Télécharger au format PDF

Transcription

Télécharger au format PDF
La lettre d’Archimède
L’actualité de l’Eldo vue par un spectateur
Sommaire
No 54 — 2 avril 2016
Un monstre à mille têtes
Pulp: A Film About Life, Death and Supermarkets — Whiplash
Le film mystère
En bref et en vrac — Prochains rendez-vous à l’Eldo… et ailleurs
UN MONSTRE À MILLE TÊTES
un film de Rodrigo Plá
Le nouveau film de Rodrigo Plà est plutôt ramassé : moins de cinq quarts d’heures pour nous raconter une
course contre la montre, un fait divers dénonçant la monstruosité d’une société où la responsabilité se dilue.
Pour Sonia Bonet, la situation est simple, son époux est malade, il a besoin d’un médicament qui le soulagera,
les frais devraient être pris en charge par l’assurance santé dont les cotisations sont toujours réglées en temps
et en heure. Face à elle, une société d’assurance où tout est fait pour réduire les dépenses, aux dépens des
adhérents si besoin. Mais une entreprise est composée d’hommes et de femmes, ce sont eux que Sonia veut
rencontrer. En ce dernier jour de la semaine, la partie de squash hebdomadaire est plus importante qu’un
petit client, infime dossier parmi des millions d’autres anonymes et qui peut être probablement reporté au
retour du week-end sans dommage. Devant l’injustice flagrante, Sonia refuse de se soumettre et décide de se
battre pour avoir gain de cause, choisissant l’illégalité pour faire reconnaître ses droits.
L’argument d’Un monstre à mille têtes pourrait être celui d’un petit polar, avec ce qu’il faut de mélodrame
pour nous arracher une larme de temps en temps, et de discours social pour nous indigner contre les
« méchants assureurs » (cela change des « méchants banquiers » même si la limite entre les deux tend
aujourd’hui à s’amenuiser). Rodrigo Plá ne cherche pas à nous attendrir ou à nous faire réagir. Au contraire, le film est plutôt distancié, et nous comprenons assez vite pourquoi : le réalisateur ne nous invite
pas à vivre l’action comme dans la plupart des films, mais à suivre une reconstitution des faits lors du
procès de Sonia Bonet. Le décalage temporel est sensible, et, dans cette mise en image des témoignages
oraux, la froide analyse l’emporte sur la chaleur de l’action. La pluralité de ces témoignages implique la
multiplicité des points de vue : des séquences successives se chevauchent, les raccords donnant à comprendre la position, tant morale que psychologique, des différents protagonistes.
En nous interdisant de vivre l’action avec Sonia Bonet, de nous émouvoir trop facilement de l’injustice dont
elle est la victime, Rodrigo Plá nous donne l’occasion de découvrir le tableau dans son ensemble, de ne pas
nous arrêter au cas individuel de Sonia et de sa famille mais d’observer les forces en action qui agissent (« ré-
agissent » serait plus juste) lorsqu’un individu, Sonia ou autre, demande justice. L’une de ces forces est d’ailleurs l’institution judiciaire qui se place par la simple tenue du procès, quelle qu’en soit l’issue, du côté de ce
que Sonia et nous ressentons comme celui de l’injustice. Le monstre à mille têtes n’est pas encore vaincu.
Un monstre à mille têtes (Un monstruo de mil cabezas ; Mexique ; 2015 ; 1 h 14 ; couleur, 2.35:1 ; 5.1), réalisé par Rodrigo Plá, écrit par Laura
Santullo, produit par Sandino Saravia Vinay et Rodrigo Plá ; musique de Jacobo Lieberman et Leonardo Heiblum, image d’Odei Zabaleta,
montage de Miguel Schverdfinger ; avec Jana Raluy (Sonia Bonet), Sebastián Aguirre Boëda (Dario). Distribué par Memento Films Distribution.
Prix du jury au Festival Biarritz Amérique latine 2015 ; Coral de la meilleure actrice (Jana Raluy) au Festival international du nouveau cinéma
latino-américain de La Havane 2015 ; Festival Prizes du meilleur film mexicain au Festival international du film de Hermosillo 2015…
Dans le cadre du Festival MV
PULP
A FILM ABOUT LIFE, DEATH AND SUPERMARKETS
un film de Florian Habicht
Séance unique, lundi 4 avril 2016, 20 h 15
Arriver dans une teuf quand tu sens le poisson, c’est pas l’idéal pour draguer. Jarvis Cocker
Le groupe Pulp avait connu le succès vers le milieu des années 90. Comme le dit Josephine, à qui il difficile
de ne pas faire confiance, Pulp, c’est mieux que Blur, la musique est plus mélodique et les textes sont
meilleurs. Au début des années 2010, le leader Jarvis Cocker propose de faire une ultime tournée aux
membres du groupe, séparé de fait depuis près d’une décennie. Le dernier concert est prévu le 8 décembre 2012 à Sheffield, berceau du groupe. Le film Pulp : A Film About Life, Death and Supermarkets se
concentre sur cette date, mélangeant images d’archives, captations de concerts, de chorales reprenant
un titre du groupe ou d’entrainements sportifs sur l’air d’un autre, conférence sur Common People, entretiens avec les membres du groupe et des habitants de Sheffield…
Jarvis Cocker se taille la part du lion. Pulp, c’est lui. Il évoque son origine modeste, son adolescence à
Sheffield, de son envie d’être dans un groupe pour faire venir à lui les filles qu’il n’osait draguer. Timide
et exhibitionniste, il avoue qu’il est toujours en représentation, sauf quand il dort peut-être. Les autres
musiciens sont plus en retrait, ils parlent de Jarvis, l’une parle sa maladie et que la célébrité lui a permis
