Franz Schubert - UTL Landerneau

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Franz Schubert - UTL Landerneau
20/05/2013
Franz Schubert.
(1797 – 1828)
par Guillaume Kosmicki
Enseignant - conférencier en musicologie.
Formation : guitare classique et électrique, violon, direction de chœurs,
pratique de la musique électronique et de la musique assistée par
ordinateur.
Diplômes universitaires : Licence puis maîtrise de musique, DEA Arts
option musique.
Violoniste au sein de l’orchestre de chambre de Vannes, pupitre des
premiers violons.
Animateur de l’atelier d’histoire de la musique à l’UTL de Landerneau
(et bien d’autres)
http://guillaume-kosmicki.org/
Sommaire
Franz Schubert. ....................................................................................................................................................... 1
I.
Introduction : .................................................................................................................................................. 1
II.
Première période de composition, 1810 – 1819 :....................................................................................... 2
III.
Deuxième période créatrice, 1820 – 1826 :................................................................................................ 4
IV.
Dernière période créatrice 1827 – 1828 :................................................................................................... 5
I.
Introduction :
Franz Schubert a eu une vie très courte, 31 ans, plus courte que celle de Mozart, mort à 35 ans.
On peut dire qu’il a vécu à cheval sur deux siècles. Il a passé toute sa vie à Vienne : il y est né et il y
est mort.
Au XIXème siècle, la société change radicalement ; on assiste à l’avènement
d’une musique spécifiquement destinée à un public bourgeois ; Schubert est un des
tout premiers compositeurs romantiques, ne fréquentant que la petite bourgeoisie,
adoptant ses goûts, son mode de vie, son univers musical. Il se produisait lors de
concerts ou dans des salons.
L’apogée du romantisme se situe entre 1830 et 1848, entre deux périodes
révolutionnaires. 1830, ce sont « les trois glorieuses » en France et ses répercussions
en Europe (Allemagne, Italie, Belgique, Europe de l’Est) ; 1848 en France voit la fin
de la monarchie de juillet et l’avènement de la seconde république.
Schubert décède juste avant. Les grandes œuvres romantiques ont été composées par des
artistes nés vers 1810. Schubert est un compositeur de transition ; les derniers restes de l’ancien
régime finissent de disparaître. Avant, la musique était composée pour des mécènes ; Schubert n’a pas
eu de mécène ; il a essayé d’en trouver, en vain. Il a rencontré peu de nobles dans sa vie, à l’exception
des deux filles du Comte Esterhàzy auxquelles il donnera des cours en 1818 et 1824.
À cette époque, Vienne est imprégnée du style des Trois Grands Viennois :
Joseph Haydn (1732 – 1809)
Wolfgang Amadeus Mozart (1756 – 1791)
Ludwig van Beethoven (1770 – 1827)
Ils sont tous très proches, et les compositions de Schubert sont imprégnées de leur musique.
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À cette époque, on voit apparaître l’émergence du sentiment individuel
de l’artiste, de sa liberté de penser et d’agir. Elle se manifeste dans les arts,
d’abord dans la littérature, puis dans la musique, etc. (cf J. J. Rousseau : Les
Rêveries du promeneur solitaire).
Schubert adopte les thèmes du romantisme : le Moi (sentiments
personnels de l’artiste), l’amour malheureux, la nature (souvent troublée, agitée,
comme reflet de l’âme de l’artiste), l’exotisme, la rêverie (vague des passions), le
mystère, le fantastique, l’irrationnel, l’attrait pour les folklores et la culture
populaire comme gage d’authenticité (on recherche ce qui se sépare de
l’élitisme).
Le drame de l’artiste romantique est le moment où il redescend des sommets et doit raconter
au public ce qu’il a vu.
Schubert est fils d’un instituteur, violoncelliste amateur. Il connaît une enfance modeste ; il a
une belle voix et bientôt chante à l’église. Son premier professeur est Michael Holzer avec qui il
travaille le chant mais aussi l’orgue, le piano, le violon. Il réussi à un concours, il devient enfant de
chœur à la chapelle impériale. Il fait ses études au « Stadtkonvikt » (collège municipal) et se constitue
un réseau amical où se développe sa conscience politique, son goût pour l’histoire, son sentiment
national.
