUDE DE SAINT

Transcription

BIOGRAPHIE DE LOUIS-CLAUDE DE SAINT
BIOGRAPHIE
DE
LOUIS-CLAUDE DE SAINT-MARTIN
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Le Ph. . Inc . , Louis-Claude de Saint-Martin,
profondément versé en spiritualisme, naît à
Amboise (près de Tours), le 18 janvier 1743. Il
reçois de sa seconde mère une éducation tendre
et pieuse : c’est d’elle qu’il apprend à aimer
Dieu et son prochain.
Encore très jeune, on l’envoie au collège
Port-Levoy. Il y découvre « L’Art de se
Connaître Soi-même » d’Abbadie, ouvrage
auquel plus tard il attribuera son détachement
progressif des choses de ce monde.
Ses parents le destinent à la
magistrature. Il s’applique à ses études, mais il
préfère les bases naturelles de la justice aux règles de la jurisprudence, qui lui répugnent.
Comprenant que ce sera son devoir de consacrer tout son temps à ses obligations
de magistrat, il s’engage dans l’Armée qui lui assure, en temps de paix du moins, le loisir
de poursuivre ses méditations et d’étudier l’Homme. Il s’enrôle comme officier, à l’âge
de trente-deux ans, au Régiment de foix, cantonné à Bordeaux.
Malgré son ardeur pour la philosophie spiritualiste, Louis-Claude de Saint-Martin
s’occupe activement aux affaires et aux tâches de son service militaire. Il fait la
connaissance de Martinez Pasquales, chef d’un ordre ésotérique appelé Martiniste, dans
laquelle, sous la direction de Martinez, il est initié par voie de formules, rites, pratiques et
ce qu’on appelle les « opérations théurgiques ». Mais cette initiation par incantation
magique ne satisfait pas l’esprit de notre philosophe. Il s’exclame fréquemment : « Mais
maître! Tout ceci est-il nécessaire pour connaître Dieu? » C’est néanmoins par cette
« porte » que Saint-martin s’aventure sur le sentier spirituel.
Les disciples de cette École prennent le nom hébreu de Cohen (prêtres). La
doctrine présentée par Marinez comme instruction secrète
(il l’avait reçue lui-même par tradition) se retrouve dans les
premiers écrits de Saint-Martin, particulièrement dans son
« Tableau Naturel des Rapports entre Dieu, l’Être humain
et l’Univers ».
Après la mort de Martinez, l’École doit se
transporter à Lyon. Prônant des idées opposées à celles des
Encyclopédistes, qui s’efforcent de propager leur doctrine,
Saint-Martin se met à combattre la philosophie athéiste et
attaque la forteresse du matérialisme révolutionnaire. Il
publie son premier ouvrage, dans lequel il prend à partie la
prétendue philosophie de la Nature et de l’Histoire Il
rappelle que la Vérité a son fondement dans le principe
même du savoir et dans la nature intelligente de l’être
humain. Il appuie ses preuves de citations des Écritures
traditionnelles, de manière à plaire aux
lecteurs alors imbus du style du Baron
d’Holbach.
Cette école de Marinez Pasquales à
Lyon ferme ses portes en1778, et les rouvres
à Paris dans le cadre de la Société G.P. ou
des
Philalèthes.
Ceux-ci
professent
ostensiblement les doctrines de Pasquales et
de Swedenborg, mais dans leurs travaux
philosophiques, ils recherchent moins la
Vérité que la connaissance des secrets. En
1784, Saint-Martin est invité dans ce milieu.
Il refuse de souscrire aux usages des
membres de cette société, qui lui semblent
parler et agir seulement à titre de FrancsMaçons et non en réels initiés ne faisant
qu’uns avec leur Principes. Mais il participe
volontiers à toutes les réunions ou l’on
s’adonne à des travaux qu’il estime valables.
