« Fête du travail… faites du travail ! » Message du 1 mai 2014 +

Transcription

« Fête du travail… faites du travail ! » Message du 1 mai 2014 +
« Fête du travail… faites du travail ! »
Message du 1er mai 2014
+ Hervé GIRAUD, évêque de Soissons, Laon et Saint-Quentin
A l’origine de tant de difficultés humaines, le chômage constitue un drame majeur pour notre
département. Il représente aussi un défi et c’est pourquoi ce quatrième message du 1er mai a pour objet de
souligner le lien entre travail et entreprises. Au cours de mes 43 visites pastorales, j'ai découvert de
nombreuses entreprises, petites ou grandes, de plasturgie, de transport, d’informatique, de services, des
sucreries, scieries, fermes, verreries… Des ouvriers, des employés, des membres de comités d'entreprise ou
des délégués du personnel, des syndicalistes, des DRH et des chefs d’entreprise m’ont fait découvrir ce
qu’ils vivent : leurs activités et lieux de travail, leurs projets et inquiétudes, leurs luttes communes aussi. En
analysant, en inventant, en prenant des risques, en coordonnant des compétences, il revient aux
entrepreneurs de créer de la richesse et de la partager par le travail. Or, comme le disait l’un d’entre eux :
« la désespérance guette aussi des entrepreneurs dans les périodes difficiles car le droit à l'échec n’est pas
reconnu ». L’Église catholique souhaite donc soutenir, encourager, tous ceux qui œuvrent pour le bien
commun en entreprenant. Certes, ce n'est pas le rôle premier d’un évêque que de résoudre des questions
sociales, économiques ou financières, mais je souhaite, comme cela est déjà arrivé, faciliter ou rendre
possible une parole, une médiation.
L’Église diocésaine, comme association qui emploie 35 salariés, connaît elle aussi ce que vit une
entreprise : ses soucis financiers, ses tensions, ses questions de formation ou de recrutement, ses retards et
ses points d’excellence, ses négociations. C’est ainsi qu’elle s’est dotée récemment d’accords collectifs.
Tout en étant une réalité autre, l’Église se situe aussi dans le monde de l’entreprise.
Depuis 1891 et l’œuvre du pape Léon XIII, l’Église catholique s’efforce d’appliquer et de diffuser un
enseignement social intégral. Cette « doctrine sociale de l’Église » n’est ni une idéologie, ni un catéchisme
politique, ni un projet de société, ni une doctrine économique, ni un modèle utopique, mais une réflexion sur
les réalités complexes de l’existence de l’homme en société. Cette réflexion est conduite à la lumière de
l’Évangile ; cet enseignement fait partie intégrante de l’annonce de l’Évangile. A ce titre, le pape Paul VI
affirmait que « Le combat pour la justice et la participation à la transformation du monde nous
apparaissent pleinement comme une dimension constitutive de la prédication de l’Évangile. » Sans
prétendre répondre à tous les problèmes présents, l’Église apporte donc une contribution spécifique. Les
principes qu’elle a développés ont souvent été repris : le respect de la dignité et des droits de la personne
humaine, le bien commun et la solidarité, la destination universelle des biens, le principe de subsidiarité qui
conserve à chacun sa responsabilité. Elle propose également une méthode : « écouter, analyser, décider ».
La moyenne actuelle de 15% de chômage dans l’Aisne, sa persistance dans certaines familles depuis
plusieurs générations, obligent à tout mettre en œuvre pour soutenir ceux qui peuvent créer du travail en
entreprenant. Les idées existent, des projets aussi. Cependant, les mécanismes qui leur sont nécessaires sont
devenus souvent trop lourds, les démarches administratives trop compliquées, sans compter la
financiarisation des entreprises et les délocalisations, conséquences d’une économie mondialisée. C’est
pourquoi chacun doit apporter sa contribution, par des choix éthiques de consommation, de placement de
son argent, pour que le nombre des chômeurs diminue. Ce n’est pas hors de notre portée. Chaque entreprise
qui se crée, se maintient ou se développe, chaque projet, chaque embauche, peut être la source d’espoir pour
beaucoup de familles.
Le pape François appelle celui qui entreprend à « servir vraiment le bien commun, par ses efforts de
multiplier et rendre plus accessibles à tous les biens de ce monde ». Entreprendre, c’est coopérer à l’œuvre
de la création. Les premiers versets de la Bible demandent à l’homme de travailler le jardin d’Éden (Gn
2,15) et les derniers évoquent un arbre de vie qui donne des fruits au milieu de la ville (Ap 22,2). Ainsi, en
donnant du travail à l’homme, Dieu l’a fait passer du jardin à la ville, d’une terre informe à une terre
travaillée ! Celui qui entreprend ne crée pas seulement une entreprise : il réalise son humanité et peut
contribuer à l’accomplissement personnel de beaucoup. L’entrepreneur saura-t-il donc être un « aventurier »
sortant des sentiers battus pour innover et donner du travail aux autres ? Le pape François l’affirme : « la
vocation d’entrepreneur est un noble travail ».