Il va ensuite avoir de très bons professeurs : Wenzel Ruzicka, organiste de cour, et Antonio
Salieri, maître de chapelle à la cour.
En 1810, sa voix ayant mué, il arrête le chant.
II. Première période de composition, 1810 – 1819 :
Il commence à écrire des lieder, ce qui est très exceptionnel à son âge. Au XIXème siècle, la
mode du lied va exploser dans les salons de la bourgeoisie.
Il compose également quelques quatuors, une symphonie, une messe sur le modèle des
classiques viennois.
En 1813, sa mère meurt ; cela provoque un choc chez lui, et il quitte l’École Normale.
En 1814, à 17 ans, il signe sa première œuvre importante (un lied) avec son propre style :
Gretchen am Spinnrade (Marguerite au rouet), sur un texte de Goethe. Marguerite pleure son
amour perdu ; le « Moi » règne.
Meine Ruh' ist hin,
Mein Herz ist schwer,
Ich finde sie nimmer
Und nimmermehr.
C’en est fait de mon repos,
Mon cœur est lourd,
Jamais, jamais plus
Je ne retrouverai cette paix.
Wo ich ihn nicht hab
Ist mir das Grab,
Die ganze Welt
Ist mir vergällt.
Là où il n’est pas,
C’est pour moi la tombe
Le monde entier
Ne m’inspire plus qu’horreur.
Mein armer Kopf
Ist mir verrückt,
Mein armer Sinn
Ist mir zerstückt.
Mon pauvre esprit
S’égare
Mes pauvres sens
S’obscurcissent.
Meine Ruh' ist hin,
Mein Herz ist schwer,
Ich finde sie nimmer
Und nimmermehr.
C’en est fait de mon repos,
Mon cœur est lourd,
Jamais, jamais plus
Je ne retrouverai cette paix.
Nach ihm nur schau ich
C’est seulement pour le voir
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Zum Fenster hinaus,
Nach ihm nur geh ich
Aus dem Haus.
Que je me mets à la fenêtre,
C’est seulement pour le voir
Que je sors de la maison.
Sein hoher Gang,
Sein' edle Gestalt,
Seine Mundes Lächeln,
Seiner Augen Gewalt,
Sa démarche altière,
Son port majestueux
Le sourire de ses lèvres,
Le pouvoir de ses yeux.
Und seiner Rede
Zauberfluß
Sein Händedruck,
Und ach, sein Kuß!
Le charme
De son discours,
La pression de sa main
Et son baiser !
Meine Ruh' ist hin,
Mein Herz ist schwer,
Ich finde sie nimmer
Und nimmermehr.
C’en est fait de mon repos,
Mon cœur est lourd,
Jamais, jamais plus
Je ne retrouverai cette paix.
Mein Busen drängt sich
Nach ihm hin.
Ach dürft ich fassen
Und halten ihn,
Mon corps
A soif de lui.
Ah, que ne puis-je le saisir
Et le tenir,
Und küssen ihn,
So wie ich wollt,
An seinen Küssen
Vergehen sollt!
Et l'embrasser
Tout mon saoul?
Sous ses baisers
Que ne puis-je mourir !
Avant Schubert, on composait des lieder sous la forme « strophique » : une strophe donnait la
mélodie, puis on écrivait une deuxième strophe avec la même mélodie, etc.
Schubert va inventer une nouvelle forme : il enrichit le texte avec sa musique.
Il utilise une forme rondo (avec refrain) qu’il combine très librement avec une forme lied :
(A B A) ; elle est connue sous le nom de forme “durchkomponiert”, ou forme continue.
Marguerite parle d’elle : A, puis elle parle de lui : B, de nouveau A, suivi d’un B un peu
modifié : B’ ; une autre mélodie suit : C , puis A, puis D, et enfin A’.
