Mémoire des Mères héroïnes du Viet Nam

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Mémoire des Mères héroïnes du Viet Nam
Mémoire des Mères héroïnes du Viet Nam
Thái Thị Ngọc Dư, Nguyễn Thị Nhận, Lê Hoàng Anh Thư
(Centre de recherche Genre et Société – Université Hoa Sen)
INTRODUCTION
Les travaux de recherche au Viet Nam ont présenté les côtés positifs du rôle émancipateur des
femmes des deux résistances contre les Français puis les Américains. Des millions de femmes
ont participé à la résistance. La victoire de la révolution d’août 1945 est aussi considérée comme
une révolution qui a libéré les femmes de leur sort d’esclaves pour devenir de vraies citoyennes
d’un pays indépendant. La résistance a permis aux femmes de participer aux activités
révolutionnaires de l’arrière-front et de s’engager aux combats et sur ce plan, elles ont démontré
qu’elles sont aussi capables que les hommes.
Les documents qu’on trouve à l’heure actuelle ne mentionnent que très peu la participation des
femmes à la résistance dans le Sud Viet Nam, par exemple, nous savons très peu des trajectoires
des mères héroïnes. Pourquoi ont –elles accepté que leurs maris et enfants participent au
combat ? Plusieurs de ces mères ont elles-mêmes participé à la résistance, à quoi aspiraient-elles
en faisant tant de sacrifices ? Y a-t-il des changements quant à leur rôle dans la famille et dans la
société tout le long de cette longue résistance et dans l’après-guerre ? Quels sont les effets directs
de la résistance sur la vie des femmes, sur leur rôle dans la famille et dans la société, sur les
relations sociales hommes – femmes des mères héroïnes ainsi que des femmes qui sont restées à
l’arrière-front pour attendre le retour de leurs proches?
La recherche sur les mères héroïnes s’avère urgente parce qu’elles sont déjà très âgées, plusieurs
d’entre elles sont décédées. Leur état de santé est fragile, ce qui ne facilite pas les rencontres et
entretiens avec les chercheur(e)s. Les mères héroïnes sont glorifiées par le gouvernement et la
société à cause de leurs sacrifices, leur amour de la patrie, leur courage exemplaire. Mais derrière
cette gloire, quels sont leurs sentiments, leurs réflexions, leur vécu des années de guerre, leur
retour à la vie normale après la guerre. Ces éléments méritent d’être collectés pour contribuer à
1
dresser un portrait plus complet et plus humain de l’âme des femmes et des mères qui ont vécu la
guerre.
RÉSULTATS DES ENTRETIENS AVEC LES MÈRES HÉROÏNES
L’équipe de recherche a réalisé seize entretiens avec les mères héroїnes, deux femmes qui ont
participé à la résistance et une mère d’enfants victimes de l’agent orange / dioxine.
Selon le circulaire délivré le 29 août 1994, « Mère héroїne du Viet Nam » est un titre honorifique
que le gouvernement du Vietnam décerne aux femmes qui ont considérablement contribué aux
œuvres de la défense de la patrie. Sont « mères héroїnes du Viet Nam » les femmes qui se
trouvent dans les conditions suivantes :
1- Celles dont deux enfants et le mari ou elles- mêmes sont morts pour la patrie ;
2- Celles qui n’ont que deux enfants et que tous les deux sont morts pour la patrie, ou celles qui
n’ont qu’un enfant et qu’il est mort pour la patrie ;
3- Celles dont trois enfants et plus sont morts pour la patrie ;
4- Celles dont un enfant, le mari et elles – mêmes morts pour la patrie.
De décembre 1994 à la fin de l’année 2001, le gouvernement du Viet Nam a décerné ce titre à
44.253 femmes, parmi elles 15.033 sont au Nord et 29.220 sont au Sud. A Ho Chi Minh Ville,
selon les chiffres de 2003, ce titre a été décerné à 1.899 femmes dont la majorité sont décédées.
Les chiffres sus-mentionnés ont démontré la participation très active des femmes à deux guerres
d’indépendance du pays. Ainsi, la recherche sur les femmes dans la guerre est une priorité pour
que les témoins de cette période de lutte, en particulier les femmes, ne tombent pas dans l’oubli.
Les entretiens que l’équipe a réalisés du mois de mai au mois d’août 2011 se sont basés sur la
liste de 191 mères héroїnes qui reçoivent la pension régulière du Département du Travail, des
Invalides de guerre et des affaires sociales (DOLISA) de Ho Chi Minh Ville en 2010. Dû aux
contraintes de temps et de moyens, l’équipe s’est limitée à mener des entretiens avec les mères
qui habitent les districts intramuros : 6, 10, Binh Thanh et Go Vap. La période où les maris et
enfants de ces mères sont morts s’étale sur les trois guerres : française, américaine avant 1975 et
2
la guerre à la frontière du Sud – Ouest après 1975. Pour faciliter l’identification de ces guerres,
nous nous sommes convenus, dans le cadre de cet article, de donner les appellations suivantes :
la première résistance ou la guerre française pour la guerre contre l’occupation française (1945 –
1954) ; la deuxième résistance ou la guerre américaine pour la guerre contre les Américains
(1960 – 1975) ; la guerre de la frontière du Sud Ouest pour la troisième guerre contre le régime
Pol Pot du Cambodge (1978). L’équipe n’a pas pu aller à Củ Chi, une région rurale de tradition
de résistance où vivent un grand nombre de mères héroїnes à l’heure actuelle. Cet article
présente seulement les résultats d’entretiens avec les mères héroїnes, il ne mentionne pas encore
les anciennes résistantes ni les mères de victimes de l’agent orange, vu le nombre insuffisant des
entretiens.
1. L’âge des mères
Elles sont très âgées, la plus âgée est née en 1914, la moins âgée en 1939, la majorité sont nées
avant 1925. Elles et leurs familles ont vécu les deux guerres de résistance. Comme elles ont plus
de quatre-vingts ans, même plus de quatre-vingt-dix ans, elles sont dans un mauvais état de
santé, elles se déplacent difficilement et sont souvent malades.