Les manifestations des séances de
Martinez, faites avec la collaboration d’un
médium, lui ont déjà dévoilé la science des
esprits, l’identité des visions de Swedenborg ainsi que la science de l’âme. Et, bien qu’il
y croie, Louis-Claude considère cependant les phénomènes de somnambulisme
magnétique auxquels on s’appliquait à Lyon, comme relevant d’un ordre inférieur. (A
propos, il a eu une entrevue avec Bailli, l’un des commissaires désignés pour faire
enquêtes à ce sujet. Il essayait de convaincre son interlocuteur de l’existence d’un tel
pouvoir magnétique, sans complicité possible de la part du patient, lorsque, parlant de
certaines opérations exécutées sur des chevaux au moyen du magnétisme, Bailli soudain
l’interrompit : « Mais comment savez-vous que les chevaux ne pensent pas? »).
Mais sa recherche de la Vérité le pousse désormais à l’étude des sciences exactes.
Les mathématiques lui indiquent le sentier de la science des nombres et le conduisent à
une sorte d’intimité avec Lalande. Mais le point de vue des deux hommes, de plus en plus
divergent et antipathique, rompt bientôt cette amitié. Car même s’il n’y croit pas, Saintmartin craint le prétendu athéisme de Lalande. Il s’accorde mieux avec les idées de JeanJacques Rousseau, étant aussi d’avis que l’être humain est bon en sa nature. Saint-Martin
croit en outre que l’homme a perdu quelques choses qu’il peut retrouver. Et il estime que
l’être humain s’est détourné du droit chemin davantage par association pernicieuse que
par malice. D’ailleurs l’extrême sensibilité de Rousseau lui fait voir l’homme non pas tel
qu’il est, mais tel plutôt qu’il voudrait qu’il fût. Et en ceci Saint-Martin s’écarte
nettement de Rousseau, qu’il juge misanthrope.
Saint-Martin aime l’humanité, il la croit
meilleure qu’elle ne semble. Charmé par la bonne
société, il souhaite que les rencontres sociales en
viennent à manifester une plus grande intimité avec le
Principe. Lui-même, il se détend l’esprit en pratiquant
d’un instrument de musique, en se promenant dans les
champs et en conversant amicalement; et il se nourrit
l’âme en exerçant sa magnanimité. Il ne possède rien,
et cependant il a tout à donner, trouvant sa récompense
dans le contentement intérieur. Une simple
conversation lui apporte toujours quelques choses. Les
gens de la haute société, le Marquis de Lusignan, le
Maréchal de Richelieu, le Duc d’Orléans, la Duchesse
de Bourbon, le Chevalier de Rouffers parmi d’autres,
trouvent son spiritualisme trop élevé pour l’époque. Mais ils lui apportent la confirmation
de son idée sur les principes des grands sujets qu’il étudie, et lui permettent d’en pousser
le développement.
Jean-Jacques Rousseau
Car il s’entretient à la fois avec lui-même et avec d’autres, qui sont aussi les plus libres de
préjugés. Comme Pythagore, il étudie la Nature et les hommes, et compare le témoignage
des autres avec le sien propre. La devise de Jean-Jacques Rousseau « Vitam Impendere
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Vero » (« Consacrer Sa Vie à la Vérité ») s’applique très bien à notre Ph . . Inc . Son
unique but, ses études et ses travaux, tous axés sur la recherche de la vérité, le poussent
en effet à démissionner de l’Armé afin de pouvoir se consacré entièrement à la méditation
et à cette espèce de ministère
spirituel qu’il se sent appelé à exercer.
Grâce à une amie de Strasbourg, mme Boeklin, Saint-Martin découvre les
ouvrages du philosophe Allemand Jacob Boehme. En France, on considère déjà Boehme
comme un visionnaire. Louis-Claude se met alors à étudier l’Allemand afin de traduire en
français, pour son usage
précédents se révèlent ici en pleine lumière.
Jacob Boehme
Bientôt Saint-Martin pense de Boehme lui-même qu’il est « la plus grande lumière
encore jamais vue ».
En 1787, notre philosophe se rend en Angleterre. Il se lie d’amitié avec
l’Ambassadeur Barthélemy, qui lui fait connaître les écrits de William Law (décédé en
1781) sur la philosophie de Jacob Boehme.
L’année suivante, il fait un voyage à Rome en compagnie du Prince Galitzine.
