Intervention de Bernard THIBAULT 25 nov 2010

Transcription

Intervention de Bernard THIBAULT 25 nov 2010
 Intervention de Bernard Thibault 25 novembre 2010 Cher(e)s Camarades, C’est toujours avec beaucoup de plaisir et, je le reconnais, avec une certaine émotion que je m’adresse de nouveau aux congressistes de notre Fédération. Replonger, ne serait-­‐ce que quelques heures, dans ses racines d’origine offre un moment agréable, d’aucuns diraient un bain de jouvence. Dans son rapport d’ouverture, dont j’ai pris connaissance, Gilbert a largement décrit le contexte national et international qui entoure ce congrès. Il a amplement argumenté l’analyse sur le plan économique et politique et décrit par le détail les défis syndicaux à relever, tant vis-­‐à-­‐vis des revendications des personnels qu’à l’égard de l’avenir du transport ferroviaire et du service public. Dans le temps qui m’est imparti, je me concentrerai sur quelques réflexions sur notre appréciation de la période actuelle en m’appuyant sur les travaux du Comité confédéral national de la CGT qui était réuni la semaine dernière. Il y a beaucoup d’éléments à exploiter de l’analyse de la mobilisation de ces derniers mois contre la loi réformant les retraites, sur ses caractéristiques et sa portée, comme sur la place centrale qu’occupe la CGT, et les responsabilités qui en découlent. La réflexion ne peut bien sûr pas être achevée à ce stade, mais nous pouvons d’ores et déjà affirmer que notre démarche est confortée, au travers des événements, tout comme notre statut de première organisation syndicale et les responsabilités qui y sont liées. Je sais que vous avez vous-­‐même procédé à l’analyse de l’implication des syndicats de cheminots dans ce mouvement. Il est nécessaire que toutes les organisations de la CGT puissent procéder à leur propre évaluation. Après des semaines où l’immédiat et l’obligation de faire face au quotidien ont prédominé, essayons de trouver les espaces pour que la réflexion, l’analyse sur les événements soient organisées jusqu’au niveau du syndicat. Le retour d’expérience est utile pour tout le monde. 1 Le sentiment dominant dans la CGT est une réelle fierté vis-­‐à-­‐vis du combat mené et une certaine fierté de constater une grande harmonie entre les aspirations des syndiqués, des militants et ce que nous sommes parvenus à faire ensemble par une implication très large des organisations de la CGT. Même si ce sentiment n’est pas totalement unanime, c’est un constat précieux pour la suite, sur lequel nous allons pouvoir nous appuyer. J’ai déjà eu l’occasion de l’exprimer plus largement mais, comme vous m’en donnez l’opportunité, je voudrais de nouveau vous féliciter, comme l’ensemble des militants pour le travail accompli et particulièrement les syndicats de la Fédération et la Fédération elle-­‐même, pour la place occupée dans cette gigantesque mobilisation interprofessionnelle qui a marqué les esprits, fait bouger les lignes bien au-­‐delà de nos frontières. Ce qu’il est coutume d’appeler la bataille des idées continue. Vous constatez chaque jour les efforts déployés pour accréditer l’idée que l’action syndicale est inefficace, voire inutile, que tout cela aboutit à un succès politique pour Nicolas Sarkozy, bien que la côte d’impopularité de sa politique économique et sociale oscille toujours entre 60 et 70 %. Pour l’anecdote, il se trouve qu’hier matin je rencontrais le nouveau Ministre du Travail, Xavier Bertrand, qui n’est d’ailleurs pas un nouveau dans le circuit. Il m’informait que le gouvernement allait envoyer une notice explicative de la loi sur les retraites à 26 millions de foyers. Je n’ai pas pu m’empêcher de rire lorsqu’il a cru bon d’ajouter que ce serait une information « neutre ». Il me l’a garanti, la main sur le cœur. Hier soir, je prends connaissance de cette brochure. On peut y lire, par exemple, tout un chapitre qui explique : « une meilleure protection des plus fragiles ». Nous sommes trop sérieux à la CGT pour nier des évidences. Nous nous sommes donnés l’objectif d’empêcher l’adoption de cette loi sur les retraites ; nous n’y sommes pas parvenus. Il est donc normal que puisse s’exprimer une certaine déception, voire une certaine amertume dans un mouvement d’un tel niveau, mobilisant des millions de salariés, dont beaucoup descendaient pour la première fois dans la rue. C’est d’autant moins surprenant qu’il s’agissait pour ceux là d’une des premières expériences de