2.
Régions natales et lieux d’activités
La plupart d’entre elles sont originaires des régions rurales des provinces du Delta du Mékong
telles que Long An, Tiền Giang, Đồng Tháp, ou des régions qui entourent Ho Chi Minh Ville
comme Củ Chi, Bình Chánh, Bình Dương. Une mère est originaire de la province de Quảng
Nam (du centre Viet Nam) mais elle s’est installée à Sai Gon depuis longtemps. Elles sont issues
des familles paysannes, certaines étaient petites commerçantes à la campagne ou dans des petites
bourgades. Femmes pauvres des régions rurales pendant les années 1930 – 1940, la plupart
d’entre elles étaient analphabètes. Elles ont dit que c’est grâce à leur participation à la résistance
qu’elles ont eu l’occasion d’apprendre à lire et à écrire, maintenant elles peuvent lire les
journaux1. Pendant la première résistance, les régions où elles habitaient avaient
un trait
spécifique, ce sont les zones “libres” ou zones de résistance contrôlées par les forces Viet Minh ;
pendant la deuxième résistance ces zones étaient appelées « zones libérées ». Pendant la guerre
française, il existait des régions entièrement contrôlées par le Viet Minh et elles étaient assez
1
Paroles des mères Ho thi Ha, Nguyen thi Ut, Ho thi Doi
3
sûres qu’on appelait « chien khu » (maquis). Autour de ce noyau se trouvait la zone libre où
vivaient les habitants qui soutenaient la résistance. Ils utilisaient la monnaie « Viet Minh ». Il
existait en quelque sorte deux gouvernements. Les habitants des zones libres pouvaient circuler
même dans les zones contrôlées par les Français ou par le gouvernement sous tutelle française,
ils avaient la carte d’identité et utilisaient la monnaie émise par ce gouvernement. Les zones
libres étaient souvent bombardées, de temps en temps raflées par les soldats français,
mercenaires et vietnamiens. Brûler les maisons, arrêter les hommes, violer les femmes étaient
des actes courants de cette armée. Vers la fin de la guerre française, le Viet Minh a gagné du
terrain, les zones libérées se sont étendues. Il semble qu’il y avait un accord tacite sur les
frontières de ces deux zones antagonistes. Le gouvernement installait des postes de contrôle mais
ceux-ci n’étaient pas un obtacle pour la circulation des femmes et de leurs marchandisesAprès
l’accord de Genève signée en 1954, le pays a été divisé en deux regions, celle qui se trouve au
Sud du 17e parallèle est devenu la République du Viet Nam (RVN) gouverné par un régime proaméricain et anti-communiste, la République Démocratique du Viet Nam (RDV) occupe la
région au Nord du 17e parallèle. Ainsi, les zones libres des forces révolutionnaires dans le Sud
Viet Nam ont été dissoutes. Mais à partir de l’année 1960, sous la direction du Front National de
Libération qui menaient la lutte contre l’occupation américaine, les zones de résistance étaient
rétablies et élargies progressivement. Il existait aussi des zones dont les habitants soutenaient les
forces révolutionnaires mais elles étaient contrôlées par le régime de Saigon, plusieurs mères
vivaient et menaient des activités de lutte dans ces zones pendant la guerre américaine. Le
régime de Saigon contrôlait ces zones le jour, mais les forces révolutionnaires y étaient actives la
nuit, ou bien ces deux catégories de zones se juxtaposaient. Le terme souvent utilisé dans le
langage courant est « zone mélangé de riz et de haricots »2. Grandies dans des familles de
tradition révolutionnaire, il est de toute évidence que les mères participaient à la résistance. La
plupart d’entre elles ont participé à toutes les deux guerres, française puis américaine. Elles ont
dit que tous les gens qui vivaient autour d’elles participaient à la résistance, donc elles faisaient
comme tou le monde. Quant aux lieux d’activités, elles ont commencé à mener les activités dans
leurs villages, dans les regions rurales du pays. D’autres étaient dans les zones limitrophes de
Saigon (Bình Chánh, Củ Chi) ou bien carrément à Saigon, dans le district de Tân Bình. Durant
2
“Xôi đậu” en vietnamien
4
leur vie d’activités, il leur arrivait d’être découvertes par l’adversaire, elles étaient obligées de
changer de zone, d’aller vivre à Saigon et continuer les activités de lutte clandestines dans les
zones contrôlées par le régime de Saigon.
3. 3.
Mémoires:
ce
que
les
mères
se
rappellent
le
plus
et
en
détails
Les mémoires des mères peuvent être influencées par les suggestions de la part des
interlocuteur(e)s. L’interlocuteur(e) a commencé par poser des questions concernant leur état de
santé, leurs conditions de vie à l’heure actuelle, puis il / elle leur demandait de raconter leur vie
et leurs activités pendant la résistance. Les dernières questions sont réservées aux circonstances
dans lesquelles leurs maris et enfants sont tués. L’ordre de ces questions est intentionnément
choisi par l’interlocuteur (e) pour atténuer leurs émotions quand elles se rappellent des souvenirs
douloureux, l’interlocuteur (e) voulait que ces souvenirs soient dillués dans leurs nombreuses
mémoires durant toute leur longue vie d’activités. L’influence de la démarche de l’entretien mise
à part, les interlocuteur(e)s ont relevé les points communs suite à l’analyse des résultats
d’entretiens : les mères se rappellent très bien et elles aiment à raconter très en détails leurs
activités de résistance. Les détails qu’elles se rappellent le plus sont les suivants :
-
L’évolution des leurs années de résistance, multiples activités et responsabiltiés qu’elles
assumaient dans la résistance, les détails des preuves de courage, d’intelligence, de jugement
pertinent face à l’ennemi.
-
Les cironstances où elles ont été arrêtées, emprisonnées, torturées ainsi que leur ferme fidélité
à la cause de la révolution.
- Les dates et les circonstances de la mort de leurs maris et enfants et celle des autres membres
de famille.
