Harlem Renaissance : la ville.
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Harlem Renaissance : la ville.
Harlem Renaissance : la ville. Dans l'imaginaire mondial, Harlem est associé à la communauté afro-américaine. Ce quartier situé au nord de l'île de Manhattan ne fut pourtant pas de tout temps un quartier noir. Jusqu'en 1900, les Afro-Américains de New York vivent concentrés au sud de Manhattan, du côté Ouest de la 53ème rue, ce secteur est dénommé Black Bohemia. A l'époque Harlem qui est un quartier blanc, leur est interdit. Mais l'afflux d'émigrants noirs en provenance des Etats du Sud, à la recherche de moins de discriminations raciales et de plus d'opportunités au Nord, impose aux Afro-Américains la nécessité de trouver de nouveaux espaces. Les appartements d'un immeuble côté Ouest de la 133ème rue de Harlem se vident de leurs habitants à la suite du meurtre de l'un d'entre eux. Parvenant difficilement à avoir de nouveaux locataires, le propriétaire de l'immeuble s'offre les services d'un agent immobilier afro-américain, qui trouve des émigrants prêts, dans ce contexte de crise du logement, à mettre le prix. La brèche ainsi ouverte, des businessmen afro-américains investissent dans l'immobilier à Harlem, achètent des terrains et des immeubles. Ayant essayé, en vain, de mettre fin à ce qu'elle considère comme une "invasion" noire, la communauté blanche déserte progressivement le quartier. Les Afro-Américains s'emparent progressivement de ce secteur de Manhattan, qui devient propice au développement de leurs valeurs culturelles. S'installent alors des journalistes, musiciens, , écrivains, avocats, médecins, prédicateurs, hommes d'affaire etc... et au cœur du bouillonnement intellectuel animé par ces AfroAméricains éduqués et cultivés qui vont générer la "Harlem Renaissance" se trouvent l'Associatin Nationale pour la Promotion des Gens de couleur, ainsi que W.E.B Du Bois qui fut le premier afro-américain à obtenir un doctorat à l'Université de Harvard. Entouré d'écrivains avant-gardistes comme Countee Cullen, Langston Hughes, Claude McKay, Du Bois va inspirer les jeunes artistes, écrivains et acteurs afro-américains en insistant sur les notions telles que la fierté d'être noir, le succès et la réalisation de soi. 1 Claude McKay : Il est né en 1890 dans les montagnes du centre de la Jamaïque, ses parents sont issus de la petite paysannerie relativement aisée de Jamaïque. Il se prend de passion pour l'écriture à l'âge de 10 ans et quelques années plus tard il est repéré par Walter Jekyll, un expatrié anglais soucieux de préserver par l'écrit la tradition et la culture orale jamaïcaine. En 1912, McKay publie alors son premier recueil de poèmes Song of Jamaïca. La même année il reçoit une bourse et s'en va étudier l'agronomie aux États-Unis. Éprouvant un véritable choc face à l'intense racisme de la Caroline du Sud où de nombreux bâtiments sont interdits aux noirs, il part pour New York avec la ferme ambition de s'adonner pleinement à l'écriture. Cullen est né et a grandi dans une ville du nord : il n’a jamais connu ni la terre matrice d’Afrique ni celle de ses ancêtres esclavagistes. La ville du nord n’est donc pas pour lui une ville d’adoption, mais la seule qu’il ait connue. 2 I. Fascination pour un lieu mythique. Pas de rejet immédiat pour la ville du nord. « En circulant dans ce vieux Baltimore, débordant d’allégresse dans la tête et dans le cœur » (Cf. « Incident ») : la ville comme promesse d’un bonheur/félicité à la fois intellectuel et affectif. Elle nourrit les espoirs de Cullen. Dans ce poème, il fait la rencontre d’une jeune blanc : il y a dans le début du poème un réel élan vers l’autre, une volonté de le connaître : il s’apparente préalablement au garçon blanc qu’il a en face de lui (« j’étais tout petit, et lui n’était guère plus grand que moi »). La ville de New York est vue comme un point d’impulsion à la création. On sait d’ailleurs que Cullen aurait dit : « je suis né à New York ». Au delà de la vérité biographique, il pourrait s’agir là d’une naissance en tant qu’écrivain qui ose prendre la parole. New York est un lieu de concentration d’intellectuels noirs et d’endroits clé dans le rayonnement de la culture afro-‐américaine (Appolo theater, speakeasies). New York offre à Cullen la possibilité de ne pas créer de façon isolée, mais de s’intégrer à un mouvement commun. Et c’est un homme marqué par cette culture dite « civilisée » (il emploie le mot lui-‐même). Il est diplômé de la NY University en 1923 et d’Harvard en 1926. Son écriture elle-‐ même est marquée par la formation qu’il a reçue en ville : il emploie fréquemment la forme classique du sonnet (telle que l’utilisent les anglophones = un huitain et un sixain) + forme fixe de la rime (cf. « Christ recrucifié » / « Une épine à jamais dans la poitrine » / « A la France »). On a affaire à une poésie très lyrique dont la forme ne rejette en rien l’éducation qu’il a reçue dans les villes du nord. Il n’y a pas de distanciation immédiate par rapport à la civilisation urbaine dans l’esprit de Cullen. D’ailleurs, il ne cherchera jamais à opérer un retour physique vers l’Afrique des origines. Il est né en tant qu’homme et en tant qu’écrivain dans les villes du nord. Dans le lieu unique qu'est Harlem se trouve une génération nouvelle, c'est-à-dire la première génération des Noirs nés après l'esclavage, pas encore prêts à oublier les siècles d'asservissements qu'ont connu leur ancêtres mais