bataille avec un pouvoir politique sur des enjeux de grande portée. Cette amertume, voire cette colère, s’exprime surtout en direction du pouvoir politique, du chef de l’Etat, de sa majorité, et c’est parfaitement légitime. Ce constat ne doit en rien nous limiter dans notre analyse en profondeur des forces et des limites du mouvement. Quand les salariés cumulent un grand nombre de jours de grève, il est normal qu’ils en attendent des résultats. C’est vrai pour les cheminots comme pour tous les salariés. Il n’y a pas de bataille dans laquelle on se lance, sans viser le succès. En même temps, il n’est pas banal que sans avoir obtenu le succès escompté, ce ne soit pas le découragement qui l’emporte, bien au contraire. Le sentiment d’injustice amplifie la détermination. 2 Il n’est pas banal non plus que la solidarité financière atteigne un niveau si important en si peu de temps, tant au niveau des organisations locales qu’auprès de la Confédération. Nous avons une responsabilité morale maintenant, c’est de faire en sorte que les fonds collectés aillent en soutien aux salariés qui ont fait des grèves et qui en ont le plus besoin. Nous nous sommes engagés à communiquer publiquement la manière dont cette solidarité financière, adressée à la CGT, aura été redistribuée. Prenons le temps de discuter avec ceux qui seraient déçus. Nous avons besoin de toutes les forces pour la suite. Cela vaut donc le coup de prendre le temps de discuter. Il n’y a pas de raison de désespérer parce que contrairement à ce que voudraient accréditer le pouvoir et le patronat, la partie n’est pas terminée. Nous ne sommes pas sur un terrain de football, la durée des prolongations c’est nous qui allons la déterminer. Pour dire les choses clairement, nous entendons poursuivre la mobilisation sur le dossier retraite, même si à ce stade la façon de poursuivre la mobilisation nécessite un large débat avec les salariés. Je sais bien que la formule « aller jusqu’au bout » questionne, dans la CGT mais aussi à l’extérieur. Par principe, cela sous-­‐entend qu’il n’y a pas à prédéterminer la nature des événements ultérieurs. A travers ce mouvement, la perception de ce qui oppose la logique du capital aux aspirations et aux besoins sociaux a progressé. Nous savons, pour notre part, que cette opposition est permanente. Ce qui n’est pas forcément possible à l’instant T peut redevenir possible en d’autres circonstances. La puissance de cette mobilisation repose en partie sur ce que nous avons été capables de faire ensemble dans l’année 2009 lorsqu’il s’est agi, chacun s’en souvient, en pleine période de crise de dénoncer les origines mais aussi les conséquences de la crise et la facture payée par les salariés. Les manifestations qui ont eu lieu en France ont été parmi les plus importantes. Elles posaient déjà sur un plan intersyndical des questions fondamentales au plan de l’analyse de la crise et des exigences revendicatives. Cela n’apparaissait pas forcément avec cette évidence à l’époque. Mais nous sommes en droit d’apprécier aujourd’hui que les mobilisations puissantes de 2009 ont à la fois annoncé et préparé la bataille sur l’avenir des retraites. Ce qui s’est passé ces dernières semaines ne va pas se diluer dans la société du jour au lendemain comme l’espère ceux qui voudraient que les salariés passent à autre chose. Nous pouvons prétendre, au contraire, que ce que porte cette mobilisation est durable. Le choix politique du Président de la République de ne pas ouvrir de négociations s’est heurté au rejet à la fois du contenu de la réforme et de la méthode elle-­‐même, par une grande majorité de la population française. Beaucoup de salariés ont pris conscience qu’il est possible en s’organisant et en se mobilisant dans le cadre de l’action syndicale d’être plus forts. Pas autant qu’ils le souhaitaient, mais la perception de l’utilité de l’engagement syndical a grandi. Forts de cette conscience, nous allons donc continuer la bataille: Tout d’abord sur la retraite : 3 . Le recul de l’âge minimum de départ de 60 à 62 ans pour le régime général ne commence qu’au 1er juillet 2011, il n’y a donc pas à abandonner la revendication parce que la loi est promulguée. . La reconnaissance de la pénibilité, a été l’une des très fortes revendications qui ont suscité cette mobilisation. Soyons à la hauteur du refus clair et net de la plupart des salariés, qui sont dans des métiers pénibles, de travailler plus longtemps. La