MARIE-LAURE GOBAT
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MARIE-LAURE GOBAT
journées de la céramique MARIE-LAURE GOBAT-BOUCHAT Marie-Laure Gobat-Bouchat venait pour la troisième fois aux Journées de la céramique présenter son monde secret entre terre et textile. Le trait délicat de la broderie ou la douceur moelleuse du tricot que partageaient les femmes autrefois durant les longs mois d’hiver auprès des enfants lle est originaire du Jura suisse, dont Esaveur elle aime la blancheur hivernale et la des forêts. Au cours des années 1990, elle a étudié les Arts appliqués, à La Chaux-de-fond pour le textile, à Bienne pour les arts visuels, à Vevey pour la céramique. De tout cela, sa mémoire n’a rien oublié. Marie-Laure Gobat-Bouchat réalise des œuvres en porcelaine, blanches comme neige, qu’elle anime de la teinte vive d’un enroulement de fil coloré. Elle modèle des bandes de porcelaine, les affine à l’extrême, les pressant sur un tissu offrant un certain grain, enroulé autour de son doigt. Précieuse étoffe encollée, au nom désuet de vizeline dont le toucher produit un effet ponctué, vibrant, sur ce que la céramiste appelle l’« épiderme » de la porcelaine. Certaines pièces restent dans leur blancheur. Les bandes de porcelaine, fines et délicates, peuvent être enroulées sur elles-mêmes, telle une écorce vidée de sa substance. Des trous béants laissent apparaître l’ombre que recouvre la blancheur paisible de la porcelaine. Univers blanc aussi, comme des sections de tronc d’arbre, évidées, refermées, ces pots semblant remplis à ras bord, fermés par une mince plaque. Il s’en élève, on ne sait comment, une de ces branches dont Marie-Laure Gobat-Bouchat a le secret, faits de petits rouleaux de porcelaine, modelés à la main, fixés l’un à l’autre, déformés par la cuisson, offrant leur présence végétale. D’autres pièces font intervenir violemment la couleur. Leurs formes blanches évoquent là encore l’écorce enroulée sur elle-même, sans début ni fin, encerclant le vide. Comme sur un tronc d’arbre, d’un nœud peut jaillir une branche ténue. Et soudain tout s’anime. La vie renaît par la couleur. Patiemment, un fil rouge ou plus récemment, bleu, est enroulé dans une multitude juxtaposée, un brin ténu après l’autre. La couleur surgit « comme dans les vaisseaux sanguins ». Cette intensité a souvent été comparée au corail ou au lapis. Ce peut être aussi une peau protectrice ranimant l’univers diaphane par sa couleur. À l’extrémité des branches, la porcelaine s’échappe comme un bourgeon poussé par la sève. Récemment, Marie-Laure GobatBouchat a voulu traduire le rythme des saisons. Comme dans un conte, de quatre groupes de trois pots fermés, émerge une branche où s’enroule la couleur du fil. D’un pot à l’autre, d’un mois à l’autre, la teinte passe du bleu, au vert, à l’orangé, véritable nuancier à travers l’année. Sous le mince couvercle, le doigt rencontre la douceur d’un univers floconneux, celui de laine. La créatrice a voulu retrouver le souvenir d’une sensation lointaine, éprouvée dans le grenier d’une grand-mère, lorsqu’elle glissait le doigt dans une caisse emplie de laine, découvrant une douceur d’où quelque chose pouvait renaître. L’œuvre aérienne, et pleine de poésie chuchote les forces de la nature sous la neige glacée de l’hiver. Dans l’atelier, les rouleaux de vizeline, les bobines de coton coloré, la pureté de la porcelaine entraînent dans le bruissement d’un monde que nous oublions parfois d’écouter. marielle ernould-gandouet 60Ila revue de la céramique et du verre n° 198 septembre-octobre 2014 journées de la céramique « Du fil à la terre ». Marie-Laure GobatBouchat, sculptures céramiques. Galerie Médiart, Paris, en avril 2014. Journées de Saint-Sulpice 2014, du 3 au 6 juillet. n° 198 septembre-octobre 2014 la revue de la céramique et du verre I61