Cliquet, cran d`arrêt ou crémaillère à sens unique, tous ces
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Cliquet, cran d`arrêt ou crémaillère à sens unique, tous ces
l’effetcliquet Cliquet, cran d’arrêt ou crémaillère à sens unique, tous ces mécanismes ont un point en commun, ils ne vont que dans une direction : ils avancent mais ne reculent pas. Ainsi va la théorie économique élaborée par James Stemble Duesenberry. GÉrarD BÉruBÉ D ans l’imaginaire ou la psyché de l’individu, le revenu relatif devient plus important que le revenu absolu dans la détermination de la consommation. L’hypothèse de la rationalité ne tient plus et l’effet de la classe sociale peut devenir aveuglant. Ainsi hypnotisée par ce que l’économiste Duesenberry a appelé l’« effet cliquet », la personne va préférer puiser dans son épargne, voire s’endetter plutôt que d’ajuster son niveau de vie lorsque sa situation économique change ou qu’un revers se présente. Le conseiller n’a alors d’autre choix que de confronter son client aux divers scénarios s’offrant à lui avant que la situation ultime, soit la rencontre avec un syndic, ne devienne inévitable. www.conseiller.ca conseiller 8 « Malheureusement, ils ont frappé le mur lorsqu’ils viennent nous voir. Il leur a fallu de six mois à deux ans avant de percevoir qu’ils n’avaient plus d’autres solutions », précise Pierre Leblanc. Le président du Groupe Leblanc Syndic confirme la portée de cet « effet cliquet ». Clairement, c’est très fréquent, observet-il. « Et on ne le voit pas uniquement parmi les revenus élevés. Une personne conduisant une Mercedes ne voudra pas se montrer au volant d’une Huyndai. Une personne gagnant 25 000 $ faisant face à une perte d’emploi ou accueillant la naissance d’un enfant, sera aussi réticente à réajuster ses dépenses. La personne qui voit son revenu passer de 150 000 $ à 80 000 $ va vouloir tout de même conserver son abonnement au club de golf. La personne à revenu plus modeste ne voudra pas sacrifier son sans-fil, son Internet... » L’économiste James Duesenberry a apporté du relief au modèle classique mettant en relation la consommation et le revenu. L’économiste américain a ajouté un facteur psychologique à la propension à consommer. La théorie de base soutient que, lorsque le revenu s’accroît, la consommation augmente dans des proportions moins importantes. Dit autrement, la personne ou le ménage épargne une part croissante de leur revenu au fur et à mesure qu’il augmente. Or, la réalité nous démontre plutôt que, à court terme, la propension à consommer se veut moins rationnelle. Elle est fortement influencée par des facteurs psychologiques et peut varier en fonction de critères empruntant aux émotions. À long terme, cette propension tend à demeurer relativement stable, ce qui implique que la portion épargne n’augmente pas nécessairement lorsque le revenu s’accroît. La théorie soutenue par Duesenberry insiste sur l’importance des facteurs psychologiques dans cette fonction de consommation. Dans une perspective à long terme, l’économiste avance l’effet d’imitation ou de démonstration qui consiste, dans sa phase la plus prononcée, à défendre à tout prix un style de vie adopté, copié de ou emprunté à la classe sociale supérieure. Dans la littérature, on retient ainsi que « tout citoyen d’une classe donnée tend à acquérir le comportement de la classe immédiatement au-dessus ». juin 2008 À plus court terme, selon l’effet cliquet, la personne ou le ménage voudra conserver le même niveau de consommation, quel que soit son revenu disponible. La personne n’accepte pas une chute de son niveau de vie et, dans sa phase la plus pointue ou accentuée, elle n’hésitera pas à puiser dans son épargne, voire à s’endetter de façon abusive afin de maintenir cette qualité de vie. D’autres économistes ont étayé la thèse de Duesenberry en proposant l’idée que, une fois un certain niveau de revenu absolu atteint, l’importance est accordée au revenu relatif – donc, à la comparaison – dans l’échelle de satisfaction et de motivation des individus. Ces individus