revendication du droit au départ anticipé est légitime, nous allons continuer de la porter par des initiatives appropriées. Ce mouvement a de fait débordé sur d’autres thèmes revendicatifs : Les inégalités entre les hommes et les femmes ont fait apparaître une grande disponibilité à se mobiliser sur cet enjeu, de la part des femmes, mais pas uniquement. Comment pouvons-­‐nous nous appuyer sur ce qui s’est exprimé pour en faire une des priorités de nos cahiers revendicatifs. De façon plus large, il s’agit de traduire concrètement les revendications exprimées par les salariés dans les entreprises en objectifs précis et accessibles, notamment dans les négociations annuelles obligatoires (NAO). L’examen de la situation salariale et le traitement des inégalités seront l’occasion de faire bouger les lignes, en s’appuyant sur la force et la conscience du mouvement. Il s’agit aussi de prendre en charge tout ce qui a émergé à propos de la réalité du travail. Ce refus du recul de l’âge de la retraite, cet énorme décalage entre cette vision comptable des retraites et les aspirations des salariés, s’explique par la cécité de la vision comptable vis-­‐à-­‐vis de la réalité du travail d’aujourd’hui. C’est ce qui s’est exprimé sur l’organisation du travail, la souffrance au travail, l’intensité du travail. Enfin, comment ne pas prendre à bras le corps la réalité sociale des jeunes, leurs aspirations, leurs inquiétudes, le refus d’une précarité comme porte d’entrée systématique, voire comme seul horizon ? Un responsable d’une organisation de jeunes me disait que de plus en plus pour un jeune aujourd’hui, obtenir un CDI apparaît comme un « conte de fées », un horizon inaccessible. Lors du congrès confédéral, nous avons fait des jeunes l’une des priorités de la CGT. Je sais que la fédération des cheminots apporte déjà une grande attention à cette question. Mais ce mouvement appelle à faire encore plus et ce, à une échelle interprofessionnelle. Nous allons continuer à travailler notre triptyque retraite – emploi – salaires. Tout en consacrant une part importante de notre énergie à la bataille sur les retraites, nous avons fait constamment le lien avec la question de l’emploi et celle des salaires. Nous avons progressé dans notre capacité à conjuguer revendications et mobilisations nationales interprofessionnelles et travail et initiatives revendicatives adaptées au lieu de travail, à l’entreprise, à la profession, à la localité. Nous avons besoin que chaque organisation fasse son propre bilan sur ce que nous appelons l’ancrage revendicatif à l’entreprise. 4 Notre analyse du mouvement ne saurait faire l’impasse sur notre démarche de syndicalisme rassemblé. Les spéculations sur l’échec programmé de cette démarche unitaire ont été permanentes de l’extérieur. L’unité devait à chaque réunion intersyndicale se fissurer. Certes, tout n’est pas parfait, y compris dans les rapports intersyndicaux, et à tous les niveaux. Mais nous n’avons pas le droit de négliger ce que nous avons contribué à construire à une échelle nationale. Et ce n’était pas gagné d’avance sur un sujet comme les retraites. La réalité des rapports unitaires est parfois très différente au niveau des entreprises ou des fédérations professionnelles. D’un secteur à un autre, il y a d’énormes différences de situation pour des raisons parfois historiques ou politiques. Vous le savez bien, vous les cheminots, la bataille pour l’unité n’est pas un long fleuve tranquille. Nous avons contribué à faire progresser l’idée que les syndicats se devaient d’être, a priori, dans une démarche unitaire lorsque l’essentiel est en jeu. Cela ne veut pas dire que ce soit garanti une bonne fois pour toutes. La CGT est plébiscitée dans sa place de première organisation, par son rôle moteur du syndicalisme français et parce qu’elle est porteuse de l’exigence d’unité. Autre marque de fabrique de la CGT, la construction démocratique du mouvement. Le « retour d’expérience » sur la démocratie dans la conduite du mouvement et des mobilisations et dans la définition des revendications et des formes de luttes est aussi nécessaire. La démocratie doit aujourd’hui s’adapter à un salariat en évolution. Les cheminots ont eu le souci, lors de ce conflit, de ne pas se trouver seuls devant, comme une locomotive sans wagons, Didier l’a souvent répété. La grève a revêtu des caractéristiques différentes des précédentes mobilisations de grande ampleur. Dans certains