Non, messieurs les journalistes, les robots ne

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Non, messieurs les journalistes, les robots ne
TRIBUNE 09/05/2014 à 18h21
Non, messieurs les journalistes, les robots ne voleront pas vos
emplois
Claude De Loupy | PDG et fondateur de Syllabs et Data2Content
TRIBUNE
Aujourd’hui, nombreuses sont les craintes concernant
l’arrivée des algorithmes dans notre quotidien et plus
particulièrement dans la presse.
Le travail du journaliste est indispensable, ne peut être
remplacé actuellement et ne devrait pas l’être à
l’avenir. Les « robots » apportent des points différents
par rapport aux journalistes et peuvent même
contribuer à l’effort journalistique dans son sens le plus
noble en permettant de couvrir un maximum
d’informations, même celles qui ne sont pas rentables
avec les méthodes traditionnelles.
Une automatisation
journaliste
Il existe deux
sémantiques.
grands
au
types
service
de
du
MAKING OF
Les auteurs dirigent Syllabs, qui travaille depuis
sept ans sur la collecte de données, l’analyse
sémantique des textes et, avec le lancement de
la marque Data2Content, sur la génération
automatique de textes. Ils réagissent à un article
de Rue89.
L’article de Philippe Vion-Dury publié sur le site
de Rue89, « Robots contre journalistes : qui
gagnera la guerre de l’information ? », illustre,
avec quelques exemples réels l’irruption des
algorithmes dans la presse aux Etats-Unis. Il
s’interroge sur une possible robotisation du
journalisme. Bien que compréhensibles, ces
peurs ne sont pas fondées.
technologies
La première et la plus courante permet d’analyser l’information contenue dans un gros volume de texte
pour en extraire des éléments qui peuvent ensuite être exploités et mis en valeur.
On peut ainsi utiliser des outils d’analyse d’opinion spécifiques pour déterminer l’opinion des
internautes sur les réseaux sociaux par rapport à telle ou telle personnalité politique : il est ainsi possible
de savoir ce que les gens lui reprochent le plus ou ce qu’ils aiment le plus.
La force de ces technologies est de récupérer et analyser de très grosses quantités de matière brute
afin d’en ressortir le matériau utile au journaliste.
Le second type de technologies sémantiques concerne la production automatique de textes. Il existe très
peu d’acteurs sur ce marché, marché que nous considérons très important.
Ces techniques permettent de couvrir, de manière homogène, un grand nombre d’événements. Si l’on
prend l’exemple des élections municipales, aucun média ne peut couvrir les 36 681 communes de
France. Les journalistes se concentrent sur les communes principales avec des articles de fond et cela
doit continuer. Mais des données sont disponibles pour TOUTES les communes (population, superficie,
résultats des précédentes élections, etc.).
Il est dès lors possible, dès que les résultats d’une commune sont publiés par le ministère de l’Intérieur,
de rédiger une brève à leur sujet :
« La liste du maire sortant X de la commune Y est arrivée en tête du premier tour avec un score de 57%
des votes. Elu en 2008 avec […] ».
Cette couverture précise et factuelle de l’ensemble des communes est démocratiquement correcte. Il
est normal que les médias se concentrent sur les communes principales car il est impossible de tout
couvrir. Mais chaque commune a, elle aussi, droit à l’attention des médias.
Robots et journalistes main dans la main
Certains prétendent qu’un robot gagnera le prix Pulitzer. La prédiction était pour 2016, ce qui ne se fera
évidemment pas, mais nous pensons que ça ne se fera pas non plus en 2020, ni en 2050.
Les textes qui peuvent être produits automatiquement utilisent des faits (même si certains peuvent
provenir d’analyses d’opinion et donc d’éléments subjectifs).
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Un « robot » n’est pas capable de corréler des événements de manière intelligente en ressortant
les raisons de cette corrélation.
Un robot ne dispose pas d’une vision conceptuelle globale autour d’un événement. L’intelligence
artificielle est encore très loin de pouvoir rivaliser avec l’intelligence humaine sur tous les fronts.
Le journaliste (humain, professionnel) apporte un savoir-faire et une connaissance qui n’est pas
encore à la portée des robots et qui ne le sera pas avant longtemps, voire jamais totalement.
Médias et Robots
En France, les médias sont beaucoup plus frileux qu’aux Etats-Unis pour passer à ce type de
technologies. Cela aura pour conséquence de laisser la porte ouverte aux médias américains sur le
terrain des médias français.
Car si l’on sait produire des textes dans une langue (l’anglais), on sait le faire dans une autre langue
également, avec les mêmes données. Notre service Data2Content a ainsi produit des descriptifs d’hôtels
en français, anglais et espagnol en utilisant une même source d’information (non multilingue).
Si Forbes utilise des technologies de génération d’articles sur la bourse en anglais, ils peuvent arriver
demain en France avec la même technologie mais pour le français. Des parts de marché seront alors
perdues par nos médias nationaux.
Or, l’apport d’information est réel car il s’agit bien de couvrir l’ensemble des nouvelles qui tombent,
quelle que soit leur importance globale, car chaque nouvelle a de l’importance pour au moins un lecteur.
C’est pourquoi nous vous invitons à venir discuter avec nous, à envisager de produire beaucoup plus de
contenus moins fouillés mais dont chacun sera important pour quelques lecteurs. La somme de ces
petits ensembles de lecteurs peut se traduire en un immense flux de nouveaux lecteurs selon le principe
de la longue traine.

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