Rare ce chat roux aux yeux dorés au lieu de vert Rare ce grand lac

Transcription

Rare ce chat roux aux yeux dorés au lieu de vert Rare ce grand lac
Rare ce chat roux
aux yeux dorés
au lieu de vert
Rare ce grand lac
aux eaux bleutées
au lieu de vert
Rare cette prairie fleurie
aux herbes folles
au lieu de vert
Améthyste
Prairie d’herbes folles
Parfums de fleurs
Cerisier sous la lune
Nuit bleutée
Bruissement
Une gaze légère
posée dans l’herbe
aérienne
Nos corps allongés
alanguis
Cerises croquantes
juteuses
explosant dans nos bouches
amoureuses
Saveur sucrée
d’une nuit d’été lieu de vert
Florence
Toréador, prends garde !
Dans la ville en fête, tout le monde s’apprête ;
Ce soir, c’est la première de Carmen, la cigarière.
Dans sa loge, à l’opéra, en costume de toréador,
Cape rouge, gilet coca,
Le fameux et rubicond ténor, échauffait sa voix d’or .
Entonnant le grand air, aux difficultés altières
Il lançait à la cantonade, vocalises et roucoulades.
Soudain il se tut, sidéré, et resta bouche bée
En face d’une insolite vérité :
Venu d’on ne sait où, mais bien là tout à coup
Surgit devant lui, interloqué
Un géant de plumes coiffé, écarlate sous son teint
basané,
Un Indien d’Amérique, athlétique, psychédélique
« Je suis perdu, dit celui-ci, marri : Engagé depuis midi
Je fais partie de la troupe qui produit
La comédie musicale en répétition générale, au plateau
six. »
« C’est bon, c’est bon, lui répond le rubicond
Je vais t’indiquer où te diriger, pour ne plus te tromper ! »
Une fois renseigné,
Le ténor à la voix d’or,
Se remit à chanter
Sorti à reculons, cramoisi de confusion,
Notre bel Indien, mystérieux comédien,
Poursuivit son chemin.
Aline
NOIR
L’orage plombe l’eau du lac.
Fracture fragile et légère de l’air où l’espace réparé semble devenir
noir.
Noir, couleur aérienne idoine, présence capricieuse de l’orage.
Orage, réconciliation de l’eau et de l’air comme soudés par un
charme invisible.
NOIR
Réconciliation
Légèreté retrouvée du regard noir cédé à travers le temps
Réconciliation
Noir charme idoine de la présence aimée
Réconciliation
Rage noire enfin réparée
Réconciliation
Doux lac noir
ROUGE
La fuite cramoisie du vent sur le buis réchauffait les pierres de ma
cachette. Le ciel épuré de ses nuages promettait une nuit de plaisirs
et d’épousailles. Le rubis à mon doigt
me laissait repue
d’espérances comme un roi avant un festin.
À travers les troncs rouges des pins je devinais la silhouette
heureuse de l’amoureux s’avançant enfin sans rien subir.
Isabelle
GARANCE
Chamois aux yeux rubis,
Siamois aux poils brûlés.
La peau ratatinée,
Le corps trop aviné,
Il se rêve iroquois,
Se voit dans un sous-bois,
Se mire dans l’eau trouble.
Le ciel vire au pourpre.
Il se voit et se noie.
A la surface de l’eau, un dernier cercle,
Il s’appelait Garance.
Graziella (1)
ROUGE
Rouge
Ruse amère
Passé douloureux
Chaude nuit de carnaval
Échange de regards langoureux
Réveil de vieilles jalousies
Coup de feu strident
Fuite de la vie
Regrets
Graziella (2)
Au départ
j'avais cédé à son charme
sa différence emplie de tradition,
son ancien héritage fait de ruptures et de drames.
Sa couleur mauve donnait à son charme une allure parme
Se séparer d'elle équivalait
à quitter les blessures anciennes
alourdies par les us et coutumes de notre vie...
Au départ
Catherine
C’était hier…
C’était l’hiver…
Paysage étoilé de gel,
Papillons blancs,
Manteau neigeux,
Décor en pointillé,
Une nature aquarelle aux paupières givrées…
Quelques touches de vert griffent ça et là les branches des
sapins aux aiguilles festonnées de dentelle…
Jusqu’au fond de la vallée, dans un silence feutré, la forêt
s’est endormie…
Soudain, des rires d’allégresse résonnent dans
l’atmosphère…
Là-haut, sur la colline, un groupe d’enfants insouciants, se
bouscule, les joues rougies par la froidure.
« A moi ! », « Non à moi ! », « C’est à moi ! »
Bonnet enfoncé jusqu’aux oreilles, Juliette, emmitouflée, bien
calée sur la luge, s’élance. Nez au vent, mains accrochées au
traîneau, elle dévale rapidement la pente gelée, luisante de
cristaux scintillants. La vitesse la grise : elle se trouve sur un
nuage : youpi ! crie-t-elle, enivrée…
Brusquement, patatras !
Une méchante taupinière stoppe net ce moment de carrousel
vertigineux : Juliette s’envole et plonge les bras en croix dans
la neige qui éclabousse autour d’elle.