secteurs, des entreprises ont connu des grèves reconductibles sans qu’existent de sections syndicales. A l’inverse, dans certains lieux dotés d’une présence CGT ancienne, la suggestion du recours à l’arrêt de travail n’a pas forcément été posée par les nôtres. Comment expliquer ces différences ? La précarité du salariat a incontestablement une influence sur la manière dont des salariés peuvent s’engager dans l’action. Mais, la conviction que dans une bataille interprofessionnelle, on doit y aller « tous ensemble »et avec la même conviction peut encore progresser. La démocratie est aussi une condition pour être en capacité de déjouer les provocations, les tentatives d’instrumentalisation ou la volonté répressive comme le gouvernement l’a illustré. Ceux-­‐là même, en temps de crise, qui livrent les fonctionnaires et les salariés des entreprises et des services publics à la vindicte populaire comme des preneurs d’otages sont à l’origine des choix politiques qui menacent la conception et l’intérêt général du service public. Il n’est pas acceptable et nous ne l’acceptons pas que se soient multipliées les interventions policières musclées, les recours aux réquisitions, les arrestations et les condamnations à la prison, pour l’exemple, à l’image de celle infligée à notre camarade Jérôme ZIMMER de Saint-­‐Nazaire. 5 Il y a, plus largement, beaucoup d’enseignements à tirer de ce mouvement pour la CGT elle-­‐même. Au cours de cette séquence, nous avons mieux articulé l’intervention des différentes structures professionnelles et interprofessionnelles de la CGT, dans la conduite et le pilotage de la mobilisation. La place qu’a occupée la CGT a été largement valorisée. La participation dans les rangs CGT d’un grand nombre d’inorganisés comme les enquêtes d’opinion en sont les meilleurs indicateurs. Je suis convaincu que nous en verrons la traduction dans les élections professionnelles de Mars. Nous avons la confirmation que notre capacité d’influence va bien au-­‐delà des forces organisées, mais en même temps nous avons confirmation que nos capacités de mobilisation sont bien indexées sur nos forces organisées. Cela confirme le lien entre forces organisées et capacités d’atteindre nos objectifs revendicatifs. Nous avons donc un nouveau potentiel de syndicalisation à concrétiser. Nous lançons une vaste campagne de syndicalisation dans laquelle je vous appelle à prendre toute votre place. Des dizaines de milliers de salariés ont manifesté, pour certains d’entre eux la première fois, et l’ont fait en se mettant un badge CGT sur la poitrine. Comment allons-­‐nous les retrouver, les revoir, les recontacter tous ceux-­‐là ? C’est aussi l’émergence de nouveaux militants qui nous appelle à réfléchir avec eux sur la façon dont ils peuvent prendre des responsabilités dès maintenant. C’est une séquence qui nous conforte aussi dans la nécessité de mettre en œuvre concrètement nos résolutions de congrès en termes d’évolution de structures, aussi bien au niveau des syndicats que des unions locales. Nous avons recensé plus de 9 300 adhésions depuis septembre (environ 500 cheminots, beau résultat), la création de bases nouvelles. Il y a donc de réels motifs de satisfaction. Le MEDEF, tapi dans l’ombre pendant des mois, revient avec la perspective de nouvelles « délibérations sociales ». La CGT, par principe, veut des « négociations » pour faire avancer la situation des salariés. Elle n’entend pas se laisser enfermer dans des délibérations pour meubler le calendrier pendant des mois. Autre chose sont les deux négociations à venir sur les retraites complémentaires et l’assurance chômage, qui constituent des rendez vous incontournables et dont les conclusions seront très importantes pour des millions de salariés. La Confédération s’organise en conséquence. Une série de matériels et de formations adaptés à ces nouvelles batailles sont en cours d’élaboration, de même qu’un numéro spécial de la NVO qui reviendra sur les enjeux de la période, début décembre. La feuille de route fixée au gouvernement par le Président de la République et le discours dit de politique générale prononcé hier après-­‐midi par le Premier Ministre à l’Assemblée Nationale 6 n’entretiennent pas de suspense : il n’y a pas de place dans leurs esprits à la satisfaction des revendications. Bien au contraire, de nouvelles offensives se dessinent. Le programme annoncé est constitué d’une réforme sur la dépendance des personnes