3.1 Quelles étaient leurs activités dans la résistance ?
3.1.1
Tout d’abord, en ce qui concerne les circonstances de leur participation, on constate
l’importance de la tradition révolutionnaire de la famille : leurs pères, mères, frères et
sœurs ont participé à la résistance. On peut citer le cas de madame Luong, originaire de
Củ Chi, de ses 9 frères et sœurs, trois aînés et un frère cadet ont été tués pendant la guerre
française. Les dix frères et sœurs de la famille de madame Tiem, originaire de Tan Nhut –
Binh Chanh (banlieue de Saigon) ont tous participé à la première résistance. Le père et la
5
tante de Madame Ha, originaire de Gò Công avaient participé à la première résistance et
ils ont été tués. Le père et le mari de Madame Chồn ont aussi été tués à cette époque.
La raison qui les a motivées à participer à la résistance est relativement simple : suivre le
mouvement des jeunes et des femmes dans la région, se révolter contre l’oppression et la
férocité de l’ennemi et la volonté de vengeance pour leurs compatriotes.
3.1.2

Quelles activités ont-elles menées?
Agent de liaison et d’approvisionnement : Assurer la liaison et la communication était
la tâche généralement assumée par les femmes pendant les deux dernières résistances. Il
s’agissait de transmettre des documents, directives, lettres, d’accompagner les membres
allant de la ville au maquis (zones libres contrôlées par les forces révolutionnaires) et vice
versa, de transporter les provisions, médicaments, tissus et d’autres marchandises. Sur le
chemin, il leur fallait traverser des postes de contrôle de l’adversaire, les dangers étaient
présents. Les mères devaient agir avec intelligence, avec souplesse pour pouvoir
convaincre l’adversaire, elles devaient être capables de juger avec exactitude la situation
pour réagir sans faille.
“Une fois je devais transmettre le courrier, je suis entrée chez une connaissance
pour me reposer, cette personne demandait à ses filles de faire cuire du riz, elles
disaient qu’il n’y avait plus de riz et qu’elles devraient sortir pour chercher du riz.
J’ai tout de suite compris que ces filles allaient informer les autorités, puisque le fils
de cette conaissance travaille dans le régime de Saigon. J’ai tout de suite quitté ce
lieu, pris un moto taxi pour aller chez une autre connaissance plus fiable. J’ai
changé de vêtements, portais un chapeau et je me suis sauvée. (Mère Lê thị Lượng).
Il leur est arrivé de faire semblant d’être folles
3
pour tricher l’adversaire. Elles sont
conscientes qu’assurer la liaison est une activité qui contient beaucoup de dangers mais
que celle-ci est très importante pour la résistance, c’est pourquoi il fallait agir de telle
sorte qu’elles ne tombent pas dans les mains de l’ennemi. Si elles sont arrêtées, il fallait
absolument préserver les secrets même si elles sont torturées, ne rien déclarer pour
préserver les camarades et le réseau d’activités.
3
Paroles de Madame Phan thi Tiem
6

Cacher les camarades et les armes : Pendant la première résistance, Madame Loan a
caché les camarades dans sa maison à Tan Binh, Madame Ut a caché ses camarades et les
militaires à Long An. Madame Tiem avait construit la cachette pour les camarades dans
le district 6 pendant la deuxième résistance. Dans cette guerre du peuple, plusieurs
familles, citadines et rurales, ont caché les résistants dans leurs maisons.

Participer à la lutte politique, mobiliser la population à soutenir la résistance, à
détruire les « hameaux stratégiques »4 :
Les femmes participaient activement à la
lutte politique, par exemple revendiquer de rendre leurs maris, leus fils qui étaient enrôlés
dans l’amée de l’ennemi, revendiquer les compensations pour les personnes qui étaient
tués, ou détruire les hameaux stratégiques qui étaient édifiés par l’ennemi pour concentrer
la population5.

Prendre carrément les armes pour combattre l’ennemi : C’est le cas de la mère
héroïne Huynh thi Phuoc qui vivait dans la commune Trung Lap Thuong, district de Cu
Chi. Pendant la deuxième résistance, elle a reçu l’ordre de diriger la destruction d’un
pont. On lui a donné un fusil. Elle devait préparer le combat, mobiliser les gens, diriger le
recyclage des armes. A l’époque, elle était fière en recevant l’arme car elle était la seule
femme de la commune qui avait le droit de garder un fusil6.

Non seulement participer à la résistance, elles devaient gagner la vie pour nourrir
toute la famille, élever les enfants, s’occuper de la famille de leurs maris. A la
différence des hommes qui quittaient leurs familles pour participer à la résistance en tant
que soldats ou agents politiques, les femmes assumaient plusieurs tâches à la fois :
participer à la résistance, travailler la terre ou faire du commerce pour nourrir la famille,
et élever les enfants. Seul un petit nombre de jeunes femmes volontaires des brigades de
choc ou de cadres politiques quittaient totalement leurs familles pour s’engager à la
résistance. Dans la guerre du peuple, c’est grâce aux larges réseaux de femmes qui étaient
4
Le régime de Saigon avait la politique d’entourer les villages suspects de haies de bambou ou de barbelé pour
contrôler les entrées et sorties des gens.
5
Selon les paroles de madame Nguyen thi Dinh, quand elle participait à la résistance à Tra Vinh, elle et les autres
femmes , des centaines, ont détruit les hameaux stratégiques. L’atmosphère était très enthousiasmante.
