La recherche du ippon : témoignage

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La recherche du ippon : témoignage
Bulletin Trimestriel – N° 15
Septembre 2009
La recherche du ippon : témoignage
Au mois d’Avril 2009, le jour du Tournoi d’Altkirch ainsi que le lendemain, Angelo PARISI animait
un stage de judo à la salle des sports du collège Jean Monnet à Dannemarie, à quelques encablures
à peine de La Palestre. Incroyable !
L’information était quasiment passée inaperçue.
Personne ou presque n’en avait fait de publicité.
Quel dommage que cet évènement coïncide avec notre tournoi et le lendemain dimanche, je serai
sans doute trop fatigué par la longue journée de samedi pour y participer.
Et puis non, c’est trop bête.
Dimanche matin le 26 Avril, je me rends à Dannemarie, au moins pour jeter un coup d’œil.
Et là, je vois Angelo PARISI qui avait ébloui mes années de jeune judoka, en chair et en os.
Mais au fait qui est-il ? C’est un peu le David DOUILLET des années 1970/1980.
Il a été 6 fois champion de France, 11 fois champion d’Europe et a obtenu 4 médailles olympiques
dont une d’or à Moscou en 1980.
En 1984 aux J.O de Los Angelès il est le porte drapeaux de la délégation des athlètes français.
Bref, une sommité dans le monde du judo.
Alors je reste dans les gradins et je regarde, impressionné par ce champion formidable qui a rencontré
les meilleurs japonais de son époque.
Et je l’observe avec sa carrure de colosse expliquant en toute simplicité les fondements de notre
discipline à ceux venus l’écouter.
J’étais venu faire un tour, histoire de ne pas rater l’occasion et voilà déjà 2 heures qui sont passées
à regarder et à écouter les conseils du maître. Je suis « scotché ».
Ses explications semblent tellement simples : et dire qu’il est devenu un si grand champion en appliquant
un principe de base, le déséquilibre, comme il l’explique si bien.
Lorsque le stage touche à sa fin, je m’approche de lui et lui demande s’il veut bien accepter que je fasse
quelques photos. Non seulement il accepte mais il fait preuve d’une patience et d’une gentillesse dont bon
nombre de jeunes sportifs bien moins titrés feraient bien de s’inspirer.
Puis il s’installe à une table pour signer les passeports sportifs des nombreux jeunes venus lui demander
un autographe.
Je le trouve tellement accessible que je lui demande si je peux lui poser quelques questions sur sa carrière
tout en lui précisant que cette petite interview, s’il l’accepte, servira à alimenter le journal de mon club.
J’aurais pu comprendre qu’après une matinée de stage et à l’heure du repas, il me fasse gentiment
comprendre qu’il n’est pas vraiment disposé à ce qu’on a déjà du lui demander des milliers de fois durant
son impressionnante carrière sportive.
Et bien pas du tout, il m’invite à m’asseoir à ses côtés et la conversation commence.
Extraits :
………………
Dominique Schrutt : « Monsieur Parisi, quel est le judoka qui vous a le plus inspiré dans votre carrière ? »
Angelo Parisi : « Ils sont au nombre de trois : deux japonais et un hollandais. Isao OKANO tout d’abord
qui fut champion olympique en 1964 et du monde en 1965, puis Shozo FUJI, quadruple champion du monde
dans les années 70 et enfin le néérlandais Willem RUSKA, double champion du monde et olympique et
septuple champion d’Europe dans les mêmes années chez les lourds »
DS : « Et pourquoi ces trois judokas en particulier ? »
AP : « Parcequ’ils pratiquaient un judo flamboyant et complet. Ils savaient tout faire.
RUSKA était très impressionnant par sa taille mais les japonais l’étaient encore plus car ils ne pesaient que
80 kg environ mais étaient capables de gagner contre des adversaires de 120 ou 130 kg en
Toutes Catégories grâce à leur judo explosif »
DS : « Et parmi les judokas que vous avez rencontré en compétition, lequel vous a le plus impresionné ? »
AP : « Sincèrement, aucun »
DS : « Pas même YAMASHITA, un des plus grands judoka de tous les temps ? »
AP : « Je l’ai rencontré à plusieurs reprises, mais il passait tout en force, ce n’était pas un exemple pour
moi. Mais puisque tu me parles de YAMASHITA, je vais te raconter une petite anecdote. Bien après avoir
arrêté nos carrières sportives l’un et l’autre, je l’ai invité un jour à venir dîner à la maison. Et durant la
soirée, il me regarde et me dit ‘’j’aurais bien aimé avoir ton judo’’, ce qui fut un très grand compliment
venant de lui, et moi de lui répondre ‘’et moi j’aurais bien aimé être triple champion du monde comme toi’’… »
DS : « Quel regard portez-vous sur les champions français ? »
AP : « Chez les lourds, Teddy RINER est encore un peu jeune, mais toi qui semble bien connaître le judo,
tu as certainement bien observé les combats de David DOUILLET. Combien de fois a-t-il gagné par
ippon ? »
DS : « Que voulez-vous dire ? »
AP : « Je te donne la réponse : 50% de ses combats à peine, alors qu’en ce qui me concerne c’était du 95%.
Bien sûr que DOUILLET est un grand champion par le nombre de ses victoires. Mais j’ai toujours eu une
certaine conception du judo. Quand je montais sur le tapis ce n’était pas pour gagner sur shido ou par des
combines, mais pour marquer ippon. A partir de là, je gagnais ou je perdais mais mon objectif restait le
même. Ce sont les japonais qui m’ont appris cela. »
DS : « Vous semblez sévère avec la jeune génération. »
AP : « C’est un constat. Aujourd’hui, l’esprit n’est pas toujours au rendez-vous. Pour moi le judo, c’est la
recherche du ippon. »
………………………
Et avant de le quitter après l’avoir cordialement remercié pour sa simplicité, il me propose, en guise de
souvenir de poser pour la photo ci-dessous.
En février 1985, à 32 ans lorsqu’il décide de prendre sa retraite sportive, l’Association contre la violence
dans le sport lui remet le trophée du fair-play.
La grande classe. Respect Monsieur PARISI !