âgées qui s’est élargi hier par l’annonce par François Fillon d’une mise à plat de la protection sociale. Il est évident que la CGT interviendra sur ces enjeux, avec ses propres propositions. L’annonce de la suppression du bouclier fiscal et de l’impôt sur la fortune est promise en cadeau avec un bonus d’un peu plus de 3 milliards d’euros à la clé pour les plus fortunés du pays. Nous avons l’ambition d’être un acteur qui compte dans le débat qui va s’amplifier. Les deux autres éléments de la feuille de route présidentielle sont l’immigration et la sécurité. Ne soyons pas dupes de cette posture qui consiste à monter une équipe de campagne en vue du rendez-­‐
vous électoral de 2012, en privilégiant ce que le Président de la République estime être son « noyau dur » électoral. Cette volonté de faire l’impasse sur l’aggravation des inégalités est affichée dans le contexte d’une crise économique et financière qui est loin d’être close, aussi bien en Europe qu’à l’échelle internationale. Et ce ne sont pas les maigres résultats des travaux du G20 qui peuvent entraîner l’optimisme. La communication de circonstance et les photos de famille, cachent mal l’absence de mesures structurelles au plan économique, social, et financier à la hauteur de la situation. Rien qui puisse laisser à penser que les choses vont se redresser. Au contraire, de nouveaux motifs d’inquiétude se font jour. La situation de l’Irlande, attaquée par la spéculation après avoir joué le dumping social et fiscal montre qu’après la Grèce tous les pays sont aujourd’hui potentiellement sur la sellette. La situation monétaire à l’échelle internationale est caractérisée par de graves déséquilibres. Ainsi, les pronostics présidentiels sur une amélioration en matière d’emploi sont contredits par les menaces qui pèsent à l’évidence sur la situation économique. C’est à l’inverse le risque d’une courbe toujours menaçante du chômage et de la précarité qui se profile. D’un point de vue structurel, nous ne sommes pas du tout à l’abri de crises plus importantes encore. Le Premier Ministre répond aux revendications par la rigueur budgétaire, l’exigence de compétitivité internationale et la flexisécurité. Décodé, ça donne plus de flexibilité dans l’utilisation des salariés. Les entreprises se voient ouvrir de nouvelles perspectives de cadeaux fiscaux au nom de l’harmonisation européenne. Avec eux, le capitalisme a de beaux jours devant lui. C’est dans ce contexte que se présente le rendez vous européen du 15 décembre, veille du sommet des chefs d’Etats. Au sein de l’intersyndicale nous avons été à l’initiative pour annoncer que nous serions partie prenante de l’action européenne. Les organisations de la CGT ont répondu présentes lors de la manifestation à Bruxelles le 29 septembre, témoignant d’une grande compréhension des enjeux. Nous sommes aujourd’hui dans une phase où l’action syndicale a besoin de se développer sur une base nationale, comme c’est le cas dans plusieurs pays, comme cette semaine en Espagne, hier au Portugal, ce week-­‐end en Italie. Je salue la présence des syndicats amis présents au congrès. 7 Le CCN a retenu, pour le 15 décembre, le principe d’une journée de mobilisation de masse, les modalités ne sont pas encore précisées. Je vous le dis avec une intime conviction, chers camarades, il y aura de nouvelles mobilisations interprofessionnelles dès le début de 2011. C’est la situation qui l’exige. Chacun comprend bien qu’avec l’instauration du quinquennat, le rythme des échéances électorales se resserre puisqu’à chaque mi-­‐quinquennat, se prépare le suivant. Plus nous avançons, plus le rendez-­‐vous de la présidentielle de 2012 va être présenté par les uns et les autres comme le rendez-­‐vous principal majeur, voire sacralisé. La meilleure contribution que la CGT puisse apporter, sans se désintéresser de l’échéance de la présidentielle elle-­‐même, c’est de continuer à faire ce qu’elle a à faire en toutes circonstances : faire émerger les revendications, travailler et créer les conditions pour que le rapport de force nécessaire à leur satisfaction soit réalisé pour des réponses dès maintenant. Ce n’est pas une négligence ou une ignorance de ce que représente un rendez-­‐vous électoral, mais nous ne pouvons pas être de ceux qui considèrent qu’un seul rendez-­‐vous compterait pour que les salariés soient entendus sur leurs aspirations et leurs revendications. D’autant plus que la dégradation de la