déjà capable d'envisager une vie différente de celle de leurs pères. Harlem c'est avant tout un rêve des liberté, de réussite et d'identité. C'est un lieu à la fois métaphorique et réel où tout semble possible. C'est sans doute le manque de perspectives aux Antilles qui incita quelques membres de cette première génération d'auteurs à choisir l'exil vers des pays où la tradition littéraire était 3 davantage établie. Ainsi Claude Mc Kay pour mieux se vouer à sa passion, quitta la Jamaïque pour les États-Unis en 1912. Mc Kay fut l'un des premiers à relater les péripéties d'antillais à l'étranger, décrivant ce que lui inspirait la vie de ses semblables disséminés dans les pays occidentaux. Il est évident que Mc Kay a quitté la Jamaïque pour fréquenter les lieux où résidaient les artistes afin de profiter de l'activité intellectuelle qui lui avait tant fait défaut aux Antilles. Il s'installa alors à New-York, lieu d'effervescence de la culture et se tourna naturellement dans ses écrits vers les difficultés d'adaptation qu'y rencontraient ses compatriotes antillais. Ce n'est donc pas un hasard si la ville est au cœur de son œuvre et si le premier roman de Mc Kay s'intitule Home to Harlem. Dans son autobiographie, A Long Way from Home, Mc Kay laisse éclater sa fascination pour le métissage dans cette ville. Cependant révélatrice d'un réel malaise, cette littérature qui décrivait la ville comme l'espace de marginalisation, de l'impossible communion et donc de la stérilité ne rencontra le succès qu'après plusieurs années, lorsque le public prit conscience du mal qui rongeait la société occidentale qui était foncièrement monoculturelle. II. La ville, lieu d’espoir déçu. Un traumatisme de l’enfance qui occupe tout un poème (« Incident ») : il y relate sa rencontre avec un jeune habitant de Baltimore qui le traite de « sale nègre ». Un événement qui a marqué son imaginaire enfantin : « de tout ce qui est survenu là-‐bas, je ne me souviens que de cela » et a modifié sa vision de la ville à jamais (la structure même du poème exprime bien l’idée d’une cassure : « je lui ai souri, mais il m’a tiré la langue », vers du milieu du poème qui opère une modification du regard de Cullen sur la ville). La mémoire de l’enfant qu’il était a opéré une sélection et n’a retenu que cela de son séjour à Baltimore. Le jeune blanc qui tire la langue devient par amplification la ville elle-‐même qui le rejette. Ce souvenir traumatique fonctionne comme une sorte d’élément déclencheur qui va le rendre à jamais étranger à cette civilisation urbaine. Il ne cessera par la suite de se départir de sa naissance dans les villes du nord. Il développe alors une sorte d’hermétisme à la civilisation. Il se met à rejeter 4 les villes du nord qui l’ont vu naître et grandir en s’interrogeant sur son origine africaine. Dans son très célèbre poème « Héritage », il remet en question la civilisation et la culture urbaine en écrivant une véritable ode à l’Afrique, une Afrique qui est largement fantasmée. Il y loue le caractère sauvage et impulsif de l’Afrique, prônant presque un retour à l’état de nature (« chant barbare et sauvage », « félins tapis dans les roseaux », « rameaux fleuris », « étoile et piste de la jungle »). Par une forme d’introspection, il revendique une appartenance charnelle à la terre d’Afrique (« me voici qui toujours entends, même en pressant contre l’oreille mes deux pouces, et les y tenant, le battement des grands tambours »), ce qui sous-‐tend une volonté de se présenter comme étranger par rapport aux villes américaines. Fin du poème : « chez moi ni le cœur ni la tête n’ont encore admis que nous sommes, eux et moi, des civilisés ». Ces deux termes de cœur et de tête pourraient être mis en parallèle avec le poème « Incident » qui les présente comme « débordant d’allégresse ». Il devient presque une figure de poète romantique torturé : la ville en tant que telle n’est pas physiquement présente dans les poèmes de Cullen, mais elle transparait à travers la description de ses souffrances. Il y a chez lui une véritable écriture de la meurtrissure. Dans le poème « Confession », il se compare à un arbre (= ce qui l’associe aux éléments de la nature) dont les racines sont arrosées de « fiel » et de « préjugés ». Il y a là l’idée d’un homme qui a été blessé à jamais par l’autre, par l’altérité qu’il a rencontrée en ville : « si pour un jour la joie me domine, ne pensez pas que mes blessures soient guéries ». Il propose alors un projet de bonheur qui ne peut voir le jour que dans la solitude (cf. « Une épine à jamais dans la poitrine »). Il se présente comme « celui qui ne peut accepter le monde pour ce qu’il semble ; à l ‘écart, distant et solitaire ». Il se place comme un étranger par rapport à la ville et son effervescence : « il doit toujours marcher, manier une langue étrange, inaccoutumée, un étranger à toutes les discussions quotidiennes ». La civilisation paraît presque être un tourment qui ne s’éteint que « quand dorment les autres ». La nécessaire solitude est une idée centrale de la poésie de Cullen, ce qui prend le contrepied de la ville comme lieu fascinant et bienfaiteur. D'un côté pour Mc Kay il y a bien le mythe de la ville de New York qui est tel une passerelle vers l'Amérique mais cette idée de ville rêvée est bien vite rattrapée par l'idée de New York cruel, indifférent et destructeur de rêves. La littérature afro-américaine et en particulier celle de Claude McKay semble porter un regard fixe sur le mythe séduisant de la liberté de l'espace américain mais en fin de compte rapporte seulement les visions d'un nouvel asservissement et de la misère. 