« Je ne suis réellement un homme que depuis ma rencontre avec Saint-Martin », avouera
plus tard ce prince à M. Fortia d’Urban.
De retour d’Allemagne, d’Angleterre et d’Italie, Saint-Martin ne peut empêcher
qu’on le décore de la croix de l’Ordre de St-Louis. Il ne s’estime pas digne de cet
honneur qui, à propos, ne lui est pas conféré « pour service rendus », mais bien et plutôt
« en raison de la noblesse de ses sentiments ».
La Révolution ne détourne pas Saint-Martin de son but. Élevé par ses principes
au-dessus des considérations de naissance et d’opinion, il n’émigre point. Bien
qu’horrifié par les désordres, les excès, l’anarchie et le despotisme omniprésents, il est
d’avis que, par le soin de la divine
providence, un rayon de lumière jaillira du
terrible fléau.
En 1793, alors que tout sentiment de
famille et même de société tend à
s’estomper, Saint-Martin se rend au chevet
de son père paralysé pour lui rendre les
derniers services et les derniers devoirs.
Malgré ses difficultés pécuniaires, il
contribue comme tout bon citoyen au
soulagement des nécessiteux de sa
« commune ».
De retour à Paris, il apprend que son
nom figure sur la liste jointe au décret
d’expulsion du 27 Germinal, An II. Il se
soumet et quitte de nouveau la capitale.
Pendant que l’Europe agitée ne parle que de politique, Saint-Martin fait exception.
Sa correspondance avec un membre du conseil souverain de Berne nous révèle son intérêt
pour des questions plus
Jacob Boehme
élevées et plus subtiles. S’étant isolé du monde qui l’entoure, notre philosophe vit en
Hermite, n’entretenant pas de relations sociales. Il est devenu le « Robinson Crusoé de la
spiritualité ». Son isolement n’est toutefois pas total, car on trouve motif à l’arrêter, on
l’accuse de « conspiration religieuse » et on le dénonce au tribunal de la justice
révolutionnaire. L’insurrection du 9 Thermidor (27 juillet 1994), heureusement, lui
rendra sa liberté.
Saint-Martin n’oublie pas malgré tous ses devoirs publics. Il sert dans la Garde
Nationale (il est au Temple, en 1974, lors de l’emprisonnement du jeune Louis XVII –
fait étrange car, trois ans plus tôt, il avait été candidat au poste de gouverneur du
Dauphin…), En mai 1794, on l’engage pour libeller le catalogue des livres de sa
« commune ». (Il découvre des trésors de spiritualités dans « La Vie des Sœur Marguerite
de Saint-Sacrement ».) Vers la fin de cette même année, il est nommé « Maître de
l’Instruction Publique », en dépit du fait que sa noblesse l’empêche de résider à Paris. A
l’instar de Socrate, il prend soin de consulter son « génie » avant d’accepter la mission.
Se sentant appuyé par Dieu, il accepte, espérant pouvoir combattre et vaincre la
philosophie anti-sociale et matérialiste prédominante. Convoqué à Paris, il défend la
cause du sens moral contre les promoteurs du sens physique. La suite des événements
justifiera bien son engagement et sa lutte.
En 1795, il retourne dans son patelin et prend part à la première assemblée
électorale. (Notons que jamais Saint-Martin ne sera membre d’un corps législatif.) Et,
grâce à la paix entre la Suisse et la France, sa correspondance s’intensifie avec son ami
bernois, en particulier à propos de la philosophie de Jacob Boehme.
Au milieu de la révolution, il dit dans son langage spiritualiste : « La France est
visitée la première, et très sévèrement, parce qu’elle est la plus coupable ». Tout en
sachant donner plus d’un exemple de soumission à l’ordre établi, il a le courage de prôner
des principes très différents de ceux qui prévalent. Dans son ouvrage « Éclair sur
l’association humaine », il démontre à
nouveau que l’ordre social inspiré des
règles théocratiques est le seul
véritablement légitime. Tous ses écrits
demeurent
anonymes,
signés
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simplement : Ph. . Inc . « Lorsqu’il les
offre à ses amis, il leur demande de
garder le secret. Il reconnaît en Dieu
seul le principe de toute autorité et
rappelle à tous _ aux bergers comme
aux princes – l’unité du Principe dont
ils trouveront la loi inscrite en euxmêmes, sans qu’il leur soit nécessaire
de lire des livres, même pas les siens.