seront sensibles aux habitudes de consommation adoptées par leurs voisins, leur entourage, leurs proches. Une des conséquences de ces effets composant la théorie de Duesenberry a été mesurée par JP Morgan. Dans un sondage mené auprès de 1,3 million de répondants, la banque d’affaires soutient en conclusion que les Américains ne songent à préparer leur retraite que trop peu, et trop tard. Dans un texte www.conseiller.ca L’effet cliquet publié en janvier dernier par le quotidien d’affaires français Les Échos, la banque affirme que « cette insuffisance de l’épargne en prévision de la retraite est particulièrement problématique du fait d’une sorte d’asymétrie : la déception des individus liée au fait de ne pas avoir réussi à accumuler les sommes désirées au moment de la retraite est beaucoup plus forte (près de 2,5 fois) que la satisfaction éprouvée d’avoir épargné plus que de besoin. » Richard Giroux est confronté fréquemment à ce type de situation où la personne veut maintenir coûte que coûte son niveau de vie sans en avoir nécessairement les moyens ou sans accepter certains compromis. Le président du cabinet Option Fortune en dénombre davantage chez les travailleurs autonomes, les entrepreneurs et les personnes rémunérées à commission. « Il faut s’asseoir avec le client, lui parler de longévité, d’inflation, de volatilité. On fait des projections avec lui et on lui montre l’effet de ses choix. Ce faisant, il prendra sa décision en toute connaissance de cause », résume-t-il. « On lui parle du jeu de l’inflation, qui gruge ses revenus et qui augmente ses dépenses. On lui démontre la différence, sur la vitesse d’érosion de son capital, entre un taux de retrait de 8 % ou un autre de 4 %. On lui parle également des risques d’être frappé d’une maladie et des répercussions sur le REER en l’absence d’assurance pour maladies graves ou soins prolongés. En clair, le travail du conseiller consiste à conscientiser son client, à lui permettre de faire la distinction entre le rêve et la réalité. » Richard Giroux voit rarement ses clients s’endetter afin de maintenir à tout prix leur niveau de vie. « Mais une fois sensibilisés, ils acceptent de faire des sacrifices. Ou encore ils vont envisager une retraite progressive ou un travail à temps partiel une fois la retraite venue. » Ginette Fortin se spécialise dans ce type de situation. Planificateur financier, gestion personnalisée à la Banque Nationale, Mme Fortin parle du mirage qui peut aveugler les clients. De cette illusion que la personne conservera son revenu élevé ou qu’elle pourra se rattraper facilement en cas de revers. Mais lorsque la perte d’emploi devient réelle, lorsqu’une maladie grave frappe, lorsqu’une perte d’entreprise survient, ou encore lorsqu’une personne se retrouve à l’aube de la retraite et s’aperçoit soudainement qu’elle n’a pas le patrimoine lui permettant de maintenir son niveau juin 2008 11 de vie... « Le conseiller fait, en quelque sorte, un travail de thérapeute. Nous travaillons avec le client pour le conscientiser, pour revoir ses objectifs et le repositionner. Nous l’écoutons mais, chose aussi importante, nous lui proposons des solutions. » Tout dépendant de la situation du client, un exercice de consolidation des dettes peut suffire. La plus-value de la propriété peut également être mise à contribution de façon optimale. Un compromis sous la forme d’un retour sur le marché du travail peut aussi devenir nécessaire. En clair, « on travaille à remettre le client sur la voie qui est acceptable pour lui de manière réaliste, en lui montrant la réalité. Et il se peut que ce souci d’être réaliste consiste à lui montrer que le mur est plus près qu’il ne le pense, que s’il ne change pas son comportement ou s’il consomme au même rythme, sa situation va empirer. Et que s’il se préoccupe déjà de ce que pensent les voisins, ce pourrait être pire. » Ginette Fortin parle d’une relation de partenariat. « Le conseiller trouve les moyens financiers appropriés. Pour sa part, le client fait un choix et agit en conséquence. » www.conseiller.ca