Magazine - Les Binuchards
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33 Magazine Les Binuchards, fers de lance de l’identité charentaise Le Littoral no 55555 du Vendredi 333333333333 Oublié par les maisons de disques, le célèbre groupe de rock charentais remplit les salles de la région depuis douze ans. Retour sur un véritable phénomène identitaire qui séduit tous les âges. De gauche à droite : Richard le bassiste, Binuche,au chant et au violon, J.-C. le guitariste du groupe et Jean-Marie à la batterie. Si vous cherchez le studio d’enregistrement des Binuchards, à Gémozac, il y a fort à parier que quelques âmes charitables vous viendront en aide. Des adolescents jusqu’aux papis accoudés sur leur portail, tout le monde connaît le repère des enfants du pays. C’est donc ici, au milieu de ces terres agricoles, que se retrouvent Les Binuchards, un groupe qui célèbre l’identité charentaise depuis douze ans sur toutes les scènes de la région. Leurs titres sont rares à la radio, les maisons de disques ne s’intéressent pas au phénomène. Et pourtant, leurs concerts attirent régulièrement plus de 2 000 spectateurs. L’identité charentaise Pourquoi un tel succès ? Leur musique festive, empreinte de sonorités bretonnes, y est évidemment pour beaucoup. Mais ce sont surtout leurs textes qui font mouche, truffés de références locales et de refrains patoisants. Les Binuchards, volontiers taquins et grivois, chantent la vie des viticulteurs (les culs sucrés) ou des hommes de la mer (les culs salés). Ils reflètent l’identité charentaise et prouvent qu’il ne faut pas nécessairement être Basque ou Breton pour parler de sa région. Un discours enveloppé d’une dose d’humour et d’autodérision, comme dans le titre Le Charentais, extrait de leur dernier album (1) : “Regardez-le, le Charentais, il lui faut dix ans pour dire bonjour. C’est pas de la mauvaise volonté, il est comme ça depuis toujours. Il est méfiant comme le gibier, il vous regarde de la tête aux pieds. Mais quand il vous ouvre sa porte, on n’en sort plus, que le diable l’emporte.” Le refrain mettra tout le monde d’accord : “Une douzaine d’huîtres, un verre de vin, et le Charentais est content.” Un succès immédiat Bien installés dans le paysage local, Les Binuchards n’ont pourtant que douze ans d’existence. À la fin des années 1990, Richard, J.-C. et Jean-Marie écument les bars et les petites scènes avec leur groupe de rock seventies : Soho Side. Binuche, compositeur et parolier, se spécialise plutôt dans la musique cajun aux accents folk. Mais, un jour, il se voit proposer un concert privé pendant Les Francofolies de La Rochelle. Une belle opportunité offerte par Fabien Jacques, le chef du Bateau-Lavoir à Landrais, un proche de Jean-Louis Foulquier. Le restaurateur et le musicien s’associent, mais il leur manque un guitariste. J.-C. arrive alors à la rescousse. L’expérience est tellement encourageante que J.-C. et Binuche se rapprochent peu à peu. Et puis, un jour, en 2000, ils décident de créer leur propre groupe en mêlant les accents rock de J.-C. et les talents d’auteurcompositeur de Binuche. Richard rejoint l’aventure, Jean-Marie les suivra en 2003. Avec leurs fameuses cagouilles (“escargot” en patois charentais) en étendard, Les Binuchards réalisent rapidement que quelque chose est en train de se passer. Pour leurs grands débuts, en avril 2000, sur l’île de Ré, ils trouvent un public survolté qui s’arrache les 25 CD proposés sur place. Quelques semaines plus tard, le groupe fait chavirer le public de SaintJean-d’Angély en première partie de Soldat Louis. “C’est vrai qu’on s’est dit qu’on était en train de faire quelque chose de bien, se souvient J.-C. Les programmateurs ont commencé à nous appeler, et tout s’est enchaîné.” © Julien Martelle près de 20 000 spectateurs face à lui. D’autres dates moins spectaculaires l’ont également marqué, comme à La Cotinière, au tout début, avec près de 200 CD envolés dans la soirée. Mais Binuche, qui rode avec son carnet de notes à la recherche de bonnes histoires, n’a pas manqué de relever la phrase. On la retrouve d’ailleurs dans un titre du dernier album. Mais ce qui marque le plus dans un concert des Binuchards, c’est d’abord la variété du public, qui regroupe autant de jeunes que de moins jeunes. Des agriculteurs du coin, mégot au bec, ou des adolescents, encore émus de leur premier trajet à mobylette. Tous reprennent les refrains en cœur et, évidemment, les anecdotes ne manquent pas. J.-C. se souvient de cette mamie de 70 ans qui remuait la tête au son de la guitare, “comme dans un concert d’ACDC”. Plus récemment, il revient sur la proposition de ce monsieur un peu éméché qui était venu le voir après un concert : “Venez boire un coup chez moi, vous pourrez coucher avec ma femme.” Une boutade ? J.-C. n’en est visiblement pas certain. Et Les Francofolies ? Avec le succès, Les Binuchards ont quelque peu changé leurs habitudes. Il est loin le temps où ils se chargeaient eux-mêmes de graver leurs CD, et de découper les pochettes de disque. Chacune de leurs “galettes” s’est d’ailleurs vendue à plusieurs milliers d’exemplaires. Alors une question brûle les lèvres : pourquoi aucune maison de disques n’est-elle venue les solliciter ? “Je ne sais pas, on dirait qu’ils ne s’intéressent pas à nous. Mais, à vrai dire, on s’en fiche un peu”, sourit J.-C. Lui échangerait volontiers le prestige d’un grand label contre une présence au Festival des Vieilles Charrues. Et Les Francofolies ? “Le public nous en parle souvent, mais peut-être que nous ne sommes pas assez bien pour un public citadin.” On sent une pointe d’ironie dans son propos, pas de quoi le frustrer en tout cas, tant l’aventure des Binuchards est allée au-delà de ses espérances. Il parle d’un rêve auquel personne ne s’attendait : “C’est complètement inespéré. Des fois, on se demande si tout ne va pas s’arrêter d’un seul coup.” Et puis la magie reprend chaque année, grâce à ces Charentais, contents, pourvu qu’il y ait des huîtres et du vin. Et Les Binuchards pour les chanter. David Labardin Un Bon Département, sorti en mai, disponible sur le site internet des Binuchards ou dans les supermarchés. Renseignements et informations : www.lesbinuchards.fr. Prochains concerts : samedi 1er septembre à Saint-Sever-de-Saintonge (06 30 44 74 78) et samedi 8 septembre à Bercloux à l’occasion de la 10e Fête de la bière (05 46 94 17 75). (1) “Vous pourrez coucher avec ma femme” Il faudra néanmoins attendre 2003 pour que les quatre Charentais prennent définitivement leur envol. Séduit par le 3e album, Le Trophée, le programmateur de France Bleue La Rochelle, leur ouvre ses ondes. La réaction est immédiate : les auditeurs affluent au standard pour en savoir plus sur cet étrange groupe aux allures de Tri Yann charentais. Le succès repart de plus belle. Leurs meilleurs concerts ? J.-C. se rappelle de la première partie de Matmatah, en 2008, pour la Fête du Cognac, avec Un bain de foule pour Binuche, auteur-compositeur du groupe. © Julien Martelle