4 Mai 2011 - Pourquoi la bourse ne grimpe pas plus
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4 Mai 2011 - Pourquoi la bourse ne grimpe pas plus
Page 31 Pourquoi la Bourse ne grimpe pas plus Les indices boursiers ont rebondi depuis mars 2009, mais leur niveau de valorisation reste faible, notamment au regard des résultats et de la profitabilité des entreprises. Cette sous-valorisation, en dépit de l’abondance de liquidités, risque de durer. Car l’incertitude est grande sur les bénéfices à venir. C ’est un paradoxe qui anime aujourd’hui la communauté financière. Malgré le fort rebond des indices boursiers mondiaux depuis mars 2009, les marchés d’actions occidentaux peinent à retrouver les multiples de valorisation qui les caractérisaient avant la crise financière. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En Europe, les actions de l’indice Stoxx 600 qui a rebondi de 80 % depuis son point bas du 9 mars 2009 valent 11,5 fois les bénéfices attendus en 2011 pour les entreprises concernées. Un chiffre à mettre en contraste avec une moyenne historique sur dix ans de 15,7 fois retenue par Morgan Stanley. Cet écart de valorisation ne va pas sans soulever certaines questions. Les marchés d’actions de part et d’autre de l’Atlantique parviendront-ils à retrouver leurs anciens niveaux, nettement plus élevés s’agissant de la valorisation des bénéfices ? La crise a-t-elle irrémédiablement refroidi les investisseurs après la fameuse « décennie perdue » sur les actions ? Enfin, les indices occidentaux sont-ils définitivement condamnés à avancer, la jambe ferrée à une prime de risque plus conséquente ? Ces questions sont d’autant plus criantes que les marchés baignent depuis quelque temps maintenant dans une abondance de liquidités entretenue par la politique monétaire accommodante des banques centrales. À cette énigme, Patrick Artus, directeur des études économiques de Natixis, avance plusieurs explications dans une récente note. À commencer par l’anticipation d’une hausse des taux d’intérêt en perspective de la fin de la période du « quantitative easing 2 ». « Mais, même s’il y avait une remontée de 100 points de base des taux d’intérêt à long terme aux États-Unis et de 60 points de base dans la zone euro […] compte tenu du niveau des primes de risque actions, les marchés d’actions resteraient sous-évalués. » L’inflation pourrait être une autre explication, sachant qu’il a W QUOTIDIEN LA TRIBUNE édité par : La Tribune SAS 26 rue d’Oradour-sur-Glane CS 91522 75 525 Paris Cedex 15 Standard : 01 44 82 16 16 Présidente, directrice de la publication : Valérie Decamp. Directeur des rédactions : François Lenglet. Directeurs adjoints : Pierre-Angel Gay, Olivier Provost. Rédaction en chef�: Éric Chol (économie, politique, international), Jean-Baptiste Jacquin (technologies et médias), Michel Cabirol (industrie et services), Jean-Louis Alcaide (PME), Pascale BessesBoumard (marchés et finance), Philippe Mabille (éditos et opinions), Pierre Kupferman (web), Odile Esposito (enquêtes), Christophe Bazire (édition). Directeur artistique : Philippe Vuagniaux. &opinions Éditoriaux La Tribune - Mercredi 4 mai 2011 L’analyse dr Par Gaël Vautrin, Journaliste, Marchés et Finances été observé que le phénomène ou son anticipation tendaient à réduire les « price earning ratio » (PER, ou ratio cours de Bourse/ bénéfice par action). « Mais cet argument n’est pas convaincant, l’inflation est plus forte dans les pays émergents que dans les pays de l’OCDE et pourtant les cours boursiers ont progressé très vite dans les pays émergents », note Artus pour qui, finalement, la seule explication tient à « l’incertitude sur la croissance aux États-Unis et dans la zone euro ». On n’achète pas une action « pour son passé mais pour ses bénéfices futurs, souligne Pierre Sabatier, stratégiste chez PrimeView. Or il est désormais difficile d’extrapoler à l’avenir les niveaux de bénéfices qui prévalaient sur les années 2000. » Parallèlement, le marché fait aussi le deuil des « Le contexte de désinflation qui prévalait sur les trente dernières années et favorable aux actions est mort et enterré. » Pierre Sabatier, stratégiste chez PrimeView. Publicité : La Tribune Régie. Directrice Marque et Diversification : Sandrine Matichard Directeur Marketing : Arnaud Jaouen Directeur commercial : Philippe Vigneul Directeur publicité Pôle finance : Fabrice Bruot Directeur de la diffusion : Pascal Poli Impression : Paris Offset Print - 30, rue Raspail - 93230 La Courneuve�; Mediterranée Offset Presse - 62, Boulevard de l’Europe - 13127 Vitrolles. Service Abonnement : Numéro vert : 0800 13 23 33 (appel gratuit). Fax abonnements : 01 44 82 17 92. Offres également disponibles sur Latribune.fr. conditions avantageuses dont ont bénéficié les entreprises depuis la crise en matière de financement , de niveaux d’inflation supportables, de taux de marges élevés, etc. « Les investisseurs ne croient pas à la pérennité des bénéfices actuels. Ils sont trop beaux pour être vrais ! », confirme Frédéric Buzaré, responsable de la gestion actions chez Dexia AM. À la faveur d’importantes réductions de coûts et de besoins en fonds de roulement au lendemain de la crise, les entreprises ont en effet retrouvé rapidement les niveaux de profitabilité historiques atteints avant la crise. Une situation difficilement tenable à l’heure où les entreprises vont devoir faire face à une hausse des coûts dans un contexte où les matières premières flambent de plus belle. u-delà de cette vue d’ensemA ble, le phénomène recouvre d’importantes disparités