6
Selon les paroles de madame Huynh thi Phuoc
7
actives sous l’apparence d’une population ordinaire que l’ennemi ne pouvait savoir où
étaient ses adversaires. Les mères assumaient les travaux champêtres et l’élevage : élever
les porcins, préparer les rizières, arracher les jeunes plantes de riz, récolter le riz,
écortiquer le riz, vendre le riz. D’autres étaient des petites commerçantes, elles vendaient
des légumes, des friandises, des patates ou du manioc. Elles avaient beaucoup d’enfants,
les difficultés se multipliaient quand elles devaient élever les enfants en bas âge tout en
assumant les tâches de résistance. Il leur est arrivé de confier leurs enfants malades à une
connaissance pour réaliser les activités urgentes pour la résistance. Elles devaient souvent
changer de domicile et elles emmenaient leurs enfants avec elles. Plusieurs choses leur
manquaient dans la vie quotidienne, elles étaient en permanence exposées au danger de
bombardement. Les enfants ne pouvaient pas aller à l’école, les filles devaient aider leurs
mères pour gagner la vie7.

Mémoire des années de résistance, joies et peines : Se souvenant des années de
résistance, plusieurs d’entre elles ont constaté : « malgré les peines, on était très
enthousiastes, il y avait de la joie ». Pourquoi étaient-elles enthousiastes ?
-
Parce qu’ensemble avec plusieurs autres camarades elles ont participé à la
destruction des hameaux stratégiques : « On était des centaines à détruire les hameaux
stratégiques, l’atmosphère était enthousiasmante » (Mère héroїne Nguyễn thị Định).
-
Parce qu’elles avaient l’occasion de connaître plusieurs personnes en menant
les activités de résistance. Parce qu’elles se rendaient compte de leurs capacités, qu’elles
faisaient des choses utiles à la résistance. Autrement dit, la participation à la résistance a
renforcé la confiance en soi, a répondu à leurs besoins de communication. Elles ont pu
nouer des contacts avec une communauté bien plus large que la famille et au sein de cette
communauté, elles avaient une position sociale qui était reconnue par tout le monde.
Cependant, la guerre était atroce, il n’y avait pas que de la joie de combattre à côté des
camarades, il y avait aussi de la crainte, de l’horreur.
7
Selon madame Nguyen thi Ut, ses filles n’avaient pas d’enfance. Elle-même et sa deuxième fille devaient travailler
pour nourrir sa famille, son mari et les camarades. Une autre fille devait faire les travaux ménagers et s’occuper de
ses petits frères et sœurs.
8
“La guerre dans ma mémoire est comme un cauchemar, c’était tellement terrifiant
quand les hélicoptères tournaient au-dessus de vos têtes, les soldats allaient à
l’assaut, ils tiraient sur nous, ils nous bloquaient le chemin, mais on était très
courageuses à l’époque… »,(Mère Ngô thị Tám).
D’autres ont dit que maintenant, en se souvenant de la vie pendant la résistance, elles
trouvent que c’était pénible, mais à l’époque elles ne s’en aperçurent pas. Elles ont
constaté que les femmes se heurtaient à plus de difficultés que les hommes en participant
à la résistance parce qu’elles devaient à la fois exécuter leurs devoirs de résistance et
remplir leurs devoirs envers la famille. Dû aux spécificités biologiques, la menstruation
rend leur vie plus difficile au combat ou en prison (quand elles étaient
emprisonnées). « Aller au combat, les hommes n’ont besoin que d’un pantalon, mais les
femmes en ont besoin davantage à cause de la menstruation, il faut se laver plus
souvent » (Mère Huỳnh thị Phước). Ainsi, dans la guerre, les hommes et les femmes
souffrent des misères, font face aux dangers de la même manière, mais les femmes
souffrent davantage à cause de leur caractéristiques biologiques.
3.2
Arrêtées, emprisonnées, torturées
Plusieurs d’entre elles ont été arrêtées, emprisonnées et torturées, certaines ont été
arrêtéees plusieurs fois, emprisonnées pendant plusieurs années. Madame Nguyen thi Doi a
été transportée à plusieurs prisons, du Service policier général ; au poste Hang Keo, à la
prison Chi Hoa, puis à la prison Phu Loi. Madame Tam Thanh a été emprisonnée dans les
« cages à tigre » de la prison Con Dao (ex- Poulo Condor). Elles se rappellent des petits
détails des circonstances de leur arrestation, c’était souvent à cause d’une dénonciation ou
lors d’une rafle. Elles se rappellent très bien les modes de torture violents et féroces de
l’ennemi : donner des coups de poing, de pied, choc électrique, faire avaler de l’eau
savonnée, humilier les femmes. Ces tortures ont laissé des conséquences graves pour leur
santé à présent.
Ces tortures ont gravement violé les droits humains. Pendant ce temps, au Nord Viet Nam,
les prisonniers qui étaient des pilotes américains ont reçu un traitement correct, leur ration
alimentaire était meilleure que celle des cadres de la prison et ils ne subissaient aucune
torture.
9
3.3
Cirsonstances de mort de leurs maris et enfants
-
Les dates de mort de leurs maris et enfants s’étalent de la première résistance à la
guerre de la frontière du Sud – Ouest, donc sur plus de trente ans. Certaines
avaient leurs maris tués dans la première résistance et ensuite leurs enfants ont été
tués dans la deuxième résistance. Les enfants de la majorité des mères ont été tués
dans la deuxième résistance. A part les maris et enfants, d’autres membres de
famille ont aussi été tués : belles – filles, beaux-fils, neveux et nièces, frères et
sœurs, beaux frères et belles sœurs. Certaines étaient jeunes quand leurs maris
ont été tués. Le mari de madame Đợi a été tué en 1948 quand elle avait vingt-trois
ans, elle était enceinte. Son fils à son tour a été tué en 1967. Le mari et les deux
fils de madame Lượng ont été tués en un seul mois à la fin de 1970. En deux ans
1969 et 1970, la famille de Madame Út a perdu quatre personnes, elle souffrait
tellement qu’elle est tombée dans le traumatisme pendant plusieurs années. Elles
ont raconté très en détails les circonstances de mort de leurs proches: morts au
combat à cause des bombes, fusillés, blessés sans que les soins soient fournis à
temps8.
-
Découverts et arrêtés par l’ennemi, torturés jusqu’à la mort9.