A – B – A –B’ – C (suspension) – A – D – A’
Dans le mouvement romantique, on pense que la musique peut être expressive…. Le rouet
tourne, comme la vie de Marguerite tourne sans fin…. Dans le C, le piano s’emballe, puis soudain tout
s’arrête, et le piano, avant la parole, reprend le thème initial ; il n’y a pas d’espoir.
C’est une pièce courte conçue comme un petit opéra, très romantique.
La forme est très libre.
1815 – 1816 : pendant cette période, il exerce le métier d’instituteur assistant auprès de son
père. En même temps, il compose toujours (144 lieder en 1815), mais ses tentatives de composition
d’opéra (11 au cours de sa vie), seront toutes vouées à l’échec.
L’écrivain romantique (et aussi compositeur) Ernst Theodor Amadeus Hoffmann (1776 –
1822), écrit en 1813 :
« Lorsqu’on parle de la musique comme d’un art autonome, on ne devrait jamais penser qu’à
la musique instrumentale puisque dédaignant le secours et l’immixtion de tout autre art, elle est seule à
s’exprimer avec l’absolue pureté d’un miroir de la véritable essence de l’art ».
Les mots sont peut-être un peu trop précis, pas assez romantiques ; le piano seul permet d’aller
plus loin dans l’expression des sentiments.
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Cependant, en 1815, il obtient de Goethe, l’autorisation de mettre en musique le Roi des
Aulnes (Erlkönig). Écrit sous la forme « durchkomponiert », l’œuvre est jouée pour la première fois en
1821.
À Vienne, après le départ de Napoléon, Metternich rétablit l’ordre dans le pays, et fait peser
une atmosphère oppressante dont va souffrir Schubert. En même temps qu’il compose, il va redevenir
temporairement instituteur.
Durant cette période, il reçoit un enseignement religieux important qui complète ce que lui a
transmis son père, très croyant et très pieux.
« On s’étonne beaucoup de ma piété, piété que j’ai exprimée dans une hymne1 à Marie, notre
Sainte Vierge, et qui semble avoir touché tous les cœurs, les invitant à la prière. Je pense que ça vient
du fait que je ne me force jamais pour prier et que je n’écris de telles hymnes et prières que lorsqu’un
tel sentiment s’empare de moi, et dans ce cas, je suis assuré que c’est là le recueillement juste et
véritable ». Lettre à son père, juillet 1825.
Ecoute : messe n° 2 « Agnus Dei »
Sa musique religieuse reste de forme classique.
En 1816, il décide de se consacrer exclusivement à la composition (il a 19 ans). Il va alors
mener une vie difficile ne survivant que grâce à la générosité de ses amis ; il connaît également des
problèmes avec les éditeurs Breitkopf, Schott, Peters, ne trouve pas ou difficilement des postes
d’enseignant. À l’heure où Vienne applaudit les virtuoses, notamment italiens, Schubert est un homme
discret, en retrait, qui n’a été que trois fois chef d’orchestre.
Il ne se produira souvent que dans des soirées d’amis, les « schubertiades », réunissant des
bourgeois et des étudiants bohèmes.
« C’est un temps où nous étions ensemble dans l’intimité, où chacun découvrait aux autres les
rejetons de son art, avec une crainte maternelle, attendant non sans quelque appréhension le jugement
que porterait leur amour et leur sincérité. Ces temps où, nous encourageant les uns les autres, un effort
unique vers le beau nous animait tous ».
Le « Moi » se trouve dans la composition, dans l’interprétation, dans l’auditoire.
En 1817 il compose 2 lieder : „Der Tod und das Mädchen“ (La Jeune Fille et la Mort), et
„Die Forelle“ (La Truite).
III. Deuxième période créatrice, 1820 – 1826 :
C’est une période de crise, sa situation est instable, il n’a pas de foyer, l’opéra allemand est un
échec tandis que l’opéra italien triomphe. Dans le mouvement romantique, il y a un sentiment
nationaliste, d’où l’envie de composer des opéras allemands. Metternich bloque les perspectives
d’avenir (amis arrêtés, exilés ; « génération de fous et de suicidés ») ; son régime est très autoritaire.