Cette idée fondamentale de notre
auteur conduit à l’introspection
spirituelle, par laquelle l’être humain
cherche à découvrir en lui-même la
connaissance du Principe de tout ce qui
est (une vue supérieure à la pure
intuition de Kant). Saint-Martin croit avec Boehme que c’est un art de découvrir sous les
apparences extérieures des êtres et des choses leur nature intérieure invisible. C’est un art
que l’on peut cultiver, et qui peut mener l’être intellectuel et moral à la connaissance de
toutes les sciences.
Saint-Martin s’intéresse aux découvertes de la science. Il les compare avec ce
qu’il apprend de Boehme et de ses propres méditations. Cet exercice l’incite à rédiger un
nouvel ouvrage, « L’Esprit des choses », dans lequel il s’efforce de soulever un coin du
voile, de jeter un peu de lumière sur une Nature que Boehme lui semble connaître par
inspiration Divine.
Par delà et malgré son savoir étendu et l’originalité de ses idées, Saint-Martin sait
demeurer un homme de bon sens, tout à fait modeste et simple. Il pourrait, grâce à son
heureux caractère et à son esprit communicatif, s’entourer de nombreux partisans; mais il
dédaigne le prosélytisme. Il veut avoir pour disciples ses propres amis, non les amis de
ses ouvrages. Il tient un journal de ses amitiés, et de même qu’il accumule des traductions
de son cher Boehme en prévision de ses vieux jours, de même il considère chaque nouvel
ami comme un possession, et calcule sa richesse en « rentes d’âmes ». Nul ne devine un
si profond savoir, une si extraordinaire illumination, de si sublimes vertus chez un
personnage aussi humble et aussi simple. Mais cette candeur, ce clame qui règle sa
conversation, disons même ce bienfaisant rayonnement qui se dégage de sa personne,
sont la manifestation du sage, de l’homme nouveau formé à une philosophie et à une
religion saines.
On imagine aisément chez cet être profond des espoirs croissants avec l’âge. Il
n’en est rien. Dès 60 ans, en parlant de la mort, il dit s’acheminer vers « la grande joie
qu’il attend depuis si longtemps ». Il semble en effet pressentir sa fin. Loin de s’en
affliger, il fait remarquer que la Providence a toujours pris trop soin de lui, et l’en
remercie. La campagne autour d’Aunay, près de Sceaux, lui offre toujours en spectacle
les beautés de la nature. Cela élève son âme, et le fait soupirer comme les Anciens
d’Israël, auxquels la vue du nouveau temple faisait regretter les charmes de l’ancien. (Les
termes de cette comparaison s’imposent à lui au cours des années, et il désire en
conserver la pensée jusqu’à sa mort.)
C’est alors qu’il réalise un vieux rêve en ayant un entretien avec le mathématicien
M. de Rossel, très versé dans la science des nombres et préoccupé de leurs sens secrets.
En quittant Rossel, Saint-Martin lui dit : « je sens que je vais m’en aller; la providence
peut m’appeler, car je suis prêt. Les graines que j’ai semées fructifieront. Je pars demain
pour la résidence d’été d’un ami. Je remercie le ciel de m,avoir accordé la dernière faveur
que je lui aie demandée « .
Le lendemain il part effectivement pour la campagne, chez le Comte Lenoir LaRoche, au pays d’Aunay qu’il aime tant. Le soir, après un léger repas, en se retirant dans
sa chambre, il a une attaque d’apoplexie. Pouvant à peine parler, il arrive à se faire
comprendre de ses amis qui l’entourent. Toute aide humaine devenue inutile, il les
exhorte à se confier à la Providence et à vivre ensemble comme des frères de l’Évangile
d’Amour. Il prie silencieusement et meurt, sans effort et sans douleur, le 13 octobre 1803.