-
En général, les garçons ont été tués au combat, les filles tuées sur le chemin en
exécutant leur tâche. Il y avait des garçons et des filles parmi les tués, par
exemple madame Phước avait deux filles qui ont été tuées quand elles étaient très
jeunes. Les filles déjà tuées étaient encore humiliées par l’ennemi. Madame
Phước a raconté le cas de la mort de sa fille à Thanh An, Biên Hòa : « Ce jour là,
il y vait huit personnes sur le chemin, un maquisard allait en premier, ma fille en
deuxième, finalement sept personnes dont ma fille ont été tuées, il n’en restait
8
Selon les paroles de madame Nguyễn thị Quánh : « Un jour, moi et mon mari emmenaient nos quatre enfants nous
cacher dans la forêt, il portait un de nos enfants, quand il venait de me le passer il fut bombardé et gravement blessé,
j’ai été témoin de son agonie, ses intestins étaient découverts, je couvrais la blessure avec mon écharpe, les
maquisards devaient aussi se cacher, il n’y avait pas de secours. S’il avait été soigné, il n’aurait pas été mort ».
9
Le mari de Madame Luong a été découvert dans une cache secrète, il a été torturé dans plusieurs prisons, exilé à la
prison de Phu quoc et y est mort.
10
qu’un vivant. Les soldats ennemis ont découvert le corps de ma fille, ils lui ont
enlevé les vêtements, l’exposaient au public, puis ils ont jeté son corps dans un
fossé militaire des Américains ». Après 1975, elle a demandé aux soldats de
chercher son corps mais ils ne l’ont pas trouvé.
3.4
Vivre avec le passé
Dans leur vie actuelle, elles ne peuvent pas apaiser la mémoire de leurs maris et enfants
bien que plus de trente ans se soient écoulés. A présent, la vie affective des mères varie
selon des cas. Il y en a qui n’ont plus du tout d’enfant, leur fils ou leur fille unique est mort,
leur mari est mort aussi, elles vivent avec un neveu, une nièce ou un enfant adoptif,
d’autres vivent seules. Pour celles qui ont plus de chance d’avoir encore leurs maris ou
enfants, leur vie affective est meilleure. Il y en a qui ont retrouvé le corps de leurs enfants
et maris, ils sont bien enterrés, mais il y en qui n’ont jamais retrouvé le corps de leurs
proches. Alors, leur souffrance s’est multipliée et elle n’est jamais apaisée10.
L’interlocuteure a vu qu’elles ont pleuré sans cesse quand elles parlaient de leurs maris et
enfants.
“Maintenant je suis très peinée à chaque fois que je me souviens de mes enfants, je
ne peux les oublier. Je me sens très seule et très triste, surtout quand je suis
malade…C’est très douloureux d’être femme, quand les enfants étaient loin, je
languissais d’eux tellement je ne pouvais manger ni dormir, quand ils sont morts, je
me sentais comme si mes intestins étaient écrasés, paradoxalement, je suis encore
vivante pour pleurer à leur mémoire (Mère Sơn thị Ký).
“Lors des réunions avec les camarades, j’ai vu qu’elles étaient entourées de leurs
enfants, et que j’étais seule, je me sentais très triste”(Mère Nguyễn thị Định).
Malgré leur peine, elles ont dit qu’il fallait accepter parce que c’était la guerre, “ Autour
de nous, il y a plusieurs personnes qui ont perdu leurs enfants comme nous . C’est notre
sacrifice pour la patrie. C’est ce qui arrive dans la lutte contre les envahisseurs pour
défendre la patrie, il faut faire des efforts pour se consoler au lieu de porter nos peines
éternellement.” (Mère Đỗ thị Chồn).
10
Madame Đợi n’a pas retrouvé le corps de son mari ni celui de ses enfants.
11
Elles savaient que s’engager dans la lutte présentait des risques de mort ou de blessures
graves. Alors pourquoi ont-elles accepté de laisser leurs enfants s’engager dans la lutte,
pourquoi n’ont-elles pas empêché ? Nous avons collecté les réponses suivantes :
- Tous les jeunes de la région se sont engagés dans la résistance ;
-
Parce qu’ils étaient enfants des maquisards, ils auraient été arrêtés par l’ennemi
s’ils avaient été restés à la maison ;
-
Si les jeunes n’avaient pas été engagés à la résistance, ils auraient été enrôlés de
force dans l’armée adversaire, “je craignais que le père et les enfants soient dans
les deux camps adversaires ” (Mère Nguyễn thị Út).
“J’éprouve beaucoup de peines à la mémoire de mon mari et de mon fils, mais
plusieurs autres femmes dans notre pays ont perdu trois enfants ou plus, j’en ai
qu’un qui est mort pour la patrie, cela valait mieux que de rester à la maison et
d’être arrêté par l’ennemi, cela aurait été plus grave si jamais il avait dénoncé nos
camarades ». (Mère Nguyễn thị Đợi).
Il est à noter une différence relative à la guerre de la frontière du Sud – Ouest ( 1978). A
cette époque, le pays était déjà en paix, la guerre est devenue une exception. Une mère 11
avait demandé aux autorités une dispense de service militaire à son fils unique12. Mais sa
demande n’a pas été acceptée. Son fils était enrôlé dans l’armée et est allé se battre au
Cambodge. Il y a été tué, et la mère est devenue mère héroïne. Cette mère a vécu à
Saigon et elle ne connaît pas les deux dernières résistances. ..
Bien que de conditions variées, elles se sont rencontrées sur un point, elles ne
manisfestent pas de remords ni reproche à propos de la mort de leurs proches. Elles
pensent qu’en situation de guerre il faut accepter des pertes, des sacrifices. D’un autre
côté, elles ont le sentiment d’avoir des dettes envers leurs proches parce qu’elles sont
encore vivantes et qu’elles reçoivent les subventions de décès que le gouvernement
accorde aux mères héroïnes. Elles ont mentionné « l’argent de sang » de leurs proches
pour indiquer ces subventions. Madame Tiem reçoit les subventions du gouvernement et
11
Madame Thái thị Xứng
12
Selon un décret relatif au service militaire, l’enfant unique de la famille est dispensé de service militaire.