Vers l’horizon rouge, vaporeux, un corbeau noir, s’éloigne en
ricanant.
Sur le front rouge de Juliette apparaît une flétrissure noire…
Il n’en restera bientôt qu’un vague souvenir jaune et
bleu,
Souvenir d’hier,
Souvenir d’hiver…
©
Kaléidoscope hivernal
Charbonnier courbé sous le faix d’un sac de jute empli à ras bord
de boulets d’anthracite, tu tends vers l’enfant que je fus, ton regard
gris. Tu lui offres un sourire de suie grimaçant sous l’effort en
déversant par le soupirail, ton chargement, aliment essentiel des
hivers de mon enfance, capable d’égayer comme par magie, les
jours étriqués, grelottant sous la férule du père Novembre.
Rouge, le sang du porc égorgé pour que la famille fasse ripaille,
sans honte, lors des banquets de Noël ; rigole vermeille se frayant
un chemin dans la neige piétinée de la cour. Dans le matin glacial,
l’enfant que je fus, contemple le porc écartelé sur son échelle
comme un supplicié sur la roue des justiciers de l’ancien régime. Sa
gorge se noue, la nausée lui vient aux lèvres, des clous traversent
ses galoches. Il fuit, regagne la cuisine et enfouit sa tête dans le
tablier noir maternel : ultime refuge.
Danielle (texte 1)
Carrousel musical
Ténor en habit rouge et or
Ténor en concert dans le Nord
Dans le Nord, en concert, Ténor
En habit, Ténor, rouge et or.
Le couvre-chef du chef a chu,
Chef d’orchestre à l’opéra
A l’opéra, un couvre-chef
A chu. Quel couvre-chef a chu ?
Le couvre-chef du chef d’orchestre.
Aliénor, habillée d’or
Ira à l’opéra. Hourra !
A l’opéra, ira Liénor.
Escarpins parme d’une diva,
Collier d’argent, amour, tourment,
Tourment, amour, collier d’argent
Pour les galas de la diva.
Le musicien et la diva,
rose diva, vert musicien,
Rougissant, jouent Rouget de l’Isle
Rouget de l’Isle en rosissant.
Rose diva, vert musicien,
Le soir venu, tout est joué.
Tout est joué, venu le soir,
On sert en rythme le rouget.
Rouget des mers, citron de l’île,
En rythme, en soupe, en condiment.
Moment gourmand de sentiments,
A la découpe, aux cœurs saignants.
En condiment, à la découpe
Aux cœurs meurtris, aux cœurs sanglants.
Et le concert quitte le Nord,
Le cœur bat fort du beau ténor.
Demain s’en va, perdant le Nord
En habit or, le beau ténor.
Aliénor, à l’opéra
En diva, ira, sans remords.
Danielle (Texte 2)
Rouge comme un rêve ardent.
Elle avançait dans la rue de Marseille.
Milieu de journée.
Je m'en retournais vers les quais.
Le soleil a éclairé d'un roux incandescent
Sa chevelure vivante, déliée, aux boucles enjouées.
Les cheveux dansaient, elle marchait allègre.
Temps d'arrêt.
Je ne voyais qu'eux
Des cheveux qui festonnent
Qui savourent le mouvement
Qui susurrent...
Sous la lune qui repousse le noir
La trame du mensonge s'éraille
Sous le noir qui griffe les allées
Les ombres craquantes rongent les ifs
Trame violette ou garance peut-être
Au détour du chemin
Noir tissu des peurs
Les amants s'enfuient
Tout se creuse
Geneviève
Congestionnée dans sa robe
elle a noué
Le visage en sang
derrière les volets
Elle a choisi l'absinthe
l'amer et le noir
l'ombre et la blancheur
estampille rubiconde
cercueil des souvenirs
essais et erreurs
diabolique néant
Elle a lacéré l'avenir bleuté
plaies béantes
Elle a tissé l'embrouillamini
fureur du vide
Elle a glissé sur les ruines
d'une terre calcinée
blessures à cicatriser
Madeleine
EMERAUDE
A travers ses yeux émeraude,
Paresser sur les milliers de grains de sable de la plage de
Syracuse,
Sabrer un magnum à l’arrivée d’une régate,
Plonger d’un minaret dans les étoiles azurées,
Crâner d’envie devant une rivière de grenats,
Nacrer de fantaisie une liaison éphémère,
Aimer revoir Syracuse,
Chercher à retrouver le sicilien en rêve, utopie!
Enrager de ne plus se souvenir de l’inconnu.
Par un froid hivernal, à l’aube gelée, à la croisée des routes
D’un roi rouge et d’une princesse noire en déroute,
Lui, cœur brûlant, tatoué au fer rougi,
La ramasse, elle , cœur fendu couronne fondue sur le
carreau,
Pauvre princesse non destinée à un minois aussi rougi.
Lui , use du pouvoir d’un roi,
Elle, boit le discours du roi.
Le cœur de la princesse devenu léger
Envolée de trèfles rouges et lys noirs vaporeux et légers.
Par un froid hivernal, à l’aube gelée,
Un roi rouge et une princesse noire,d’aventure en aventure ,
ont suivi la
même route.
Brigitte

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