5 McKay a conscience de l'aliénation que créer cette ville mais ne peut stopper la quête vers les idéaux qu'il chérit. Pour lui le rapport de l'Homme noir à la ville est le produit masochiste des afro-américains qui restent esclaves mentalement en aimant ce qui les déteste. L'acte de retenu devient lui-même l'emprisonnement contre lequel l'esprit du poète se rebelle. McKay voit l'homme afro-américain comme ayant intériorisé sa propre oppression à tel point qu'il arrive à aimer l'idée de l'Amérique comme mythe tout en détestant « le moi noir » que tant rejettent. Dans son poème « The White City », Claude McKay exprime cette idée de rejet d'une ville qui l'a déçu. Dès le premier vers il manifeste le refus de « jouer » avec cette ville blanche ainsi que le refus de lui céder. Il montre alors qu'il voit la ville telle qu'elle est et qu'il ne peut plus croire à ses illusions du passé. De plus dans ce poème tous les éléments de la ville apparaissent désagréables, comme par exemple avec l'évocation des « trains stridents » , également l'architecture même de la ville est agressive puisqu'il fait référence à des éléments qui donnent l'idée d'une ville droite voire pointue : « les poteaux, les flèches des clochers, les tours ». A cela il oppose « le port fortifié », « les quais » et « les bouges » qu'il nomme « impudiques amours ». Ces différents lieux sont probablement associés à sa vie, car « le port fortifié où passent les grands navires » peut être le port dans lequel McKay est arrivé après avoir quitté la Jamaïque. De même les quais de gares sont des lieux qu'il devait bien connaître puisqu'il a été serveur sur les chemins de fer pour gagner sa vie. En ce qui concerne le terme de « bouges », il ne fait pas directement référence au quartier de Harlem qui était plutôt résidentiel mais ici nous percevoir l'idée que de nombreux afro-américains étaient pauvres et avaient du mal à vivre dans ces villes blanches où chaque jour ils étaient mis à l'épreuve. Dans « The White City » McKay ne cache pas sa haine pour cette ville blanche, au contraire il la qualifie comme vitale pour lui, c'est elle qui lui donne l'énergie de vivre. C'est une haine qu'il a depuis toujours et qu'il aura jusqu'à la fin puisqu'il conclu son poème par « car je hais ». 6 III. L’Eglise comme terre d’asile. = Face à ce tiraillement, à cette ambivalence de la ville, il a été nécessaire de 7 trouver un lieu préservé à l’intérieur de la ville, qui se montre souvent décevante et non accueillante aux yeux des poètes afro-‐américains. Cullen est très fortement marqué par le protestantisme, ayant été adopté par un révérend à l’âge de quinze ans (Frederick Ashbury Cullen). Il a reçu une éducation méthodiste. Cullen reprend la religion chrétienne à son compte. Le Christ noir est un terme central de sa poésie. Il réécrit la crucifixion christique dans « Christ recrucifié » : Dieu, qui est noir, est tué à nouveau par la violence de la parole, qui brûle son âme comme une flamme lècherait son corps (« on le tue aujourd’hui avec des langues de feu voraces »). On ne peut ici s’empêcher de songer à un possible dédoublement de sa propre personnalité et de sa propre expérience du préjugé et de l’injure. Cullen rallie le Christ à sa cause, il prend appui sur cet élément de la culture occidentale qu’est le protestantisme pour trouver une forme de repos dans le cadre même de la ville. En imaginant un Christ noir, il place les populations noires du côté des martyrs. C’est une façon de se révolter contre l’hostilité décevante de la ville en lui volant une part de son histoire pour se l’approprier et la faire sienne. Cullen a donc trouvé une forme de repos et d’asile au sein de l’Eglise protestante, qui lui permet de panser ses blessures internes. Mais la religion elle-‐même est source de tourments et témoigne de son incapacité à s’identifier totalement à la ville dans laquelle il vit. Le protestantisme ne peut pas définitivement faire de Cullen un être « civilisé ». Il se présente lui-‐même comme un traitre à la foi dans « Dieux », évidemment mis au pluriel. Il commence son poème par une énumération progressive des rites religieux auxquels il se livre, ponctuée par la conjonction « et » (« je jeûne et je prie et je vais à l’église, et je donne ma pièce à la quête »). Cette énumération est brisée par l’aveu d’une conscience polythéiste, de ces autre dieux « qui font la fête dans (s)on cœur ». Il y a en lui une sorte de préexistence d’autre chose qui prouve bien que l’éducation protestante qu’il a reçue en ville ne peut effacer une seconde appartenance latente. Cullen ne se sent pas tout entier à Dieu et la religion elle-‐même est source de tourments pour lui, là où d’autres y trouvent le réconfort et la tranquillité de l’âme. Un être inévitablement torturé, qui ne sera jamais totalement « civilisé » mais n’a jamais réellement été « sauvage ». Il n’est pas de là-‐bas mais ne se veut pas non plus d’ici et oscille entre le besoin qu’il a de la ville du nord, New York avant tout, et le désir qu’il a de s’en défaire tant elle lui est hostile. Les Églises sont la principale institution de la communauté noire, à Harlem elles participent à l'essor du quartier et les immigrants du sud et des îles amènent leur ferveur démonstrative, leurs superstitions et leurs cultes. 