12
de quelques entreprises. Elle en a fait des économies. Une fois elle est allée à Ha Noi
rendre visite à sa belle famille, elle a donné à chaque membre de la famille deux millions
de dongs et leur a dit : « C’est de l’argent de sang de votre oncle et de votre neveu ».
Madame Nguyễn thị Quánh reçoit une subvention de deux millions de dongs par mois.
Elle a dit : “Maintenant je suis très triste parce que je reçois l’argent de mes enfants, je
dépense leur argent, je pense que je leur mange os et sang »
4. Avantages et difficultés spécifiques des femmes en lutte
4.1. Avantages des femmes en lutte
Les mères ont constaté que les femmes ont des avantages suivants :

Dans les activités économiques traditionnelles des femmes vietnamiennes, elles
s’occupent du commerce, de la vente et l’achat des toutes sortes de marchandises, faire
les courses au marché, vendre des produits agricoles de la famille. Elles sont des petites
commerçantes dans les marchés, des villages aux grandes villes. Quand le marché s’est
élargi à l’époque coloniale française, les femmes étaient des commerçantes mobiles qui
sillonnaient toutes les routes du pays. L’image des femmes commerçantes mobiles
tellement familière à tout le monde est devenue un avantage qui facilitait leur rôle de
liaison et d’approvisionnment pendant la guerre. Elles ont remarqué qu’il est plus facile
pour les femmes que pour les hommes d’être agents de liaison, le déplacement des
hommes était difficile parce qu’en temps de guerre l’ennemi visait toujours les hommes,
c’étaient des adversaires qu’il fallait exterminer, ou c’étaient des citoyens qu’il fallait
enrôler dans l’armée. Pour les femmes, il suffit d’être habile et avisé pour traverser les
postes de contrôle de l’ennemi en qualité des citoyennes légales qui font du commerce.
“Il y des choses que les hommes ne peuvent pas faire telles que prendre des contacts,
assurer la liaison, se faufiler dans différents endroits, tandis que les femmes peuvent
facilement approcher les gens, s’effacent dans la foule, particulièrement dans les zones
de contrôle mixte. ” (Madame Trần thị Bé)
Dans les luttes politiques face à l’ennemi, le rassemblement d’un grand nombre de
femmes qui utilisaient les astuces relevant des caractéristiques de femmes telles que crier,
pleurer, faire la grève, riposter a maintes fois fait reculer l’ennemi. Bien naturellement,
ces astuces n’ont pas eu de succès dans tous les cas.
13
”… Ils (l’ennemi) ont rassemblé tous les villageois sous le soleil et les ont interrogés,
disant si quelqu’un indique où se cache Madame Út Phước ils les libéreraient. A ce
moment, de mon côté, j’ai mobilisé un groupe de femmes pour faire pression. Ces
femmes ont fait semblant de crier, pleurer, réclament d’être libérées pour donner le
sein à leurs bébés. Finalement, ils ont dû nous libérer, mais ils ont regretté : - On a
pris un gros poisson mais on l’a laissé échapper- ». (Madame Huỳnh thị Phước).
4.2
Le viol, un danger auquel seules les femmes doivent faire face
A côté des dangers qui menacent les hommes aussi bien que les femmes comme les maladies, les
blessures, la mort, l’arrestation, la prison, les mères ont dit ce dont les femmes et les filles
avaient peur le plus c’était le viol par l’ennemi. Ceci concerne à la fois la première et la
deuxième résistance. Madame Nguyễn thị Quánh, âgée de 95 ans a raconté que ses trois fils
acaient déjà été tués, mais elle a continué à envoyer sa fille âgée de 18 ans à la réisistance parce
ce que “ à l’époque, les Français ont attaqué les zones libres, ils ont violé les femmes et les filles.
A l’époque américaine, c’était pareil. Les Américains venaient dans nos villages, ils violaient les
femmes, brûlaient les maisons, ainsi, les femmes devaient s’enfuir et se cacher. Quand les
Américains se retiraient, on est rentré au village, on faisait des repas pour les maquisards ».
”Pendant l’époque américaine, à Củ Chi, ils (les ennemis) bombardaient souvent, ma
maison a été brûlée deux fois à cause des bombardements, la vie était très difficile. Chaque
fois qu’ils entraient dans le village, les femmes, les filles et les jeunes hommes devaient
s’enfuir dans les cachettes secrètes, il ne restait que des vieilles et des enfants. S’ils
attrapaient des filles, ils les violaient. Ils bombardaient violemment, quelques fois, les
bombes sont tombées dans les cachettes, toutes les personnes dans la cachette ont été tués.
C’était terrifiant ”. (Madame Nguyễn thị Loan).
Les témoignages des mères ont encore une fois montré que, comme dans toute guerre depuis
toujours, le viol comme une arme de guerre13 a été utilisé par l’armée étrangère dans les deux
13
Thanh Guong : « L’histoire a montré que chaque fois il y a la guerre, les femmes doivent être sous un double
joug : elles sont à la fois victimes de la guerre (la mort, les peines , les pertes…) comme n’importe quel homme qui
se trouve dans de pareille situation, mais les femmes sont aussi « un appât sexuel » pour n’importe quel homme,
qu’il soit un soldat de l’amée adversaire, qu’il soit un soldat du même camp, qu’il soit un homme lui-même victime
de la guerre… Tellement certains se sont plaint… « être femme dans la guerre est plus dangereux qu’être soldat
ennemi » (Le viol est une arme de guerre, in Forum en ligne – 2008).
14
guerres au Viet Nam. Dans la mémoire des Vietnamiens qui ont vécu les deux guerres, le viol
que les soldats étrangers ont exécuté de manière généralisée est une réalité poignante qui a causé
le plus grand traumatisme aux femmes. Le fait que le Conseil de Sécurité des Nations Unies a
fait passer à l’unanimité la résolution numéro 1820 qui stipule que le viol est une catégorie
d’arme de guerre est un progrès qui mérite d’éloge dans le processus de “civiliser” l’humanité
(Thanh Gương 2008) .