sectorielles. Les secteurs domestiques comme les « utilities » ou encore les télécoms (dont la pondération est importante dans un indice comme le CAC 40), très dépendants de leur marché, voient ainsi leurs perspectives de croissance remises en cause. « Les groupes, dont la situation de rente peut être remise en question par une hausse des taxes dans un contexte de réduction des déficits publics en Occident ou ceux sur lesquels plane un doute sur la pérennité des perspectives bénéficiaires, se paient avec une prime de risque plus élevée et donc un PER plus faible », explique Frédéric Buzaré. À l’inverse, ceux bénéficiant d’un horizon tapissé de croissance, via leur exposition aux émergents, sont logiquement mieux valorisés. Qu’elle s’estompe ou qu’elle se creuse, cette dichotomie ne devrait rien changer à cette nouvelle donne sur les marchés d’actions. « Le contexte de désinflation qui prévalait sur les trente dernières années et favorable aux actions est mort et enterré, conclut Pierre Sabatier. C’est un fait : les marchés d’actions se paieront moins cher à l’avenir que par le passé. » Et de fait, ne retrouveront sans doute pas les niveaux de valorisation d’antan. USA : USPS # 0117531 Periodical paid at Champlain N.Y. and additional mailing offices. For details call IMS at 1(800) 428 3003. Distribué par les NMPP. Commission paritaire�: 0914C85607. ISSN 0989-1922 - Pour contacter le service diffusion�: 01 44 82 17 80. IMPRIMÉ EN FRANCE � PRINTED IN FRANCE Reproduction intégrale ou partielle interdite sans l’accord de l’éditeur. Art. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle. La Tribune est une publication La Tribune Holding. Présidente, directrice de la publication�: Valérie Decamp, Secrétaire Général : Gautier Normand Éditos Par Éric Chol Rédacteur en chef DR Feuille de paie et bulletin de vote «L es profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain », disait le chancelier Helmut Schmidt. Ça tombe bien : le chômage et l’emploi pointent en tête des préoccupations des Français, selon le baromètre TNS Sofres du mois d’avril. Si l’on suit les recommandations de l’ancien chef du gouvernement allemand, il est donc urgent, dans un pays où le chômage frôle les 10 %, de laisser les entreprises accumuler des profits. D’emblée, on repère les bons élèves. Les sociétés du CAC 40, par exemple, qui suivent à la lettre les conseils de l’ancien chancelier. Créent-elles des emplois pour autant ? Sans aucun doute, à São Paulo, à Shanghai ou à Bombay. Beaucoup moins, voire pas du tout dans la Creuse, la Lorraine ou le Jura. La formule d’Helmut Schmidt reste valable, mais, la mondialisation aidant, se joue des frontières. Et convient mal aux futurs candidats à l’élection présidentielle de 2012, obnubilés par les hoquets sociaux de l’Hexagone. La bataille de l’emploi ne se joue Le scrutin de 2012 plus dans les urnes, les électeurs l’ont bien Reste aux politiques à exploiter n’échappera pas à compris. une autre vieille lune, susceptible d’attirer la règle. davantage les électeurs : le pouvoir d’achat. Deuxième préoccupation des Français, le sujet fait figure de rengaine électorale. En 1995, Jacques Chirac promettait déjà de réduire la fracture sociale. En 2007, Nicolas Sarkozy inventait son fameux « travailler plus pour gagner plus ». Le scrutin de 2012 n’échappera pas à la règle : la feuille de paie orientera une fois encore les bulletins de vote. Avec, pour doper son montant, les promesses de primes ou de taxes sur les superprofits. On revient à la case départ. Pas plus que les créations d’emplois, les gains de pouvoir d’achat ne se décrètent. [email protected] Retrouvez chaque jour la chronique économique de François Lenglet sur www.la Tribune.fr Par Olivier Provost Directeur adjoint de la rédaction A Caen Oublier Fukushima L ’homme est un animal étrange et déroutant. Capable, en un mois, de passer de la crainte pour la survie de l’espèce face aux dangers du nucléaire à l’inertie coupable d’un « après moi, le déluge » mâtiné d’un « encore quelques minutes, monsieur le bourreau ». Qui suit encore, mis à part au Japon, l’actualité de la centrale de Fukushima dévastée à la suite du séisme et du tsunami du 11 mars ? Qui se soucie des efforts des sauveteurs pour tenter de continuer à refroidir le cœur des réacteurs menacés, il y a peu encore, d’entrer en fusion ? Les cris d’alarme des antinucléaires, les doutes croissants des pros, tout cela s’efface au fil des jours, à peine perturbé par l’infatigable combat des ayatollahs verts de Greenpeace qui ont tenté cette semaine de bloquer le chantier de l’EPR de Flamanville, le réacteur de nouvelle génération français, garanti « sécurité maximale » grâce à sa double enceinte de confinement. Drôle de combat mais pas plus étrange que le discours de Nicolas Sarkozy ce mardi à la centrale géante de Gravelines, réaffirmant urbi et orbi le maintien de la stratégie nationale du quasi-tout-nucléaire et la poursuite des investissements dans la filière. Les Français ne sont donc pas mûrs pour l’ouverture d’un vrai débat sur le sujet. Et ils peuvent aussi s’en prendre à eux-mêmes. Car qui dans la population a vraiment envie de réfléchir à une solution pour remplacer 75 % de la production d’électricité de l’Hexagone ? La levée de boucliers face au projet d’installation d’éoliennes en mer au large des plages du débarquement est sans doute la réponse la plus éclairante sur cette maladie française de refus de recherche de solutions innovantes pour l’avenir, tout en faisant le gros dos face aux choix, même contestables, du passé. [email protected]