8 En observant les poèmes de Claude McKay, il semble évident que la religion occupe une place prépondérante dans sa vie. En effet il a reçu dès son plus jeune âge un enseignement chrétien puisque ses parents occupaient une place importante au sein du baptisme, qui est une confession chrétienne issue de la réforme protestante. De plus son père était le résultat de l'intense endoctrinement chrétien qu'il avait reçu pendant sa jeunesse. C'est en ce sens notamment que la famille de McKay se différencie des paysans de la communauté, puisque nombreux sont les paysans jamaïcains qui ne croyaient pas au christianisme mais à l'Obeah, qui est un terme africain qui désigne la magie occulte. A la fin de sa vie McKay va d'ailleurs se convertir au catholicisme après la déception que lui cause son voyage en Russie. Dans le poème « The White City », nous pouvons voir une évocation de la religion avec le « P » majuscule lorsque le poète parle de « Passion sombre », a ce moment là il pourrait s'agir de rappeler la Passion du Christ qu'il rapproche des souffrances et des supplices que les blancs ont causé aux noirs, ce qui a conduit à cette « Passion sombre », c'est-à-dire à une haine profonde. Le caractère biblique de cette expression est renforcé par le fait qu'il énonce que c'est cette haine qui lui permet de voir l'enfer du monde blanc comme un paradis. Le thème de la religion est également présent dans le poème « Baptism » puisque dès le titre Mckay fait référence à un des rites fondamentaux de la religion chrétienne, c'est-à-dire le baptême qui symbolise la nouvelle vie du croyant chrétien. Dans la religion chrétienne c'est l'eau qui d'habitude sert au baptême or là il est question de « fournaise » dans laquelle doit entrer le locuteur. A ce moment il s'agirait plutôt d'un baptême du feu afin de tester sa force ; cette tâche est source de souffrance pour l'orateur mais ainsi il espère en sortir renforcer pour affronter avec plus de vigueur les supplices que lui cause le « monde de larmes » qui représente sûrement à la ville blanche américaine. Le ton du poème « To The White Fiends » est assez différent, il s'agit d'une adresse directe du locuteur noir aux blancs qu'ils qualifie de blancs démons. A partir de ce titre il est clair que ce dont il va être question ici sera l'idée ancestrale que la couleur noire est associée au mal ou au démon. Ici McKay reverse cette idée en plaçant les blancs du côté des démons. 9 Cependant il n'est pas seulement question de blancheur et de noirceur de peau mais aussi de blancheur et de noirceur d'âme. Les blancs se comportent comme des sauvages avec les noirs ce qui pour le poète montre bien que ce sont eux qui ont l'âme la plus noire, alors que les noirs guidés par Dieu ne se comportent pas ainsi et ont alors un âme blanche. Ici le poète dit qu'il est inspiré par Dieu non seulement lorsqu'il écrit mais également dans les chemins de la vie qu'il choisit. Pour lui Dieu dit que la terre est plongée dans l'ignorance et ce sont les noirs et en particulier les poètes noirs qui apporteront la lumière divine pour éclairer cette ignorance. LA REVOLTE Introduction La Renaissance de Harlem est un mouvement de renouveau de la culture afro-américaine, dans l’Entre-deux-guerres. Son berceau et son foyer se trouvent dans le quartier de Harlem, à New York. Elle s’étend à plusieurs domaines de la création, les Arts comme la photographie, la musique ou la peinture, mais c’est surtout la production littéraire qui s’affirme comme l’élément le plus remarquable de cet épanouissement. Grâce à l'intelligentsia blanche des années 20 (le mécénat), la mise en valeur du passé africain devenait donc possible et souhaitable pour les descendants d'esclaves. Il y avait au sein de ce mécénat blanc une certain snobisme et la découverte que des vertus nouvelles comme la sensualité primitive, la créativité artistique se trouvaient incarnés sur le 10 sol américain en la personne du Nègre. Il leur a suffit d'inverser le stéréotype de la brute, pour redécouvrir le « bon sauvage ». Le Noir devient antithèse de l'Américain, et est récupéré comme produit de l'authentique culture américaine. On crut trouver dans le personnage du Nègre une sorte de bon sauvage que sa mise à l'écart avait protégée des tares de la civilisation. Nous allons donc nous demander comment la révolte s'illustre dans la Harlem renaissance. Comment les Noirs se sont révoltés de cette image de « bon sauvage » que voulaient leur attribuer les Blancs ? Tout d'abord, nous allons voir comment la révolte s’est mise en place dans la Harlem renaissance. Puis nous nous tournerons vers 3 auteurs de la HR qui sont Hughes, McKay et Cullen. Pour finir nous verrons les conséquences de la révolte dans les années qui suivirent la Harlem renaissance. I. Comment l’idée de révolte s’est-elle mise en place ? 