5. Réflexions et souhaits des mères à présent
Après la guerre, des femmes qui étaient déjà cadres pendant la résistance et encore jeunes ont
continué à participer aux activités et sont devenues cadres au niveau des quartiers. Le poste le
plus important qu’elles ont occupé était secrétaire du Parti communiste au niveau du quartier. La
majorité des femmes sont retournées à la vie normale de citoyenne. Déjà âgées, elles rencontrent
beaucoup de difficultés dans la vie quotidienne, sans parler de leur solitude au niveau affectif et
mental. Tenant compte de leurs années d’activités de résistance, le gouvernement a fourni à
plusieurs femmes un logement. Ceci s’est produit bien avant le décernement de titre de mère
héroïne. Un logement, qu’il soit petit, a contribué à assurer une stabilité aux mères. A l’heure
actuelle, les mères reçoivent une subvention mensuelle qui varie de 2.000.000 à 2.500.000 dongs
de la part du gouvernement, plus une subvention de 500.000 à 1.000.000 dongs de la part des
entreprises depuis le décernement du titre de mère héroïne. Excepté quelques cas où les mères
ont une pension de retraite ou une subvention plus élevées qui suffisent à leurs besoins, la
majorité doit en partie dépendre de leurs proches. Les dépenses pour les soins de santé
représentent une grande proportion, certaines ne se servent pas de leur droit de sécurité sociale.
Les mères ont expliqué que la sécurité sociale ne donne pas de médicaments de bonne qualité
comme elles le souhaitent et qu’elles doivent attendre longtemps pour la consultation.
Concernant leurs souhaits, presque toutes les mères ont souhaité une bonne santé et une vie
paisible pour la famille. Il est compréhensible qu’elles donnent la priorité à la santé car elles sont
toutes très âgées et portent des maladies. Elles ont manifesté un besoin affectif, elles souhaitent
avoir des visites, avoir quelqu’un à qui bavarder. A présent, les autorités locales et certaines
organisations relevant du système politique gouvernemental leur rendent visite à l’occasion des
grandes fêtes. Cependant ces visites ont un caracère plutôt officiel que de nouer des relations
affectives sur une longue durée. Ce besoin affectif des mères n’est pas encore satisfait. Pour le
15
pays, les mères sont contentes que la guerre ait pris fin, que le pays soit en paix. Les paroles
suivantes de le mère Lại thị Khuỳnh peut résumer les souhaits des mères : “Maintenant, je ne
souhaite rien de plus qu’une vie tranquille, paisible pour que la famille puisse mener
correctement des activités économiques,la paix pour le pays, les enfants accomplissent leurs
devoirs envers la famille et envers la pays, que je ne sois pas alitée trop longtemps avant de
mourir, que je ne sois pas un fardeau pour mes proches ». Ainsi, après tant d’années de lutte
avec courage, après tant de pertes et de souffrances, les souhaits des mères à la fin de leur
existence sont si modestes, elles ne demandent rien pour elles. Celles qui sont encore en bonne
santé souhaitent pouvoir visiter les différentes régions du pays, aller à Ha Noi visiter le mausolée
et rendre hommage au président Ho Chi Minh. Elles ont aussi exprimé quelques réflexions sur
les jeunes et la guerre, voici les paroles de la mère Đỗ thị Chồn: “Les jeunes ne connaissent pas
la vie pénible des résistants d’autrefois. Même si nous leur en parlons, il leur est difficile de
comprendre”. Nous avons noté quelques reproches de la part des résistantes qui n’ont pas le titre
de mère héroïne parce que leur participation n’a pas été reconnue comme elle devrait être. Elles
reprochent aux autorités locales qui ne comprennent pas leurs difficultés, qui ne les soutiennent
pas dans la requête des statuts qu’elles méritent.
6. Observations
Les connaissances des trajectoires et expériences des mères héroïnes pendant et après la guerre
que l’équipe de recherche a collectées nous ont amemées à avoir des observations suivantes :
- Les mères héroïnes ne sont qu’un très petit nombre de femmes vietnamiennes qui, ensemble
avec les hommes, ont participé activement aux deux résistances pour défendre l’indépendance du
pays. A travers les conversations avec elles, nous avons appris des choses que nous ne savions
pas jusque là de la participation des femmes à la résistance, en particulier la perte de leurs
proches, une immense perte jamais compensée. Dans cette ligne de pensée, nous pensons que
l’histoire officielle contemporaine, ou à un degré moindre, l’histoire des résistances du Viet
Nam, devrait réserver une place que méritent les rôles et les activités des femmes. L’histoire
serait plus riche et serait capable de présenter des aspects importants concernant les femmes, elle
mettrait en relief les atrocités de la guerre telles que le viol, les effets douloureux de l’agent
orange, d’immenses souffrances des femmes, diverses activités des femmes dand la guerre…
16
L’histoire des femmes fait partie intégrante de l’histoire nationale, et non pas un segment de
l’histoire du mouvements des femmes.
_ Maintes fois héroïnes : La majorité des mères ont participé aux deux résistances et elles ont
démontré leur intelligence, courage et détermination à servir la patrie. Elles assumaient
simultanément plusieurs tâches : activités de résistance, gagner la vie pour nourrir la famille,
élever les enfants, prendre soins des parents. Quand les hommes sont partis pour la résistance, il
leur suffit d’avoir du courage, ils confient plusieurs autres tâches à leurs femmes à l’arrièrefront. Ils sont rassurés parce qu’ils savent que leurs femmes à l’arrière-front prennent en charge
la famille et la production. Ainsi, les femmes, en accomplissant toutes ces tâches de lutte et de
soutien à la famille, méritent déjà le titre d’héroïnes. Les mères héroïnes souffrent de surcroît la
perte de leurs maris et de plusieurs de leurs enfants, elles ont éprouvé des souffrances qui ne sont
jamais apaisées, elles ont vécu toute leur jeunesse dans la solitude et continuent à être seules
dans la vieillesse. Le titre de mères héroïnes décernée à plus de 44.000 mères dans tout le pays
n’a qu’une signification symbolique, elles représentent des millions de femmes qui sont mortes
pour la patrie ou qui ont perdu leurs maris ou un enfant dans la guerre. Elles sont toutes des
mères héroïnes du Viet Nam.