En 1822, il compose « Mein Traum » où il exprime son regret du paradis perdu.
En 1823, il contracte la syphilis, maladie incurable à l’époque, honteuse de surcroît. Il fait de
nombreuses crises de désespoir et se réfugie dans le travail. Durant cette période, de nombreuses
pièces restent inachevées. Souvent les symphonies avaient trois ou quatre mouvements ; Schubert peut
s’arrêter à une ou deux, quand il a fini d’exprimer ce qu’il avait à dire.
En 1820, « Quartettsatz » en ut mineur D 703.
Dans un quatuor classique, on a une forme en 3 parties : exposition, développement, réexposition. Mais chez Schubert, les explosions musicales arrivent dès le début. Le contraste est
saisissant avec par exemple une fugue de Bach d’où se dégage un sentiment d’ordre, d’équilibre.
Schubert utilise le déséquilibre, les chocs incessants, les tourbillons, pour dramatiser le
propos, pour traduire sa sensibilité romantique.
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Poème religieux.
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Exposition
Fugue introductive – Thème1 – Pont – Thème2 – Cadences
Développement
Ré-exposition
Thème1 – Pont – Thème2 – Cadences – Coda (fugue conclusive)
Comparons avec une fugue de Bach, BWV 578 en sol mineur, pour orgue :
Sujet – Contre-réponse ……………
Réponse – Contre-sujet ………
Sujet – Contre-réponse ………
Réponse ………
Dans « La Jeune fille et la Mort », on retrouve toujours des explosions musicales ; le thème du
destin est apporté par le musique.
La musique qui accompagne la
jeune fille va être brusquée, alors que la
mélodie de la mort est très douce.
Dans le quatuor n° 14 en Ré mineur D 810, un thème est développé avec une orchestration,
puis un autre thème arrive en variation, etc.
Schubert utilise la forme d’accords plaqués, inventée par Luther.
La musique illustre la poétique musicale du texte.
Le « malaise existentiel » est une sorte de credo des romantiques.
« Imagine-toi un homme dont la santé n’arrive jamais à se rétablir et auquel son désespoir fait
sans cesse gâter les choses au lieu de les améliorer, imagine-toi, dis-je, un homme dont les espérances
les plus radieuses ont été réduites à néant, pour qui le bonheur de l’amour et les joies de l’amitié ne
sont, tout au plus, qu’une source de souffrances, en qui l’enthousiasme du beau (du moins sa vertu
stimulante) menace de s’éteindre, et demande–toi si cet homme-là n’est pas méprisable et
malheureux ? » 1824, lettre à Léopold Kupelwieser.
IV. Dernière période créatrice 1827 – 1828 :
Après la mort de Beethoven, il étudie assidûment Haendel et Bach, reprend des cours de
contrepoint et d’harmonie auprès de Simon Sechter, futur professeur de Bruckner.
En 1827, c’est Le Voyageur d’Hiver, cycle de lieder, où il parle de la liberté de la
promenade…
1827, Fantaisie en Do majeur D934, pour violon et piano.
Septembre 1818 : Sonate pour piano D959 en La Majeur …
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Schubert, dans un style minimaliste, va écrire de petites pièces où il développe une idée, un
moment, une couleur ; ce seront ses « impromptus » (8). Cette forme sera reprise plus tard par Chopin
et Liszt.
Symphonie n°9 en Ut Majeur D 944 (La Grande)
Quintette à cordes en Ut Majeur D 956
Il meurt d’une fièvre typhoïde, le 19 novembre 1828.
Son œuvre comporte plus de 1 000 compositions en majorité inédites de son vivant (un seul
quatuor sur 15 sera joué en public).
Schubert a peu connu le succès durant sa vie ; Schumann le fera redécouvrir dans les années
1840.
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