1) Historiquement -Depuis l’abolition de l’esclavage en 1865, Noirs américains confrontés à la ségrégation. Ils n’ont pas accès à certains lieux publics réservés aux Blancs. On leur impose leurs propres espaces ; par ex. ils étaient interdits de fréquenter les bars, les hôtels ou les théâtres blancs. Ils sont complètement exclus de la citoyenneté. -La discrimination raciale était régie par les lois Jim Crow : le nom de Jim Crow était celui d’un personnage joué par un comédien à Louisville en 1828. Celui-ci était apparu le visage noirci sur scène. Il était dépeint comme pitoyable, stupide, ignorant. Les lois Jim Crow avait imposé le principe d’ « être séparés mais égaux ». Elles avaient aussi institutionnalisé le racisme au sein de la société américaine. -Face aux lynchages de plus en plus importants dans les années 1890 et face aux discriminations, des milliers d‘Afro-américains quittent le sud rural pour s’installer dans les villes du Midwest et du Nord-est du pays. -New-York attire donc de nombreux Noirs-américains. Ils sont confrontés au racisme, sont rejetés du centre par les Blancs. Les inégalités sont très importantes dans les années 1920. Ils se regroupent dans le quartier de Harlem, au nord de Manhattan. à La révolte est prédisposée a éclaté après des années de discrimination raciale. -De là, la « Negro Renaissance », mouvement littéraire né à Harlem, se fait porte-parole de l’injustice du sort qui pèse sur le noir américain, de sa peine et de sa colère, de la dénonciation des faits et des idées racistes avec lesquelles il est opprimé. 1) La révolte D’un point de vue politique / du point de vue d’un militantisme politique. à Littérature du 19ème s. = récits d’esclaves, essais abolitionnistes ou historiques, articles de presse et poèmes. Certaines figures d’abolitionnistes sont célèbres comme Frederick Douglass. 11 -Plus près du sujet traité, des mouvements de révolte, des mouvements militants de la cause noire émergent. En 1905, on assiste à la fondation de la « National Association for the Advancement of Colored People » (en français, l’association nationale pour les gens de couleur), plus connue sous le sigle NAACP. C’est une organisation américaine de défense des droits civiques. Créée à partir du Niagara Movement qui lui avait été créé à l’initiative de Du Bois pour réclamer l’égalité des droits entre Blancs et Noirs. La mission de la NAACP est donc d’assurer l’égalité des droits dans la politique, l’éducation, la société et l’économie de tous les citoyens et d’éliminer la discrimination et la haine raciale. Du Bois est un des principaux activistes pour la reconnaissance des droits civiques des Noirs, au sein de la NAACP. Il plaida pour un art engagé rappelant que l'art noir, né de la lutte pour la liberté et la vie, ne peut renier ses origines. Une revue mensuelle « The Crisis » apparait au sein de la NAACP. Elle publie des pamphlets et des articles d’auteurs Noirs. -La NAACP fut suivie en 1914 par l’ « Universal Negro Improvement Association », (UNIA) créée par Marcus Garvey en Jamaïque ; il essaye d’insuffler un puissant sentiment d’identité raciale et de détermination parmi le peuple noir à Nationalisme de Garvey. Il a fait des plaidoyers pour la fierté raciale. -Les mouvements de protestation contre la discrimination dans l’emploi par exemple se font également par le parti communiste et certains syndicats de gauche. Le boycott sera une des formes d’actions les plus utilisées dans la lutte contre la discrimination dans l’emploi. -En 1925, parution de l’essai The New Negro par Alain Locke. C’est une réflexion sur l’identité culturelle, idéologique et artistique des Noirs américains. Il y apparaît la nécessité de s’affranchir des stéréotypes culturels et idéologiques. Cela traduit la volonté de réhabiliter un long passé déformé par l’idéologie esclavagiste. L’ouvrage donne son nom au mouvement du « New Negro Movement ». Puis celui-ci va ensuite prendre le nom de « Negro Renaissance » avant de devenir célèbre sous celui de « Harlem Renaissance ». -Un autre manifeste va apparaître par Langston Hughes, Zora Neale Hurston et Wallace Thurman qui lancent la revue Fire !!!. à Plus radical, plus audacieux que les mouvements précédents. Il lance un cri destiné « à réveiller le sang et les cœurs ». Il rassemble écrivains et artistes, les uns désireux de dire la révolte, les autres de dénoncer la condition des masses noires. à On constate que De nombreux mouvements de révolte politique pour la condition des Noirs aux Etats-Unis se mettent en place. 1) Chez les auteurs, en littérature Les auteurs à s'être impliqués dans la Harlem Renaissance sont nombreux. On observe que la plupart ont eu cette envie de changement et de se révolter à travers leurs œuvres. En voici quelques exemples : ⁃ James Weldon Johnson est un écrivain et poète noir qui chercha à promouvoir une forme populaire plus libre que le dialecte. Sa conviction était que seul un changement des mentalités aurait pu élever le statut des Noirs et il pense que ces derniers ne pourraient démontrer leurs capacités qu'à travers l'art et la littérature. Il fut à la fois guide et porteparole pour la jeune génération d'auteurs. C'est cela qui l'exhorta à s'engager dans la lutte pour l'égalité raciale. Il faisait partie de ces auteurs qui avaient la volonté de changer les choses. 