_ Absence de haine : Leurs maris et enfants ont été tués par l’ennemi, elles-mêmes ont été
emprisonnées et torturées de telle sorte que leur santé soir dégradée, il serait compréhensible si
elles nourrissaient encore de la haine envers l’ennemi. Chose étonnante, absolument pas une
trace de haine à travers toutes nos conversations. Elles sont contentes que la guerre ait fini et ne
veulent pas parler de ces années de guerre tant douloureuses. Il semble que pour elles, quand
l’ennemi envahissait le pays, le devoir de citoyenne les incitait à se battre pour défendre
l’indépendance, quand l’ennemi fut vaincu et a quité le pays, elles considèrent qu’elles ont
accompli leur devoir. Peut-être pensent-elles qu’il n’y a plus de sens de garder la haine parce que
l’ennemi est vaicu, peut-être ont –elles agi selon la tradition de « ne pas battre un homme s’il est
déjà tombé du cheval » ? Elles se souviennet toujours avec une grande tristesse de leurs proches
disparus dans la guerre, mais elles n’éprouvent pas « le traumatisme de la guerre du Viet Nam »
comme les vétérans américains, ceux – ci aspirent ardemment à éprouver par eux-mêmes
l’indulgence et le pardon des Vietnamiens pour pouvoir apaiser leur sens de culpabilité à l’égard
de ces derniers.
17
_ La guerre et l’égalité des genres : quelques progrès et les problèmes qui restent.
Issues des familles de paysans pauvres et analphabètes, si ces mères n’avaient pas participé à la
résistance, elles auraient vécu toute leur vie dans la pauvreté et dans l’ignorance dans des
villages reculés. Elles n’auraient pas eu l’occasion de mener des actes utiles à la société, elles
n’auraient pas eu d’amples relations sociales, elles n’auraient pas gagné des positions sociales
relativement égales à celles des hommes, elles n’auraient pas eu la chance de faire des études,
d’apprendre à lire et à écrire pour pouvoir accéder à de nouvelles connaissances et de développer
leurs capacités. Le témoignage de plusieurs mères a affirmé que la participation à la résistance
leur a apporté une meilleure position sociale bien qu’elles n’aient pas de biens ni d’instruction.
Elles ont gagné la confiance en soi, les aptitudes de parler devant le public, de mobiliser les gens
à agir pour le bien de la société. Après la guerre, certaines ont été intégrées aux différentes postes
du gouvernement local, bien que mineurs, ces postes les ont aidées à affirmer leur position
sociale. Cependant, ce n’est qu’une petite proportion, la plupart d’entre elles sont retournées à la
vie ordinaire comme tant d’autres femmes de la classe populaire, elles se retrouvent dans les
soucis de la vie quotidienne, dans la tristesse et solitude sans fin. Leur passé de résistante ne les
aide pas à avoir une voix plus puissante ni dans la famille ni dans la société. Il y en a qui
continuent à être subordonnées à des maris autoritaires bien que ceux-ci soient leurs camarades
de lutte. “Mon mari a un mauvais caractère, il m’interdit d’aller aux réunions. L’autre jour, on
m’a transmis une invitation du club des mères, il m’a interdit de la prendre, d’aller à la réunion,
il m’a obligée de rester à la maison, il m’a grondée, vraiment il a un comportement autoritaire,
il m’oblige à rester à la maison et de faire les travaux ménagers ” (paroles d’une mère).
Et voici l’explication :
“ Dans la résistance, l’esprit patriarcal ne se voyait pas aussi bien que maintenant,
puisqu’on était en guerre, on devait se concentrer sur l’ennemi, on était entre la vie et la
mort, tandis que maintenant dans la paix il n’y pas plus de danger, il est très difficile de
combattre le patriarcat ; combattre un ennemi physique, on meurt ou l’ennemi meurt, mais
combattre un ennemi dans la pensée, on ne meurt pas mais il est difficile de le vaincre ”
(Madame Ngô thị Tám).
Ainsi, la participation à la résistance et l’égalité des genres ne progressent pas dans le même
sens, ceci est davantage exact pour les hommes. Les mères ont aussi parlé de la discrimination et
18
du non-respect à l’égard des femmes dans la résistance de la part des camarades qui étaient des
hommes. “Les hommes sont encore imprégnés d’esprit féodal, ils avaient des complexes devant
les femmes qui avient une position supérieure, ils ne les respectent pas : - Vous êtes ma
supérieure mais vous n’avez pas de capacité, vous vous exprimez mal, on s’endort à vous
entendre. ” (Madame Ngô thị Tám).
Les inégalités de genres telles qu’elles ont été mentionnées plus haut restent un problème
d’actualité dans la société du Viet Nam d’aujourd’hui, ceci est d’autant plus vrai dans le domaine
politique.
6. En guise de conclusion : Les besoins affectifs des mères héroïnes et les actions
futures de l’équipe de recherche
Comme cela a été mentionné, les mères sont très âgées, elles sont d’une santé fragile, elles vivent
dans la solitude, et elles éprouvent de la joie s’il y des gens qui leur tiennent compagnie.
L’équipe de recherche considère que le Centre de recherche Genre et Société de l’Université Hoa
Sen devra garder des liens avec elles ; leur rend visite et renforcer les liens affectifs et durables
avec elles. Elles ont besoin d’affection davantage que des cadeaux matériels ou bien des visites
officielles qui ne nourrissent pas de liens durables. Il existe plusieurs moyens de témoigner de la
reconnaissance envers les mères héroïnes, et répondre à leurs besoins affectifs est une façon de
manifester la reconnaissance de la communauté envers d’énormes sacrifices des mères héroïnes
du Viet Nam.
HoChi Minh Ville, septembre 2011
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