situation faite aux salariés se pose dès maintenant. Au nom de quoi, faudrait-­‐il qu’en tant que syndicat, nous devions renvoyer à des échéances ultérieures la réponse aux revendications ? On peut aussi prétendre que les batailles revendicatives qui se développent dans les entreprises, les professions, seront de nature à faire réfléchir tous les acteurs politiques sur le contenu de leur programme, sur leur vision de la société de demain. Naturellement, la CGT au moment opportun, comme elle l’a toujours fait à l’occasion d’échéances électorales, aura l’occasion de dire ce qu’elle estime devoir dire avant les élections présidentielles. Ce 41e Congrès de notre Fédération est l’occasion d’un renouvellement de sa direction. Ce qui est un exercice régulier dans le fonctionnement de nos organisations prend un relief particulier dès lors qu’il s’agit d’élire un nouveau Secrétaire général, puisque Didier a décidé de faire valoir ses droits à la retraite, comme vous le savez. Cette responsabilité de Secrétaire général est bien singulière et Didier a pu en faire le constat. Exposé plus qu’à l’ordinaire aux aléas du traitement médiatique, parce que la CGT demeure, au grand dam du pouvoir, la force syndicale principale de la profession. Il s’est dit, il s’est écrit beaucoup de choses sur le Secrétaire général de la Fédération, et encore pendant ce congrès. Aussi permets-­‐moi, Cher Didier, à titre personnel et au nom de la direction confédérale, de te remercier sans réserve pour le travail accompli. Nous savions, avec les autres membres de la direction fédérale de l’époque, qu’en te sollicitant à cette responsabilité nous ne nous trompions pas et nous en avons eu confirmation. Je me souviens des réticences exprimées à ce moment là par les camarades du Secteur de Paris Sud Est, non pas parce qu’ils ne partageaient pas notre opinion sur tes qualités mais ils auraient préféré qu’elles restent exclusivement réservées à ton secteur d’origine. Ils ont pu constater, avec nous, et au fil du temps que nous avions fait le bon choix. 8 Beaucoup d’événements ont traversé ces dix années. Beaucoup d’entre vous les ont vécus, avec Didier en première ligne : bouleversement des structures et des activités de l’entreprise, restriction du droit de grève, réforme des régimes spéciaux …, je n’évoquerai pas toutes ces occasions où les syndicats et la Fédération étaient sur le pont et ont dû monter au front pour défendre les revendications dans un milieu hostile où se multipliaient les campagnes de dénigrement de la part de tous ceux qui n’acceptent pas que l’on prétende bousculer leur ordre établi. Durant ces dix années, j’ai pu mesurer le courage de Didier en toutes circonstances et je veux en témoigner devant le congrès. Ses convictions, il les a défendues avec passion dans la Fédération mais aussi dans les instances de direction de la CGT, au sein de l’ETF et de l’ITF où je sais que ses contributions ont également été appréciées. Nos échanges, très réguliers, ont chaque fois été empreints du souci partagé d’être le plus efficace possible pour faire face à nos responsabilités respectives, en étant bien conscients de ne pas confondre l’essentiel et l’accessoire. Nous savons l’un et l’autre que comparaison n’est pas raison, que chaque militant, chaque dirigeant apporte à l’organisation en fonction de sa personnalité, de son expérience propre et que loin d’être en recherche d’un « Chef suprême » ou d’un « gourou », la démarche de la CGT appelle des camarades en responsabilité qui sachent faire vivre la démocratie et le pluralisme dans l’organisation. Je sais, mon cher Didier, que tu sauras trouver le moyen de poursuivre le combat pour les valeurs qui nous sont chères. Nous nous retrouverons toujours avec autant de plaisir. Sans trop m’aventurer, pour respecter scrupuleusement l’esprit et la lettre de nos statuts, je crois savoir également que ton départ annoncé s’est accompagné du travail indispensable pour préparer l’avenir. Et c’est donc tout naturellement et bien chaleureusement que j’adresse mes meilleurs encouragements à Gilbert Garrel pour le cas où il franchirait avec succès le cap de l’élection au poste de Secrétaire général. Voilà Chers Camarades ce dont je voulais vous faire part. Beaucoup, je l’ai dit, sont fiers de leur engagement dans la CGT, cette fierté est décuplée quand on est adhérent de la Fédération CGT des Cheminots. Merci de votre accueil ! Vive le 41e Congrès ! Vive la CGT ! 9