12 ⁃ McKay est un écrivain originaire de la Jamaïque. Il vient chercher à Harlem une véritable patrie. Il fut l'un des interprètes les plus éloquents Nègre nouveau. Il est surtout connu pour ses poèmes « Invocation » et « Harlem Dancer » publiés dans les revues Seven Arts et Liberator ainsi que pour son recueil de poème datant de 1922 Harlem Shadows. Selon son roman Home to Harlem, Harlem serait un lieu anarchique où tous les vagabondages sont permis. Tous les Noirs, quelle que soit leur origine, ont une condition commune : de n'être pas le peuple élu. ⁃ Langston Hughes est un poète et écrivain de la Harlem Renaissance qui ne renia pas son identité afro-américaine ; l'exemple de sa mère et de sa grand-mère guidèrent sa lutte contre les préjugés raciaux comme sa quête d'un héritage culturel. ⁃ Wallace Thurman quant à lui est probablement l'enfant terrible de ces annéeslà. Tourmenté, intransigeant, irrité par les compromis demandés aux artistes noirs, toujours insatisfait, il reste insoumis et fidèle à l'aile radicale du mouvement. Il était journaliste, dramaturge et romancier (Instants of the Spring). Etroitement associé au socialisme noir, il fonde Fire !!! puis Harlem : A Forum of Negro Life. Esprit polémique qui s'en prit violemment aux Blancs qui avaient organisé à Harlem un marché de la négritude, et il dénonça les préjugés de certains Noirs à l'égard de leurs congénères à la peau plus sombre. ⁃ Arna Bontemps décrit la révolte de Gabriel Prosser en 1801 dans son roman Black Thunder. Exaltant la résistance, il atteste le rôle joué par la communauté noire dans sa propre libération. Cependant, à travers tous ces portraits de poètes et romanciers masculins, il nous faut parler des femmes noires qui ont eu une influence remarquable au cours de la HR. Pour les femmes comme Louise Thompson, Regina Anderson et Zora Neale Hurston, Harlem fut une promesse de libération. Leur objectif était de se réaliser plus pleinement et s'émanciper sur tous les plans en échappant aux rôles traditionnels qu'on leur assignait, accéder à la vie professionnelle. → Hurston incarne bien par sa carrière mouvementée un certain esprit de la Renaissance Noire : le défi, l'insoumission, et aussi le goût de la vérité, de l'authenticité loin de l'hypocrisie et la fascination pour la mise en scène et le spectacle. La tradition orale inspire ses structures narratives. Ses personnages s'imposent par cette prise de parole et c'est grâce à celle-ci que les femmes pourront accomplir leur libération. → Dans le monde du spectacle, les femmes sont très présentes. Le choix du théâtre par ces femmes marque leur volonté de faire entendre des voix et des points de vus féminins dans un genre moins confidentiel que l'autobiographie ou le roman. On peut évoquer aussi les arts visuels, l'Art Nègre, où se révéla le plus l'effort pour effacer les barrières raciales. Il réalisait l'un des espoirs de la renaissance : rapprocher deux mondes longtemps divisés et contribuer à leur compréhension mutuelle. II. La révolte chez les auteurs afro-américains de la Harlem Renaissance et chez trois poètes en particulier ; Langston Hughes, Countee Cullen et Claude McKay. 13 Parmi les écrivains et poètes de la Harlem Renaissance, les plus célèbres furent sans doute le Jamaïcain Claude McKay, le poète Countee Cullen, qui édita le recueil de poèmes Color en 1925, et Langston Hughes, l’auteur en 1926 de The Weary Blues. . En 1926, Langston Hughes publie un article dans le journal Nation, « The Negro Artist and the Racial Moutain ». Il pousse les intellectuels Noirs à exalter leur « négritude » et critique les Noirs qui imitent les Blancs pour se défaire de l’image de sauvagerie et d’ignorance associée aux Noirs en Amérique. Il pousse un cri de fierté et de revendication en écrivant : « Pour moi le jazz est une des expressions immanentes de la vie du Nègre en Amérique : l’éternel tam-tam battant dans l’âme nègre – le tamtam de la révolte contre la lassitude dans un monde blanc, un monde de métro et de boulot, boulot, boulot ; le tam-tam de joie et de rire, de douleur avalée dans un sourire. ». Sa fierté d’être Noir se montre par « Pourquoi voudrais-je être Blanc ? je suis un Nègre – et je suis beau ! ». à La HR, par la fierté raciale et la beauté de la « race » noire qu’elle met en avant va influencer les militants du nationalisme culturel des années 60 et 70. On assiste à un grand mouvement de dénonciation, de révolte contre le racisme des Blancs envers les Noirs, mais également dénonciation des noirs qui ne veulent pas reconnaître leurs origines. . Claude McKay, de son côté, publie un poème qui paraît dans le journal de gauche The Liberator en 1919 ; « If we must die » qui est une apologie de l’autodéfense contre la violence raciste. . Quant à Countee Cullen, il publie son premier recueil de poèmes Color en 1925. Les thèmes de ses poèmes ont souvent trait à la condition des Noirs américains. Sa poésie la plus marquante traite toujours des questions raciales à ce qui en fait une des voix majeures de la Harlem Renaissance. La vitalité de la Harlem Renaissance se manifeste dans la littérature et la poésie ; les thèmes principaux sont ceux de l’injustice et de l’intolérance, la dénonciation des conditions des noirs américains et enfin le combat contre les stéréotypes sur le Noir esclave ou sauvage. 1) Les thèmes de l’injustice, de l’intolérance et la dénonciation des conditions des Noirs chez les poètes de la HR Le poème de Langston Hughes, p.17 « Perplexe », dénonce la violence, le racisme envers les gens de couleur : « vieux mensonges », « vieux coups de pied au derrière » à vocabulaire dépréciatif, de la violence. Il dénonce le fait qu’il n’ait jamais eu de travail, la cause = « parce qu’on est des gens de couleur. » à Thème de l’injustice, de l’intolérance et du racisme. è Sentiment de révolte. Cause = situation déplorable des Noirs américains dans la société, entre autres, ils n’ont pas de travail et ne peuvent pas y accéder. p.21 « Moi aussi » ; « Je suis le frère à la peau plus sombre / Ils m’envoient manger à la cuisine ». à Ségrégation. Rejet de la personne Noire. Thème de l’injustice. Mais aussi esprit de contradiction, de rébellion, de révolte : « Mais je ris / Et je mange bien / Et je deviens fort. » + « Demain, je m’installerai à table Quand il viendra du monde. personne n’osera Me dire Alors 14 ‘Va manger à la cuisine.’ De plus, Ils verront comme je suis beau Et auront honte Moi aussi je suis l’Amérique. » à dans un esprit de rébellion, quête d’identité. Il s’approprie l’identité américaine et le revendique. Parallèle avec la première phrase « Moi aussi je chante l’Amérique ». à fierté raciale, origines revendiquées. p.13 « Crachoirs de cuivre » → Hughes dénonce la condition de vie des Noirs qui sont traités comme des domestiques collant à ce statut d'esclave d'antan et qui ne gagnent pas assez pour faire vivre leur famille. Il fait une énumération comme un rythme, des sommes d'argent qu'on peut gagner ce qui appuie sur la précarité des noirs-américains. Ne s'autorise aucun plaisir ou seulement celui d'avoir bien nettoyé le crachoir et d'être honnête dans sa religion car celle-ci est présente dans le poème : « Une cuvette de cuivre brillante est belle pour le Seigneur ! » Poèmes de Claude McKay, p.41 « oiseaux de proie » ; Oiseaux charognards semblent être les hommes blancs. Les Oiseaux de proie, oiseaux chanteurs de la terre semblent être les hommes noirs car utilisation de la première personne du pluriel « nous » : « Et plongent leurs serres dans notre chair sanglante. / Ils nous réduisent à merci nous paralysent de peur / ET, nous torturant, nous déchirant sans relâche / Ils font claquer avec un plaisir lugubre leurs ailes hideuses / Et se repaissent de nos cœurs ensanglantés. » « Ils » = hommes Blancs è On y voit un Racisme dans la violence, dans l’animosité. Peut-être référence aux lynchages pratiqués dans le sud du pays envers les Noirs. Peut-être aussi référence au Ku Klux Klan. p.43 « La ville blanche » « enfer du monde blanc » = cela est très explicite. à Dénonciation dans la violence et la haine. Prend place dans les mouvements de révolte violente : « Je songe à ma haine de toujours ». Enfin le poème se finit sur une note extrêmement forte « car je hais ». à révolte violente des poètes contre leur condition, leur statut dans les années 20. 1) Combat contre les stéréotypes sur le Noir esclave ou sauvage. Les artistes liés à la Harlem Renaissance refusaient toute discrimination et tout stigmate d’infériorité, les grimaces, les pitreries auxquelles les acteurs noirs devaient se plier pour amuser un public blanc. Ils refusaient de se comporter en « Uncle Tom », c-à-d en « bons esclaves ». Du Bois lui-même montrait la nécessité d’effacer de l’esprit des Blancs et des Noirs l’image stéréotypée du Nègre sous-homme, taré et inconscient. 15 P.13 « Crachoirs de Cuivre » de Langston Hughes Dénonce la situation des Noirs-américains car même avec un travail, le Noir ne peut pas vivre autrement que dans la précarité. Sont réduits à faire des métiers de domestiques. On voit toujours le Noir comme quelqu'un au service du Blanc. Utilise le mode impératif pour appuyer sur le fait que le Noir dans cette société ne serait pas capable de donner l'ordre mais ne peut que le recevoir. Image du noir esclave reste dans les mœurs à cette époque et c'est ce que Hughes dénonce ici. Il fait une énumération des villes pour montrer que dans n'importe quelle grande ville le stéréotype existe. p.47 « Aux Blancs Démons » de McKay Ce poème dénonce la ségrégation des Noirs-américains. On sent une envie de révolte et de vengeance chez ces hommes. Le poète utilise le questionnement rhétorique pour montrer que les blancs se trompent et que l'homme Noir ne doit pas être sous-estimé. McKay détourne le stéréotype du Noir sauvage car ici les Blancs ont cru qu'ils pouvaient être plus sauvages que ceux qui le sont par nature. Il s'en sert pour prouver la force au combat car le Noir est censé être sauvage et ne pas avoir d'âme. Dieu est avec les Noirs et a choisi ce peuple pour sortir les blancs de l'ignorance. Les Blancs ignorent et refusent la différence. Le Noir est la lumière et peut amener le Blanc à devenir tolérant. p.49 « Si nous devons Mourir » de McKay Appel à la révolte. Il appelle à se battre pour défendre la communauté Noire et pour se défendre contre les stéréotypes du Noir. Il illustre cela en utilisant l’image d’un porc qui serait le Noir maltraité pris en chasse par des chiens qui seraient les Blancs. Apostrophe → appel au peuple, appel au soutien et à la solidarité du peuple Noir même s’il faut mourir en se battant. McKay voient aussi les Blancs comme des animaux → les chiens de chasse. Ne réfléchissent pas et sont programmés pour tuer les Noirs. Les Blancs tuent lâchement sans affronter leurs adversaires. Les Noirs doivent avoir le courage qui leur manque. La vraie différence entre les Noirs et les Blancs est que les Blancs sont lâches alors que les Noirs font preuve de courage. è Le genre traite en particulier de la place des Noirs dans la société américaine, du racisme, de l’esclavage. la littérature afro-américaine apporte la matière d’un vrai combat. Elle est engagée dans un combat pour l’égalité culturelle et sociale. III. La révolte dans les années suivant la Harlem Renaissance. 