de nier, un autre évoque pudiquement les dissensions au sein du groupe, celles d’autrefois bien sûr. Et
puis il y a les fans, ils aiment Pulp parce que Jarvis Cocker est l’enfant du pays (le fils ou le neveu de Joe
essaie de se rappeler deux ménagères), que la musique les fait danser, que les paroles parlent d’eux, qu’ils
se sont aimés sur leurs chansons. Pulp : A Film About Life, Death and Supermarkets ressemble aux morceaux du groupe, une réalité sociale enrobée de légèreté et d’humour.
Pulp: A Film About Life, Death, and Supermarkets (Grande-Bretagne ; 2014 ; 1 h 30 ; couleur), réalisé par Florian Habicht, écrit par Florian Habicht et Peter
O’Donoghue, produit par Alex Boden ; image de Maria Ines Manchego, montage de Peter O’Donoghue ; avec Nick Banks, Jarvis Cocker, Candida Doyle,
Steve Mackey, Mark Webber, et les gens de Sheffield. Distribué par ZED. Athéna d’or Musique & Film au Festival international du film d’Athènes 2014.
Carte blanche lycéens
WHIPLASH
un film de Damien Chazelle
Séance unique présentée et animée par les élèves du lycée Hippolyte Fontaine
jeudi 7 avril 2016, 20 h
Après Mommy que les lycéens de Simone Weyl avait choisi, et en attendant Blade Runner présenté par
ceux du lycée Carnot, voici donc Whiplash dans une séance organisée par les lycéens du lycée Hippolyte
Fontaine. Whiplash semble s’opposer aux deux autres films sélectionnés, le premier décrivant le duel
entre deux hommes alors que les deux autres s’interrogent plus directement sur la nature de notre société. C’est oublier que, dans Whiplash, il s’agit d’éducation, et que celle-ci reflète inévitablement la société qui la produit, et dont en retour elle est censée produire l’avenir. Si le professeur et l’élève
s’affrontent, ce n’est pas parce qu’ils ont des conceptions de la pratique musicale opposées. Le jazz d’Andrew, admirateur de Buddy Rich, est celui de la technicité et du martèlement, pas de la musicalité et de
la finesse — il peut être rapproché de l’esbroufe musicale du concert final et des méthodes pédagogiques
brutales de Fletcher. Le professeur n’est finalement qu’un vieux chef de meute se méfiant du jeune loup
en lequel il voit un futur rival. Whiplash est donc bien une vision de la société, une vision correspondant
au catéchisme ultralibéral que Damien Chazelle présente, me semble-t-il, sans aucune critique, neutralisant même la critique possible en campant Fletcher en psychopathe. Curieux choix donc que Whiplash en
cette période d’interrogation et de contestation des jeunes quant à leur avenir. J’attends avec impatience
ce que diront les lycéens de ce film brillant et puissant… comme un solo de Buddy Rich.
Whiplash (tats-Unis ; 2014 ; 1 h 47 ; couleur, 2.40:1), écrit et réalisé par Damien Chazelle, produit par Jason Blum, Helen Estarook, David
Lancaster et Michel Litvak ; musique de Justin Hurwitz, image de Sharone Meir, montage de Tom Cross, mixage de Craig Mann, Ben Wilkins
et Thomas Curley ; avec Miles Teller (Andrew), J.K. Simmons (Fletcher). Distribué par Ad Vitam. Oscars du meilleur second rôle masculin
(J.K. Simmons), du meilleur montage, et du meilleur mixage son 2015 ; Golden Globe du meilleur second rôle masculin (J.K. Simmons)…
Le film mystère
La semaine dernière, j’avais choisi Gremlins sans savoir
encore que Panic sur Florida Beach serait diffusé à l’Eldorado. Cette semaine, nouveau clin d’œil à Joe Dante,
avec un film mystère qui est l’une des nombreuses références de Panic sur Florida Beach. Seul autre indice, le
photogramme ci-contre…
Pour jouer, envoyez le titre du film mystère et le nom
de son réalisateur par courrier électronique à l’adresse
[email protected] ou déposez la réponse en indiquant le numéro de la Lettre, votre nom et
des coordonnées (de préférence une adresse électronique) dans l’urne située dans le hall de l’Eldorado
avant le vendredi 9 avril minuit. Le gagnant sera tiré au sort parmi les bonnes réponses et remportera
deux places gratuites. Bonne chance !
Le film mystère précédent
Le personnage au centre du photogramme de la semaine dernière étant filmé à contre-jour, et la silhouette des monstres étant légèrement modifiée lors de sa projection sur un écran de cinéma, le film
n’étant pas si évident à reconnaître. Quelques lecteurs ont eu l’œil, je les en félicite, et le sort a désigné
Laurent D. comme le gagnant des deux places gratuites en jeu. La solution était Gremlins (1984) de Joe
Dante, dont l’Eldorado a passé récemment en séance unique Panic sur Florida Beach (Matinee ; 1993).
C’est le héros du film, Billy Peltzer, qui apparaît sur le photogramme. Le jeune homme débrouillard était
interprété par l’acteur Zach Galligan, né en 1964 et dont c’était le premier rôle, rôle qu’il reprendra dans
la suite Gremlins 2 : La Nouvelle Génération (Gremlins 2: The New Batch ; 1990), aussi réalisé par Dante.
Depuis, Zach Galligan apparaît en moyenne un film par an, principalement dans le genre horreur, et peutêtre l’avez-vous vu dans un épisode de série télévisée de temps en temps, sans doute sans le reconnaître.
Depuis le très oubliable Point Doom (2000) d’Art Camacho, aucun des films auquel il a participé n’est sorti
en France. Dans la mémoire des cinéphiles, Zach Galligan reste donc uniquement attaché à Gremlins.
En bref et en vrac