1) Une nouvelle génération d’écrivains 16 -Mouvement de la Harlem Renaissance qui s’évapore un peu durant les années 40. Plusieurs des activistes, des auteurs afro-américains sont morts, d’autres ont rejoint l’Europe. Langston Hughes, lui, va continuer de vivre et de travailler à Harlem. Il y compose « Montage pour un rêve reporté » comme un regret pour les promesses non remplies de la Renaissance. -Quand le jeune Ralph Ellison, intellectuel et écrivain américain Noir, arrive à Harlem quelques années plus tôt et demande à Hughes de lui faire rencontrer Richard Wright, Hughes a-t-il le sentiment de passer le flambeau à une nouvelle génération d’auteurs afro-américains ? -Richard Wright, écrivain et journaliste afro-américain, publie en 1940 Un enfant du pays : histoire de deux jeunes gens, un jeune homme noir et une jeune fille blanche. Le roman se passe dans le quartier du South Side à Chicago. Bigger Thomas, le jeune homme noir, ramène jusqu’à son lit la fille de ses patrons qui elle est blanche car elle est ivre et elle ne tient plus debout. Bigger va être surpris dans cette chambre par une vieille femme aveugle et va étouffer la jeune fille sous un oreiller pour ne pas dévoiler sa présence. La scène se transforme alors en scène de meurtre alors qu’il ne se passait rien entre les deux jeunes gens et uniquement parce-que l’un d’entre eux est noir et l’autre blanc. -Avant d’en arriver là, Wright raconte une journée dans la vie de Bigger ; elle se résume à sa pauvreté, oppression, frustration et désespoir à illustre les inégalités tout en gardant un esprit de dénonciation. -Puis Bigger va tuer une autre jeune fille, noire cette fois-ci. Commence alors son procès, que son avocat, un communiste, va s’efforcer de transformer en un procès d’une société injuste, raciste, capitaliste, aliénante à dans ce personnage de l’avocat, on voit bien l’idée de révolte face à la condition des noirs-américains. -Wright avait déjà utilisé un incident similaire dans « Le départ de Big Boy » qui est une nouvelle des Enfants de l’Oncle Tom. Par hasard et par malchance, une bande d'adolescents noirs, partis se baigner dans l’insouciance, se retrouvent nus devant une femme blanche. Bien sûr cela tourne au drame, ils procèdent à un meurtre d’auto-défense et Big Boy fuit vers le Nord pour échapper aux lyncheurs. -Dans les deux cas, la culpabilité des protagonistes ne semblent pas exister. Wright traite des moments les plus durs ; par exemple, Big Boy qui assiste au lynchage de ses amis. Il fait porter la responsabilité du meurtre sur la société à critique d’une société raciste. Il rend compte de la situation objective des Noirs dans la société américaine. -Ralph Ellison, dans son roman Homme invisible, pour qui chantes-tu ?, refuse l'hypocrisie et l’obéissance aveugle qu’exigent d’eux leurs camarades idéologues blancs ou noirs à c’est ce qui va former le mouvement revendicatif des années 60. è La HR = terreau culturel pour les acteurs du mouvement de lutte pour les droits civiques « Civil Rights » dans les années 50-60. 1) Les années 1950-1960 La ségrégation raciale restera légale jusqu'au milieu des années 60. Elle tarde à disparaître dans le Nord et l'Ouest des États-Unis. On constate donc qu'il faudra presque 30ans après le déclin de la Renaissance de Harlem pour que la révolte porte ses fruits. La Cour Suprême a déclaré en 1954 que séparer les races dans les écoles ne faisait que renforcer l'inégalité entre les enfants et indirectement entre les adultes. Dans les années 60, la minorité noire réclame la fin de la ségrégation raciale. De plus, les Blancs libéraux jugent insupportable qu'une société démocratique soit aussi une société inégalitaire et raciste. 17 Dans un premier temps, la non-violence prévaut. Martin Luther King, un pasteur noiraméricain, et le « Mouvements pour les droits civiques » prônent le recours au boycottage et aux manifestations pacifiques dans les rues. → 1963 : on dénombre 4 morts par attentat raciste dans une église de Birmingham en Alabama. MLK organise une manifestation et une marche sur Washington. → 1964 : apparaît la loi sur les droits civiques qui abolit la ségrégation raciale dans les lieux publics et la discrimination à l'embauche. → Et en 1965 : loi sur les droits de vote qui garantit l'inscription des Noirs sur les listes électorales. Ces deux lois interdisent toute forme de ségrégation. Le mouvement va se radicaliser et les leaders noirs parlent de « Black Power ». Cela signale la volonté des Noirs d'occuper des postes de responsabilité. De 1965 à 1968, les ghettos noirs s'enflamment. Ils saccagent les boutiques et les immeubles officiels de leurs quartiers. La révolte devient violente. Les émeutes de Watts font 34 morts en 1965. Malcolm X, leader des Black Muslims (mouvement des musulmans noirs) est assassiné. → 1966 : fondation du Black Panther Party qui est un mouvement révolutionnaire Entre 1966 et 1967, il y a plus de 200 émeutes raciales. → 1968 : MLK est assassiné ce qui entrainera des émeutes avec un bilan impressionnant. Avec tout cela, on constate qu’après des années de discrimination raciale, les Noirs-américains s’insurgent contre leur condition et leurs oppresseurs. Les mouvements politiques de révolte émergent en grand nombre. On a également en littérature une prise de conscience ; le combat est mené par de nombreux auteurs. Au moyen de leur poésie, Des poètes comme Hughes, McKay ou Cullen dénoncent l’intolérance, l’injustice, les conditions des Noirs et combattent les stéréotypes qu’on leur assigne. Les générations suivant la Renaissance de Harlem vont reprendre ce flambeau de la dénonciation dans la littérature. Tout cela va créer un espace propice aux mouvements de révolte et de lutte pour les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis menés par la célèbre figure de Martin Luther King. 18