À l’occasion de la sortie de La Saison des femmes le 20 avril, l’Eldorado nous propose une dégustation de cuisine indienne le soir du vendredi 22. Un film, cinq plats salés et deux desserts pour
9 €. Deux formules : projection suivie de la dégustation (à partir de 18 h), ou dégustation suivie de
la projection (à partir de 18 h 45). Réservation obligatoire avant le 20 avril.
Préventes en cours pour la soirée Pulp (lundi 4 avril) et la « ciné-dégustation » indienne (vendredi 22 avril).
Prochains rendez-vous à l’Eldo…
Avril






Lundi 4, 20 h 15 : Séance unique de Pulp: A Film About Life, Death and Supermarkets dans le
cadre du Festival MV.
Jeudi 7, 20 h : Carte blanche lycéens : Whiplash.
Lundi 11, 20 h 15 : Projection de No Home Movie en présence de la monteuse Claire Atherton.
Mardi 12, 20 h 15 : Avant-première de L’Académie des muses en présence du réalisateur José Luis Guerín.
Mardi 19, 15 h 30 : Ciné-atelier Du bout des doigts avec projection de Mimi et Lisa.
Vendredi 22, 15 h 30 : Ciné-dégustation La Saison des femmes (9 €).
… et ailleurs

Du mardi 5 au dimanche 10 avril : Festival Doc, doc, doc, entrez ! au nouveau cinéma de Villedieules-Poêles (Manche).
Cinéma Eldorado
21, rue Alfred de Musset / 21 000 DIJON
Divia : liane 5 et ligne 12 — Station Vélodi à proximité
Site web : http://www.cinema-eldorado.fr — Courriel : [email protected]
Twitter : @CinmaEldorado — Facebook : CinemaEldorado
La lettre d’Archimède
Site web : https://cinemaeldorado.wordpress.com/la-lettre — Courriel : [email protected]